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Une nouvelle méthode pour détecter la courbure de la lumière

Une nouvelle méthode pour mesurer l'effet de la gravitation sur la lumière dans l'Univers a été proposée par une équipe de cosmologistes de l'UNIGE, en collaboration avec des membres du téléscope HIRAX de l'Université de KwaZulu-Natal, grâce à un projet bilatéral entre la Suisse et l'Afrique du Sud. Cette méthode innovante combine les relevés d'intensité radio et la mesure de galaxies distantes. Un pas de plus pour tester les prédictions d'Einstein aux échelles cosmiques.

Une des prédictions historiques spectaculaires de la Relativité Générale d'Einstein est que la lumière est affectée par la gravité, bien qu'elle soit dépourvue de masse. Cette déflection lumineuse a été confirmée dès 1919 par les observations de l'éclipse solaire par Arthur Eddington. Elle est maintenant au coeur des observations cosmologiques, pour cartographier la distribution de masse dans l'Univers et tester des théories alternatives de la gravité.

Cette déflection peut en effet être utilisée comme un avantage : "Un objet massif va dévier la lumière dans son entourage, et va jouer le rôle d'une lentille  nous permettant d'avoir une vision plus profonde de l'arrière plan. C'est une sorte de télescope naturel qui augmente la puissance de nos observations" explique Fabien Lacasa, postdoctorant à l'Institut d'Astrophysique Spatiale d'Orsay France, et co-auteur avec l'équipe de l'UNIGE. "Additionnellement, cet effet de lentillage dilate les angles sous lesquels on voit l'arrière plan. Pour des relevés d'intensité radio, ces deux effets se compensent, et le lentillage n'induit pas de signal" poursuit Camille Bonvin, professeure au Département de physique Théorique de la Faculté des sciences de l’UNIGE. "En revanche pour la détection de galaxies c'est différent. Le lentillage nous permet de détecter des galaxies moins lumineuses, qui sont généralement beaucoup plus nombreuses. Dilution angulaire et augmentation du signal ne se compensent alors plus."

C'est sur cette différence de comportement qu'ont joué les cosmologistes pour pouvoir isoler le lentillage gravitationnel, en le démêlant des autres contributions au signal observé. "Les variations de densité dans l'Univers conduisent aussi à des variations de l'intensité lumineuse observée dans les relevés radios, et du nombre de galaxies détectés." selon Mona Jalivand, doctorante au Département de physique Théorique et premier auteur de l'article publié dans Physical Review Letters. "Avec les relevés de galaxies seuls, il est difficile de démêler ces deux contributions, densité et lentillage. En utilisant les relevés radio comme deuxième source d'information, nous avons construit un outil de mesure qui permet de supprimer très efficacement la contribution de densité, pour pouvoir révéler la contribution du lentillage. Nous avons montré que notre méthodologie permettra de mesurer le lentillage dans un futur proche, là où auraient échoué les méthodes traditionnelles utilisant seulement les galaxies."

Quelles sont les perspectives de ce travail ? "Nous travaillons maintenant à prédire à quel point cette méthodologie va nous permettre de tester la Relativité Générale et des théories alternatives de la gravité. Il faut nous préparer dès maintenant pour pouvoir appliquer cette méthode aux futur relevés dans lequel notre groupe est impliqué: le télescope radio HIRAX en Afrique du Sud et le satellite européen Euclid." conclut Martin Kunz professeur au Département de physique Théorique.

5 février 2020
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