Source et copyright à la fin du texte

 

In Pierrehumbert, B. (dir.) L’échec à l’école : échec de l’école, Paris, Delachaux et Niestlé, 1992, pp. 85-102. Publié auparavant in Psychologie française, n° 34/4, 1989, pp. 237-245.

 

 

 

La triple fabrication de l’échec scolaire

Philippe Perrenoud

Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation
Université de Genève
1992

Sommaire

1. La fabrication du jugement

2. Le poids des normes d’excellence et du curriculum dans la fabrication de l’échec

3. La fabrication des inégalités réelles

4. La fabrication de la fabrication

Références

Summary

Résumé


On ne peut expliquer l’échec scolaire qu’au prix d’une démarche interdisciplinaire. Mais elle n’est concevable que s’il y a entre les sciences humaines un minimum de consensus sur la nature du phénomène à expliquer et sur le statut de l’explication. Malheureusement, le langage commun le plus facilement disponible, celui de l’analyse multivariée, aboutit à un simulacre d’explication. Même en multipliant les variables contextuelles, systémiques, écologiques, il ne permet d’approcher que très indirectement les processus et les fonctionnements d’ordre politique, organisationnel et didactique auxquels l’échec et la réussite scolaires doivent leur existence et une partie de leur genèse. C’est à ces processus et fonctionnements que je m’attacherai ici, en distinguant trois registres dans la fabrication de l’échec scolaire :

En pratique, ces trois registres sont fortement imbriqués. Pour la clarté de l’exposé, j’en traiterai séparément.

En si peu de pages, on court le risque d’être schématique. J’ai choisi d’insister ici sur la part du système et de l’enseignement dans la genèse de l’échec. Je ne songe pas une seconde à nier l’ampleur des différences et mêmes des inégalités de tous ordres entre élèves. La perspective sociologique consiste simplement à rappeler qu’à elles seules ces différences n’expliquent rien. Seule leur confrontation aux attentes, à l’organisation et aux pratiques de l’école peut rendre compte de l’échec scolaire.


1. La fabrication du jugement

La réussite scolaire n’est pas une caractéristique psychologique de l’élève. Elle n’est identifiable ni à ses compétences réelles, ni même à ses performances et conduites observables. Un élève réussit lorsque l’école le déclare suffisant, il échoue lorsqu’elle le déclare en échec ! La réussite et l’échec sont des représentations fabriquées par l’école, plus particulièrement par les maîtres et d’autres examinateurs. Ce sont des produits de l’évaluation comme pratique régulière de l’organisation scolaire et de ses agents, pratique conforme à des procédures plus ou moins codifiées, sous-tendue par des normes d’excellence et des niveaux d’exigence institutionnellement définis, orientée enfin vers des décisions de gestion de classe, d’envoi en appui, d’orientation, de sélection, de certification (Perrenoud, 1984, 1985).

Le jugement de l’école, pour fabriqué qu’il soit, ne l’est pas à partir de rien et dans un total arbitraire. Ce qu’évaluent les maîtres ou les examinateurs n’est pas sans lien avec les compétences ou les conduites " réelles " des élèves, telles que pourrait les identifier un observateur aussi omniscient qu’impartial.

Si la réussite et l’échec scolaire résultaient d’une évaluation plus " scientifique ", seraient-ils moins fabriqués ? Dans le domaine de l’art ou de la justice, passe pour " fabriqué " ce qui n’est pas très clair ou très honnête. Mais sociologiquement, la fabrication est d’abord de l’ordre de la construction de la réalité. Même lorsque cette construction est " réaliste ", elle n’est jamais un simple reflet sans effet propre. La prise de conscience transforme les représentations et les conduites. Même si la justice était parfaitement juste, elle rendrait des sentences publiques ayant force de loi qui changent la vie des gens. Pareillement, même si elle était parfaitement " objective ", l’évaluation scolaire garderait son rôle déterminant dans la genèse de l’échec scolaire, puisqu’elle le fait exister socialement. Pour qu’il y ait échec scolaire, il faut et il suffit que l’institution déclare la réussite ou l’échec ! La fabrication de hiérarchies d’excellence et de dichotomies (suffisant/insuffisant) est constitutive de l’échec comme réalité micro sociale et, par agrégation, comme réalité statistique caractérisant l’ensemble d’une population scolarisée dans des conditions comparables.

Pourquoi l’évaluation ?

Pourquoi l’école dispose-t-elle et use-t-elle du pouvoir d’évaluer ? D’où viennent les catégories qui permettent aux organisations et aux acteurs scolaires de penser l’échec ? Sur quelles procédures et quelles informations se basent-ils pour décréter la réussite ou l’échec, pour en faire la preuve en cas de contestation ? Quels sont les enjeux et les conséquences de l’échec déclaré pour les élèves et leurs familles, mais aussi pour les maîtres et le système ? Toutes ces questions sont ouvertes, sujettes à investigations empiriques dès lors qu’on n’incorpore pas la réponse à la définition de l’échec scolaire.

L’école n’a pas toujours évalué régulièrement ses élèves. Aujourd’hui encore, même si l’évaluation tient une large place dans l’emploi du temps scolaire et participe de la routine de la plupart des classes, ses modalités, sa fréquence, ses conséquences varient selon la structure scolaire, les programmes et les didactiques en vigueur, les politiques de sélection, les traditions nationales ou régionales. L’évaluation a donc toujours un certain arbitraire, elle ne dérive pas automatiquement du curriculum.

L’évaluation est souvent rapportée à la volonté ou à la nécessité de sélectionner ou d’orienter les élèves. Ce n’est pas le seul enjeu. Elle doit aussi, de jour en jour, informer l’administration, rassurer les parents, mettre les élèves au travail et faire fonctionner le contrat didactique (Chevallard, 1986). Ces logiques d’action affectent le processus de fabrication du jugement, par ailleurs subordonné aux règles institutionnelles qui fixent les moments de l’évaluation, la pondération des disciplines ou des résultats trimestriels, le mode d’élaboration et de correction des épreuves, l’échelle des notes et la nature des barèmes. Certes, toute évaluation n’aboutit pas à un jugement de réussite ou d’échec scolaires. On peut échouer ou réussir un exercice ou une épreuve sans mettre en jeu sa carrière. Mais les évaluations continues alimentent les hiérarchies d’excellence globales dont dépendent la réussite ou l’échec en fin d’année, puisque l’évaluation finale est de plus souvent définie comme la moyenne ou la " synthèse " d’évaluations partielles étalées tout au long de l’année.

L’arbitraire des hiérarchies d’excellence

L’évaluation, même si elle était une mesure parfaite des connaissances ou des compétences " réelles " des élèves, conserverait son arbitraire, qui ne tient pas tant à ses manques et à ses biais qu’au fait qu’elle donne à voir certaines inégalités plutôt que d’autres, à certains moments du cursus plutôt qu’à d’autres. À sept ans, les inégalités de compétences sont certainement aussi fortes en musique qu’en lecture. Mais l’école ne met pas les premières en évidence, alors qu’elle dramatise les secondes, en choisissant de fonder l’essentiel de la sélection sur le savoir-lire à 6-7 ans, à un moment où les disparités sont les plus grandes ; les inégalités de savoir-lire s’atténuent ensuite, mais l’école construit alors les hiérarchies d’excellence sur d’autres apprentissages, devenus à leur tour les plus sélectifs… Pour fabriquer des hiérarchies spectaculaires, il suffit en somme de bien choisir le terrain et le moment, d’évaluer les savoirs et savoir-faire au cours de phases de restructuration accélérée des structures intellectuelles et des connaissances, lorsque certains élèves ont franchi un pallier de développement alors que d’autres s’en approchent à peine.

Plus simplement encore, l’école peut, par la grâce des barèmes, transformer des inégalités mineures en hiérarchies décisives. Les psychologues qui construisent des tests savent ne retenir que les items les plus discriminants. L’école, plus intuitivement, procède de même chaque fois qu’il est nécessaire de classer. Avec une épreuve à référence normative, on crée de l’inégalité à partir de n’importe quelle variance, puisqu’on prend la moyenne comme origine et l’écart type comme unité. Dans les classes, les simulacres de courbes de Gauss ont fait fortune, passant pour une évaluation plus " scientifique "… Croiser l’écart à partir de presque rien est d’ailleurs la loi avouée des concours, la logique moins explicite de toute sélection guidée par des proportions ou des quota intuitifs : un maître ne peut faire doubler tous ses élèves, ni les faire réussir tous chaque année. Naviguant entre aveu d’incompétence et réputation de laxisme, il produit un taux moyen d’échec, indépendamment du niveau effectif de ses élèves, en manipulant plus ou moins consciemment ses exigences.

Autre arbitraire majeur : celui qui tient à la pondération d’épreuves de types différents ou de sous-disciplines. Quel est le poids du calcul mental ou de la construction géométrique dans une note de mathématique ? Comment combine-t-on orthographe et maîtrise du vocabulaire, lecture et élocution, expression orale et écrite, grammaire et conjugaison en français ?

Les jugements de réussite et d’échec résultent souvent d’une " cuisine " complexe, qui fait intervenir des pondérations, des arrondis, des minima, des profils, des compensations subtiles, des rattrapages. Même si tous ses ingrédients étaient irréprochables, la hiérarchie globale resterait une construction arbitraire : d’autres pondérations induiraient d’autres classements et d’autres écarts.

L’effet propre des inégalités formelles

L’évaluation proclame des inégalités qui, sans cette publicité, auraient souvent beaucoup moins d’effets sur la vie des enfants et des familles et sur le fonctionnement de l’école. Gardons-nous ici de schématisme : nombre d’inégalités réelles de capital culturel ont des effets indépendamment de toute évaluation formelle, par le simple fait que le capital culturel est une ressource pour agir efficacement en même temps qu’un bien symbolique et une source de distinction (Bourdieu, 1979). Toutes les inégalités de capital culturel n’ont pas les mêmes incidences : en matière de savoir-lire, elles ont certainement plus de conséquences pratiques qu’en musique ; à l’école, l’enfant est très vite censé savoir lire pour faire son " métier d’élève ". Hors de l’école, dans la vie quotidienne, ne pas savoir lire est un handicap plus lourd que de ne pas savoir chanter. Il n’est donc pas question de dire que les inégalités réelles sont sans conséquence aussi longtemps qu’on ne les proclame pas, ni qu’elles ont toutes les mêmes conséquences.

Il reste que la fabrication d’une hiérarchie d’excellence, autrement dit d’une représentation publique des inégalités, a des effets propres. Au handicap pratique s’ajoutent la dévalorisation de soi, la honte, la culpabilité, le ridicule, l’exclusion, le reproche, la prise en charge, la surveillance. Il est vrai qu’en l’absence d’évaluation formelle demeurent l’autoévaluation et le jugement des pairs et des proches. Cela suffit à expliquer certaines formes d’autoexclusion, certains renoncements, certaines " conduites d’échec ". Mais ces processus sont sans commune mesure avec le couperet qui tombe dès lors que l’école a une hiérarchie formelle à se mettre sous la dent !

Ce qu’on évalue

Il reste à prendre en compte le fait que les représentations de l’excellence ou de l’incompétence, par le fait même qu’elles sont fabriquées dans le cadre du fonctionnement régulier de l’école, sont caractérisées par des erreurs et des biais sans proportion avec ceux qui affectent une mesure conçue et instrumentée comme telle. Aletta Grisay (1988) montre qu’en substituant une évaluation standardisée de même contenu aux examens de fin d’année organisés par les maîtres primaires en Belgique francophone, on modifierait la carrière scolaire d’une fraction des élèves. L’erreur judiciaire n’est rien en regard des à-peu-près et des incohérences de l’évaluation scolaire. La réussite et l’échec sont pour une part des aléas, qui tiennent à la composition du public de chaque classe, à la sévérité du maître, à la politique de l’établissement, aux places vacantes dans les différents degrés.

L’évaluation avantage les bons élèves par le simple fait que le maître en attend de bons résultats et n’en remarque pas toutes les erreurs : on ne prête qu’aux riches. Elle avantage aussi les élèves qui maîtrisent le mieux les signes extérieurs de l’excellence, ceux qui savent jouer sur l’écriture, la présentation, ceux qui adoptent une attitude coopérative et respectueuse. Plus généralement, l’évaluation prend en compte des inégalités étrangères à ce qu’elle prétend mesurer. Écrite, elle exige une maîtrise de la langue dans toutes les disciplines. Orale, elle mobilise des compétences de communication sans rapport avec la maîtrise des contenus. Dans tous les cas, elles favorise ceux qui doivent à leur sagacité, mais surtout à leur héritage culturel, une juste intuition de ce que Bourdieu et de Saint-Martin (1975) appellent les catégories de l’entendement professoral.

Au-delà de l’interprétation correcte des attentes, il y a dans l’évaluation une part de stratégie, de faux-semblant, de négociation (Perrenoud, 1982). Bien plus qu’une mesure, l’évaluation est un jeu relationnel auquel les enfants des diverses classes sociales sont inégalement préparés. Il arrive même que le jugement du maître soit directement influencé par l’appartenance sociale de l’élève, compte tenu de ses propres préjugés (Pourtois, 1977) ou en vertu de pressions plus ou moins discrètes.

L’évaluation ajoute donc à l’inégalité des compétences réelles une inégalité de son cru (Perrenoud, 1982). C’est pourquoi elle participe à divers titres à la fabrication de l’échec : par la simple mise en évidence, mais aussi par la dramatisation, l’accentuation, la déformation des inégalités réelles de maîtrise du curriculum.


2. Le poids des normes d’excellence et du
curriculum dans la fabrication de l’échec

Toute pratique d’évaluation est orientée par des normes, elles-mêmes solidaires d’un curriculum, autrement dit de l’ensemble de valeurs et de connaissances que l’école juge bon d’enseigner et d’exiger à un degré donné du cursus. On passe alors à un autre niveau d’explication de l’échec scolaire, qui touche aux contenus de la culture scolaire, à la définition instituée des formes d’excellence.

Ces formes sont diverses. À un extrême, aux limites de la maturation biologique, on trouve certains savoir-faire témoignant d’une socialisation élémentaire, par exemple la capacité de se concentrer ou de tenir en place. À l’autre extrême, l’école valorise la maîtrise de savoirs académiques. Entre ces pôles, on trouve des formes valorisées de développement (intellectuel, relationnel, affectif), divers savoir-faire intellectuels (lire, écrire, compter, raisonner, communiquer) ou encore des attitudes et des manières d’être, les unes étroitement liées aux compétences intellectuelles, qui relèvent du rapport au savoir, les autres qui touchent aux conduites sociales (politesse, civisme, respect des règles ou de la parole du maître, esprit critique, autonomie, etc.)

Les enseignants ont le pouvoir de spécifier, d’interpréter, d’ajuster les normes d’excellence et de conduites prescrites par l’institution, mais la détermination de la culture scolaire et des formes d’excellence relève de l’organisation dans son ensemble et, pour les choix essentiels, du système politique. En élaborant un curriculum, en le découpant en tranches annuelles censées représenter à la fois une progression dans le savoir et une prise en compte des stades du développement intellectuel et social, en divisant le curriculum en disciplines inégalement valorisées, le système scolaire module et spécifie la définition des normes d’excellence et de conformité en regard desquelles les élèves seront en définitive réputés réussir ou échouer. Ce faisant, il participe à la fabrication de l’échec scolaire : selon son contenu, sa structuration, son découpage, le curriculum formel rend l’échec de certains élèves plus ou moins probable ; le curriculum réel qui en dérive peut accentuer ou neutraliser partiellement ses effets sélectifs.

Distance entre culture scolaire et culture familiale

La sociologie de l’éducation a mis en évidence le fait que certains enfants sont favorisés non parce qu’ils seraient plus intelligents, mais parce qu’ils tiennent de leur milieu familial et de leur classe sociale des codes, des attitudes, des savoirs scolairement rentables. Ce sont les héritiers (Bourdieu et Passeron, 1965). Parfois, ils savent déjà ce que l’école est censée leur enseigner : ainsi, savent-ils lire avant que cet apprentissage ne devienne obligatoire. Le plus souvent, sans maîtriser d’avance la culture scolaire, ils disposent du capital linguistique et des habitudes de pensée qui placent les apprentissages scolaires dans le droit fil de la socialisation familiale. À d’autres élèves, cette familiarité fait au contraire défaut, ils ne trouvent guère de continuité entre leurs expériences extrascolaires et le curriculum formel et réel de l’école.

L’inégale distance à la culture scolaire est un facteur de réussite pour les uns, d’échec pour les autres. Ne partant pas du même point, tous n’ont pas le même chemin à parcourir pour maîtriser le curriculum. Comme le souligne Bourdieu (1966), il suffit que l’école traite les élèves de même âge comme égaux en droits et en devoirs pour transformer les différences d’héritage culturel en inégalités de réussite scolaire. Sans doute est-il dans l’ordre des choses que la culture scolaire soit plus proche des valeurs et des savoirs des enfants dont les parents sont eux-mêmes à la fois natifs du pays, familiers du système scolaire, fortement scolarisés et imprégnés d’une attitude favorable à la connaissance abstraite. Comme le niveau d’instruction est fortement lié au revenu et à l’appartenance de classe, on imagine guère ce que pourrait être une école dont la culture serait " à égale distance " des diverses cultures familiales. Mais le privilège des héritiers sera d’autant plus grand que la culture scolaire est élitiste.

 

Découpage du cursus et définition de l’excellence

Le curriculum ne se définit pas seulement par ses contenus, mais par la programmation de certains apprentissages à un âge ou dans un degré donné du cursus. Selon le moment où l’on situe les apprentissages clés, on module l’échec scolaire. En exigeant des élèves de sept ans qu’ils sachent lire, on provoque les hécatombes bien connues. De même, on crée des échecs en fixant au plus jeune âge possible l’apprentissage du texte écrit, de l’analyse grammaticale, de certaines opérations (soustraction, division), de la première langue étrangère. La volonté de ne pas retarder l’émergence des élites conduit à une sélection dès dix ou douze ans, qui oblige à prévoir nombre d’apprentissages fondamentaux alors que le développement intellectuel est très inégal et les rythmes d’apprentissages très divers.

Au-delà du découpage grossier du cursus et des disciplines, la réussite scolaire ou l’échec sont également fabriqués par la façon de définir les savoir-faire et les savoirs valorisés : savoirs sur la langue ou maîtrise pratique de la communication ? maîtrise des algorithmes ou capacité de formuler des hypothèses ? savoir encyclopédique ou faculté d’observation scientifique ? L’appropriation des ces compétences ne demande pas le même travail, les mêmes aptitudes, les mêmes appuis familiaux. Le paradoxe est ici que les objectifs pédagogiques les plus démocratisants à court terme sont aussi ceux dont la maîtrise semble la moins garante de la réussite ultérieure.

La surcharge des programmes est une autre façon de moduler la réussite et l’échec. Alors qu’un curriculum centré sur quelques objectifs généraux donne à un plus grand nombre une chance de maîtriser vraiment quelques savoirs et savoir-faire essentiels, l’accumulation des disciplines, des chapitres et des notions force au bachotage, impose pour survivre une dépense d’énergie sans commune mesure avec les acquis stables et transposables.

Enfin, avec Bernstein (1981), on fera la différence entre pédagogies visibles et invisibles. Dans les premières, le curriculum et les exigences sont explicites, les élèves et leur famille peuvent doser l’investissement en fonction d’objectifs clairs ; dans les pédagogies invisibles, ceux qui échouent ne savent pas très bien pourquoi, ne parviennent pas à identifier ce qui leurs lacunes ou les erreurs qu’ils ont faites. L’incertitude engendre l’angoisse et les conduites aberrantes.

Curriculum et échec

La définition du curriculum et les normes d’excellence se joue au plan politique, mais aussi dans la formation des maîtres, la confection des manuels et des moyens d’enseignement, qui concrétisent et illustrent les plans d’études. Cependant, les établissements et les maîtres conservent une certaine autonomie dans l’interprétation et l’observance du curriculum formel. Les établissements déterminent assez largement le niveau d’exigence pour le passage d’un degré ou d’un cycle d’études au suivant. Quant aux maîtres, ce sont eux qui, organisant le travail scolaire, choisissant des exercices et des contenus, donnent au curriculum et aux normes d’excellence leur figure concrète. Expliquer la fabrication de l’échec scolaire, c’est donc aussi analyser l’influence de tous ces choix institutionnels et personnels, politiques et pédagogiques, tant sur les taux de sélection et les niveaux d’exigence globalement appliqués à une génération que sur certaines catégories d’élèves.


 3. La fabrication des inégalités réelles

Les propos qui précèdent garderaient tout leur sens si l’école avait pour seule mission d’évaluer les compétences des élèves, à l’exemple des instances de sélection dans le domaine artistique ou sportif. Pour juger, il faut une culture de référence, des normes d’excellence et des procédures d’évaluation. Les unes et les autres contribuent à la fabrication des hiérarchies d’excellence.

Mais l’école n’est pas une simple instance d’évaluation. Avant d’évaluer, elle prétend enseigner. Elle juge donc les effets de son propre travail d’inculcation. En principe, l’évaluation ne porte que sur des connaissances et des savoir-faire figurant au programme et que les élèves ont eu une chance d’assimiler à l’école au cours des semaines ou des années précédentes. Expliquer la réussite ou l’échec scolaire, c’est donc inévitablement expliquer aussi pourquoi l’intention d’instruire aboutit inégalement. L’échec scolaire à six ou sept ans, c’est l’échec de l’apprentissage de la lecture, donc aussi de son enseignement.

Évidemment, on retrouvera ici les inégalités et les différences entre élèves. Mais le temps n’est plus où l’on pouvait dire que réussissent les mieux doués, les plus intelligents, les plus avancés, les plus motivés, échouent ceux qui sont dépourvus de ces ressources. Du moins ne peut-on pas le dire sans faire la part du fonctionnement de l’école, et notamment du degré de différenciation de l’enseignement.

Que les élèves de même âge ne soient pas également disposés et préparés à assimiler le curriculum dans le même temps et dans les mêmes conditions, cela crève les yeux depuis qu’on a réuni des élèves dans une salle de classe. Ce qui importe, du point de vue de l’explication, c’est ce que le maître et plus généralement l’organisation scolaire font de cette diversité. Comment traitent-ils les inégalités et les différences ? Par l’indifférence aux différences, selon la célèbre formule de Bourdieu (1966) dans " L’école conservatrice " ; ou par une pédagogie différenciée prenant les élèves là où ils sont et s’efforçant de les conduire aux maîtrises visées par des cheminements et à des rythmes différenciés ?

Travail scolaire et différenciation

Le traitement des différences peut se saisir d’abord dans la salle de classe, selon l’organisation du travail scolaire, selon que le maître pratique un enseignement frontal ou travaille avec des sous-groupes ou des élèves individuellement. En fonction de ses pratiques de différenciation, plus ou moins constantes, plus ou moins intensives, l’enseignant transforme certaines différences ou inégalités extrascolaires en réussites ou en échecs, ou lutte au contraire contre la courbe de Gauss ou l’inégalité " naturelle " par une action " compensatoire " appropriée.

Ce qui renvoie à son idéologie plus ou moins démocratisante, à son savoir-faire, à l’énergie qu’il investit dans la différenciation de l’enseignement. Mais aussi à l’ensemble d’un système de travail et d’un contrat didactique qui rendent inégalement possible un enseignement individualisé. Selon la nature des tâches qu’il donne, selon la confiance qu’il fait aux élèves, selon les mécanismes de régulation qu’il met en place, un maître peut ou ne peut pas différencier. Avec ici aussi de nombreux paradoxes : les tâches individuelles, fermées, standardisées présentent, du point de vue de la différenciation, l’avantage d’être facilement supervisées et rapidement corrigées par le maître, qui devient alors disponible pour aider les élèves en difficulté ; mais ces tâches ne favorisent guère les apprentissages de haut niveau taxonomique et ne sont pas de nature à réconcilier avec l’école les élèves les moins intéressés. Certaines pratiques démocratisantes accroissent peut-être les inégalités à moyen terme…

La lutte contre l’échec scolaire a souvent mis l’accent sur les pédagogies compensatoires, la discrimination positive opposées à l’enseignement frontal, à l’indifférence aux différences. En réalité, aucun maître ne traite tous ses élèves de la même manière. Il a pour les uns une grande sympathie, pour d’autres moins. La relation pédagogique est parfois gratifiante, parfois conflictuelle, il y a des attirances et des rejets, des interactions intenses et des ignorances mutuelles. Certains élèves sont fortement intégrés dans le réseau de communication officiel, dans lequel le maître joue un rôle central ; d’autres ne sont actifs que dans le réseau clandestin, celui dont le maître est exclu et qu’il s’efforce de mettre en veilleuse (Sirota, 1988). Diversement sollicité par les élèves, le maître répond sélectivement, en fonction des besoins mais aussi de toutes sortes d’enjeux : souci d’équité, maintien de l’ordre, disponibilité, préférences (Perrenoud, 1982).

Au-delà des équations personnelles, le traitement des différences dépend de la façon dont on forme les maîtres, dont on formule leur cahier des charges, dont on " note " leurs pratiques. La différenciation dépend aussi de la manière dont on codifie les plans d’études, de la nature de l’évaluation imposée, plutôt normative ou plutôt formative. Ou encore du type de moyens d’enseignement mis à la disposition des classes, qui se prêtent plus ou moins à un travail individualisé. Autre variable relevant de l’organisation : la nature des normes d’équité, insistance sur l’équité formelle (égalité de traitement) ou sur la discrimination positive (à chacun selon ses besoins).

La structure scolaire et les appuis pédagogiques

Le traitement des différences ne se joue pas seulement dans la salle de classe, ni même dans les normes et les politiques qui définissent les contenus et les modalités de l’action pédagogique. L’organisation scolaire est elle-même un dispositif majeur de traitement des différences.

D’une part la décentralisation du système, la nature de la carte scolaire, la gestion du personnel enseignant favorisent ou empêchent les inégalités entre établissements, entre quartiers, entre régions.

D’autre part, le découpage du cursus, les mesures de redoublement, l’organisation de l’appui pédagogique, le rôle de l’éducation spécialisée et bien sûr la structure des filières et la nature des paliers de la sélection sont autant de façons de traiter les différences.

 

Genèse des différences et explication de l’échec

J’ai insisté jusqu’ici sur la façon dont le système scolaire fait face aux différences et aux inégalités, qu’elles naissent des conditions de vie et de développement hors de l’école ou qu’elles résultent de la scolarité antérieure. Il reste bien entendu légitime et nécessaire d’expliquer la genèse des inégalités et des différences de développement intellectuel, de personnalité, de capital culturel et linguistique, etc. C’est le rôle de la psychologie différentielle aussi bien que d’une sociologie des modes et procès de socialisation et de leurs variations selon les familles, les classes sociales, les sociétés. Toutes les différences imputables à la diversité des milieux de vie et d’éducation ne pèsent pas de la même manière dans la réussite ou l’échec scolaire. Mais leurs effets ne peuvent plus aujourd’hui s’analyser seulement en termes d’aptitudes générales à apprendre. Certaines différences ne sont pertinentes qu’en fonction d’une organisation particulière de l’école, d’une didactique, d’un mode de prise en compte de la diversité des élèves. L’école ne crée pas cette diversité, mais elle fabrique à partir d’elle des inégalités variables, qualitativement et quantitativement.


4. La fabrication de la fabrication

Les fonctionnements mis en évidence contribuent à la fabrication de l’échec scolaire. Mais derrière ces fonctionnements se profile bien sûr une politique de l’éducation, et donc aussi un état des rapports de force et du débat dans la société sur l’exigence d’égalité, la démocratisation des études, la responsabilité du système dans la reproduction des inégalités économiques et sociales par le système d’enseignement.

L’évaluation, la construction du curriculum, le traitement des différences ne sont pas des caractéristiques indépendantes. Elles participent d’une logique d’ensemble du système scolaire et d’une politique de l’éducation. Les processus de fabrication sont donc eux-mêmes issus d’une " fabrication " sociétale. Le débat sur la reproduction (Bourdieu & Passeron, 1970 ; Baudelot & Establet, 1981) reste d’actualité, même si l’on a pris aujourd’hui quelques distances avec les thèses simplificatrices. L’école n’est pas un simple " appareil idéologique d’État ", la reproduction n’est pas organisée de bout en bout pas la classe dominante. Il n’est pas facile de savoir qui maîtrise l’école (Perrenoud & Montandon, 1988), tant sont nombreuses et souvent ambivalentes les forces en présence ; il est sûr qu’aucun des dispositifs dont l’analyse a été esquissée ici n’échappe complètement au contrôle des forces politiques. Mais ce contrôle s’exerce dans des sens variables selon les conjonctures politiques et les rapports de force. L’échec scolaire résulte parfois d’une volonté politique explicite, qui se traduit par une sélection précoce, une évaluation féroce, un curriculum élitaire, une organisation scolaire défavorable à toute différenciation de l’enseignement. Dans d’autres systèmes politiques, ces divers éléments sont infléchis délibérément dans le sens d’une lutte contre l’échec scolaire : pédagogies de soutien, mesures de démocratisation, allégement des programmes, sélection retardée, zones d’éducation prioritaires, etc. Souvent, diverses forces politiques et pédagogiques se neutralisent, aboutissant à une situation plus complexe, où l’engagement et les efforts de démocratisation des uns coexistent avec le fatalisme et l’élitisme des autres.

On ne peut faire de l’échec scolaire et des inégalités la conséquence automatique de la structure de classe de la société globale. Les politiques de l’éducation, les curricula, les didactiques, l’évaluation ne sont pas de simples instruments au service d’une volonté de reproduction. La part d’autonomie du système scolaire ne consiste pas seulement à inventer les modalités légitimes d’une sélection jouée d’avance. Il serait évidemment absurde de nier le poids des déterminismes de classe, tant macrosociaux que microsociaux, sur la genèse et la reproduction des inégalités culturelles. Il serait tout aussi excessif de nier la part du désordre, du pluralisme et de l’équilibre des forces au plan sociétal, celle des logiques d’action des élèves, des familles, des maîtres et des établissements au jour le jour.


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Summary

Differences of any kind between pupils, taken alone, don’t explain school underachievement. The making of failure depends on a threefold process.

1. Without assessment, no failure : in setting norms of excellence and level of achievement for each age and each part of the syllabus, school reveals or conceals somes inequalities rather than other, minimizes or dramatizes specific differences.

2. Behind assessment, the syllabus : teaching specific contents, overloading the syllabus, requiring specific learning at a given age, make school failure more or less frequent and influences social inequalities in schooling.

3. Inequalities of learning depend on the quality of teaching and on the organization of schooling : pupils attend schools from four to sixteen years or more ; if, during this period, school is insensitive to personal et cultural differences among children, it can’t do anything but transform these differences in inequalities of development and learning

The contribution of sociology of education to the explanation of school failure and inequalities is a tentative answer to the question : how does the educational system cope with differences ?


Résumé

Les différences de tous genres entre élèves, prises isolément, n’expliquent pas l’insuccès scolaire. La fabrication de l’échec passe par un triple processus.

1. Pas d’échec sans évaluation : en choisissant ses normes d’excellence et ses niveaux d’exigence à chaque âge et dans chaque province du curriculum, l’école révèle ou laisse dans l’ombre certaines inégalités plutôt que d’autres, minimise ou dramatise certaines différences particulières.

2. Derrière l’évaluation, les programmes : en privilégiant certains contenus, en surchargeant les programmes, en imposant à tous certains apprentissages à un âge donné, l’école rend l’échec plus ou moins probable et module l’inégalité sociale devant l’enseignement.

3. La fabrication des inégalités réelles dépend de la qualité de l’enseignement et de l’organisation de l’école : les élèves vont à l’école de quatre à seize ans ou davantage ; si, pendant cette période, l’école est indifférente aux différences personnelles et culturelles entre élèves, et ne peut que les transformer en inégalités de développement et de capital culturel.

La contribution de la sociologie de l’éducation à l’explication des inégalités et de l’échec scolaire est une esquisse de réponse à la question : comment le système scolaire fait-il face aux différences ?

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