Source et copyright à la fin du texte

 

in Weiss, J. (dir.) L’évaluation : problème de communication, Cousset, DelVal-IRDP, 1991, pp. 9-33. Repris dans Perrenoud, Ph. : L’évaluation des élèves. De la fabrication de l’excellence à la régulation des apprentissages, Bruxelles, De Boeck, 1998, chapitre 8.

 

 

 

Ambiguïtés et paradoxes
de la communication en classe

Toute interaction ne contribue pas
à la régulation des apprentissages !

Philippe Perrenoud

Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation
Université de Genève
1991

Sommaire

I. Communication : concept ou slogan ?

II. La Glasnost, un vieux rêve de pédagogue

III. Communiquer pour vivre ensemble

IV. Compétition et recherche de distinction

V. Violence symbolique et régulation interactive

VI. Le prix du silence

VII. Limites d’une approche en termes de régulation

Références


Qui ne voudrait d’une communication efficace entre maîtres et élèves ? Efficace parce qu’elle les aiderait à vivre en bonne intelligence, parce qu’elle créerait les conditions d’un travail intellectuel serein et d’un fonctionnement didactique heureux. Efficace surtout parce qu’elle véhiculerait au bon moment les questions et les réponses, les demandes et les feed-back, les stimulations et les renforcements, les hypothèses et les arguments qui alimentent le fonctionnement cognitif des uns et des autres et permettent des régulations continues et pertinentes des processus d’apprentissage.

Cet espoir, aussi fondé soit-il, ne risque-t-il pas de nourrir une nouvelle fois des recommandations idéalistes ? Les enseignants n’ont pas attendu les spécialistes de l’évaluation pour qu’on leur vante le pédagogue idéal, auquel rien n’échappe, qui sollicite sans bloquer la spontanéité, qui accueille les initiatives, qui intervient à bon escient et au bon niveau, qui organise l’ensemble des activités tout en restant disponible pour chacun, qui renvoie une image constructive mais réaliste des progrès et des difficultés, qui…

Bien sûr, il serait heureux que la communication en classe soit tout entière mise au service des apprentissages et de leur régulation, et qu’elle soit maîtrisée par les enseignants, mais aussi, progressivement, par les élèves. Apprendre à communiquer, n’est-ce pas apprendre à apprendre ? Mais voilà, dans la réalité des classes, la communication a toutes sortes d’autres usages, d’autres fonctions. Qu’on aille à l’école pour apprendre ne veut pas dire que toutes les interactions quotidiennes s’ordonnent à cette finalité. La communication en classe a d’autres fonctions, d’autres logiques, qu’on ne peut ignorer même et surtout si on veut optimiser les apprentissages.

En esquissant l’analyse des ambiguïtés et des paradoxes de la communication en classe, je ne voudrais pas affirmer que tout est noir là où d’autres verraient la vie en rose. Dire ambiguïté, c’est dire que la communication pédagogique peut aussi bien empêcher que favoriser les apprentissages, selon l’usage qu’on en fait. Dire paradoxe, c’est dire que les meilleures intentions ont parfois des effets pervers.


I. Communication : concept ou slogan ?

De nos jours, la communication est une valeur à la mode : " Il faut communiquer ! ", répète-t-on aux chefs d’entreprise et aux politiciens, aux infirmières et aux médecins, aux fonctionnaires et aux enseignants. Les publicitaires sont les gourous de l’époque. Souvent, on reproche au gouvernement, à l’administration, à l’hôpital, à l’entreprise de ne pas savoir expliquer ce qu’ils font plus que de le mal faire.

Sans doute ce mouvement participe-t-il d’un souci louable d’ouverture, de dialogue, de transparence. À l’école, ces thèmes sont mis en valeur, on préconise la coopération avec les familles, le travail en équipe, la participation à la vie des établissements, le décloisonnement, l’expression sereine des conflits et des divergences…

Je ne voudrais pas ici entrer en guerre contre une idéologie de la communication à laquelle les sciences humaines ne sont d’ailleurs pas étrangères. Tant les analystes de la famille que les politologues, les psychiatres, les sociologues du travail montrent que le fonctionnement des institutions et des groupes, l’émergence et la résolution des crises et des conflits dépendent en bonne partie des réseaux et des modes de communication en vigueur. Il s’ensuit logiquement qu’on peut souvent tenter d’améliorer les choses en améliorant la communication. Que certains " spécialistes " y trouvent leur intérêt, que la communication soit devenue une profession et un créneau sur le marché de la formation, de l’intervention, du conseil, de la recherche appliquée, ne suffit pas à invalider les fondements théoriques de la démarche. Mais la mode ne devrait pas nous faire oublier que, comme la langue d’Ésope, la communication n’est en soi ni bonne ni mauvaise. Tout dépend des pouvoirs, des stratégies et des finalités qu’elle sert.

N’est-ce pas évident : la communication, modalité essentielle de l’action et de l’interaction des êtres humains, participe inévitablement des mêmes ambiguïtés et des mêmes paradoxes. Pourquoi en irait-il autrement à l’école ? Pourquoi la communication y serait-elle entièrement du côté de la libération, de l’autonomie, du progrès ? Pourquoi n’y serait-elle pas aussi, comme ailleurs, un instrument d’aliénation, d’exclusion, de domination, de désinformation, de sélection ?

Au-delà de ces banalités, il reste à explorer de façon un peu plus précise les caractères spécifiques de la communication en classe et dans les établissements scolaires. Entre le maître et l’élève s’instaure un contrat ou un rapport social singulier, autour de tâches particulières. Autour du savoir, de sa transmission et de sa manifestation se nouent des enjeux propres à l’école.

On pourrait évidemment envisager la communication en classe comme un phénomène général, relativement indépendant de l’évaluation. Sans doute n’y a-t-il aucune évaluation sans communication, ni probablement aucune communication sans une part d’évaluation, au sens le plus banal du terme. Malgré ces liens, il serait possible, et certains psychologues sociaux, sociologues et anthropologues le font, d’étudier les processus de communication et d’interaction en classe sans accorder à l’évaluation une importance particulière ni se préoccuper de pédagogie. Ainsi Régine Sirota, dans " L’école primaire au quotidien " (1988), étudie-t-elle les stratégies de communication des élèves dans une perspective sociologique, pour contribuer à l’explication des inégalités sociales devant l’école, sans analyser ce qui se passe d’un point de vue normatif.

Dans le contexte d’un colloque sur l’évaluation, j’adopterai une perspective moins large, en focalisant l’analyse sur certains processus de communication, ceux qui me semblent susceptibles d’interférer avec la régulation formative des apprentissages ou au contraire de la favoriser.

Pour qu’une régulation interactive s’opère régulièrement, il faut que cette préoccupation prenne le dessus dans la communication en classe. Rien de plus simple, pensera-t-on peut-être. Il s’agit d’enseigner plus efficacement, de favoriser les apprentissages. N’est-ce pas la priorité à l’école ? N’y va-t-on pas pour travailler et pour apprendre ?

Ce serait faire bon marché des autres " logiques " à l’œuvre en classe. Dans un groupe humain, les enjeux sont multiples, la communication a donc des fonctions diverses, parfois contradictoires, soit parce qu’elle suppose des attitudes et des climats antagonistes, soit simplement parce que le temps est compté : lorsqu’on parle pour parler, pour se distinguer, pour maintenir l’ordre ou la relation, on ne parle pas pour favoriser les apprentissages.

Mon propos n’est pas ici de recenser tous les enjeux, toutes les fonctions de la communication dans une salle de classe. Je m’en tiendrai à quelques aspects qui ont une incidence directe, éventuelle ou certaine, sur la régulation interactive des apprentissages.


II. La Glasnost, un vieux rêve de pédagogue

Entrant pour la première fois dans une salle de classe, un anthropologue ignorant tout de la tradition scolaire serait frappé d’abord par le fait que, durant les heures d’école, on ne reconnaît pratiquement aucune sphère privée aux personnes. Cela le surprendrait d’autant plus que, dans une société développée, empreinte d’individualisme, chacun, aspire à disposer d’un territoire protégé, dans lequel il est " chez soi ", abrité du regard d’autrui, libre de ses gestes et de ses humeurs.

Physiquement, la classe est un espace exigu dans lequel on concentre pendant de longues heures, avec des pauses assez distantes et fort courtes, vingt à trente personnes. De ce point de vue, le maître n’est guère mieux loti que ses élèves. Certes, il dispose d’un bureau un peu plus grand, de quelques placards, parfois d’un petit local attenant. Mais il ne peut, pas plus que ses élèves, s’isoler physiquement dans une autre pièce ou même s’abstraire de l’interaction. Son espace propre n’est protégé de l’intrusion des autres que par des limites symboliques, celles du bureau ou de la zone qu’il occupe généralement. La situation des élèves est plus précaire encore. Ils ont une chaise, un pupitre d’un mètre de large ou une partie d’une table plus grande. Selon les activités, on les déplace, on les invite à s’installer par terre, sur des bancs, à une grande table. Dans l’enseignement secondaire, nombre de classes n’ont pas de local propre et se déplacent au gré des cours. Souvent, par crainte des vols et des déprédations, on ne peut rien laisser, ni sur les tables, ni dans les tiroirs, ni contre les murs.

Dans les espaces de rangement dévolus à chaque élève (intérieur d’un pupitre minuscule, petite armoire personnelle), l’essentiel de la place est pris par les livres, les cahiers, les affaires de gymnastique et autres instruments requis par l’exercice du métier d’élève. De plus, les pupitres ne sont généralement pas fermés et sont accessibles à chacun en l’absence du " propriétaire ". Le maître a le droit et certains diront même le devoir d’inspecter régulièrement l’intérieur des pupitres et des armoires, ne serait-ce que pour s’assurer que les élèves maintiennent un certain ordre ou n’entreposent pas des objets illicites (magazines pornographiques, armes ou produits dangereux, animaux, nourriture).

Dans une classe, l’élève ne dispose d’aucun territoire protégé pour ses choses, ni pour son corps. Il est lui difficile de bâiller, de se gratter le nez, de se balancer, de manger, de bavarder, d’aller aux toilettes sans être vu, et souvent rappelé à l’ordre. La promiscuité est telle que les bruits et les odeurs les plus intimes n’échappent pas au voisinage.

Évidemment, le maître ne sait pas tout et ne tient pas à tout savoir. Mais il peut savoir. Il est vrai que la réalité est parfois fugitive ou incertaine : un élève a-t-il triché ? a-t-on adressé des menaces à un enfant un peu marginal ? ou injurié tel autre en traitant ses parents de noms d’oiseaux ? Pour le savoir, il ne sert à rien d’examiner les pupitres. Mais il suffit d’interroger les camarades. Lorsqu’on vit dans un groupe confiné dans un espace aussi exigu, il est rare qu’une parole ou un geste ne soit pas observé par quelqu’un qui, par naïveté ou intérêt, peut " vendre la mèche ". Il existe une solidarité partielle entre les élèves, qui contribue à " noyer le poisson ", à masquer certaines déviances ou incompétences. Il reste qu’en classe, la visibilité des enfants et des adolescents est beaucoup plus forte que dans la plupart des autres milieux de vie, y compris dans la famille, où chacun (dans les sociétés et les classes sociales favorisées plus qu’ailleurs) a sa chambre ou son coin, ses choses, ses stratégies de dissimulation.

Les quelques expériences faites dans le cadre de la protection civile (simulation de catastrophes ou de conflits) ou les récits de gens qui l’ont réellement vécu montrent que des adultes condamnés à vivre ensemble des heures et des jours dans un espace exigu le ressentent comme un stress important, pour toutes sortes de raisons, mais notamment parce qu’ils se sentent mis à nu. Dans un espace clos, les tics, les peurs, les obsessions des uns et des autres n’échappent pas longtemps à leurs voisins. On repère assez vite l’égoïsme, le goût du pouvoir, la jalousie. Toutes sortes de traits de caractères pas très glorieux, de fantasmes pas très avouables, se trahissent dans les petits gestes quotidiens. À l’école, on ne passe pas toute sa journée ensemble et les conditions ne sont pas dramatiques. En dehors des classes de neige ou des camps verts, on ne dort pas dans la même chambre, on ne mange pas ensemble, on ne fait pas sa toilette collectivement. Cependant, la promiscuité est suffisante pour que l’on se sente livré sans défense aux regards d’autrui, privé de certains moyens symboliques de construire une façade, de sauver les apparences.

Tout cela ne resterait pas sans conséquences même si les élèves s’adonnaient à un travail purement matériel, sans fortes implications intellectuelles ou affectives. Mais dans une classe, la visibilité va bien au-delà des comportements : elle porte sur des attitudes, des façons de dire, de répondre, de questionner, de se troubler ou de se fâcher, de partager ou de s’isoler. Ce qui se passe dans le coeur et dans la tête des individus n’est certes pas observable. Mais maîtres et élèves sont, dès le plus jeune âge, entraînés à décoder toutes sortes de signes et à faire des inférences. Un élève qui bafouille, qui se trompe, qui intervient de façon intempestive, qui se plaint ou tente de séduire le maître expose beaucoup plus qu’une conduite. Derrière la conduite, chacun voit ou croit voir un caractère, une culture, une stratégie.

À tout cela s’ajoute le pouvoir inquisitorial du maître : rien de ce qui se passe dans sa classe n’est censé lui être étranger. Il peut sommer un élève de lui apporter un billet qui glisse de main en main, exiger qu’on lui répète une conversation particulière, demander qui est l’auteur d’une plaisanterie lancée mezza voce ou quelle est la signification d’un graffiti, ouvrir les cahiers, les classeurs, les pupitres voire même, en cas de soupçons, fouiller le cartable ou les vêtements d’un élève accusé de tricherie ou de larcin.

La prison idéale, du point de vue du gardien, est celle qui donne au détenu l’impression d’être surveillé en permanence, parce qu’il ignore si on l’observe ou non. Surveiller à l’insu d’autrui, voir sans être vu : ces fantasmes se sont matérialisés dans l’architecture des prisons, dans leur aménagement intérieur et la conception des dispositifs de surveillance. Je renvoie ici à l’analyse du " Panopticon " de Bentham par Michel Foucault (1975). À l’école, l’asymétrie est moins forte, car le maître est exposé aux regards de l’élève davantage que le surveillant dans une prison. Mais l’école, comme d’autres institutions de prise en charge, donne le droit et le devoir au maître (mais ailleurs aux parents, au surveillant, au médecin, à l’éducateur) de prendre constamment l’information qu’il juge bon sur les personnes dont il a la charge. Ce droit est naturellement justifié par le souci de protéger, de soigner, d’instruire, de faire le bien des personnes prises en charge, fût-ce malgré elles. Aujourd’hui, on tend à limiter ces pouvoirs, à expliciter les droits du malade, du " fou ", du détenu, de l’enfant. Mais en pratique…

Le maître d’école contemporain n’est plus un directeur de conscience, mais il garde des pouvoirs inquisitoriaux, qui portent sur les conduites en classe et dans l’enceinte scolaire, et s’étendent parfois aux attitudes, aux valeurs, aux croyances les plus personnelles des élèves. Et surtout, le maître a le droit et le pouvoir de prendre de l’information sur les processus intellectuels de l’élève, sur ses connaissances et ses lacunes, ses raisonnements et leurs failles, ses modes d’apprentissage et de travail, ses stratégies de résolution de problèmes et d’organisation devant une tâche, etc. Ce droit de regard du maître sur les processus de pensée et les représentations de l’élève renforce ô combien l’effet de la coexistence dans un espace exigu. L’élève est doublement mis à nu, d’une part parce qu’il vit sous le regard du maître 20 à 30 heures par semaine, d’autre part parce que le maître a le droit et le devoir d’essayer de comprendre son caractère, ses raisonnements, sa représentation du monde, ses attitudes par rapport à toutes sortes d’enjeux éducatifs ou liés à la coexistence dans la classe.

Dans cet état de dépendance et de surveillance, la communication prend un sens particulier. À certains égards, elle devient inutile ou dérisoire, puisque le maître sait ce qui se passe sous ses yeux. Concédons qu’en fait le maître ne voit pas ou ne comprend pas une partie de ce qui " crève les yeux ", ou qu’il n’a pas envie de tout savoir. Il suffit qu’on lui prête une forme d’ubiquité et d’omniscience. Fantasme de jeunes élèves, qui s’atténue avec l’expérience. Mais fantasme bien réel dans ses effets : le sentiment de vivre sous surveillance, l’impression qu’il est inutile d’essayer de tromper le maître alors qu’il ne manque pas de moyens de vérifier de visu que l’élève a effectivement compris, fait son travail, respecté la règle, etc. Le maître est soucieux de l’ordre, du silence, de la discipline, de la mise au travail, de la concentration, de l’utilisation adéquate d’instruments de référence, de calcul ou de dessin, de l’avancement de la tâche prescrite. Sur beaucoup de ces aspects, la réalité se donne à voir à qui veut bien l’observer. L’élève qui nie l’évidence et s’enferre dans une argumentation sans issue donne simplement l’impression de manquer de maturité, d’être fabulateur ou malhonnête, d’avoir un rapport brouillé, voire pathologique à la réalité…

La visibilité des conduites et des pensées, même si elle est de fait moins grande que beaucoup d’élèves ne l’imaginent, constitue un blocage partiel à la communication, parce qu’elle la dépossède d’une de ses fonctions essentielles pour tout acteur social : faire illusion, exercer à travers ses propos et ses silences une certaine maîtrise sur l’image que se font de lui les autres acteurs. La promiscuité et l’absence de sphère privée réduisent considérablement la marge de manœuvre des élèves (et jusqu’à un certain point du maître) par rapport à d’autres situations de communication. Alors que dans nombre de rapports sociaux, la communication permet de masquer ou d’enjoliver la réalité, en classe, l’élève est bien démuni de telles ruses. Il peut bien dire qu’il a fait ses devoirs, commencé son texte, classé son épreuve de mathématique ou commencé sa conférence d’histoire : le maître qui en doute n’aura qu’à lui demander de montrer son cahier ou son classeur ou, moins civilement encore, à s’en saisir manu militari pour vérifier par lui-même. Hors de l’école, la communication est une " arme ", qui permet à l’individu de maîtriser l’image qu’il donne de soi, de mettre en évidence ce qui l’avantage, de masquer ce qui lui nuit. En classe, la visibilité est telle que la communication n’est souvent qu’un subterfuge maladroit pour nier l’évidence ou excuser l’erreur ou le manquement à la règle.

En quoi cela concerne-t-il la régulation formative des apprentissages ? Comment ne pas voir que, fût-ce pour de très estimables raisons, cette démarche propose d’étendre le champ de l’observation. Selon la théorie qu’il se donne des difficultés scolaires et de leurs causes, le maître pratiquant une évaluation formative peut être conduit à s’intéresser aux moindres aspects de la personnalité, du fonctionnement mental et de la vie quotidienne de certains de ses élèves. Si l’on s’attache au statut de l’erreur, à l’hésitation, au rapport au savoir, au conflit cognitif, au sens de la situation et de la tâche pour l’élève, à son degré d’implication, à sa représentation des objectifs, à son image de soi, à sa forme de pensée, on va bien au-delà ce qui donne prise, traditionnellement, au jugement du maître.

L’ingénieur ou l’informaticien ont besoin de savoir tout ce qui se passe dans le système qu’ils analysent, pour mieux en contrôler le fonctionnement ou la construction. Le médecin ou l’enseignant ont en partie la même ambition. La différence, c’est que le " système " est alors une personne, soucieuse de garder le contrôle de son image et de protéger sa sphère privée. Le " système " va donc se défendre lorsqu’il ressent l’observation comme une agression.

Souvent, les malades sont ambivalents : il savent que tout dire, tout montrer est dans leur intérêt, médicalement parlant. Mais, psychologiquement ou sociologiquement, la transparence peut les désavantager, ils le sentent bien : dire ce qu’on boit ou combien de cigarettes on fume vraiment, avouer qu’on ne cesse de grignoter en regardant la télévision, c’est se condamner à entendre : " Dans votre état, pour votre coeur, vos poumons, votre santé, votre avenir, il vaudrait mieux… ". Et c’est aussi devoir faire face à la réalité : la pensée magique (" Tout va s’arranger ! ") fonctionne mieux dans le flou…

Il n’en va pas autrement à l’école : reconnaître ou laisser voir des lacunes, des incompréhensions, des blocages, c’est peut-être une bonne stratégie à long terme. Mais à court terme, et peut-être à courte vue, c’est affronter une réalité peu gratifiante ; c’est aussi se mettre en position de faiblesse, se priver des avantages consentis aux bons élèves, être mis sous surveillance ou au travail, aller en cours d’appui ou simplement apparaître pour ce qu’on est au yeux des autres enfants : un élève " qui a de la peine ", qui ne sait pas consulter le dictionnaire, distinguer la gauche de la droite ou retenir une information simple plus de cinq minutes.

L’épreuve sommative et l’examen donnent à l’élève une chance - réelle ou imaginaire - de faire illusion : bachotage de dernière minute, tricherie, aide mendiée, séduction désarmante, absences calculées (Perrenoud, 1984) permettent à l’élève d’influencer le jugement du maître. De la même manière, l’enseignant peut faire illusion le temps d’une inspection. L’évaluation formative continue et intensive n’offre aucune protection. Sur la distance, la seule chance de certains élèves, c’est la paresse, l’indifférence, l’indulgence du maître.

L’évaluation formative, comme observation systématique, voire obsessionnelle de tout ce qui éclaire les processus d’apprentissages, et favorise leur régulation, est une forme d’incarnation de Big Brother. Que cet enfer soit pavé de bonnes intentions n’empêchera pas les élèves de la vivre comme une menace. L’évaluation formative la plus intelligente est aussi la surveillance la plus sophistiquée. Si le maître est formé pour mieux observer, il en voit davantage, repoussant encore les limites de la sphère privée. Même avec les meilleures intentions du monde…

La Glasnost est un vieil idéal de l’école. Jean Repusseau (1978) soulignait que, pour beaucoup de maîtres, l’élève idéal est celui qui n’a rien à cacher, qu’on peut déchiffrer " à livre ouvert ". Aujourd’hui, l’attitude est moins moraliste. On s’intéresse moins à l’âme qu’aux processus cognitifs. Les élèves savent-ils constamment faire la différence ?

L’évaluation formative et la didactique substituent une transparence technique à une transparence éthique. Cela ne change pas nécessairement le rapport de forces et la façon dont l’élève vit ce qu’on lui fait, notamment à l’école obligatoire !


III. Communiquer pour vivre ensemble

Sans doute est-ce l’impératif premier lorsqu’on est condamné, vingt-cinq à trente heures par semaine, quarante semaines par an, à coexister. Dans l’espace exigu de la salle de classe, une partie des conversations n’ont d’autre raison que de manifester l’appartenance au groupe, de permettre à chacun d’y trouver sa place, d’être reconnu comme membre à part entière. Même le maître, qui a un statut privilégié, a besoin d’être accepté, voir aimé, par ses élèves, traité comme une personne dont on apprécie la présence et l’opinion. La classe est le principal cadre de vie collectif des enfants et des adolescents, six à sept heures par jour pendant des années. C’est donc là qu’ils plaisantent, se racontent des histoires, jouent mille jeux relationnels de leur âge, font et défont des cliques, créent et dépassent des conflits.

Certains maîtres comprennent mal ce besoin de parler, parfois " pour ne rien dire ". Ils coupent court aux bavardages, sanctionnent les récidivistes, renvoient les conversations particulières à d’autres temps et à d’autres lieux : la récréation, le chemin de l’école, les jours de congé. D’autres enseignants, moins intransigeants, laissent des moments de détente plus nombreux ou tolèrent pendant le temps de travail quelques conversations particulières. Même alors, le besoin de parler est toujours plus fort que les occasions légitimes. C’est pourquoi, sauf lorsque la répression est féroce, la communication privée s’infiltre dans tous les interstices du temps de travail scolaire. Tous les moments de flottement sont mis à profit : entre deux activités, pendant que le maître est occupé ailleurs, à la faveur d’un travail en groupe, les élèves continuent à se raconter ce qui leur tient à coeur, à gérer leurs conflits, à pratiquer toutes sortes d’échanges matériels et symboliques.

Régine Sirota (1988) a proposé de distinguer un réseau officiel et un réseau clandestin de communication dans la classe. Plutôt que vraiment caché, ce dernier est réprouvé et combattu. Il fonctionne un peu à la manière dont s’échangent la drogue et l’argent dans les lieux publics : subrepticement, au milieu de gestes anodins. Dans une classe ordinaire, le maître parvient à contenir la communication parallèle dans des limites qui lui permettent de l’ignorer en temps normal et de poursuivre son enseignement. Lorsque le chahut s’instaure, parfois de façon chronique, c’est la communication pédagogique qui devient marginale. Dans ce cas extrême, qui se présente notamment dans certains établissements secondaires fort déshérités, où les élèves n’ont que faire de la culture scolaire, on voit bien que la régulation des apprentissages n’a aucune place, puisque les apprentissages eux-mêmes n’en ont guère.

Mais ailleurs, dans les conditions plus tranquilles ? L’évaluation formative entre aussi en conflit avec le réseau parallèle de communication. Paradoxalement, une pédagogie différenciée privilégiant la régulation interactive des apprentissages accroît et diminue en même temps les espaces de liberté des élèves.

Elle les accroît, parce que le maître peut difficilement entrer en communication intensive avec tous ses élèves à la fois. La régulation interactive concerne donc un petit groupe ou un seul élève en même temps. Pendant qu’il est engagé dans cette tâche, le maître perd de vue le reste de la classe. Dans le meilleur des cas, il le fait sereinement :

Ces conditions sont, me semble-t-il, assez difficiles à remplir, même dans des classes très ordinaires. C’est une des limites de toute pédagogie différenciée. Beaucoup de maîtres ont en effet très vite l’impression, lorsqu’ils travaillent avec un ou quelques élèves, de perdre le contrôle de l’ensemble de la classe.

Pour les élèves, ce système de travail est à double tranchant, dans la perspective adoptée ici. Ils sont moins souvent sous le regard du maître que dans le cadre d’un enseignement plus frontal, mais lorsqu’ils y sont, c’est pour de bon ! Dans une pédagogie peu différenciée, où le maître interagit surtout avec le groupe dans son ensemble, il ne contrôle pas tout tout le temps. Un élève un peu habile peut rêver, bavarder discrètement ou pratiquer certains jeux sans trop de risques. Lorsque le maître travaille avec peu d’élèves, plus moyen de " passer entre les gouttes ", de feindre la participation, de laisser les autres faire le travail (sur les stratégies des élèves, cf. Perrenoud, 1988 a).

Au total, ceci compense peut-être cela pour les élèves prêts à vivre l’alternance entre des moments de forte concentration et des moments de détente. D’autres préfèrent rester en permanence " perdus dans la foule ", grappillant par-ci par-là un espace privé sans pour autant avoir envie d’être livrés à eux-mêmes. Pour une part, c’est le jeu avec les règles qui intéresse certains élèves. C’est parce que la communication est interdite qu’elle est amusante. Communiquer en dépit des interdits permet aux élèves de manifester une certaine solidarité, c’est une façon de se défendre contre l’institution (et contre l’instituteur ou le professeur), de résister à l’obligation et à la discipline scolaire, de défier l’autorité. Et aussi, plus simplement, c’est un moyen de tuer le temps et de supporter les longues heures d’école.

Le contrat didactique que tentent d’instaurer certains maîtres pratiquant la pédagogie différenciée n’est pas accepté par tous les élèves : " Travailler dur pendant un bon moment, puis se détendre un peu " ne les arrange pas ; ils préfèrent un entre-deux permanent. Il faut dire aussi que, comme la nature, les enseignants ont horreur du vide. Très peu sont prêts à accepter l’idée qu’en travaillant intensivement deux heures par jour, on pourrait sans conséquence ne rien faire du tout le reste du temps. Ce n’est donc pas réellement une alternance entre moments de travail et moments de détente qu’ils proposent, mais entre deux systèmes de travail : l’un avec une forte interaction, souvent sous leur contrôle direct, et l’autre selon la logique d’un plan de travail, d’une liste de tâches que l’élève doit accomplir, de façon plus autonome, mais avec un contrôle et une correction effectués en principe en fin de journée ou de semaine.


IV. Compétition et recherche de distinction

L’évaluation formative participe souvent d’une pédagogie égalitariste, qui s’attache aux acquis réels de tous plutôt qu’aux hiérarchies d’excellence. Cela suffit-il à bannir tout esprit de compétition des classes ? Certes non, pour au moins trois raisons :

1. La première tient aux ambivalences de l’enseignant lui-même ; il faut une foi et une force considérables pour se priver de ces moteurs formidables que sont la compétition, l’envie de surpasser les autres, de se distinguer ; on peut refuser les hochets les plus superficiels (prix d’excellence, honneur, bonnes notes) mais valoriser d’autres formes de supériorité (sentiment de maîtrise, estime de soi, réputation), jugées plus nobles.

2. Même si le maître ne favorise pas la compétition, il enseigne, sauf exception, dans un système scolaire où elle reste la règle, où l’on pratique une sélection au mérite. Les élèves et leurs parents seraient bien fous d’ignorer la réalité du fonctionnement de l’école et du système social. Une classe ou une filière de pédagogie différenciée n’est aujourd’hui qu’une oasis, aux confins de laquelle on retrouve la compétition.

3. Les élèves, dès leur plus jeune âge, entrent en compétition sur toutes sortes de terrains. C’est à qui sera le plus courageux, le plus fort, le plus habile, le plus drôle, le plus élégant. L’école n’invente pas les hiérarchies d’excellence et les stratégies de distinction. Elle ne fait que les légitimer et leur offrir de nouveaux terrains.

Certaines des hiérarchies d’excellence qui ont cours dans une classe sont reconnues, voire valorisées par le maître : chaque évaluation, formelle ou informelle, portant sur les acquisitions ou le comportement, indique quelles sont les attentes du maître et du système scolaire : ponctualité, application, concentration, précision, ordre, organisation, participation, honnêteté, humour, loyauté, enthousiasme, courtoisie, bonne humeur s’ajoutent aux savoirs et savoir-faire proprement scolaires. Il suffit de parcourir quelques carnets scolaires pour dresser la liste impressionnante des qualités qui font le bon élève. Certains enfants, ceux qui en ont les moyens, s’engagent dans la compétition pour l’excellence intellectuelle ou morale selon les normes du maître. D’autres (ou une partie des mêmes, qui jouent sur deux tableaux), s’engagent dans une compétition pour d’autres formes de reconnaissance sociale, que les maîtres ignorent ou désapprouvent : la force physique, l’expérience sexuelle ou plus généralement la connaissance des choses de la vie, l’art de tricher, l’effronterie ou le goût du risque, la débrouillardise, l’habileté à divers jeux relationnels, le leadership, la séduction, etc.

C’est largement à travers la communication que se manifestent ces diverses formes d’excellence, à commencer par l’excellence scolaire la plus officielle. Mais surtout, quelle que soit la forme d’excellence considérée, les normes, les jugements, les classements, les classements de classements (Bourdieu, 1979) font l’objet des conversations quotidiennes, comme dans n’importe quel groupe humain. En effet, l’excellence ne devient réellement intéressante que si l’on en parle, si on fait ou défait des réputations, si on renvoie aux forts en thème, aux filles les plus séduisantes ou aux champions de basket une image favorable.

Pourquoi ce phénomène banal aurait-il quelque incidence sur l’évaluation formative, sur la régulation interactive des apprentissages ? Tout simplement parce que l’évaluation formative suppose une forme d’humilité, la reconnaissance par chacun de ses manques et de ses incompréhensions. Pour qu’une régulation intervienne, il faut souvent une demande d’aide explicite ou implicite, fondée sur un constat d’échec ou d’impuissance : " Je n’y arrive pas. Comment est-ce que je pourrais faire ? ".

Pour jouer régulièrement ce jeu, il faut que la coopération l’emporte sur la compétition, que l’élève ait suffisamment confiance pour n’avoir pas l’impression de donner des armes au maître ou à ses camarades lorsqu’il dévoile ses difficultés ou ses incertitudes. Il faut en un mot qu’au jeu de la transparence, les élèves aient l’impression d’avoir moins à perdre qu’à gagner. Il y va de leur intérêt à long terme, pensent les tenants de l’évaluation formative ; et sans doute ont-ils raison. Mais ce qui compte ici, c’est le point de vue effectif des élèves. Beaucoup ne sont pas fermés ou indifférents à l’idée qu’on pourrait mieux les aider s’ils reconnaissaient leur difficultés et demandaient de l’aide. Mais cette attitude raisonnable est neutralisée souvent par d’autres préoccupations, parfois à très court terme : ne pas perdre la face, ne pas donner prise à la raillerie ou à la pitié, ne pas être étiqueté ou mis dans une position de dépendance, ne pas risquer un surcroît de travail ou de prise en charge alors qu’on a surtout envie de jouer et de bavarder.

Plus fondamentalement, une partie de élèves craignent, en dévoilant des défaillances scolaires trop criantes, de compromettre leur statut global fondé sur d’autres atouts. Dans la plupart des classes, certains élèves compensent leurs faibles moyens scolaires par leur humour, leur camaraderie, leur courage, leur talent sportif. Mais cet équilibre fragile suppose qu’on jette un voile pudique sur leurs difficultés proprement scolaires. Ces élèves, très rationnellement de leur point de vue, fuient les situations d’échec plutôt que de les affronter. Et s’ils n’ont pas le choix, ils s’appliquent à sauver les apparences plutôt qu’à reconnaître et dépasser leurs difficultés.

Cela ne condamne pas toute évaluation formative. Au contraire, en prenant en compte les compétitions qui s’organisent pour diverses formes d’excellence, et les stratégies qui s’ensuivent, le maître pourra contourner certains obstacles. Le professeur qui lit à toute la classe, sans ménager ses sarcasmes, les dissertations les plus lamentables ne prétend pas faire de l’évaluation formative. S’il met l’échec de certains élèves sur la place publique, c’est pour mieux les enfoncer. Mais d’autres maîtres, qui veulent vraiment aider les élèves en difficulté, ne sont parfois pas assez attentifs à l’énorme poids du jugement des autres. On peut bien affirmer " Il n’y a pas de honte à ne pas savoir, à ne pas comprendre, à ne pas maîtriser ". Dès leur enfance, les enfants reçoivent, dans leur famille et au-delà, un message contraire. Ils apprennent très vite à masquer l’incompétence, adoptant le principe " Tout ce que vous direz pourra être retenu contre vous ! ".

Il y a une autre interférence majeure entre régulation interactive des apprentissages et recherche de distinction. En effet, la façon de prendre la parole et de s’exprimer en classe est elle-même une forme d’excellence. Comme sur n’importe quel marché linguistique (Bourdieu, 1980), il y a ceux qui savent ce que parler veut dire et d’autres qui bafouillent, parlent " à tort et à travers ", sortent du sujet ou n’arrivent pas à aligner trois phrases qui se tiennent. Au-delà de ces normes connues (Perrenoud, 1988 c), la salle de classe est le théâtre de concurrences spécifiques : la surenchère dans la participation aux interactions didactiques et la communication contestataire.

Même dans une pédagogie frontale, le maître moderne dialogue avec sa classe. Or cette dernière ne fonctionne qu’exceptionnellement comme un chœur antique. Les solistes ont le rôle essentiel, les bons solistes s’entend, ceux qui posent de bonnes questions, qui répondent dans le bon sens, qui " font avancer la leçon ". Dans les interactions en petit groupe, ou dans le face à face maître élève, les attentes sont différentes et moins stéréotypées, mais elles existent aussi. Au " jeu " de la communication didactique certains élèves adorent jouer, d’autres non. Certains excellent à dire exactement ce dont le maître a besoin, d’autres répondent par monosyllabes quand il faudrait argumenter, s’embrouillent dans une histoire laborieuse lorsqu’il faudrait être percutant, interviennent sans avoir demandé la parole et à mauvais escient, devancent les questions, gâchant l’effet de surprise ou font des remarques déplacées sur l’intérêt ou le niveau du cours. Il y a mille façons de jouer de travers. Ce ne sont pas nécessairement les bons élèves qui jouent le mieux. Régine Sirota (1988) a montré que dans les classes primaires françaises qu’elle a étudiées, les différences de stratégie dans la participation au réseau officiel de communication doivent beaucoup à la classe sociale d’origine. Les enfants de classe moyenne semblent beaucoup plus " participatifs " que les enfants de cadre et professions libérales, qui ne manquent pourtant pas de moyens. Peut-être ces derniers, dont la réussite est souvent assurée, n’ont-ils pas besoin de faire le jeu du maître ; ils peuvent se permettre plus de distance. Il y a dans la participation soutenue au jeu pédagogique une forme d’hypercorrection propre à la petite bourgeoisie.

Quelles que soient les raisons des uns et des autres, la participation au jeu de l’interaction didactique donne naissance à une forme d’excellence valorisée par le maître et par une partie des élèves. L’enseignant, même s’il n’est pas entièrement dupe, ne peut guère se passer d’élèves coopératifs, qui l’aident à construire un " dialogue socratique " dans les limites du programme et du temps disponible. Cette forme d’excellence n’est pas sans lien avec l’excellence scolaire tout court, et les élèves qui s’engagent dans cette compétition renforcent vraisemblablement leurs propres apprentissages et en tout cas leur valeur scolaire. Mais ces phénomènes limitent fortement la maîtrise des interactions, notamment pour ce qui touche à la prise de parole et au temps de parole pendant les heures de classe. L’esprit d’une pédagogie différenciée voudrait que l’interaction avec les élèves soit d’autant plus intensive qu’elle est plus utile. Or les observations de classe montrent que la distribution de la parole suit d’autres règles, ou plutôt qu’elle ne suit pas de règles, mais résulte de la confrontation des stratégies des uns et des autres. Le maître peut certes essayer de contenir les prises de parole des élèves qui cherchent un profit de distinction ou une approbation, mais toujours dans certaines limites. À cela s’ajoute bien sûr le fait que le droit à la parole et le temps de parole ne peuvent être régis seulement, dans un groupe humain durable, par les contraintes de la tâche. On ne peut pas durablement faire taire un élève brillant sous prétexte que d’autres ont davantage de difficultés !

La communication contestataire ne répond pas aux attentes du maître, mais au besoin de certains élèves de s’affirmer face à l’autorité, d’incarner un contre-pouvoir ou une critique du savoir ou du travail scolaires. Il y a, dans ce registre aussi, une surenchère, à laquelle participent même certains bons élèves : art de déconcerter, de provoquer le " prof ", de mettre les rieurs de son côté, de créer un malaise, d’attirer l’attention, de jouer avec les règles : autant de façons de manifester une forme de courage et de savoir-faire communicatif. Autant d’interférences avec la régulation des apprentissages, au nom de la distinction.


V. Violence symbolique et régulation interactive

Parmi les postulats de la pédagogie de maîtrise et de toute démarche apparentée, le plus optimiste est sans doute que les élèves veulent apprendre. En pratique, rien n’est moins évident.

D’abord parce que la culture scolaire n’a pour certains aucun sens, donc aucun attrait. C’est parfois l’attitude ouverte de leurs parents, qui résistent à la scolarisation et aux valeurs qu’incarne l’école. Même lorsque les parents affirment par exemple qu’il importe d’apprendre à lire ou à écrire, les enfants ne sont pas dupes : si ces savoirs et savoir-faire n’ont aucune place dans la vie de leur famille, ils le voient bien. Aimer l’école, c’est alors désavouer, voire rejeter ses parents, ou du moins leur culture.

Pour d’autres enfants, la culture scolaire n’est pas vraiment hostile ou étrangère, mais ils vivent en revanche l’organisation quotidienne du travail scolaire comme menaçante et contraignante. Menaçante parce qu’elle les met constamment en situation d’être jugés, de répondre à des attentes, parce qu’elle fait peser sur eux le risque de discrédit et d’échec. Contraignante parce qu’elle impose des horaires, des habitudes, des règles, restreint leur liberté de mouvement et surtout leur impose un travail régulier d’écoute, de mémorisation, d’écriture, etc.

Enfin, certains enfants résistent à la scolarité parce qu’ils craignent ou vivent douloureusement les relations avec le maître ou certains camarades. Pour certains jeunes enfants, c’est un supplice de plusieurs années que d’être confrontés aux autres, tout simplement. D’autres ont la malchance de tomber dans un groupe qui leur est hostile ou chez un maître qu’ils n’aiment pas ou qui leur fait peur.

Ces diverses formes de rejet peuvent se conjuguer. Mon propos n’est pas de recenser ici toutes les raisons qui peuvent conduire à refuser ou à ne pas aimer l’école. Il suffit de voir qu’elles ne manquent pas et donc que l’instruction est, pour une fraction des élèves, une forme de violence. Violence physique parfois : il subsiste ici et là des châtiments corporels. Dans nombre d’écoles, on trouve encore des punitions humiliantes, des travaux imposés du type " copier cent fois… ", des retenues les jours de congé, des brimades. Mais cette violence, la plus visible, et qui répond généralement à une déviance, en masque une autre : l’obligation scolaire, la concentration de dizaines d’enfants dans un espace exigu pendant des heures et des années. Que cela soit " pour le bien des enfants et de la société " peut éventuellement justifier cette violence, non pas en dénier l’existence.

La violence scolaire est surtout symbolique : c’est une pression morale et psychologique constante exercée sur les élèves pour obtenir leur adhésion, leur attention, leur mise au travail. Il y a bien sûr des enfants heureux d’aller à l’école et qui ont spontanément envie d’apprendre. Une majorité incertaine subit sans vraiment souffrir, passant de moments d’ennui ou de révolte à d’autres d’enthousiasme et d’adhésion. Il se trouve toutefois que les élèves en difficulté ou en échec ne sont pas ceux qui paraissent les plus heureux à l’école. Comment s’en étonner ?

On peut espérer qu’une pédagogie différenciée pratiquée avec cohérence dès le début de la scolarité parviendrait à prévenir les rejets de l’école fondés sur le ressentiment, la dévalorisation de soi, l’amertume qui accompagnent l’échec scolaire. Dans l’immédiat, toute tentative de pédagogie différenciée se heurte à des inégalités bien installées et à des élèves qui rejettent l’école parce qu’elle les a rejetés.

De la violence symbolique, on pourrait privilégier les moments forts : humiliations, punitions, chantages et marchandages affectifs, culpabilisations, menaces, coups de gueule, voix blanche, dramatisations, séductions, etc. Il est évident que dans ces moments là le maître ne pense pas d’abord à enseigner, mais plutôt, dans le meilleur des cas, à préserver ou à créer les conditions du travail scolaire. Quant à l’élève, il est bien trop pris par sa peur, sa rage, son agressivité, sa mauvaise humeur pour penser au théorème de Pythagore ou à toute autre connaissance scolaire aussi essentielle. Il n’est pas question alors d’évaluation formative, sauf à considérer que le maintien de l’ordre et l’incitation énergique au travail relèvent d’une régulation primaire de l’apprentissage.

Du point de vue de l’évaluation formative, les moments de crise ne sont donc pas les plus intéressants. Car personne n’a alors l’illusion de l’harmonie. Il s’agit de survivre et de fonctionner. En dehors de ces temps forts, la situation est plus ambiguë, le rapport de force ne disparaît pas, mais le maintien de l’ordre prend les allures d’une routine, souvent non dénuée d’humour, d’affection, de bonhomie. On peut alors avoir l’impression que chacun travaille de son plein gré, dans une certaine sérénité, voire avec bonne humeur. La communication paraît alors directement mobilisable au profit des apprentissages et de leur régulation.

En réalité, du moins pour certains élèves, la relation pédagogique reste constamment un combat, le silence et la parole restant des armes pour gagner quelques instants de tranquillité, s’assurer une marge d’autonomie, négocier un aménagement des contraintes. L’élève dira alors non ce qu’il pense, mais ce qui lui semble utile pour arriver à ses fins. Toute violence symbolique, toute autorité imposée suscite des mécanismes de défense et fait de la communication une ressource au service d’une stratégie.

L’évaluation formative se construit sur une logique coopérative, sur l’hypothèse que l’élève veut apprendre et fait tout ce qu’il peut pour cela. À l’école obligatoire, ce n’est pas la définition de la situation. L’élève doit venir en classe, doit apprendre qu’il le veuille ou non. Comment s’étonner de l’ambivalence permanente ou épisodique d’une partie des élèves ? Nous avons déjà vu qu’un élève peut avoir intérêt à masquer ses difficultés pour sauvegarder sa réputation ou sa sphère privée. Ici, l’enjeu est sa liberté, la marge de manœuvre qu’on lui laisse. Dans une institution totale (Goffman, 1968), qui prend en charge très largement les individus, leur seule chance est de profiter des incohérences du système, de passer entre les mailles, de se faire oublier. Or l’évaluation formative restreint les failles.

On sait que dans certains hôpitaux, les séjours durent plus longtemps que nécessaire parce que, pour certains malades, personne ne prend de décision thérapeutique nouvelle pendant un ou plusieurs jours consécutifs. Non pas parce qu’il est prudent d’attendre, mais parce que l’organisation des examens et l’emploi du temps du personnel sont ainsi faits qu’on ne peut pas s’occuper de tout le monde faute de forces suffisantes ou que la distribution du temps de diagnostic et d’intervention n’est pas très rationnelle. L’informatisation des hôpitaux a permis notamment de détecter rapidement les malades oubliés et de forcer à prendre des décisions.

Toutes proportions gardées, l’évaluation formative suit la même inspiration. Elle devrait diminuer les temps morts, multiplier les décisions, fonder la non intervention sur une décision positive (" Laissons-lui le temps… ") plutôt que sur une certaine anarchie. La régulation des apprentissages passe en effet notamment par une multiplication des rétroactions et des réorientations de l’activité. Pour cela, il faut que quelqu’un soit présent et s’intéresse à ce que fait un élève, pour pouvoir le cas échéant l’aider, l’aiguiller sur une nouvelle piste, lui proposer une hypothèse ou un instrument de travail.

Du point de vue des apprentissages, c’est indéniablement un progrès. Du point de vue de la liberté des individus dans l’institution scolaire, c’est moins sûr. D’une certaine façon, une pédagogie différenciée peut accroître les tensions parce qu’elle met plus souvent les élèves en demeure de faire le point et d’agir en conséquence. Lorsque l’apprentissage est à cent pour cent le projet de l’élève, comme cela arrive parfois même à l’école obligatoire, la régulation est bienvenue. Dans tous les autres cas, elle peut entrer en conflit avec d’autres projets et être vécue comme une contrainte supplémentaire.


VI. Le prix du silence

Tais-toi, on ne s’entend plus penser ! " Dans le brouhaha, il est en effet difficile de se concentrer. Mais le brouhaha, ce n’est pas nécessairement le chahut. Ce peut être le bourdonnement de conversations particulières. Ou même le monologue de quelqu’un qui n’en finit pas de parler et qui finit par représenter, dans l’esprit des auditeurs prisonniers qui s’ennuient, une source formidable de bruit. La plupart des maîtres s’appliquent donc à maintenir le silence, à discipliner les prises de parole. Ce qui reste, surtout si leur entreprise réussit, c’est de leur point de vue la communication utile à la gestion de la classe et au travail scolaire, à la transmission et à la manifestation des connaissances. C’est donc le contraire d’un bruit, puisque cette communication, l’enseignant l’organise et l’identifie à son projet pédagogique.

Pour un élève, c’est différent ! Une leçon à laquelle il ne comprend rien, c’est du bruit. Une conversation, aussi ordonnée et intelligente soit-elle, devient du bruit si vous n’y participez pas et qu’elle vous empêche de penser.

Quel rapport y a-t-il entre ces banalités et la régulation des apprentissages ? Que le travail de la classe et le discours du maître notamment empêchent quelques élèves de somnoler ou de rêver n’interfère pas avec leurs apprentissages, puisque justement " ils ne font rien ". C’est parfois la situation. Mais il arrive aussi qu’un élève apparemment " dans la lune " soit tout simplement en train d’essayer de comprendre quelque chose, de reconstruire un raisonnement, d’assimiler une explication, de retrouver un souvenir.

Chevallard (1985) a insisté à juste titre sur l’hétérogénéité radicale du temps de l’enseignement et du temps de l’apprentissage. Il montre notamment que, croyant expliquer telle nouvelle notion de mathématique, le maître réveille chez certains élèves, souvent à son insu, des processus de construction du savoir inachevés et mis en sommeil, parfois depuis longtemps. Il arrive que l’élève comprenne alors précisément ce qu’on n’est pas (plus !) en train de lui expliquer. Peu importe qu’il comprenne deux ans, deux semaines ou deux minutes trop tard, si le prof a déjà entamé un autre chapitre, qui ne laisse pas de place à ce que l’élève a en tête. Il vit alors une sorte de flash-back illégitime, ayant à choisir entre s’efforcer de comprendre en se détachant de l’activité en cours ou faire bonne figure sans profit. Un élève perdu dans ses pensées, qui répond à côté de la question, qui a l’air ébahi lorsqu’on l’interrompt, n’est pas forcément en train de penser à des choses étrangères au programme. Parfois, il est engagé dans un travail intellectuel d’importance majeure. Lorsqu’on tente de le " ramener sur terre ", on interrompt ce travail et on ralentit l’apprentissage.

Ça ne te dérange pas, si je continue… ", dit parfois ironiquement un maître agacé à un élève perdu dans ses pensées ou engagé dans une conversation animée. Le maître sait bien qu’il dérange l’élève. Mais c’est dans l’ordre des choses ; il n’est pas là pour encourager la rêverie ou le bavardage. Il ne vient pas à l’esprit de l’enseignant qu’il lui arrive d’empêcher les élèves de faire précisément ce qu’il leur demande de faire, à savoir réfléchir, comprendre, faire un effort de mémorisation, d’observation, d’interprétation.

L’apprentissage est un processus complexe et capricieux. Parfois, il s’alimente à l’interaction, à la communication, rien ne se passe en l’absence de sollicitations ou de feed-back extérieurs. Mais à d’autres moments, c’est de silence et de tranquillité dont l’élève a besoin pour réorganiser ses idées et assimiler la connaissance. Indépendamment de toutes les autres logiques évoquées dans les pages qui précèdent, dans le registre purement cognitif qu’on évoque généralement en parlant de régulation des apprentissages, il importe de reconnaître qu’à son heure, le silence est d’or.

Mais comment savoir si l’apparente absence mentale d’un élève cache une tempête sous son crâne ou une douce rêverie ? Comment être sûr, même, que la rêverie n’est pas une façon de construire des connaissances ? Si la formation du savoir doit reconstituer en partie les processus de sa genèse chez des chercheurs ou des praticiens avancés, il n’y a pas de raison a priori, bien au contraire, d’exclure le fantasme, le rêve diurne ou nocturne, l’association d’idées, toutes sortes de chemins de traverse. Ce n’est pas toujours en se concentrant pendant des heures sur une page blanche ou un problème théorique qu’on progresse. Les choses se mettent en place de façon plus sinueuse et il n’est pas nécessaire de ne faire qu’une chose à la fois. Ce peuvent être les interférences entre différentes activités et différents objets de pensée qui débloquent la découverte ou l’apprentissage. Bref, nous n’avons pas à faire à des processus entièrement rationnels et conscients. Si l’apprentissage dépend du temps que l’élève investit dans la tâche, reconnaissons qu’il y a plusieurs façons de s’investir, les unes plus conventionnelles et plus décodables que d’autres.

Le maître, bien souvent, doit se contenter de signes extérieurs assez sommaires. Si l’élève regarde au tableau, a l’air de suivre la démonstration ou semble plongé dans la bonne page du livre, si son cahier se remplit, on en conclura qu’il avance. Dans le cas contraire, on songera soit qu’il paresse, soit qu’il est bloqué par un obstacle qu’on pourra éventuellement lever en lui demandant s’il a bien compris les consignes, si un mot difficile l’arrête, etc.

La communication pédagogique peut être pavée de bonnes intentions faute d’indices clairs pour décider des moments où elle est utile et des moments où elle interfère avec des processus en cours. On peut envisager que maîtres et élèves apprennent à signifier à l’autre : " Pas maintenant, cela ne m’aiderait pas ! ". Dans une classe, par moment, certains élèves tentent de faire passer ce message, mais les malentendus sont fréquents, l’adulte comprend facilement " Tu m’embêtes ", " Tu m’embarrasses ", " Va voir ailleurs et fiche-moi la paix ! ".

La solution passe à l’évidence par ce qu’on pourrait appeler, en utilisant de grands mots, une épistémologie commune, qui ne va pas sans un travail de métacognition et de métacommunication à propos de l’apprentissage et de l’interaction. Les gens qui vivent avec un artiste, un écrivain, un chercheur apprennent, parfois douloureusement, à décoder de petits signes qui leur disent si c’est ou non le moment d’engager la conversation. À la base de cet apprentissage, se trouve un respect pour le travail créateur et une certaine mauvaise conscience à l’idée d’interrompre une construction fragile en train de se faire.

Il suffirait qu’on porte le même regard sur les apprentissages de l’enfant pour manier la communication en classe avec davantage de prudence. Mais il faut compter bien entendu avec le soupçon, la peur d’être roulé par des élèves assez malins pour avoir l’air de Mozart tout en pensant au loto sportif. Et puis surtout, dans un groupe, chacun est constamment dérangé, surtout pendant les phases de travail personnel, par des propos qui ne lui sont pas adressés, mais auxquels il ne peut pas se soustraire facilement vu l’exiguïté des lieux.


VII. Limites d’une approche en termes de régulation

Les observations qui précèdent ont été recueillies de façon éparse, sans être d’emblée retenues et organisées dans la perspective adoptée ici. L’analyse secondaire d’observations qualitatives pose évidemment pas mal de problèmes. Qu’on ne prenne donc les quelques éléments présentés plus haut que comme des pistes de travail. Sur la généralité et l’intensité de tels phénomènes, il est difficile de s’avancer. Mon but était surtout de suggérer que les multiples logiques de la communication ne contribuent pas toutes et toujours à la régulation optimale des apprentissages. Peut-être ai-je au moins réussi à attirer l’attention sur la complexité des phénomènes de communication et à prévenir un peu la tentation de rationalisme qui saisit généralement les théoriciens de l’apprentissage et de l’évaluation formative (Perrenoud, 1988 b pour une analyse de la pédagogie de maîtrise dans son ensemble comme une utopie rationaliste).

Le lien volontairement construit entre communication et régulation des apprentissages a induit un certain nombre de thématiques qui n’épuisent pas, et de loin, une théorie psychosociologique de la communication dans une salle de classe. En se fondant sur les travaux de Labov, Gumperz, Goffman, Roulet, Moscovici, Bateson, Watzlawick, Bernstein, Bourdieu et quelques autres, on pourrait dire bien d’autres choses encore. L’analyse de la classe comme marché linguistique, comme cadre de la construction des représentations et de fabrication de la réalité, comme institution totale, comme espace de conversation présente un intérêt intrinsèque. En poussant assez loin ces analyses on dégagerait peut-être d’autres processus de communication qui interfèrent plus subtilement avec les processus d’apprentissage. L’inventaire ébauché ici n’est donc pas fermé…

Par ailleurs, j’ai entièrement laissé de côté l’analyse de la communication didactique elle-même. L’erreur, le malentendu, l’interprétation fallacieuse des consignes, la difficulté d’exprimer ses incertitudes ou ses raisonnements relèvent évidemment d’un théorie de la régulation des apprentissages. Mais d’autres en parleront mieux que moi.


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