UNIVERSITÉ DE GENÈVE

FACULTÉ DE PSYCOLOGIE ET DES SCIENCES DE L'ÉDUCATION,

Section de Psychologie

UNIVERSITÉ DE PARIS VI

Spécialité Sciences Cognitives

Attention spatiale auditive et visuelle chez des patients
héminégligents et des sujets normaux:

Etude clinique, comportementale et électrophysiologique

Thèse
présentée à la Faculté de Psycologie et des Sciences de l'Éducation pour obtenir le grade de Docteur

par

Sonia CROTTAZ-HERBETTE

(de Saint-Barthélémy / Suisse)

sous la direction du
Pr Pierre Bovet,

et de
Bernard Renault,

Thèse n° FPE 293

Genève, 2001

Jury :
Pr Jean-François Camus, Université de Reims
Pr Anik De Ribaupierre, Université de Genève
Pr Theodor Landis, Clinique de Neurologie, Hôpital de Genève
Pr Michel Perrigot, Université de Paris VI, Hôpital de la Salpêtrière
Richard Ragot, Chargé de recherche, CNRS


      L'attention est une fonction cognitive à la base d'un grand nombre de nos comportements, elle permet le bon déroulement d'autres fonctions comme la mémoire ou le raisonnement. L'objectif principal de ces études est de déterminer si les caractéristiques des processus attentionnels automatiques et contrôlés, dans les modalités auditive et visuelle, sont similaires ou différentes. Ces travaux visent également à spécifier l'implication de la région cérébrale pariétale droite dans ces processus, en étudiant le type d'attention déficitaire chez des patients héminégligents, affectés de lésions temporo-pariétales droites. Nous avons utilisé des tâches de détection de cibles auditives ou visuelles, latéralisées à gauche ou à droite, impliquant une orientation automatique ou contrôlée de l'attention spatiale. Lors de ces tâches, nous avons recueilli des indices comportementaux et électrophysiologiques (potentiels évoqués). Ces indices permettent d'étudier, notamment, les caractéristiques anatomiques et fonctionnelles des processus attentionnels automatiques ou contrôlés.

      Chez un groupe de 12 sujets sains, nos travaux mettent en évidence, dans la modalité visuelle, la présence d'un potentiel évoqué reflétant un processus attentionnel automatique. Ce potentiel évoqué n'était jusqu'à présent connu que dans la modalité auditive. Cette étude suggère que l'attention automatique implique d'une part des zones propres à chaque modalité et, d'autre part, une région frontale droite similaire en vision et en audition.

      Chez 10 patients héminégligents, les indices comportementaux montrent des difficultés de détection de cibles visuelles ou auditives lorsqu'elles se situent à gauche. Les analyses des potentiels évoqués reflétant des processus automatiques révèlent des déficits principalement lorsque les stimuli sont présentés à gauche dans la modalité visuelle. En revanche, les potentiels évoqués témoignant des processus attentionnels contrôlés sont globalement déficitaires, quels que soient le côté et la modalité de présentation des stimuli.

      En ce qui concerne les processus attentionnels automatiques, ces études montrent des résultats différents selon le côté et la modalité de présentation des stimuli. Ils suggèrent que, pour la modalité auditive, les aires cérébrales sous-jacentes à ces processus se situent dans la zone frontale droite et la région temporale des deux hémisphères. En vision, ces aires se situeraient également dans la région frontale droite mais aussi dans la zone pariétale controlatérale au champ visuel stimulé. Pour les processus attentionnels contrôlés, les déficits bilatéraux observés dans les deux modalités montrent que les zones pariétales droites seraient sous-jacentes à ces processus, en vision et en audition, pour les côtés gauche et droit. Bien que les processus automatiques ne soient pas totalement indemnes, le processus attentionnel déficitaire dans l'héminégligence serait principalement de type contrôlé.

      L'étude de sujets sains et de patients présentant des lésions unilatérales met donc en évidence une organisation cérébrale différente, d'une part entre les processus attentionnels automatiques et contrôlés, et d'autre part entre les modalités auditive et visuelle. Ces travaux confirment l'implication primordiale de la région pariétale droite dans les processus attentionnels et spécifient que cette asymétrie hémisphérique serait plus importante pour les processus attentionnels contrôlés que pour les processus attentionnels automatiques.


      Ce travail de thèse est le fruit d'une collaboration entre le laboratoire des Neurosciences Cognitives et Imagerie Cérébrale à Paris, et celui de Psychologie Cognitive à Genève. Tout d'abord, je remercie sincèrement les directeurs de ces laboratoires, Bernard Renault et Pierre Bovet, de m'avoir intégrée dans leurs équipes. Je les remercie également d'avoir accepté de diriger cette thèse malgré leurs nombreuses occupations. Mes remerciements vont aussi à Richard Ragot, qui m'a dirigée depuis mon arrivée au LENA il y a plus de quatre ans, merci pour son soutien et son aide scientifique quotidienne. Je remercie Mme De Ribaupierre et M. Camus d'avoir accepté la charge de rapporteurs de ce manuscript. Messieurs Landis et Perrigot ont également accepté d'être membres de ce jury et je les en remercie.

      Toutes les études portant sur les patients n'auraient pas pu être effectuées sans la collaboration avec le Service de Rééducation Neurologique de l'Hôpital de la Salpêtrière. Je tiens tout particulièrement à remercier le Dr Pascale Pradat-Diehl ainsi que les ergothérapeutes qui m'ont aidée dans le travail avec les patients. Un grand merci à Florence Bouchet, Jean-Claude Bourzeix et Maïté Martin pour leurs indispensables aides techniques et amicales. Mes remerciements vont également à mes parents, à toute ma famille et belle-famille qui m'ont soutenue et encouragée tout au long de cette thèse. Je dédie cette thèse à Mathieu que je remercie profondément pour son attention, sa patience et les encouragements qu'il m'a offerts et qu'il m'offre encore chaque jour.

      Finalement, je remercie toutes les personnes qui ont participé à ces études et surtout les patients qui ont accepté ces longs enregistrements malgré leurs difficultés et leur souffrance. Le côtoiement de ces patients affectés de lésions cérébrales entraînant de nombreux handicaps dans la vie quotidienne m'a énormément apporté sur le plan théorique mais également sur le plan humain. Malgré mon impuissance à les aider concrètement, j'espère leur avoir apporté toute l'attention qu'ils méritent.

'L'homme devrait savoir que la joie, le plaisir, le rire et le divertissement, le chagrin, la peine, le découragement et les larmes ne peuvent venir que du cerveau. Ainsi, de façon singulière, nous acquérons sagesse et connaissance, nous pouvons voir et entendre, apprécier ce qui est intelligent ou sot, ce que sont le bien et le mal, ce qui est doux et ce qui est sans saveur... C'est à cause du même organe que l'on peut devenir fou et dément et que la peur et l'angoisse nous assaillent... Tout ce qui se passe quand le cerveau est malade... Je considère que le cerveau exerce le plus grand pouvoir sur l'homme.'
Hippocrate. La maladie sacrée (IVe siècle av. J.-C.)


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