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La formation des enseignants
en question (s)
Philippe Perrenoud
Faculté de psychologie et des sciences de
léducation
Université de Genève
1995
1. Un fil rouge : la professionnalisation du métier au service dune pratique réfléchie et de la démocratisation de lenseignement3. La question de la nature et de la construction des compétences et des savoirs professionnels
5. La question de lalternance et du rôle du terrain dans la formation initiale
7. La question des structures de formation initiale et continue et du rôle des universités
Il y a toujours quelque arbitraire et quelque facilité à poser des questions. Ne vaudrait-il pas mieux proposer des réponses ? Ne serait-ce pas plus " constructif " ? Ce serait oublier que, comme le souligne Bourdieu (1967), la culture et le système de pensée dune époque se définissent par les questions recevables, celles quil paraît sensé et légitime de poser. Le consensus sur les réponses nest pas nécessaire. Les questions sont lespace commun, elles permettent un débat, quelles soient de vraies questions, encore sans réponse, ou quelles manifestent des doutes, des paradoxes, des ambivalences, des désaccords.
La façon dont je les formule est issue à la fois dun trajet théorique, dune implication pratique et des circonstances. Trajet théorique : lorsquon sintéresse en sociologue à linégalité devant lécole, lorsquon cherche à comprendre, au-delà des constat et des thèses globales sur la reproduction, comment se fabriquent échec et inégalités au jour le jour, on en vient à étudier le travail scolaire, le métier délève (Perrenoud, 1994 a), mais aussi le métier denseignant, les pratiques pédagogiques, la façon de traiter les différences entre élèves et les distances inégales entre eux et le curriculum (Perrenoud, 1995). Or, les pratiques senracinent dans un habitus personnel et professionnel et renvoient notamment et à la formation des enseignants (Perrenoud, 1994 b).
Dabord observateur des pratiques et des formations, je suis depuis quelques années engagé, avec Mireille Cifali, dans la coordination dun projet de formation professionnelle des enseignants primaires à lUniversité de Genève, en sciences de léducation. Les circonstances, enfin, appellent une précaution : nombre de gens, en Europe comme ailleurs, se préoccupent de la formation des enseignants. Ils en parlent à partir de systèmes éducatifs et de systèmes de formation fort différents. Les questions des uns ne sauraient être les questions des autres. Ainsi, alors que certains commencent à débattre de luniversitarisation de la formation des enseignants, dautres tentent den limiter les excès (Perrenoud, 1993). Aussi longtemps que nous ignorons la réalité des autres, notre façon de poser des questions ne peut que susciter quelques malentendus. Jespère quen dépit de ce risque, les questions qui suivent permettront un repérage commun des enjeux majeurs.
Sans fil rouge, le débat sur la formation des enseignants ne peut que se perdre dans le dédale des enjeux institutionnels et disciplinaires. Chacun défend alors son territoire, son rapport au savoir, ses intérêts. La marche des institutions se réduit alors à une coexistence plus ou moins pacifique entre des représentations et des stratégies contradictoires. Sans croire naïvement à un consensus, on peut espérer quun travail plus intensif sur des visions communes facilitera le changement et le rendra plus cohérent. Ces vues communes peuvent se traduire dans une politique nationale ou régionale, puis dans des projets détablissement et des plans de formation. En amont, et sans doute à une échelle internationale, il nest pas inutile que sexpriment quelques idées-forces.
Lune delles paraît aujourdhui avoir pris forme en Europe : inscrire la formation des enseignants dans une stratégie de professionnalisation du métier denseignant. Qui dit stratégie dit démarche volontariste et à long terme : la professionnalisation est un processus structurel, une lente transformation du métier, qui sétale sur des décennies et dépasse les moyens dun gouvernement, dun parti ou dun mouvement de réforme ; il ny aura professionnalisation du métier denseignant que si cette évolution est voulue, portée ou soutenue avec continuité par de nombreux acteurs collectifs, par delà les conjonctures et les alternances politiques. Qui dit stratégie dit aussi que la professionnalisation du métier denseignant ne va pas de soi et ne se fera pas " toute seule ", quil ne suffit pas daccompagner ou de hâter un peu un processus inéluctable. Il se peut au contraire que le métier denseignant aille vers davantage de dépendance, de " prolétarisation ", que les maîtres soient de plus en plus définis comme les exécutants de directives émanant dune alliance de lautorité scolaire traditionnelle et de la noosphère, la sphère des spécialistes qui pensent les pratiques, les didactiques, les technologies éducatives, les manuels et autres moyens denseignement, les espaces et les temps scolaires (Bourdoncle, 1991, 1993 b ; Perrenoud, 1994 k).
Mais de quoi parle-t-on au juste ? " Professionnalisation " nest pas une expression très heureuse en français, parce quelle suggère quil sagit de faire " enfin " accéder lactivité denseignement au statut de métier. Or enseigner est à lévidence un métier, sinon depuis des millénaires, du moins depuis un siècle ou deux. Certes, ce métier ne fait que peu à peu lobjet dune véritable formation professionnelle centrée non sur la maîtrise des contenus, mais sur celle des processus denseignement et dapprentissage (Altet, 1994). Développée pour les enseignants primaires dès la création des Écoles normales, cette formation a été et reste plus légère (dans tous les sens du terme) pour les professeurs du secondaire et encore quasi inexistante pour lenseignement supérieur. En ce sens, la professionnalisation du métier denseignant pourrait signifier simplement laccentuation de la composante professionnelle de la formation, au delà de la maîtrise des savoirs ou des pratiques à enseigner.
Ces perspectives ne sont pas absentes du débat nord-américain (Carbonneau, 1993 ; Labaree, 1992 ; Lessard, Perron et Bélanger, 1993) sur la professionnalisation du métier denseignant, mais ce débat est inintelligible si lon ignore une distinction, qui na pas déquivalent en français, entre une profession et un métier ordinaire. Dans les pays anglo-saxons, seuls certains métiers sont considérés comme des professions : médecin, avocat, magistrat, expert, chercheur, architecte, ingénieur, journaliste-éditorialiste, par exemple. La liste nest ni stabilisée et peut être sujette à controverses. Ces exemples correspondent simplement le mieux aux critères que repère Lemosse :
Ce qui peut conduire à dire, de façon plus synthétique encore, quune profession est un métier gouverné par des objectifs (fixés par lemployeur ou un contrat avec un usager) et une éthique (codifiée par la corporation), sans quil soit opportun, ni possible, de dicter aux professionnels, dans le détail, leurs procédures et leurs décisions. Tout simplement parce quils sont - dans ce sens fort - les mieux placés pour savoir " ce quils ont à faire " et comment le faire au mieux. Cela ne signifie pas que tous les professionnels sont constamment à la hauteur de cette exigence. Le degré de professionnalisation dun métier nest pas un brevet de qualité délivré sans examen à chaque praticien. Cest plutôt une caractéristique structurelle, qui reconnaît au professionnel une autonomie statutaire, fondée sur une confiance dans ses compétences et son éthique, en contrepartie de laquelle il assume la responsabilité de ses décisions et de ses actes, non seulement moralement, mais en droit civil et pénal.
Si lon suit cette conception anglo-saxonne, on constate que le métier denseignant est au milieu du gué, quon peut le décrire comme une semi-profession, caractérisée par une semi-autonomie et une semi-responsabilité. Pour évoluer vers davantage de professionnalisation de leur métier, il faudrait évidemment que les enseignants acceptent davantage de risques, se protègent moins derrière " le système ", les programmes, les directives. Encore conviendrait-il quils en aient les moyens, et notamment les compétences, et le revenu quon associe aux professions à part entière. Et aussi quon leur donne, en contrepartie dune plus forte responsabilité personnelle, le droit de choisir leurs stratégies didactiques, leurs démarches et modalités dévaluation, leur façon de grouper les élèves et dorganiser le cursus et les dispositifs denseignement-apprentissage. Ce qui passe par une transformation du fonctionnement des établissements et la professionnalisation parallèle des autres métiers de lenseignement : inspecteurs, chefs détablissement, formateurs
La formation nest certainement pas le seul vecteur de professionnalisation du métier denseignant. Jai indiqué ailleurs quil fallait toucher simultanément :
Il reste que la formation, initiale et continue, est lun des leviers qui permettent délever le niveau de compétence. Cest évidemment leur but dans toute hypothèse quant au processus de professionnalisation du métier denseignant. Ce qui change dans cette perspective, cest que la formation contribue non seulement à accroître les savoir et savoir-faire des enseignants, mais à transformer leur identité, leur rapport au savoir, à lapprentissage, aux programmes, leur vision de la coopération et de lautorité, leur sens éthique, bref à faire émerger ce métier nouveau pour lequel plaide Philippe Meirieu (1990).
Les questions qui suivent sont posées dans cette optique.
Lorsquon forme à un métier semi-professionnalisé, on ne sait pas très bien qui définit les pratiques de référence. Quest-ce quenseigner aujourdhui ? Quelle évolution des pratiques peut-on prévoir au cours des décennies à venir ? A qui appartient-il de répondre à ces questions ? Aux gens de métier et aux associations denseignants ? Aux formateurs ? Aux chercheurs et autres experts ? Aux pouvoirs organisateurs ? Au corps dinspection ? Aux chefs détablissement ? Aux usagers ? Aux futurs employeurs des élèves ? Au gouvernement ? A lopinion publique ?
Dans une société pluraliste et développée, chacun se mêle déducation et nul na le monopole de la réponse. On peut simplement souhaiter que les gens de métier prennent de plus en plus de poids dans sa définition, mais séloignent en même temps dune vision purement syndicale : définir le métier nest pas seulement défendre les revenus et les conditions de travail, lemploi et le statut. Cest dabord penser les pratiques qui sont au coeur du travail quotidien et les compétences quelles supposent ; cest aussi anticiper et préparer les évolutions nécessaires, entre réalisme conservateur et utopie béate (Perrenoud, 1994 b). Aujourdhui, les enseignants se rassemblent dans la défense de leurs intérêts, mais se divisent sur la nature du métier et de ses transformations et souvent se taisent pour masquer ces divisions, dont ils pressentent quelles ne servent pas leur image publique. Ils laissent donc la parole aux experts de la noosphère et aux formateurs spécialisés en didactique des disciplines ou en sciences humaines et sociales, nouveaux venus qui ont besoin de prendre leur place et daffermir leur pouvoir symbolique. Ou aux chefs détablissement et autres personnels de direction, dinspection et dencadrement, qui eux aussi sont en mutation et visent la professionnalisation de leurs métiers respectifs. Ou encore aux media qui scrutent la condition enseignante, de Tant quil y aura des profs à Une vie de prof. Dans ce concert discordant de voix et de silences, les institutions de formation des enseignants font ce quelles peuvent, usent de leur autonomie relative pour faire des plans de formation compatible avec les moyens et les formateurs dont elles disposent.
Il nous manque une méthode pour expliciter et confronter des représentations du métier et de son avenir, et plus encore un langage commun pour parler des savoirs et des compétences des enseignants. Le poids donné à la maîtrise des savoirs savants interdit encore, parfois, de reconnaître et de nommer les savoirs et savoir-faire proprement pédagogiques et didactiques. Dons personnels ou fruits de lexpérience, ce sont encore des non dits à certains niveaux de lenseignement. Même lorsquon en parle plus ouvertement, on met laccent sur des savoirs savants - psychologie et autres sciences sociales et humaines, didactiques de disciplines - et on ne sait pas dire grand chose des savoirs professionnels, des savoirs dexpérience, et moins encore compétences précises quon mobilise dans une classe. Dans les plans de formation, les objectifs visés restent souvent assez vagues et le cursus reste ordonné à une logique des contenus à couvrir, des savoirs à transmettre davantage que des compétences à construire.
Cest sans doute parce que nous navons pas encore un cadre de référence explicite et partagé pour penser les objectifs de formation et la transposition didactique à partir dune pratique professionnelle. Certes, on voit fleurir des " référentiels de compétences ". On peut débattre à linfini de leur structuration et des items qui les composent sans se demander à partir de quelles informations, de quelles représentations des pratiques quotidiennes et des compétences sous-jacentes chacun réfléchit. Presque tous les formateurs pensent savoir de quoi le métier est fait et se distinguent surtout sur le plan des orientations épistémologiques, idéologiques ou méthodologiques : approches didactiques ou psychopédagogiques, méthodes traditionnelle ou méthodes actives, évaluation normative ou formative, usage ou mépris des technologies nouvelles, etc. Ces débats peuvent laisser dans lombre ou dans limplicite des pans entiers du métier : le traitements des différences, la part des angoisses des uns et des autres (parents, élèves, enseignants), les phénomène de pouvoir, de déviance, de violence, la communication, la " gestion des conflits ", les relations intersubjectives complexes (amour, haine, séduction, jalousie, identification, etc.), les phénomènes de groupe, la confrontation des cultures, des valeurs et des rapports au savoir, la façon de faire face au flou et à lambiguïté, de vivre dans une constante incertitude quant aux résultats réels de son action, de décider quand on ne peut rien décider
Je plaide donc pour un travail plus méthodique de description des pratiques pédagogiques dans toutes leurs dimensions, danticipation de leur évolution prévisible, de choix entre le souhaitable et le possible, dexplicitation des savoirs et des compétences mobilisées ou mobilisables, de définition des objectifs de formation et de transposition didactique sur cette base (Paquay, 1994 ; Perrenoud, 1994 b, 1994 i).
Pour ceux qui se sont engagés dans un tel travail, les questions restent nombreuses sur le fond, mais surtout sur les règle du jeu qui permettraient une confrontation de lensemble des intéressés. En effet :
A supposer quon se mette provisoirement daccord sur la nature des compétences et quon en dresse la liste, dautres problèmes surgissent :
Ces questions renvoient à létat incertain des sciences de léducation et des didactiques aussi bien quà la diversité des idéologies dans le champ des formations professionnelles de haut niveau.
Chacun saccorde aujourdhui à dire que la formation initiale nest quun début, que la formation continue doit la prolonger et accompagner les enseignants tout au long de leur carrière. Mais quel rapport imagine-t-on au juste entre les deux ?
La conception la plus courante de la formation continue insiste sur sa fonction de mise à jour (" aggiornamento ", dit-on en italien) des connaissances et compétences acquises. Sans doute est-ce une vision correcte dans un métier dont le degré de professionnalisation est stable : il sagit de moderniser régulièrement ses outils de travail, pour tenir compte du développement des savoirs et des technologies.
Si la formation des enseignants doit contribuer à la professionnalisation de leur métier, ce nest pas suffisant, puisque lidentité professionnelle, le niveau de qualification, dautonomie et de responsabilité doivent eux-mêmes évoluer. Il importe donc de travailler ouvertement dans ces registres, de prévoir des modules de formation centrés sur la personne de lenseignant, le travail déquipe, les problèmes éthiques, les transformations identitaires, le rapport au savoir et non seulement des modules techniques ou didactiques. Il serait encore plus satisfaisant dintégrer ces dimensions générales aux modules qui traitent de la construction des épreuves, de la didactique de telle notion ou de lusage de lordinateur en classe. Car cest dans la façon de sapproprier ces connaissances et ces outils, dans la capacité de reconstruire en conséquence une gestion de classe et un contrat didactique, que se joue la professionnalisation.
Il reste à clarifier ce quil faut viser en formation initiale ? Quest-ce quun " bon débutant " ? Sans doute faut-il considérer deux aspects parfois peu conciliables :
Un bon débutant (Perrenoud, 1994 j) nest pas un bon remplaçant ! Il ne suffit pas quil " sen tire " sans faire de dégâts. On pourrait viser une voie médiane, rejeter à la fois une expérience tellement déstabilisante quelle éloigne du métier et une expérience tellement cadrée quelle invite à ne plus changer une fois dominés les problèmes immédiats et dépassées les premières paniques, surcharges et autres crises des commencements. Doù limportance dune analyse et dune connaissance aussi bien de ce qui se joue dans " la première classe " (Baillauquès et Breuse, 1993 ; Baillauquès et Louvet, 1990) que des régularités observées dans le cycle de vie professionnel des enseignants (Huberman, 1989).
La formation en alternance est à la mode. Mais quentend-on au juste par là ? Lalternance peut se borner à la juxtaposition de moments de cours et de moments de stages. Elle peut devenir une forte articulation, non seulement entre des lieux de formation, mais entre des postures : agir, réfléchir dans laction, réfléchir sur laction ; planifier ou anticiper lexpérience à la lumière des savoirs disponibles, lanalyser sur le vif ou après coup, pour comprendre ce qui sest passé, introduire des régulations et acquérir de nouveaux schèmes, élargir ses compétences, diversifier ses modes daction ou de représentation.
Il ne suffit donc pas dincorporer des stages au cursus de formation pour prétendre réaliser une véritable alternance. La proportion du temps de formation accordée au travail sur le terrain et sa position dans le cursus en disent souvent long sur la conception sous-jacente de lalternance : si les stages représentent le 10-15 % du temps de formation et sont concentrées en fin de cursus, on sait à quoi sen tenir ; il sagit dun " bain de pratique " avant de faire le grand saut vers la première classe. Cest mieux que rien, sans doute, mais on reste dans une alternance pauvre et tardive.
Lexamen des plans de formation est un autre indice : lorsque les stages se présentent comme des modules indépendants, sans identité thématique, caractérisés simplement par leur durée, leur étalement (stages filés ou groupés), le degré dimplication du stagiaire (observation, pratique accompagnée, responsabilité), on comprend que leur lien soit ténu avec les autres modules de formation. On trouve alors, dans le meilleur des cas, un séminaire daccompagnement (analyse de la pratique, supervision) ou un module dintroduction aux stages, on donne aux étudiants des interlocuteurs (responsables de la formation pratique, superviseurs, conseillers pédagogiques) qui les aident à préciser leur attentes et à donner du sens à leur stage. Division du travail qui dispense lensemble des autres formateurs de se sentir responsables des temps de terrain et libres de les vivre souvent comme des moments où les étudiants leur échappent, " partis en stages ".
Larticulation se renforce quant les unités de formation comprennent en leur sein, sous la responsabilité des mêmes formateurs, des temps de terrain et des temps de formation dans le cadre de séminaires fortement centrés sur ce que les étudiants vont faire ou feront dans les classes (Perrenoud, 1994 f). Les maîtres de stages deviennent à ce moment de vrais " formateurs de terrain ", quun réseau relie aux formateurs du centre en charge dune unité spécifique. Il devient alors possible de les impliquer dans un contrat didactique complexe, et de leur demander de participer à la construction des compétences autrement que sur le mode de lexemplarité de leur pratique ou de la correction des essais du stagiaires. On peut, dans ce cadre, inviter le formateur de terrain à :
Jai développé ces idées ailleurs (Perrenoud, 1994 d). Le rôle du terrain dans la formation des enseignants est désormais un champ de travail en plein développement (Clerc & Dupuis, 1994). Cependant, ces thèmes mobilisent encore peu de monde, une partie des formateurs ne se sentent pas fortement concernés et laissent aux directions des institutions de formation initiale, aux responsables des stages, aux animateurs des séminaires daccompagnement ou danalyse de la pratique, le souci de linformation, de la formation, de lassociation des formateurs de terrain à lensemble du cursus.
Dernier point : la problématique de lalternance et des stages escamote trop souvent un débat qui devrait porter sur la démarche clinique de formation et lécrit professionnel (Cifali, 1991 ; 1994), sur le mode de construction des compétences dans un va-et-vient entre théorie et pratique (Perrenoud, 1994 b, 1994 f), sur les savoirs dexpérience (Tardif, 1993 a et b), sur les connaissances-en-acte et lhabitus (Vergnaud, 1990 ; Perrenoud, 1994 h), sur lapprentissage de la pratique réfléchie par la pratique réfléchie en formation (Schön, 1987, 1991 ; Saint-Arnaud, 1992).
Plutôt que de faire venir les enseignants dans les centres de formation, la tendance - qui se développe - est que les formateurs aillent travailler dans les écoles et les classes, avec les enseignants, les équipes, les responsables, en faisant de la formation un apport intégré à la réussite de laction. Il y a donc à interroger lidée même dune formation, en particulier dune formation continue, comme pratique distincte de linnovation, de la démarche de projet ou de la supervision professionnelle.
Pour que se développent de nouvelles pratiques de formation continue, il importe que la culture commune des formateurs et des responsables de formation senrichisse dans le domaine de la professionnalisation interactive et des cultures professionnelles (Gather Thurler, 1992 ; 1994 a et b), quelle donne aussi davantage de clés pour comprendre le fonctionnement des équipes et des réseaux, les dynamiques des projets détablissements, les ressorts du renouveau, de linnovation, de la modernisation des systèmes éducatifs.
Ce qui suppose une diversification des rôles et des modes dintervention en formation continue, donc aussi des profils et des identités des formateurs (Perrenoud, 1994 c).
Les systèmes de formation des enseignants diffèrent dun pays ou dune région à lautre. Presque partout, il y des différences entre enseignants du primaire, du secondaire, du professionnel, du supérieur, différences de statuts ou de revenus, de niveau et de type de formation. Il serait donc vain despérer dégager une structure optimale valable dans tous les contextes. Chaque système suit sa propre histoire, mais il peut sinspirer, par moments, de ce que font les autres.
Parmi les tendances à luvre, on peut discerner :
Chacun de ces points mériterait un long débat. Cest ainsi que le partenariat peut exclure les praticiens et ne reconnaître comme interlocuteurs des instituts de formation que le corps dinspecteurs, les chefs détablissement ou les associations. Quant au rapprochement avec les universités, rien nassure davance quil donnera une véritable place aux sciences de léducation, et plus globalement aux sciences humaines et sociales. Dans les IUFM français, les universités interviennent dabord pour consolider la maîtrise savante des savoirs à enseigner.
Lenseignement secondaire pose un problème supplémentaire de structure : sil faut maîtriser les contenus à enseigner au niveau dun second cycle universitaire de lettres, sciences, mathématiques, etc., comment donner une place importante à la formation professionnelle sans allonger les études ? Comment éviter quun professeur du second degré achève sa double formation à bac + 7 ou 8 ? La seule voie davenir me semble, tracées par certains systèmes, paraît être de rechercher des accords entres Facultés pour des formations mixtes, létudiant suivant par exemple, en parallèle, durant le second cycle universitaire, une formation en mathématique et une formation en pédagogie et en didactique des mathématiques.
Chaque pays, chaque système est confronté à une partie de ces questions, mais dans sa logique, en fonction de son histoire, des rapports de force, des mentalités, des situations budgétaires et politiques, de létat des institutions de formation.
Sans enfermer quiconque dans le modèle des autres, il importe au moins de se parler, de sinformer mutuellement des problèmes et des solutions, de réfléchir ensemble sur des questions analogues. On peut dans cet esprit insister sur quelques stratégies de changement :
Tout cela ne garantit pas linnovation, mais lui donne de meilleures chances de surgir et de se stabiliser.
Comment ne pas se noyer dans la complexité et la diversité des chantiers ? Sans espérer donner une véritable réponse, jinsisterai, pour conclure, sur quelques attitudes favorables :
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