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In Lettre d ’Équipes & Projets
(Paris), 1996, n° 10, pp. 30-31.

 

 

 

 

Innover en identifiant et en dépassant
des objectifs-obstacles

Philippe Perrenoud

Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation
Université de Genève
1996

Utilisée en didactique et dans le cadre des travaux orientés vers les pédagogies différenciées, la notion d’objectif-obstacle ne tourne pas le dos à la notion d’objectif global d’un apprentissage. Elle part plutôt du principe que sur le chemin qui mène à la maîtrise recherchée, les apprenants rencontrent des obstacles. Les uns sont communs à tous, et sont en ce sens prévisibles. Ils devraient être alors levés par une réécriture des programmes s’ils sont insurmontables, par exemple en raison du décalage entre le niveau de développement des élèves et les apprentissages visés. Ou anticipés par les didactiques générales proposées aux enseignants.

D’autres obstacles sont spécifiques, propres à un ou quelques apprenants, et la tâche est alors de concentrer l’effort de chacun sur ce qui l’empêche d’avancer : l’obstacle devient l’objectif.

On peut transposer ce modèle à l’analyse des innovations. Chacune vise un objectif global, par exemple donner au plus grand nombre d’élèves la maîtrise des savoirs de base par une pédagogie différenciée. Dans la poursuite de cet objectif, les innovateurs se heurtent à des obstacles, par exemple :

Ces trois objectifs sont assez généraux. D’autres peuvent n’avoir d’importance que pour un établissement particulier, par exemple le peu d’intérêt des familles pour la réussite scolaire dans une région où l’emploi dépend faiblement des diplômes.

Si l’objectif global est autre, par exemple de donner aux élèves de collège les moyens d’affronter les tâches complexes de façon autonome et efficace, les obstacles sont différents, par exemple :

Le travail des innovateurs qui réussissent peut alors s’analyser en trois phases :

1. Une phase où ils ont identifiés les objectifs-obstacles, à la fois par expérience directe et par prise en compte des expériences faites ailleurs et de la recherche.

2. Une phase où ils ont conçus une stratégie pour les lever ou les contourner.

3. Une phase où ils ont affiné, révisé, complété leur stratégie initiale, à la lumière de l’expérience, à la faveur de régulations successives.

L’analyse d’une innovation réussie, dans le cadre d’une étude de cas, porte alors sur la théorie autant que sur la pratique des innovateurs, autrement dit sur l’ensemble des paradigmes et des savoirs (savants ou d’expérience) qui leur ont permis d’identifier les obstacles, de comprendre pourquoi ils empêchaient d’avancer, d’imaginer des stratégies et de les faire évoluer.

Quant aux pratiques à analyser, ce sont à la fois :

Dans les cas les plus simples, les pratiques nouvelles d’enseignement sont transférables indépendamment de leur genèse, à la manière de procédés éprouvés. Ce modèle technologique est limité, en raison de la diversité des contextes, de procédés éprouvés. Ce modèle technologique est limité, en raison de la diversité des contextes, des publics, des configurations de ressources, de contraintes, de personnes.

Il se peut donc que les pratiques d’innovation soient les seules partiellement transférables, notamment quant à l’identification des objectifs-obstacles et aux stratégies mises en place pour les dépasser.

Une dernière remarque : une telle conception de l’innovation devrait aider à placer l’autorité scolaire et politique devant ses responsabilités : lorsque le même obstacle est repéré par de nombreuses équipes poursuivant des objectifs globalement similaires, la première chose à faire, avant de transférer les pratiques novatrices, serait de se demander si l’on peut lever ou atténuer cet obstacle par des mesures structurelles. L’énergie des équipes pédagogiques pourrait alors s’investir en priorité dans le combat contre des obstacles qui ne tiennent pas à l’institution.

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