Source et copyright à la fin du texte

 

in Actes du Colloque Éducation et communication, Université de Lausanne, Institut des sciences sociales et pédagogiques, 1992, pp. 37-48. Repris dans Perrenoud, Ph. : Métier d’élève et sens du travail scolaire, Paris, ESF, 1994, chapitre 9.

 

 

 

Regards sociologiques sur la
communication en classe

Philippe Perrenoud

Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation
Université de Genève
1992

Sommaire

La communication stressée

La communication inutile

La communication clandestine

La communication piégée

" C’est qu’est-ce que je dis ". Marché linguistique et correction

La communication contestataire

On a raison quand on sait

Sans règles ni autorité, c’est l’anarchie !

L’expression obligatoire ou la bonne communication

Distances culturelles, conflits et communication

Rêves de silence

Pour conclure : métacommuniquer

Références


La communication est au centre de toute sociologie, il n’y a aucun phénomène social dont on puisse parler sans l’analyser sous cet angle. Qu’en est-il du point de vue d’une sociologie de l’éducation, et plus spécifiquement des pratiques pédagogiques, du travail scolaire et du curriculum ? Voici quelques axes possibles :

C’est de ce dernier constat que je partirai ici. L’entrée par la didactique ou par la pédagogie postule que la communication est une bonne chose, une chose maîtrisée par le maître, une chose à développer chez les élèves du point de vue de leurs compétences et à utiliser sciemment et de façon optimale par l’enseignant. C’est un peu le thème du colloque " Améliorer la communication pour améliorer l’enseignement ". En prenant ce thème au sérieux, j’ai choisi de m’intéresser à l’envers du décor, en tenant quelques " propos décousus et vaguement sociologiques sur la communication en classe ". Parce qu’il n’y a pas de théorie unifiée de la communication : la communication est partout, tout le temps. Il n’y a pas de science de la communication, seulement diverses approches de la réalité psychosociale. Chaque science humaine est condamnée à penser la communication, à essayer de la définir, de la décrire, de l’analyser, mais personne ne détient l’ensemble des clés qui permettraient de faire un discours totalitaire ou totalisant sur la communication. Il faut s’accommoder d’éclairages complémentaires. Chacun peut et doit prendre en compte une partie des propos tenus à partir d’autres points de vue disciplinaires. Il n’y a pas de raison pour que la sociologie dise de la communication tout autre chose que la psychanalyse, par exemple : si on s’intéresse au caché, au non-dit, à un certain nombre de composantes de la pédagogie qui ne sont pas les plus rationnelles et les plus présentables, on trouve des phénomènes refoulés, inconscients ou très implicites qui intéressent aussi bien les psychanalystes que les sociologues.

Curriculum et communication

" Toute éducation passe par une communication et, en améliorant celle-ci, on améliore nécessairement celle-là. " De cet énoncé, que les organisateurs de la journée présentent comme un lieu commun, que peut dire un sociologue ?

L’éducation ne passe pas toujours par une communication, sauf à considérer comme telle toute interaction avec le réel, ou toute interdépendance entre êtres vivants. Partir de l’idée que toute pédagogie pose avant tout un problème de communication serait perdre de vue la richesse des choses qui se font dans une école. On ne borne pas à parler, dans une salle de classe, on travaille, on agit, on fonctionne, on noue des relations qui ont des composantes affectives et cognitives. Penser la pédagogie, pour un sociologue de l’éducation, c’est penser ce que j’appelle le curriculum réel (Perrenoud, 1984, 1992 b), c’est-à-dire l’ensemble de l’expérience de l’élève, tout ce qui lui arrive à l’école et qui engendre des apprentissages, au sens large : l’acquisition de connaissances, de savoir-faire et de savoir-être, mais aussi la construction de la personne, de l’identité, de l’image de soi, la formation d’attitudes. L’éducation, comme action orientée vers la transformation de la personnalité, des représentations et des compétences d’autrui, est efficace lorsqu’elle aménage son expérience, lui impose ou propose un curriculum comme suite relativement cohérente d’expériences formatrices. Je ne parle pas seulement des formes et des contenus de l’enseignement et du travail scolaire ; il s’agit aussi du cadre de vie, du fonctionnement du système classe, du contrat didactique, des rapports de pouvoir.

Il serait absurde de vouloir améliorer la communication éducative sans la situer dans l’ensemble de l’expérience de l’apprenant. C’est en effet cette expérience qui détermine la formation de la personne, et pas seulement de ses savoirs. Méconnaître cette richesse et cette complexité, ce serait se limiter à optimiser la communication didactique, et donc, d’une certaine façon, mettre un emplâtre sur une jambe de bois. Si le fonctionnement réel du groupe-classe, des interactions, de la situation scolaire, dément constamment le message pédagogique, les valeurs affichées, les contenus apparents de l’enseignement, on ne s’étonnera pas d’une certaine impuissance des pédagogies les plus prometteuses.

Prenons l’exemple des pédagogies de la langue maternelle. Elles veulent désormais développer la maîtrise pratique de la langue, et certains professeurs de français tentent avec cohérence, dans leurs cours, de mettre constamment les élèves en situation de communication. Peut-on ignorer ce qui se passe le reste du temps ? Les pédagogies de la communication se heurtent souvent à des mode de travail, d’évaluation, de gestion, de décision qui, globalement, dissuadent les élèves de communiquer à des multiples moments de leur semaine d’école et de leur vie d’élève. Si l’école donnait aux élèves maintes occasion de communiquer, donc d’argumenter (Roulet, 1985), elle leur donnerait en même temps de la place, de l’importance, du pouvoir… L’organisation de l’école, globalement, ne favorise pas l’apprentissage de la communication (Perrenoud, 1991 b). Et cela rend un peu dérisoires les efforts didactiques dans le cadre étroit des heures de français. Ne pas voir cette contradiction, c’est se condamner à se prendre la tête dans les mains en se disant " Mais pourquoi sortent-ils de l’école sans savoir vraiment lire, s’exprimer, argumenter ou même soutenir une conversation téléphonique élémentaire ? " Les raisons, ne les cherchons pas forcément dans les limites des pédagogies du français. Analysons le fonctionnement le plus ordinaire de la classe la plus ordinaire.

Pourquoi n’est-ce pas évident ? Parce que le curriculum est en partie caché, parce qu’il recouvre un ensemble de fonctionnements qui produisent régulièrement des effets plus ou moins identifiables sans que personne ne les ait voulus et en ait une claire conscience. Ces fonctionnements sont pour une large part de l’ordre de la communication, mais une communication parfois clandestine, souterraine. Entre enseignants et élèves, les logiques de la communication (Watzlawick, 1978 ; Watzlawick et al., 1972) sont multiples, parfois antagonistes, souvent cachées ou implicites. La communication n’est efficace qu’en regard des intentions des acteurs. Or ces derniers ne visent pas toujours à être compris, encore moins à susciter des apprentissages. Ils préfèrent parfois être aimés, admirés, craints, oubliés, séduits, amusés, étonnés… Le maître est loin de contrôler tous les réseaux et tous les phénomènes de communication. Parfois, même ses propres fonctionnements lui échappent, parce que sa culture et ses sentiments s’en mêlent.

Je ne puis prétendre ici faire le tour des tous les phénomènes de communication en classe, sans parler de tout ce qui se passe dans l’établissement ou entre la famille et l’école, et qui composent aussi une part du curriculum réel. Je me bornerai à mettre en évidence quelques dimensions trop souvent oubliées de la communication en classe : la communication stressée, inutile, clandestine, piégée, contestataire, régie par le savoir, normée, obligée, codée, assourdissante…


La communication stressée

" Ton temps ne vaut rien, mais ne le perds pas ! " À l’école, on apprend simultanément à " attendre " et à " se dépêcher ". Ce qui marque certains élèves durant le reste de leur existence, influence leur rapport au travail, à la société, à la communication. Le temps scolaire, pour des raisons qui ne tiennent pas au mauvais vouloir des enseignants, est un temps fractionné, régi par la cloche ou la division du travail ; un temps faiblement négocié, faute de temps et pour d’autres raisons ! Il y a un horaire officiel, les règles et habitudes de l’établissement, les attentes des collègues ; on ne peut pas " déborder " parce qu’il y a le restaurant scolaire, la récréation, les devoirs surveillés, la leçon d’éducation physique, les autres cours, le catéchisme, la leçon de musique, etc. Le temps scolaire est calculé, calibré, de façon souvent optimiste, en fonction d’une tâche, avec peu de temps morts et peu de temps pour vivre. Tout le temps qu’on a, on est, à l’école, censé l’utiliser pour " faire le programme ", sachant d’ailleurs qu’on ne le fera pas, mais contraint de faire comme si, d’aller le plus loin possible.

La plupart des tâches et des situations de communication s’assortissent explicitement ou non d’une façon d’utiliser le temps : " Lisez d’abord les consignes, puis prenez les exercices qui vous concernent ou qui vous semblent le plus à votre portée, ensuite faites les autres ; si vous avez le temps, relisez-vous, recherchez vos erreurs ! " Le temps scolaire n’est pas à la disposition des élèves, même si ce sont eux qui travaillent et apprennent ; il est régi par l’institution, qui exerce une pression constante et crée un stress : " Vite ! Dépêchez-vous ! Plus que cinq minutes ! ".

L’organisation du travail scolaire est largement indifférente aux rythmes individuels. Le professeur qui demande à ses élèves de travailler sur un document fixe un temps de lecture en se basant sur le lecteur moyen. À l’issue du temps imparti, certains décrochent déjà, soit parce qu’ils n’ont pas lu ou pas compris le texte, soit parce qu’ils ont eu le temps de lire deux fois et s’ennuient déjà. Ensuite, à supposer qu’on organise le travail en équipes, en donnant à chacune une vingtaine de minutes, il y fort à parier qu’au bout de cette période certains élèves commenceront à peine à entrer dans une vraie discussion, alors que d’autres auront fait le tour du problème et épuisé le débat depuis longtemps. On interrompra alors tout le monde, ceux qui sont en pleine activité et ceux qui se disent que c’est bientôt l’heure de la récréation, ceux qui ont fini et ceux qui auraient besoin d’encore vingt minutes. Le professeur mettra fin aux réflexions personnelles ou aux conversations en équipes, pour engager chacun dans une mise en commun en grand groupe. À aucun de ces moments, la communication n’aura été librement gérée par les interlocuteurs.

La structuration sociale du temps est une dimension de toute expérience, donc du curriculum. On apprend à l’école qu’on a jamais le temps et en même temps qu’on a toujours le temps : le temps d’attendre que les autres aient fini, que les autres vous donnent la parole, que les autres veuillent bien vous écouter. Donc un rapport assez paradoxal au temps et à la communication, fait d’un mélange de précipitation et d’impatience…


La communication inutile

À l’école, on vit dans une certaine promiscuité : durant des dizaines d’heures chaque semaine, vingt, trente ou quarante élèves et un ou plusieurs adultes coexistent dans un local assez exigu. On apprend donc à " vivre dans une foule " (Jackson, 1978), sous le regard d’autrui. Nul n’a d’espace propre, aucun écran ne permet de s’isoler, même cinq minutes. Il y a peu d’autres endroits, dans la société, où la sphère personnelle, à la fois auditive, visuelle, olfactive, matérielle est si mince. L’école est une institution panoptique (Foucault, 1975), voire, à ses heures, une institution totale (Goffman, 1968).

Communiquer dans de telles conditions n’est pas évident. En classe, on prive la communication d’une de ses fonctions essentielles, qui est de mentir, de dissimuler. Notre survie en société est possible parce que nous ne sommes pas télépathes ; nous pouvons constamment régler la distance entre ce que nous pensons et faisons vraiment et ce que nous en donnons à voir. Or plus nous sommes sous le regard des autres, dans une forte promiscuité, plus nous nous sentons privé d’un aspect essentiel de l’identité : la distance, le décalage entre la pensée et le discours, l’intimité, les " coulisses ". En classe, un élève ne peut pas mentir sur grand chose, puisqu’il est facile de vérifier ses dires en regardant ce qu’il fait, ce qu’il écrit, ce qu’il a dans son pupitre, dans son cahier, dans son cartable. Le système de contrôle visuel, de contrôle matériel fait que la communication est, d’une certaine manière, inutile. Pour savoir, le maître n’a souvent pas besoin de demander ! L’élève est cerné de toutes parts, par des adultes qui, pour son bien, ne cessent de l’observer, si bien qu’il est plus dépourvu de ressources, pour maintenir une façade, que la plupart des adultes.


La communication clandestine

L’école valorise la transparence : un bon élève " n’a rien à cacher ", c’est un acteur sans coulisses ni arrière-pensées, sans inconscient ni stratégie. Le meilleur élève est celui dans lequel le pédagogue " lit à livre ouvert " (Repusseau, 1978). Comment supporter cette Glasnost définie de façon unilatérale, de façon d’autant plus légitime - aux yeux des adultes - qu’ils agissent en éducateurs et souvent sur la base d’une représentation de l’enfant qui le nie comme sujet complexe et autonome. À l’école, on apprend donc à dissimuler et à feindre la transparence, à mener de front une communication clandestine et une communication publique, à faire coexister des rêveries inavouables et des pensées présentables. Et à masquer les premières sous les secondes…

Qu’est-ce que la " communication clandestine " ? C’est une communication qui ne cherche pas à s’opposer au maître, seulement à échapper à son contrôle. Mezza voce, elle tente de passer inaperçue. C’est ce que les enseignants appellent le bavardage, qu’ils stigmatisent quand il prend des proportions exagérées. Pourtant, dans la vie d’un écolier, le bavardage est vital ! Comment imaginez qu’on puisse vivre en classe 25 à 35 heures par semaine, quarante semaines par an, pendant 9 à 15 ans de sa vie, à ne rien faire d’autre qu’écouter le maître et répondre à ses questions ? Pour survivre, l’élève a fondamentalement besoin de trouver des interstices. Si l’enseignant ne le concède pas volontairement, les élèves prendront, d’une manière ou d’une autre, le temps de se dire ce qui leur importe.

Pour le maître qui gère sa classe, le bavardage équivaut à du désordre. Les élèves qui parlent pendant un cours créent un bruit de fond, voire amorcent un chahut ; ils perturbent le professeur, qui trouve donc assez vite que les élèves exagèrent et les rappelle à l’ordre. Pourtant, sociologiquement, il est normal qu’une partie de la communication qui se développe en classe soit étrangère à ce que le maître considère comme le sujet principal. Dans " L’école primaire au quotidien " (1988), Régine Sirota distingue deux réseaux de communication en classe, un réseau légitime, animé et contrôlé par le maître, et un réseau parallèle, qui sans être totalement clandestin, est simplement toléré, avec une répression à géométrie variable selon l’humeur et la philosophie du professeur, la tâche entreprise et ses exigences, le climat général de la classe. Ce réseau est alimenté par toutes les conversations particulières, par les messages, les petits dessins qu’on se passe, les sourires, les clins d’œil, toutes sortes de communications non verbales. Si vous observez une classe sans être responsable de la communication légitime, autrement dit sans adopter la posture du maître, vous verrez que la moitié au moins des phénomènes de communication sont de cet ordre, durant les heures de cours les plus officielles. Comprendre la communication en classe, c’est tenir compte des deux réseaux et comprendre comment ils interfèrent. Les enseignants expérimentés ont appris à laisser une " juste place " aux conversations parallèles, à " ne pas voir " les élèves qui bavardent, à ne pas intervenir constamment, à ne pas nier ou réprimer tout ce qui pousse les élèves à parler d’autre chose. Quelle est la tolérance d’un enseignant au bavardage ? D’où vient-elle ? Que doit-elle à sa propre expérience d’élève ? Il ne s’agit pas seulement de supporter un certain volume de bruit, ou l’idée que certains élèves vont manquer des moments cruciaux de la leçon. La question est de savoir qui a le pouvoir. Un enseignant peut-il vivre tout à fait sereinement une parole qui lui échappe, une parole qu’il n’entend pas et à laquelle il ne peut répondre, une parole qui l’exclut, une parole hors du sujet, une parole prise sans avoir été accordée, une parole peut-être critique ou narquoise à son égard ? Dans les classes où se développe une dynamique intéressante, l’enseignant laisse de la place aux conversations des élèves et ne tient pas à être constamment le chef d’orchestre, celui qui maîtrise tout. Un professeur qui repère un élève qui chuchote ou passe un papier à son voisin a le pouvoir exorbitant de dire " Répète à voix haute ce que tu viens de dire tout bas à ton voisin, c’est sûrement très intéressant " ou " Apporte-moi donc ce billet qui passe de main en main ! " Savoir enseigner, c’est probablement savoir s’abstenir d’intervenir régulièrement de la sorte… C’est savoir que les élèves ont droit à une vie et à des communications privées, y compris totalement hors du sujet, totalement frivoles, totalement anodines par rapport à la leçon de mathématique ou de grammaire qu’on est en train de faire. Plus facile à dire qu’à assumer en pratique…


La communication piégée

" Tout ce que tu diras pourra être retenu contre toi " C’est une des choses qu’on apprend à l’école. Lorsqu’on dit qu’un juge " instruit " une affaire, on fait comme si, dans cet acception, le terme n’avait aucun rapport avec l’instruction publique. Et si le maître était, à sa manière, un " juge d’instruction " ? N’accumule-t-il pas sur les élèves et leurs familles un nombre incroyable d’informations, qui peuvent un jour ou l’autre se retourner contre les intéressés ? Dans un entretien avec les parents, le jour où l’élève demande une dérogation ou une faveur, au moment d’un conflit, d’un échec, d’une indiscipline grave, le maître peut se référer à des choses vues, entendues, observées au cours des mois, voire des années qui précèdent. Le carnet scolaire ou le dossier de l’élève fonctionnent parfois comme un " casier judiciaire ". Mais ce n’est rien en regard de tout ce qui s’accumule dans la mémoire individuelle et collective des enseignants. " C’est un élève peu sociable, timide, isolé " ou " Je l’ai entendu dire des choses très grossières à ses camarades, il les provoque sans cesse " ou encore " Il tient régulièrement des propos sexistes " : tout cela finit par dresser un portrait qui peut peser dans nombre de décisions pédagogiques, d’évaluation ou d’orientation.

Les élèves le comprennent assez vite. L’école développe donc ce qu’on pourrait appeler poliment de la prudence, un certain discernement dans ce qu’on dit, une censure de ce qu’on pense. On apprend, à l’école comme dans d’autres organisations d’ailleurs, à ne pas livrer aux autres les armes pour vous battre. Et donc on apprend, dans ce sens particulier, à communiquer prudemment. J’ai développé ce thème à propos de l’évaluation formative (Perrenoud, 1991 c) : l’un de ses paradoxes est qu’elle demande aux gens de dévoiler leurs points faibles, alors que l’expérience scolaire traditionnelle leur enseigne dès le début à les cacher. On apprend qu’il vaut mieux dire " J’ai fait mes devoirs ", " J’ai compris ", si l’on veux sortir à la récréation et avoir la paix. L’intérêt de l’élève, dans l’immédiat, est souvent de masquer un certain nombres de lacunes ou de difficultés, pour ne pas provoquer un accroissement de l’encadrement pédagogique, avec perte d’autonomie, pour ne pas donner prise à un certain nombre de questions inquisitrices ou d’interprétations blessantes.

À l’école, on construit un rapport obligatoire au travail intellectuel et à l’évaluation ; on apprend, davantage que dans la famille la plus sévère, l’effort, l’angoisse, l’ennui, le stress, la frustration. On acquiert donc peu à peu toutes sortes de mécanismes de défense, qui sont aussi des stratégies de communication ou de non communication. On apprend qu’il y a un certain nombre de situations dans lesquelles il vaut mieux ne jamais se mettre, parce qu’elles vous menacent trop. Quand on adresse une question à un auditoire de 400 personnes, il y en a 399 qui ne lèvent pas la main, alors que beaucoup auraient quelque chose à dire. Pourquoi ? Parce que, si on lève la main, on s’expose au regard des autres : le temps qu’on vous donne la parole, on ne sait plus ce qu’on voulait dire, on ne sait plus si c’est une bonne idée, on ne trouve plus ses mots. Bien sûr, faire face à ce genre de risques par l’abstention, c’est frustrant. Mais dans l’immédiat, c’est moins angoissant. Dans une classe, il n’y a pas 400 personnes qui écoutent, mais 20 peuvent largement suffire pour vous angoisser et vous empêcher de parler. D’autant plus que l’expression de cette angoisse ne fait pas partie du travail scolaire quotidien ; chacun est donc renvoyé à ses paniques personnelles, en croyant peut-être qu’il est le seul à craindre de prendre la parole devant 20 ou 400 personnes…

De la même façon, on apprend à se protéger de tout ce qui pourrait mettre en difficulté : poser une question, prendre une initiative, avancer une hypothèse, assumer une responsabilité. " Faire le mort " semble la ligne de conduite d’une partie des élèves.


 " C’est qu’est-ce que je dis ".
Marché linguistique et correction

On apprend à l’école à être constamment évalué, comparé, classé, situé dans diverses hiérarchies d’excellence (Perrenoud, 1984, 1988 c). La parole est, elle aussi, mise dans un éclairage particulier. On ne peut faire une intervention sans qu’elle soit aussitôt située sur une échelle, jugée " moins intéressante ", " plus pertinente ", " mieux structurée " ou " plus pauvre " que les autres. Ce jugement permanent ne contribue pas nécessairement à donner envie de communiquer. L’école est un marché linguistique, au sens de Bourdieu (1989). Le jugement porte sur le fond, sur la forme, sur le niveau de langue, sur la pertinence de ce qu’on dit, sur la façon de prendre la parole. Une classe est un marché linguistique par excellence, un lieu où la parole n’est jamais neutre, où on a toujours des raisons de craindre d’être mal jugé sur ce qu’on dit.

À cela s’ajoute la vieille tradition formaliste de l’enseignement : la correction prend très souvent le pas sur le souci du message ; on interrompt et on corrige constamment les propos des élèves sur la forme, on rectifie la syntaxe, on stigmatise un mot grossier, ou suggère un enrichissement lexical. La correction de la langue prime sur l’efficacité de la communication. Il est difficile d’apprendre à argumenter ou dire ses sentiments lorsqu’on est constamment interrompu par quelqu’un qui demande " Est-ce tu ne pourrais pas dire cela correctement, plus justement, plus élégamment ? " Même les pédagogies renouvelées n’échappent pas à ce travers.

Le maître n’est pas le seul juge. Bourdieu a montré le poids, dans tout groupe social, des stratégies de distinction : chacun a pour but se faire valoir. À l’école comme ailleurs, on ne cesse donc de parler pour se mettre en valeur, pour recevoir des jugements flattant le narcissisme, pour avoir une position influente dans le groupe, que ce soit dans le registre scolaire ou le registre extrascolaire ; certains élèves jouent sur les deux tableaux. Certains, qui sont bons élèves, se font envier et admirer parce qu’ils ils ont réponse à tout, savent poser une question intelligente quand le maître ouvre la discussion ; d’autres se font remarquer par une communication plus déviante, plus souterraine, sur des sujets tabous, allusions sexuelles, impertinences, provocations, critiques, commentaires ironiques de la parole du maître. 


La communication contestataire

À l’école, les enseignants ont le monopole de la parole légitime. C’est peut-être le seul endroit avec l’église, l’armée et les tribunaux - c’est-à-dire des institutions extrêmement fortes - où il y a quelqu’un qui peut garder la parole pendant une heure ou davantage sans que personne d’autre ne pipe mot, ou alors en contrebande, sachant qu’on peut à chaque instant le rappeler au silence et qu’on ne s’en privera pas s’il " dépasse les bornes ". C’est une situation assez exorbitante par rapport à qu’on vit même dans les familles les plus autoritaires. Dans le monde du travail, des associations, le contrôle de la parole s’est beaucoup atténué. À l’école, le pouvoir de dire et de faire taire reste terriblement asymétrique.

La communication clandestine est une façon d’échapper à ce pouvoir, sans s’y opposer ouvertement. Mais on ne peut esquiver à jamais l’affrontement. Une partie de la communication en classe participe d’une sorte de défoulement, de lutte perdue d’avance, mais qui fait du bien, contre le droit du maître à contrôler la parole. L’élève qui veut toujours " en placer une ", qui a toujours quelque chose à dire, même en dehors du sujet, qui perturbe parce qu’il fait perdre du temps, le professeur le rappelle à l’ordre. Peut-il entendre le message très important qui se cache sous ce comportement contestataire : il n’est pas supportable d’être aussi souvent dans la situation de celui qui se tait, attend qu’on lui dise quand il faut parler, de quoi, combien de temps, dans quel registre de langue et pour combien de temps.

Il est normal qu’une partie des phénomènes de communication en classe se situent dans le registre de la contestation, du refus d’un pouvoir et de règles du jeu peu gratifiantes. Une partie des élèves s’habituent à ne guère avoir la parole, ou alors sur commande ; d’autres souffrent durant toute leur scolarité d’être constamment réduits au silence alors qu’ils avaient l’impression d’avoir quelque chose à dire. Souvent, ce sont de petites choses, trente secondes suffiraient ; pourtant, ce n’est ni le sujet ni le moment, il faut attendre la fin de l’heure, la réunion de classe, le moment où on n’aura rien d’autre à faire. Différer la prise de parole, c’est souvent lui faire perdre son sens, même si on ménage ici et là des moments de libre parole. La communication en classe est faite aussi d’une révolte prudente, d’une rage contenue, d’un humour grinçant qui n’ose pas aller au bout de son propos, de peur de la répression. Parler en classe, c’est prouver, rappeler qu’on existe. Parfois, la seule façon de le faire est de se greffer sur la communication officielle, pour la perturber, la caricaturer, la détourner.


On a raison quand on sait

À l’école, on apprend que le savoir c’est une façon d’exercer le pouvoir, de " river son clou à l’autre ", de dire " c’est comme ça parce que je sais ". L’asymétrie du rapport maître/élève condamne ce dernier, pendant 9 ou 15 ans, à être privé de parole devant quelqu’un qui parle parce qu’il sait. À l’école, on est constamment dans une situation de violence symbolique relativement forte, la connaissance, surtout à l’école obligatoire, est présentée comme finie, comme sûre, comme incontestable et comme venant d’ailleurs. Le statut de constructeur de savoir est assez largement dénié à l’élève, dont on attend qu’il soit plutôt un consommateur déférent du savoir, au bout de la chaîne de transposition didactique.

Dans cette chaîne, les maîtres ne sont guère plus autonomes que leurs élèves, pris entre le savoir savant et ses mises en formes didactiques par les spécialistes. Les maîtres ont aussi un rapport très déférent au savoir. C’est l’un des problèmes de la formation des maîtres et de leur relation aux nouvelles pédagogies en mathématique ou en français. Il y a par exemple un malentendu énorme entre les linguistes et les enseignants : les constituants de la phase, produit d’un découpage provisoire et sujet à révision pour le chercheur, deviennent vérités d’Évangile pour un enseignant soucieux de grammaire scolaire. Faute de l’épistémologie, de la connaissance, d’une maîtrise des modes de production du savoir linguistique, le maître se réfère à un état figé, sacré, de la théorie linguistique. À l’école, dans toutes les disciplines, ce rapport respectueux au savoir pèse terriblement sur la communication, le statut de l’erreur, de l’hypothèse, de l’essai, de l’alternative. Lorsqu’elle porte sur la connaissance, la communication scolaire donne souvent raison a celui qui révèle et révère le dogme. Au Café du Commerce, chacun peut dire n’importe quoi. Il s’expose à la critique, mais entre égaux. À l’école, c’est l’inverse, il existe une autorité qui détient la connaissance et juge souverainement de la forme et du fond des opinions des uns et des autres. Pas étonnant qu’il soit décourageant de prendre la parole dans tous les domaines où le maître " a toujours raison ". Certes, les didactiques nouvelles donnent un statut plus positif à l’erreur et transforment dans ce sens le contrat didactique, mais a-t-on mesuré la révolution copernicienne que cela représente quant au rapport au savoir ? A-t-on vraiment, à l’école, la liberté de réfléchir à haute voix ?


Sans règles ni autorité, c’est l’anarchie !

À l’école on apprend à obéir, on apprend qu’il faut des règles, ce dont tout le monde peut convenir jusqu’à un certain point, mais des règles instituées, des règles peu négociables, des règles qui sont " déjà là ", semble-t-il, de toute éternité. Il y a " les choses qu’on fait ", par exemple se mettre en rang pour entrer en classe ou demander la parole ; il y a " les choses qu’on ne fait pas ", par exemple se lever pendant les cours. On pourrait donner maints exemples de choses qui, si elles étaient sujettes à explication et négociation, offriraient autant de prises sur la réalité et donc aussi autant d’occasions de communication. La pédagogie institutionnelle l’a bien compris, lorsqu’elle axe une partie du travail scolaire sur l’aménagement des institutions internes. Seulement, c’est loin d’être une pratique courante. Elle sent le souffre.

Il est sûr que dans les pédagogies nouvelles, actives, participatives, coopératives, on essaie de travailler sur ces dimensions, de gérer le temps, l’espace, la personne, la règle, l’équité différemment. Et notamment d’en faire des objets de concertation, d’argumentation et de décision. Ce qui change complètement le statut des règles : d’héritage sans raisons apparentes ni ouverture, elles deviennent l’enjeu d’un arrangement, d’un marchandage local. On peut alors en parler autrement que sur le mode de la résignation ou de la révolte, qui tournent court.

C’est tout le problème du transfert du pouvoir, de l’établissement vers le maître, et du maître vers les élèves. Il est posé par les nouvelles pédagogies de la langue maternelle. Ainsi, une pédagogie de l’oral qui ne prendrait pas en compte le problème du pouvoir, de la règle, de la justice, du temps de parole, serait une pédagogie absurde, qui se condamnerait à " caser " un apprentissage fondamental et très difficile dans un cadre étriqué. Une approche systémique amène à considérer que la communication est déjà dans l’école, actuellement ou virtuellement. Orienter une pédagogie vers la communication, c’est partir de là !


L’expression obligatoire ou la bonne communication

Les pédagogies plus traditionnelles n’ont guère pour but que l’élève s’exprime, ait envie de " se dire ". Les pédagogies nouvelles sont plus ambiguës, elles s’attaquent à des apprentissages qui ne sont pas de l’ordre de l’instruction, mais touchent à la manière d’être au monde et avec les autres. On avance là sur un terrain assez mouvant. Les pédagogies de l’oral en sont l’exemple le plus évident : jusqu’à quel point a-t-on le droit de demander à quelqu’un de s’exprimer, d’exposer ses idées, d’avouer ses préférences, de dire ses sentiments et ses valeurs ? Le dialogue le plus facile à engager se noue autour de thèmes comme l’argent, la violence, la télévision, le racisme, la santé, la consommation, l’alimentation, les loisirs, etc. Sur tous ces thèmes, les élèves sont solidaires de valeurs familiales, ils ont des expériences parfois douloureuses, ils ont envie parfois de garder leur quant-à-soi, parfois d’en dire trop (Bain 1991). Les pédagogies les plus actives et interactives mettent une partie des élèves en difficulté. Parce qu’on leur demande de prendre la parole sur des thèmes qui leur sont très personnels, qui ne regardent pas l’école. Ou on leur demande tout simplement de prendre la parole, alors qu’on peut imaginer qu’on puisse être heureux en classe et même se développer en parlant très peu ou en ne parlant pas sur commande.

L’école exerce une sorte de pression à la prise de parole, d’autant plus que les didactiques modernes invitent le maître à partir de l’expression des apprenants, de leur vécu, de leur langage, de ce qui les touche. " Sois spontané ", disent les pédagogies actives. Si l’élève n’obéit pas à cette injonction paradoxale, le système didactique entre en crise…


Distances culturelles, conflits et communication

La communication dans une classe met en jeu des distances culturelles majeures, entre maîtres et élèves, mais aussi entre des élèves issus de milieux sociaux, de familles différentes. Ces différences sont de toutes ordres, mais portent notamment sur le rapport à langue et à la communication. Le silence n’a pas la même valeur dans toutes les classes sociales : dans la bourgeoisie et les classes cultivées, on parle volontiers pour ne rien dire, cela fait partie du mode de vie. Dans les classes populaires, le bavardage a un autre statut, parfois moins tendu, moins obligé de fuir la banalité ; parfois censuré : il y a des circonstance où dire des choses " juste pour jouer " est une forme de sacrilège. Les jeux de langage ont des statuts très différents selon les classes sociales, l’argumentation aussi. Bernstein (1975), Labov (1978) et pas mal d’autres sociolinguistes ont montré qu’à l’intérieur de la même aire linguistique, il fallait tenir compte des différences de classe, d’ethnie, de région, de statut dans le rapport à la langue et la communication.

À l’école, on veut faire communiquer des gens qui, au départ, viennent de traditions, d’horizons culturels, de codes différents ; d’où un certain nombre de malentendus, dans le verbal et dans le non verbal. Ainsi, regarder les gens " dans les yeux " quand on s’adresse à eux ou qu’ils vous parlent, est-ce du savoir-vivre ou de la provocation ? Dans certaines cultures, si on a les yeux baissés, c’est qu’on n’est " pas très net ", qu’on a quelque chose à cacher : regarder " en face " est un signe d’honnêteté, de confiance. Dans d’autres cultures, c’est un signe d’insolence : un enfant " bien élevé " n’affronte pas l’adulte en le regardant en face ; il reconnaît son infériorité d’enfant en baissant les yeux. Pudeur, soumission, réserve dans un cas, hypocrisie et culpabilité dans l’autre… On voit bien qu’une telle différence, si on ne l’a pas perçue comme différence culturelle, ne peut que conduire à des interprétations tout à fait fallacieuses, en termes de caractère plus ou moins ouvert ou insolent, en terme de déviance ou de conformisme en regard d’une norme supposée universelle, alors que chacun ne fait que fonctionner conformément à son héritage culturel.

Les pédagogies actives, paradoxalement, accroissent le poids des différences culturelles, parce qu’elle font appel à des dimensions de la personne qui ne sont pas aussi ouvertement en jeu dans les pédagogies traditionnelles (Perrenoud, 1985).


Rêves de silence

Dans une classe, surtout une classe moderne, sur vingt-cinq ou trente heures hebdomadaires, il y a peu d’heures de silence. On ne dispose pas toujours de la tranquillité requise pour se concentrer sur un travail intellectuel. On demande à l’élève, de faire abstraction de l’agitation et du brouhaha qui l’environnent, pour réfléchir, apprendre, avancer dans sa tâche, réagir aux sollicitations de l’enseignant…

Le passage du silence à différents types de conversation ou vice versa est défini de façon uniforme dans une classe et ne tient donc pas compte des besoins, ni des rythmes personnels. Donc l’élève se trouve souvent en situation d’avoir des choses à dire quand ce n’est pas le moment de parler et d’avoir envie de se taire ou de ne rien entendre quand on le prie de participer à la conversation. Ces contretemps dans la communication sont aussi des contretemps dans le fonctionnement intellectuel et dans l’apprentissage (Perrenoud, 1991 c).


Pour conclure : métacommuniquer

On ne peut attendre de personne, même d’un enseignant bien dans sa peau, expérimenté, bien formé, qu’il maîtrise constamment toutes les facettes des phénomènes de communication, en particulier lorsqu’elles sont cachées ou implicites. Cela n’importerait guère si l’on se donnait le droit et si l’on prenait le temps, dans les classes et les établissements scolaires, de communiquer sur la communication, de s’interroger sur ce qui se passe, de confronter des points de vue. Hélas, dans les classes, il semble qu’on consacre fort peu de temps analyser le fonctionnement du groupe-classe et du travail, à se demander quel est le sens de ce que l’on fait, comment on vit la situation au jour le jour. Et on ne s’interroge pas davantage sur les normes, les habitudes, les stratégies, les dits et les non dits qui structurent la communication.

Pourtant, ce n’est pas très difficile. Il suffit de prendre un quart d’heure de temps en temps, si possible en situation, juste à l’issue d’une activité ou en cours de route, pour interroger les élèves. Ils sont sensibles aux phénomènes de communication, ils remarquent que certains parlent tout le temps, que d’autre ne disent jamais rien ; ils distinguent ceux qui parlent pour se faire remarquer, mais n’ont pas grand chose à dire, et ceux qui ont des choses intelligentes à dire, mais n’osent pas. Chacun, dès sa prime enfance, devient par la force des choses " expert en communication ", chacun a des chose à dire sur les registres de langue, les tabous, les prises de parole et de pouvoir, les normes, les stratégies des uns et des autres pour se faire remarquer, obéir, admirer, obéir… Il faut simplement un lieu pour que la métacommunication puisse se développer. Une partie des problèmes de communication, relèvent de l’enseignant et une autre relève du groupe-classe. Pour en débattre, le pas à franchir est relativement simple, mais ensuite il faut l’assumer. On peut apprendre à analyser tous les phénomènes évoqués, et tenter de les maîtriser, à condition d’en parler, de poser ouvertement les problèmes des prises de parole, de l’inégalité dans la communication, du droit au silence, etc. On peut imaginer qu’un maître pose la question à ses élèves : " Par moments, souhaitez-vous que je me taise ? Souhaiteriez-vous avoir une demi-heure par jour où personne ne dit rien ? " Peut-être y a-t-il des classes où tout le monde dirait " Non, non, ça va comme ça " et d’autres où on verrait que c’est utile à l’hygiène mentale, à une sorte de consolidation du travail intellectuel de la journée. Pourquoi craindre de poser une question aussi élémentaire ? Pourquoi ne pas demander aux élèves ou aux étudiants s’ils préfèrent travailler en petit ou grand groupe ?

En bref : la régulation des phénomènes de communication passe par la reconnaissance commune de leur existence, de leur complexité, de la difficulté de donner une place à chacun sans perturber l’avancement dans une tâche, de l’ambiguïté des normes et des codes, de la multiplicité des valeurs, des stratégies et des points de vue investis dans les interactions, en classe comme partout ailleurs.


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