Lauriane Savoy, transmettre sans cliver

Lauriane Savoy / © Alain Grosclaude
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Lauriane Savoy
© Alain Grosclaude

Lauriane Savoy, transmettre sans cliver

Choix
L’universitaire genevoise publie son premier livre sur les origines du pastorat féminin. Et souhaite se diriger vers l’enseignement.

Elle a choisi la pédagogie. Lauriane Savoy aimerait désormais enseigner l’histoire et le français dans le secondaire. La théologie aurait pourtant besoin de ses talents: «C’est une vraie chercheuse. Elle a un passé d’historienne: pour son travail sur les origines du pastorat féminin, elle est donc allée voir les archives, a réalisé des entretiens… Elle laisse parler ses sources, s’assure qu’une phrase ne soit pas détournée de son intention initiale. Et elle a su construire son bagage théologique. Cette interdisciplinarité, ce lien avec l’histoire, qui apporte un regard sans idéologie sur nos sociétés, est nécessaire aujourd’hui dans la recherche. Cela permet de comprendre la manière dont nos Eglises changent», témoigne Elisabeth Parmentier, doyenne de la Faculté de théologie de Genève, en parlant de son ancienne doctorante.

Las, la chercheuse aimerait plutôt enseigner. «Je suis passionnée d’histoire, de littérature, de langues…» On sent que Lauriane Savoy s’enthousiasme quand elle évoque l’enseignement. «J’aime le monde des adolescents, la transmission. Je trouve qu’il y a plus de sens à me lancer dans cette voie-là. Je crois qu’on peut avoir un impact plus important sur la société avec des individus qui, à ce stade de leur existence, ont tout à découvrir et pour qui toutes les portes sont encore ouvertes. Mais qui sont aussi capables de tout remettre en question», admet l’universitaire.

 

J’aime le monde des adolescents, la transmission. Je trouve qu’il y a plus de sens à me lancer dans cette voie-là.
Lauriane Savoy

Cette scientifique, déjà diplômée dans l’enseignement du français comme langue étrangère, se pose beaucoup de questions sur la manière de transmettre, «en particulier auprès de jeunes qui ont baissé les bras». Avant ce choix, «j’ai pas mal hésité», reconnaît la chargée de cours en théologie pratique à l’Unige, qui achève une recherche menée auprès de jeunes ministres de l’Eglise évangélique réformée du canton de Vaud.

Mais, à 38 ans, Lauriane Savoy sait que mener une carrière académique reste ardu. Cela implique «de la mobilité» qu’elle ne veut pas imposer à sa famille. Son mari, Yazan, cadre dans les assurances sociales, est d’origine syrienne. Elle l’a rencontré en 2005, lors d’un séjour dans ce pays pour lequel elle a eu un «coup de foudre», comme pour la langue arabe, dont elle manie la version «du quotidien». Ses deux enfants sont préadolescents. Et une grande partie de sa belle-famille s’est installée à Genève, depuis le conflit né en 2011. «Bien sûr, partir a été un déchirement. Tous ne sont pas au même stade d’intégration, et les difficultés sont réelles. Mais pour eux il est clair que le lieu où l’on vit est celui où se trouve sa famille.»

Autre limite à une carrière universitaire? La précarité, «souvent accrue pour les femmes». Durant ses études, Lauriane Savoy a été une militante associative impliquée pour défendre les droits «des assistants et autres professions du corps intermédiaire», se souvient d’ailleurs son amie la pasteure Sandrine Landeau. «Elle démontrait un solide sens du collectif, participait à différentes commissions et institutions. Elle défendait l’égalité, prête à donner de sa personne.»

Les deux amies ont partagé par le passé des engagements communs au sein de l’Eglise protestante de Genève, où Lauriane, issue d’une famille chrétienne, était investie pour l’égalité, même si elle a fait le choix, pour sa vie de famille, de limiter ses engagements. «Quand elle dit oui à une responsabilité, elle l’assume vraiment, consciente qu’elle implique du temps et de la charge mentale», assure Sandrine Landeau. Qui reste aussi marquée par le savoir-faire rhétorique de son amie: «Dans ses prises de parole publiques, elle n’est pas lisse, n’efface pas les dissensions, mais pose calmement ses arguments et ses revendications, ce qui lui permet d’être entendue.»

Une méthode qui a payé: mise en place d’un groupe de réflexion théologique sur le genre dans le cadre de la Compagnie des pasteurs et des diacres, adresse des courriers aux membres de l’EPG au nom de chaque membre du couple (et pas juste à l’homme), par exemple. Mais son expérience a aussi fait comprendre à Lauriane Savoy que «l’Eglise est un ensemble de personnes avec des opinions politiques diverses et qu’il est délicat de faire communauté». Même si elle estime que sur certains sujets – «les migrations, les droits humains» – l’institution doit se positionner clairement. Des thématiques pour lesquelles, là aussi, tout est question de pédagogie.

Bio express

2005 Rencontre de Yazan en Syrie, mariage en 2008. Le couple a deux enfants aujourd’hui.

2005-2009 Sept séjours en Syrie pour apprendre l’arabe.

2016 Diplôme en lettres, histoire et français.

2018 Codirection d’Une bible des femmes (Labor et Fides)

2022 Prix Claparède de la Faculté de théologie de Genève pour sa thèse «L’ouverture du ministère pastoral à la mixité femmes-hommes dans les Eglises protestantes de Genève et Vaud» (voir notre édition de septembre 2022).

Pionnières

Pionnières - Comment les femme sont devenues pasteures

Issu de son doctorat, l’ouvrage paraîtra le 8 mars, Journée internationale pour les droits des femmes. Sur sa couverture, une figure qui interpelle au milieu d’un groupe d’hommes: Lydia von Auw (1897-1994), «première femme pasteure vaudoise, brillante, qui a conjugué à son ministère un travail d’historienne jusqu’à devenir une sommité mondiale dans son domaine ».

Si la thèse décrypte les processus qui ont ouvert le pastorat aux femmes, le livre qui en est issu est centré sur ces figures de femmes exceptionnelles, dont certaines sont encore en vie.

Pionnières – Comment les femmes sont devenues pasteures, Lauriane Savoy, Labor et Fides, mars 2023.

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