Source et copyright à la fin du texte

 

in Cahiers Pédagogiques (1996)
Des idées positives pour l'école,
Paris, Hachette, pp. 85-130.

 

 

 

En finir avec les vieux démons de
l’école, est-ce si simple ?
Antidote sociologique à la pensée positive

Philippe Perrenoud

Faculté de psychologie et de sciences de l’éducation
Université de Genève
1996

Sommaire

En finir avec le pouvoir sans partage, est-ce si simple ?

En finir avec la bonne conscience, est-ce si simple ?

En finir avec l’exclusion comme réponse à l’hétérogénéité, est-ce si simple ?

En finir avec l’indifférence aux différences, est-ce si simple ?

En finir avec l’évaluation qui envahit tout, est-ce si simple ?

En finir avec la pédagogie transmissive, est-ce si simple ?

En finir avec l’overdose, est-ce si simple ?

En finir avec l’acharnement pédagogique, est-ce si simple ?

En finir avec l’évidence du sens, est-ce si simple ?

En finir avec la normalisation des personnes, est-ce si simple ?

En finir avec les tensions et humiliations autour du savoir, est-ce si simple ?

Prendre en compte la complexité, est-ce si simple ?

Références


 

Des idées positives pour l’école de demain ? Pourquoi pas. Nous avons besoin d’idées nouvelles pour répondre aux transformations des sociétés et des systèmes éducatifs. Cependant, l’urgence me paraît plutôt de chercher à mieux comprendre pourquoi nous avons tant de mal à mettre en œuvre, avec cohérence et continuité, les bonnes idées d’hier et d’aujourd’hui. École active, pédagogies coopératives, institutionnelles, différenciées, évaluation formative, individualisation des parcours, contrat, démarches de projet, négociation, autogestion, travail sur le sens : rien de tout cela n’est vraiment nouveau ; pourquoi ces " vieilles idées neuves " infléchissent-elles si peu le fonctionnement de l’école ?

Plutôt que d’ajouter à l’utopie, je tenterai donc d’analyser quelques raisons pour lesquelles il n’est pas simple d’en finir avec les " vieux démons " de l’école. Cette référence " théologique " désigne ironiquement une tendance au retour du refoulé, à l’illusion persistante d’avoir franchi un pas décisif. Elle renvoie à des mécanismes pervers qui transforment les meilleures intentions en leur contraire ou donnent le champ libre à des processus malthusiens ou sélectifs.

Ces démons, j’en identifie onze : le pouvoir sans partage, la bonne conscience, l’exclusion, l’indifférence aux différences, l’évaluation envahissante, la pédagogie transmissive, l’overdose, l’acharnement pédagogique, l’évidence du sens, la normalisation des personnes ou encore les tensions et les humiliations autour du savoir. Onze : ni dix, comme les petits nègres, ni douze, comme les apôtres. On se doute que la liste n’est ni fermée, ni dépourvue d’arbitraire. Ce ne sont pas des exemples choisis au hasard, mais chaque lecteur est invité à compléter le portrait de groupe.

 

Les vieux démons de l’école

Faut-il, pour combattre ces démons, procéder à quelques exorcismes ? Une analyse un peu froide devrait suffire. Si je propose ici un " antidote sociologique à la pensée positive ", ce n’est nullement pour décourager les militants, c’est, au contraire, pour contribuer à les armer de patience et de lucidité. Il n’est point besoin, pour comprendre les mésaventures de nos utopies éducatives, de postuler des résistances " irrationnelles " au changement. Il ne suffit pas de pointer les conservatismes des uns ou des autres ou les incohérences du " système ". La résistance au changement n’est ni inexplicable, ni déraisonnable et il est vain de chercher un bouc émissaire, car l’ambivalence traverse chacun de nous ; une partie des blocages nous renvoient à nos propres contradictions. Chacun de ces démons renaît constamment de ses cendres, parce que nous n’avons pas compris à quel point il est ancré dans nos modes de penser et de faire, ce qui change le moins vite et le plus douloureusement.


En finir avec le pouvoir sans partage,
est-ce si simple ?

Le partage du pouvoir, dans une relation pédagogique, se heurte à l’inégalité des compétences et à la difficulté, pour l’apprenant, de négocier un chemin qu’il n’a jamais parcouru et qui mène à une destination dont il ne peut avoir qu’une idée vague, comme ces pays lointains qu’on se figure à travers quelques cartes postales. L’asymétrie du rapport pédagogique serait moins forte, toutefois, si elle ne tenait qu’à l’inégalité initiale des compétences. On pourrait rêver d’une relation pédagogique sans pouvoir, entièrement coopérative et négociée, dans laquelle celui qui enseigne mettrait son point d’honneur à ne pas décider seul, au nom de son savoir, de la meilleure manière de le faire acquérir à l’apprenant. Il s’obligerait, à chaque étape, à proposer une progression, une méthode, des contenus, puis à la négocier avec l’apprenant. Le contrat impliquerait une égale capacité à définir la suite des opérations, tout en tenant compte de l’asymétrie des savoirs. On s’en doute, une telle attitude exigerait une patience et une disponibilité peu communes. Elle ne résisterait à l’usure du temps que si chacun plaçait cet enjeu - partager le pouvoir - au dessus de tout, au mépris d’une certaine efficacité à court terme. Le " Fais ce que je dis, tu comprendras plus tard " est assez souvent tentant, y compris pour l’apprenant, que cela décharge de la responsabilité de l’entreprise. Chacun rêve à la fois de conserver toute sa liberté lorsque cela l’arrange et d’être intégralement pris en charge dans les moments où il sent ses forces vacillantes… ou requises par d’autres projets. Même entre adultes autonomes, concluant un contrat de formation hors de toute institution, il semble souvent plus facile d’imposer ou de subir une douce violence que de décider ensemble.

À l’école, en particulier à l’école obligatoire, il ne s’agit pas d’un simple contrat entre personnes autonomes. L’élève est l’hôte d’une institution qui, lorsqu’il s’engage, volontairement ou de par la loi, l’assujettit à l’autorité des enseignants. Ces derniers ne l’exercent que par délégation de pouvoir, à charge pour eux de s’en servir pour atteindre des objectifs définis. C’est pourquoi, dans une école ordinaire, aucun enseignant n’est habilité à négocier complètement avec ses élèves ou leurs parents les finalités, les contenus, les modalités ou le rythme des apprentissages. On attend de chacun, au contraire, qu’il incarne l’autorité pour la mettre au service d’objectifs, de programmes et de méthodes définis par l’organisation ou la corporation dont il dépend. Sa marge d’autonomie ne lui donne pas le droit de partager son pouvoir avec les élèves, du moins pas au point de compromettre les apprentissages visés dans les délais impartis. Une telle négociation affaiblirait l’autorité de l’institution elle-même, qui ne se manifeste qu’à travers celle de ses agents. Et plus encore, elle nuirait à l’autorité de ceux de ses collègues enseignants qui n’adhèrent pas à l’idée d’un partage du pouvoir ou n’ont ni le désir, ni les moyens, de négocier quoi que ce soit avec leurs élèves.

Au départ d’une relation pédagogique, l’un a le pouvoir, l’autre pas. L’élève qui résiste ouvertement au pouvoir du maître se retrouve souvent, au bout du compte, blâmé, humilié, puni, " collé ", exclu, réprimé d’une façon ou d’une autre. Certains élèves, et le groupe-classe dans son ensemble, ont toutefois les moyens d’exercer une forme de contre-pouvoir, qui limite l’autorité du maître et le font hésiter à utiliser toute l’autorité que l’organisation lui délègue. User sans réserves de son autorité le placerait dans un pur rapport de forces et le priverait de la coopération minimale sans laquelle il passerait son temps à faire régner l’ordre en classe plutôt qu’à enseigner. Envisager de partager le pouvoir, c’est mettre fin à cet équilibre fragile pour aller vers l’inconnu. Rien ne dit en effet que les élèves sont prêts à " jouer le jeu ". Les enseignants n’ont pas nécessairement tort de croire que " s’ils donnent le petit doigt, on leur prendra la main ", que les élèves ne feront pas bon usage de la confiance qu’on leur fait et du pouvoir qu’on leur propose. Les mêmes craintes s’étendent aux parents d’élèves, toujours suspects de ne pas " avoir le sens des limites " et d’abuser des ouvertures qu’on leur propose. Elles n’épargnent pas ceux qui rêvent d’un partage du pouvoir, car qui offre un partage n’est pas prêt à une dépossession. Les enseignants qui partagent le pouvoir prennent des risques. Ceux qui s’engagent dans une forme ou une autre de pédagogie institutionnelle et donnent du pouvoir à la classe limitent ces risques parce qu’ils ont en général une force, un charisme, des moyens intellectuels et relationnels, des convictions qui empêchent la situation de se retourner à leur désavantage.

La difficulté du partage est renforcée par l’ambivalence des élèves. Le métier d’élève (Perrenoud, 1995 b) est vivable, notamment, parce que la soumission s’accompagne d’une forme d’irresponsabilité. Dès qu’on va vers une forme de " cogestion " de la classe, les mécanismes classiques de défense deviennent moins légitimes : absentéisme, tricherie, bachotage, ruses et inerties diverses paraissent " de bonne guerre " face à un pouvoir sans partage. Lorsque le professeur ne les cautionne plus par une attitude autoritaire, fermée à toute discussion, ces stratégies deviennent moins glorieuses. Une partie des élèves ont donc intérêt à refuser les ouvertures pour conserver leur relative tranquillité. Ils sabotent activement tout appel à la coopération, en poussant le maître à regretter rapidement la confiance qu’il leur a accordée…


En finir avec la bonne conscience, est-ce si simple ?

Dans notre société, chaque adulte a-t-il le droit de s’instruire ou de ne pas s’instruire librement ? En principe oui, mais cette liberté s’atténue s’il s’est mis d’une façon ou d’une autre en " situation irrégulière " : s’il est pénalement condamné, on attend de lui un effort de " resocialisation " ; s’il est drogué, un effort de désintoxication ; s’il est chômeur, un effort de requalification ; s’il est immigré, un effort d’intégration ; s’il est menacé par une maladie, un effort de prévention ; s’il court des risques d’accidents, un effort de formation pour maîtriser les dangers les plus courants de la conduite automobile, de l’alpinisme, de la plongée sous-marine, du parachutisme, etc. Lorsqu’on ne parle plus du citoyen, mais du soldat, du prêtre, du salarié, du fonctionnaire, du membre d’une association, la liberté d’apprendre ou de ne pas apprendre se restreint encore. Certes, chacun peut refuser d’assimiler les nouvelles méthodes, les nouvelles technologies, les nouvelles règles, mais à quel prix ? On peut refuser de s’instruire au risque de se voir exclu de l’organisation ou fortement pénalisé. La liberté des adultes n’est donc pas absolue. Du moins est-elle, dans les pays démocratiques, affirmée comme un principe.

Pour les mineurs, c’est l’inverse. La société leur impose l’instruction et, assez souvent, la scolarisation. Elle définit l’enfant et l’adolescent comme des êtres dépendants, en leur assignant une tâche principale : se préparer à devenir adulte. Enfants et adolescents n’ont donc pas le choix : leur métier est de devenir des adultes acceptables. Ils en tirent leurs moyens d’existence, c’est ce qui justifie qu’on les dispense de participer à la production économique, voire au travail ménager. S’ils prennent leur métier à la légère, les adultes se sentent autorisés à les ramener " dans le droit chemin ", parfois sans ménagements.

L’école, en particulier aux âges de scolarité obligatoire, participe de cette pression et se légitime à la même source que l’éducation parentale. Comme les faibles d’esprit, les mineurs sont réputés ne pas savoir entièrement ce qu’ils font ; il paraît donc juste que ceux qui s’en estiment responsables prennent les commandes. La violence symbolique et, dans une certaine mesure, physique, que la société impose aux enfants et aux adolescents est généralement justifiée par le simple argument qu’elle est déclarée juste et nécessaire : " C’est pour leur bien " (Miller, 1984). Seuls quelques sociologues, quelques psychanalystes, quelques anarchistes et quelques " anciens enfants " qui n’ont pas oublié leur révolte peuvent dire ce que les adultes ne veulent pas entendre, qu’ils ont construit l’enfance et l’adolescence comme des âges mineurs, des âges d’immaturité, de subordination, de protection, d’apprentissage. Bien entendu, il y a quelques fondements psychobiologiques à cette construction. Nul ne le conteste : un nouveau-né est sans défense ; livré à lui même, il ne saurait survivre et grandir. Cela impose-t-il la scolarité obligatoire et l’absence de droits civiques jusqu’à 16, 18 ou 20 ans ? Les mêmes données pychobiologiques ont engendré des constructions très différentes des âges de la vie et de leurs droits dans des sociétés différentes. On sait bien que dans les sociétés du passé et celles du Tiers Monde, là où les moyens de la prise en charge font défaut, des enfants de dix ans se débrouillent comme des adultes.

Les " grandes personnes " ont évidemment tout intérêt, et maintes excuses, à ne pas percevoir l’arbitraire des normes et des conceptions du monde en vigueur dans leur époque et leur société. Le métier de parent ou d’enseignant est difficile, même quant on l’exerce en toute bonne conscience. Cette dernière, aussi discutable soit elle d’un point de vue historique et anthropologique, est vitale pour les acteurs. Que deviendraient les mères qui grondent ou frustrent leur enfant, les maîtres qui admonestent leurs élèves ou les surchargent de travail s’ils se disaient à chaque instant : " De quel droit, au nom de quoi suis-je autorisé à exercer de telles pressions ? Est-ce vraiment pour son bien ? Ou est-ce plutôt dans mon intérêt ou celui des adultes en général ? ".

Les révoltés de tous poils ont toujours violemment dénoncé l’épaisse bonne conscience des nantis, qui les protège de la culpabilité ou, du moins, la rend supportable. Apportons ici quelques nuances : alors que la bonne conscience couvre parfois d’indéfendables privilèges, elle est, dans d’autres cas, une question de survie. En finir avec la bonne conscience, ce serait, pour nombre d’éducateurs, en finir avec l’éducation elle-même, parce qu’ils ne trouveraient plus la force de persister dans leur projet. Rares sont les adultes qui ne pressentent aucunement, au moins par moments, la violence qu’ils exercent sur les enfants ou les adolescents qui leurs sont " confiés ". Si, pour certains, le malaise est passager, d’autres vivent un dilemme permanent. Tous continuent, parce qu’en fin de compte, ils estiment que c’est leur devoir, " pour le bien des enfants ". L’éducateur aimerait imaginer que les enfants " le remercieront plus tard " des disciplines qu’il leur a imposées. Si les adultes doutaient, que resterait-il de l’innocence et du souci de bien faire qui sont au principe de leur force ?


En finir avec l’exclusion comme réponse
à l’hétérogénéité, est-ce si simple ?

Tous capables ! ", affirme le Groupe français d’éducation nouvelle. Le principe d’éducabilité est un credo de tous les mouvements pédagogiques. Il signifie qu’il n’est jamais temps de renoncer et d’exclure d’une formation, qu’il est toujours possible de donner une nouvelle chance, de " remettre l’ouvrage sur le métier ". Est-ce si simple ?

Comment ne pas compter avec " le temps qui reste " ? Aussi longtemps qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir, dit-on. Mais on sait bien qu’on s’approche d’un seuil au delà duquel les efforts seront vains et dénués de sens. Les limites ontologiques, celles qui tiennent à la nature humaine, sont peut-être lointaines. Dans une école, on les atteint plus vite, parce que, les choses étant ce qu’elles sont, dans le temps qui reste, il est impossible de " réaliser un miracle ", même si l’enseignant avait le droit de consacrer toute son attention au quelques élèves les plus menacés. En réalité, il doit continuer à donner son cours et à s’occuper du groupe, de ceux qui n’ont pas réellement besoin de lui et plus encore de ceux qui, s’il les abandonnait à leur sort, seraient assez vite, eux aussi, en péril. L’exclusion n’est pas inéluctable, dans l’abstrait, mais elle survient dans le concret lorsque celui qui pourrait l’éviter est au bout de ses ressources, à la manière d’un chirurgien qui pense avoir tout essayé et baisse donc les bras. À un certain stade, l’exclusion peut devenir un soulagement. Il est éprouvant d’être, chaque jour, confronté à son impuissance face à des élèves pour lesquels on a l’impression croissante de ne rien pouvoir faire. S’ils vivent leur échec dans la résignation, l’enseignant se sent coupable. S’ils fuient dans la déviance, il leur en veut de mobiliser une partie de ses forces pour maintenir l’ordre, alors qu’elles seraient plus utiles ailleurs.

Je ne cherche nulle excuse à ceux pour qui l’exclusion est un oreiller de paresse, une façon confortable de " maintenir le niveau " et l’estime de soi des professeurs, ou encore de fabriquer de l’échec pour sauvegarder la réputation de l’établissement, la formation des élites ou la reproduction des inégalités. Cette forme d’exclusion est l’expression du mépris, de l’égoïsme, du conservatisme, de la volonté de maintenir des privilèges. Reconnaissons toutefois que l’exclusion est souvent la résultante de processus moins caricaturaux, d’une sorte d’impuissance navrée. " Qui ne peut ne peut ", dit la sagesse populaire. De la même manière que celui qui fait un don à une organisation charitable ne peut à lui seul éradiquer la misère du monde, les enseignants ne peuvent, chacun pour soi, inverser les mécanismes de fabrication de l’exclusion et de l’échec (Perrenoud, 1992 a, 1995 a). Comme les médecins confrontés à la guerre ou au dénuement, il leur arrive de faire des choix, de travailler pour ceux dont la situation n’est pas désespérée et d’abandonner les autres à leur sort. Sans doute ne le disent-ils pas aussi crûment, même en leur for intérieur. Mais, lorsqu’un élève " impossible " quitte leur classe pour la vie active ou une filière moins exigeante, ne pensent-ils pas qu’on va désormais mieux travailler avec ceux qui restent et qu’on vivra mieux en n’ayant plus sous les yeux, tous les jours, un vivant reproche ?

L’impuissance de l’enseignant est amplifiée par deux facteurs qui ne dépendent guère de lui : la structure scolaire et les stratégies des élèves. La structure scolaire est, selon les cas, favorable ou défavorable à la lutte contre l’exclusion. Dans une école sélective, où les exigences sont fortes, les programmes chargés, les horaires rigides, les locaux exigus, les échéances rapprochées (carnets, examens, épreuves communes), les degrés de liberté et les espaces de négociation sont faibles. Avec la meilleure volonté du monde, il est difficile de ne pas exclure des élèves dans une organisation dont c’est la logique dominante. Un professeur dont les élèves échouent " trop peu " passe aux yeux de ses collègues, dans certains établissements, pour un laxiste ; on le soupçonne d’affaiblir le niveau et de nuire à la réputation de l’institution, par exemple en laissant se présenter aux examens externes (baccalauréat, concours) des élèves mal préparés, dont l’échec abaissera le taux de réussite de l’établissement. Il y a, au contraire, des structures scolaires construites pour limiter l’exclusion, qui diffèrent les orientations, les rendent réversibles, multiplient les filières intermédiaires, proposent des appuis pédagogiques ou psychologiques, des aides méthodologiques, des espaces où retrouver un rapport plus serein au savoir et à l’école. Selon le système et le corps enseignant au sein desquels il travaille, un maître est, toutes choses égales d’ailleurs - compétence, volonté de bien faire, etc. -, porté par l’institution soit à favoriser l’exclusion, soit à la combattre.

Les élèves ont aussi leur mot à dire. Il arrive un moment où, d’humiliations en échecs, quelles que soient les tentatives louables des enseignants et des parents, certains élèves s’excluent d’eux-mêmes. L’école ne les intéresse plus, il est trop tard pour les " récupérer ", ils ont subi trop de blessures, construit trop de mécanismes de fuite ou de défense, perdu trop d’illusions, abandonné toute estime d’eux-mêmes comme sujets capables d’apprendre, fait leur deuil de tout plaisir associé à la maîtrise des savoirs scolaires. Peut-être, quelques années plus tard, si la formation des adultes le leur permet, reviendront-ils à de meilleurs sentiments. Pour l’instant, ils sont devenus, des terres brûlées ; pour un temps au moins, rien n’y poussera, quoi qu’on fasse. La lutte contre l’exclusion peut, à ce stade, être vécue comme une contrainte supplémentaire par les adolescents qui ne rêvent plus que de quitter l’école et d’avoir la paix en attendant l’heure de leur " libération ". Intervenir lorsque les jeux sont faits redouble la violence. En finir avec l’exclusion, dans un système qui n’est pas entièrement ordonné à cette fin, ce n’est pas simple !


En finir avec l’indifférence
aux différences, est-ce si simple ?

Pour éviter l’exclusion, le plus efficace serait de prévenir l’échec avant qu’il devienne irréversible. Pour cela, une réponse maintenant bien connue : pratiquer une pédagogie différenciée. Est-ce si simple ? Les obstacles sont multiples, je ne peux que les indiquer rapidement, en les regroupant sous une formule générique : ambivalence des responsables politiques, des chefs d’établissements, des enseignants et de leurs associations, des élèves, des parents.

Ambivalence des responsables politiques : nul État moderne ne peut aujourd’hui se permettre le luxe d’ignorer l’échec scolaire et donc, de ne pas soutenir une forme ou une autre de pédagogie différenciée, du soutien minimal aux élèves en difficulté aux cycles d’apprentissages et autres formes ambitieuses d’individualisation des parcours ; dans le même temps, aucun gouvernement ne peut dégager durablement les ressources nécessaires, ni garder un cap politique sur une durée suffisante pour que les effets des réformes deviennent tangibles. Les gouvernements de droite ne peuvent pas prendre le risque de contrarier trop ouvertement une partie de leurs électeurs, dont la démocratisation de l’enseignement est le dernier souci ; les gouvernements de gauche sont très vite débordés par l’ensemble des promesses à tenir en matière de politique sociale, et l’école de base apparaît moins prioritaire que la lutte contre l’exclusion immédiate imputable à la pauvreté ou au chômage.

L’ambivalence n’épargne pas les chefs d’établissements : favoriser une véritable individualisation des parcours met un établissement sens dessus dessous ; il faut recomposer les services, les horaires, les espaces, s’affranchir des découpages disciplinaires, moduler l’évaluation, travailler par projets tant au niveau des élèves que des professeurs. De quoi faire peur à ceux qui sont devenus chefs d’établissement par vocation gestionnaire plus que désir utopique de changer l’école, et même aux autres, car il leur faut gérer l’angoisse et les pesanteurs du corps enseignant !

Ambivalence des enseignants et de leurs associations : j’ai dressé ailleurs (Perrenoud, 1992 b) la liste des deuils qu’une pédagogie différenciée impose aux enseignants. Elle amène, par exemple, à renoncer à l’autonomie de celui qui se sent " seul maître à bord une fois refermée la porte de sa classe " ; ou à s’éloigner d’un fonctionnement didactique qui met constamment le maître sur le devant de la scène, en le précipitant dans l’obscurité des coulisses. Différencier, c’est cesser de faire un cours pour devenir organisateur de situations didactiques fécondes. Ce n’est possible que si l’on parvient à construire de nouvelles satisfactions professionnelles, centrées sur les apprentissages des élèves plus que sur la maîtrise des contenus. Plus globalement, prendre la différenciation au sérieux, c’est aller vers ce métier nouveau dont parle Meirieu (1990), donc assumer une nouvelle identité professionnelle et de nouveaux commencements.

Ambivalence des élèves et des parents : les uns n’ont rien à gagner à la différenciation, parce que le système de l’enseignement frontal leur réussit très bien. Certes, entre le souci des moins favorisés et l’égoïsme de ceux qui ont tout à perdre d’un changement, le coeur des plus lucides balance. Mais on ne s’étonnera pas de voir les parents des bons élèves ne manifester aucune indulgence à l’égard des balbutiements des pédagogies différenciées. Paradoxalement, les élèves qui ont, en principe, tout à gagner de telles pédagogies, ne sont pas nécessairement plus coopératifs : lorsque l’école signifie à un élève qu’elle n’en attend plus grand-chose, il atteint une forme de tranquillité ; sans doute est-ce au prix d’une forte dévalorisation de soi, mais les bénéfices à court terme ne sont pas négligeables : en contemplant tous ceux qui courent après la réussite, passent des heures à faire leurs devoirs et à préparer des examens, les " mauvais élèves " peuvent se dire que " la vie est ailleurs " et qu’ils en jouissent mieux, dans l’immédiat, que les forts en thème. Une pédagogie différenciée qui survient à ce moment de leur cursus tente de les mobiliser à nouveau, les oblige à affronter le travail scolaire, les replace face à des attentes fortes. Une partie des élèves en état avancé de perdition ne peuvent vivre la pédagogie différenciée que comme une prise en charge plus contraignante, qui les oblige à revivre l’espoir d’apprendre, mais peut-être aussi le deuil.

À tout cela s’ajoute un obstacle d’un autre ordre : il n’existe pas, aujourd’hui, de modèle de pédagogie différenciée livrable " clés en main ". On ne dispose que d’intuitions, d’idées, d’exemples, d’outils qu’il faut adapter à chaque situation particulière. Cela ne décourage pas, au contraire, ceux qui militent contre l’échec scolaire et trouvent une partie de leur bonheur à inventer de nouvelles pratiques. C’est en revanche dissuasif pour tous ceux qui demandent, avant de bouger d’un pouce, qu’on leur démontre que c’est possible et que cela ne demande pas un effort surhumain. Aussi longtemps que l’on ne peut leur proposer la différenciation que comme aventure professionnelle, ils laisseront les autres frayer la voie.

Je noterai enfin qu’il ne suffira pas de construire des dispositifs irréprochables d’individualisation des parcours, ni de proposer des situations didactiques faisant sens pour les élèves et les sollicitant constamment dans leur zone proximale de développement. En dernière instance, la prise en compte des différences se joue dans la relation interpersonnelle et interculturelle qui se noue autour des savoirs. La différenciation ne passe donc pas seulement par un travail didactique et méthodologique sur les dispositifs et les situations, mais par un travail plus anthropologique et psychanalytique sur soi et la façon dont on vit l’autre et sa différence (Perrenoud, 1995 c, 1996).


En finir avec l’évaluation qui envahit tout,
est-ce si simple ?

La note n’est pas une mesure exacte des compétences et elle ne donne que très peu d’informations sur les acquis réels des élèves, parce que sa principale fonction est de situer dans une hiérarchie d’excellence (Perrenoud, 1995 a). Est-il encore nécessaire d’en faire la démonstration ? La critique s’étend à toute forme d’évaluation comparative qui, plutôt que de cerner ce que maîtrise chacun, se demande s’il en sait plus ou moins que son voisin. Tous les mouvements pédagogiques, tous les chercheurs, tous les militants qui luttent contre l’échec scolaire, plaident pour une pédagogie différenciée fondée sur une évaluation formative (ou formatrice), qui aide l’élève à apprendre et le maître à enseigner. Pourquoi n’est-ce pas aussi simple ?

D’abord parce que la fabrication de hiérarchies d’excellence est un trait de notre culture que la compétition scolaire renforce, mais n’invente pas à elle seule. Dans le domaine des arts, des sports, des loisirs, de la consommation, de la séduction, de la politique et du travail, la compétition est omniprésente. Tous ceux qui croient avoir quelques chances de figurer parmi les meilleurs ou simplement d’être honorablement classés déploient des stratégies de placement et de distinction (Bourdieu, 1979). On voit mal comment l’école pourrait s’affranchir de ces jeux, qui participent, du moins pour les plus favorisés, du sel de la vie.

Dans son film " L’Armée des ombres ", Melville met en scène des détenus placés dans le champ de tir des mitrailleuses allemandes et auxquels l’officier intime l’ordre de courir, suscitant chez chacun l’espoir vain, mais irrépressible, de " sauver sa peau ". Le résistant incarné par Lino Ventura refuse d’abord ce jeu truqué et cruel, et reste immobile. Puis il craque et se met à son tour à courir. En moins dramatique, la compétition scolaire est assez semblable : comment ne pas courir lorsque tous les autres courent ? Rester sur place, n’est-ce pas la certitude d’être perdant, alors que ceux qui courent imaginent avoir une chance de s’en sortir ? Le piège scolaire (Berthelot, 1982) se referme sur chacun. Seule une concertation de tous pourrait changer les règles du jeu. Aussi longtemps qu’elles sont ce qu’elles sont, chacun a de bonnes raisons de courir, pour que le pire ne soit pas certain. Les parents qui osent aujourd’hui refuser la course aux diplômes font preuve d’une indépendance ou d’une marginalité peu communes… Le fait que les diplômes soient de moins en moins garants de la réussite sociale ou même de l’emploi n’y change rien, car l’absence de diplôme est réputée vouer à coup sûr au chômage et à la galère. Cette course surdétermine toutes les pédagogies. Si l’école renonçait aux classements, les élèves et les parents en demanderaient, tôt ou tard. Peut-être s’en passeraient-ils durant les premières années de scolarité, mais aux approches du secondaire, lorsque les choses sérieuses s’annoncent, la pression deviendrait très forte : de l’école, on attend des atouts dans une compétition que l’institution scolaire ne peut abolir, qui se développe à ses portes, sur le marché du travail ou à l’entrée des universités, quand l’évaluation scolaire n’a pas déjà fabriqué de premières hiérarchies.

Ces valeurs sont partagées par une partie des enseignants et des responsables scolaires. Aux convictions idéologiques d’un certain nombre, s’ajoutent les intérêts plus pragmatiques d’une majorité de professeurs. Chevallard (1986 a) a montré comment un enseignant du second degré pouvait se servir de la notation comme un cavalier de ses éperons, pour obtenir un travail scolaire régulier. Lorsqu’il y a relâchement de l’effort, l’évaluation est un message de mise en garde : " Continuez de cette façon et l’échec vous attend ! ". Lorsque l’effort est suffisant, la notation se fait plus douce, jusqu’à la prochaine régulation… Plus subtilement, l’évaluation sert à maintenir les élèves sous pression. D’interrogations orales en épreuves écrites, l’année passe, sans qu’ils aient le temps de relever la tête et se demander le sens de tout ce travail. De la sorte, le travail d’évaluation occupe facilement 30 à 40 % du temps de classe, beaucoup trop en regard des apprentissages visés.

Pour une partie des professeurs, enfin, l’évaluation est plus qu’un instrument de régulation du travail scolaire ; c’est une façon de maintenir l’ordre, de " tenir " les élèves. Lorsqu’on en est réduit à la stratégie de la carotte et du bâton, les notes sont des récompenses et des sanctions irremplaçables. Avec les menaces de retenue, de punition ou d’exclusion, la menace de notes catastrophiques (donc d’un échec, d’un redoublement, d’une orientation défavorable) fait partie de l’arsenal répressif. Les enjeux sont différents. Les parents blâment leurs enfants s’ils sont grondés, punis, " collés ". Ils ne s’inquiètent vraiment que lorsque la répression fait baisser les moyennes : l’avenir paraît alors se jouer !

On reproche souvent aux élèves de " ne travailler que pour la note ". Peut-être est-ce la rançon d’une pédagogie dont la note est le seul véritable moteur, faute d’avoir su instaurer un rapport désintéressé au savoir et donner du sens au travail scolaire autrement que par la réussite qu’il promet, que les bonnes notes concrétisent. En finir avec l’évaluation qui envahit tout, ce n’est pas simple, parce que cela passe par une adhésion véritable et cohérente aux pédagogies actives et coopératives, aux démarches de projets, au travail sur le sens. L’omniprésence de la notation fait partie du métier d’élève tel qu’il est classiquement défini. Changer l’évaluation, c’est changer ce métier, les contrat didactique, la relation pédagogique, la gestion de classe, donc en fin de compte le métier d’enseignant (Perrenoud, 1995 b).


En finir avec la pédagogie transmissive,
est-ce si simple ?

Si l’on pense que l’apprenant construit lui-même ses connaissances, il s’ensuit que l’enseignant ne peut que le mettre en situation d’amorcer et de poursuivre cette construction, notamment en s’efforçant de donner du sens aux tâches proposées, en les proportionnant au niveau de développement de l’élève, à ses façons d’apprendre, à ses acquis antérieurs. à ses intérêts et à ses projets. Qui pourrait aujourd’hui soutenir le contraire, du moins parmi ceux qui s’interrogent sur les mécanismes d’apprentissage et sur la didactique ? Il reste alors à expliquer pourquoi on ne finit pas d’en finir avec les pédagogies transmissives. Pourquoi les professeurs continuent-ils à donner des cours, alors que cette forme d’enseignement est manifestement aux antipodes d’une mise en situation capable de rendre chaque élève actif, à son niveau ?

La première explication qui vient à l’esprit est que les cours conviennent aux élèves qui ont tous les atouts en main, à ceux dont les parents sont les plus influents, à ceux parmi lesquels on recrutera de futurs professeurs… Toucher au cours magistral, c’est faire vaciller l’image de l’école à laquelle sont attachés ceux auxquelles elle a réussi. Allons toutefois plus loin. L’alternance de leçons et d’exercices d’application convient aussi, parce qu’elle les sécurise, à tous les élèves qui préfèrent qu’on leur assigne une place et des tâches précises et prévisibles, qu’on balise le métier d’élève, qu’on leur dise exactement que faire pour " être en règle ". Suivre le cours et faire les exercices n’exige pas une présence très intense. Il n’est pas besoin, dans une telle pédagogie, de s’impliquer fortement comme personne, d’avoir des idées, de " se creuser la tête ", de négocier, de chercher, alors que toutes les méthodes actives, comme leur nom l’indique, attendent des élèves davantage qu’une présence attentive et des exercices correctement rendus.

On se doute cependant que si les professeurs ne trouvaient pas leur compte dans le cours magistral, ils sauraient progressivement convaincre les élèves et les parents qu’on peut apprendre autrement. Tous n’en sont pas convaincus, parce que ce modèle les a eux-mêmes conduits au baccalauréat et aux études universitaires, mais aussi parce qu’il permet un exercice relativement " raisonnable " du métier d’enseignant. Donner un cours, c’est progresser dans le " texte du savoir " et dans le programme à la manière dont on lit un ouvrage : page après page, chapitre après chapitre, à une allure réglée de sorte que l’on parvienne au mot fin lorsque s’achève l’année scolaire. Cette planification didactique permet de doser la préparation, les évaluations, le travail des uns et des autres. " A chaque jour suffit sa peine ", " Un pied devant l’autre ", " La politique des petits pas ", sont autant d’expressions qui disent les vertus d’une progression réglée. Vertus épistémologiques et pédagogiques parfois, vertus gestionnaires avant tout. En calibrant bien ses leçons, on se trouve au bout du chemin sans avoir eu jamais à se demander s’il en existait d’autres.

Les méthodes actives d’enseignement sont inséparables d’un certain désordre. D’abord parce que les projets engendrent de nouveaux projets, qui n’étaient pas prévisibles au départ. Écrire un conte peut donner envie d’inventer un roman ou une pièce de théâtre, puis de vendre le premier ou de mettre en scène la seconde. De fil en aiguille, une activité disciplinaire devient interdisciplinaire, une activité amorcée dans les quatre murs de la classe s’étend à l’établissement ou au quartier, une activité prévue sur quelques semaines prend des mois… À chaque étape, il faut négocier, tenir compte des élèves. Lorsque le texte du savoir devient " le roman dont chacun est le héros ", le maître n’est plus l’auteur principal. Il perd une part de son pouvoir, il doit justifier des propositions, passer des compromis, prendre le temps (le perdre, diront certains…) de convaincre plutôt que de dire " C’est comme ça ! ".

La pédagogie " expositive " ne tient que faiblement compte des apprenants. Tout au plus le professeur modère-t-il ou accélère-t-il le rythme, répond-il à certaines questions, reprend-il des passages difficiles. Cela ne menace par son pouvoir, alors qu’admettre avec Dewey que " Toute leçon est une réponse " change radicalement la nature des questions autorisées et encouragées : plutôt que de rester des apports bienvenus à un dialogue socratique bien planifié, elles deviennent des facteurs de désordre, parce que les prendre au sérieux oblige nécessairement l’enseignant à s’écarter d’un plan tout tracé. Cela peut le conduire, " simplement ", à prendre le temps de revenir en arrière ou d’emprunter un chemin de traverse. Parfois, le déroulement de l’ensemble du semestre ou de l’année est à reconstruire. Voilà qui peut faire hésiter le maître le plus acquis aux principes de l’école active.

Par ailleurs, à l’échelle du système éducatif, la pédagogie magistrale facilite la division verticale et horizontale du travail d’enseignement ; chaque professeur y est maître chez soi. Au contraire, les pédagogies du projet poussent constamment à franchir les frontières des disciplines, ce qui n’est supportable qu’à la faveur d’une concertation entre professeurs, mieux, d’un vrai travail d’équipe. La progression de dans le cursus devient, elle aussi, moins évidente si les enseignants négocient les contenus et les activités avec leurs élèves : comment éviter complètement d’anticiper sur le programme des degrés suivants, ou de revenir à des notions relevant du programme des années précédentes ? Ici encore, une concertation entre enseignants s’impose. À défaut, la pédagogie transmissive apparaît plus sécurisante.

Autre aspect de la division du travail : la pédagogie transmissive est au fondement de l’édition des manuels scolaires. Les plus " modernes " proposent désormais des situations didactiques ouvertes, des énigmes, voire des activités qui ressemblent à des projets, sauf que ce ne sont pas les élèves qui les imaginent. On peut certes imaginer des moyens d’enseignement de masse utilisables dans les pédagogies actives, mais ils exigeraient d’autres auteurs, d’autres compétences, d’autres risques commerciaux. L’empire de l’éducation scolaire a partie liée avec l’enseignement magistral et les exercices scolaires, même si le " look " des manuels est de moins en moins austère. Il ne suffit pas d’agrémenter les cahiers d’exercices de dessins et de couleurs pour que change la nature des tâches… Le monde des livres, des didacticiels, des CD-ROM va dans le sens d’une standardisation des produits et pourrait accentuer la tendance à faire de l’enseignant en classe un " livreur de service ", selon la formule de l’OCDE, un livreur qualifié et cultivé, mais un livreur tout de même, dont le rôle est de " faire passer ", de " délivrer " un contenu élaboré dans la noosphère (Chevallard, 1992), de préférence selon des méthodes conçues au même endroit, souvent intelligemment, mais par définition hors de tout contexte singulier.


En finir avec l’overdose, est-ce si simple ?

Depuis le temps qu’on oppose les têtes bien faites aux têtes bien pleines, comment se fait-il que les programmes restent aussi chargés ? Le rapport scolaire au savoir est toujours aussi boulimique, avec une tendance nette à enseigner au niveau du lycée ce qu’on enseignait quelques décennies auparavant à l’université, donc de transférer au niveau du collège ce qui relevait du lycée et à celui de l’école primaire ce qui appartenait au collège. Pourquoi s’étonner alors des difficultés croissantes rencontrées par une partie des élèves ?

Toute lutte contre l’échec scolaire exige d’aller à l’essentiel, de dégager des " compétences-noyaux " dont la maîtrise devient le véritable enjeu de la formation. Sans doute n’est-il pas inutile de proposer à ceux qui en sont capables des apprentissages plus riches et diversifiés. Toutefois, la lutte contre l’échec scolaire dérape lorsque cet enrichissement devient (ou demeure) la norme commune et que les professeurs ne sont pas capables, ou ne se sentent pas le droit, d’établir des priorités. Lorsque tout est important, plus rien ne l’est. Courir tous les lièvres est la plus sûre manière de n’en attraper aucun. Pour suivre cette idée de bon sens, il faut s’autoriser à choisir !

Pourquoi est-ce si difficile ? L’identité des professeurs du secondaire est d’abord disciplinaire. Une discipline forme un tout, chaque théorème, chaque loi, chaque modèle, chaque concept, chaque auteur y prend sa place. Une formation scientifique ou littéraire de très haut niveau, suivie de plusieurs années d’expérience de la recherche, de la critique ou de la création, amène sans doute à identifier les composantes nodales d’une science ou d’un savoir savant. Les professeurs ne sont ni assez formés dans leur discipline, ni assez expérimentés dans une pratique de production des savoirs, pour atteindre au détachement qui permet de dire : " Tout n’est pas important ". Ils perçoivent difficilement ce que Develay (1992) a appelé la " matrice disciplinaire ", à partir de laquelle tout le reste s’organise. Il est alors tentant d’en " rajouter ". On sait que certains professeurs mettent leur point d’honneur à enseigner et évaluer beaucoup plus que ce que prévoient les textes, croyant sincèrement lutter contre la baisse du niveau…

Pour choisir, il faut non seulement une grande maîtrise théorique, mais une excellente formation pédagogique et didactique. Aussi longtemps que les professeurs ne savent pas vraiment comment leur discipline s’apprend (ils savent l’enseigner, ce qui est différent), on voit mal comment ils pourraient développer ce que Tardif appelle un enseignement stratégique, c’est à dire capable de discerner ce qui est vraiment décisif. Astolfi (1991) met en évidence l’alternance, dans une classe, entre des temps morts, où rien ne progresse, et des moments clés fugitifs :

Il est frappant par exemple de constater, lorsqu’on analyse le décryptage d’une séquence didactique, à quel point alternent pour les élèves, des moments faciles et des moments difficiles. Pendant 15 ou 20 minutes, on leur demande de refaire, à titre d’exercice ou de révision (ou à titre de préparation de ce qui va suivre, sans qu’ils puissent encore en saisir la portée), des choses qu’ils savent déjà faire. Dans cette activité relativement mécanique, ils n’apprennent souvent pas grand-chose, même si l’entraînement n’est jamais inutile.

Et puis, il suffit quelquefois d’une ou deux minutes d’inattention - voire d’un échange de gomme avec le voisin -, pour que tout à coup le paysage conceptuel change. Car c’est à ce moment que, sans qu’on s’y attende, est introduit l’élément notionnel clé du jour, et là, dans l’instant, tout devient rapide et nouveau. On n’apprenait rien parce que c’était trop facile, on risque de ne rien apprendre parce que, sans prévenir, c’est devenu trop difficile.

Dans une autre recherche didactique récente, d’ailleurs encore en cours, on a pu mettre en évidence ce que j’appelle des moments clés fugitifs. C’est une expression volontairement paradoxale pour exprimer que lorsqu’on analyse des séquences de classe enregistrées, on est frappé par ces longueurs monotones et ces accélérations brutales. Pendant la première partie du cours, l’enseignant développe des préalables, prend la peine de raccrocher la leçon du jour à ce qui a déjà été fait auparavant (ce qui est évidemment tout à fait utile) ; et puis tout d’un coup, survient le moment clé fugitif où tout s’engage et se télescope. Le plus étonnant, c’est qu’il n’est pas rare qu’à ce moment clé, la présentation didactique devienne moins systématique.

Ces observations confirment une relative difficulté des professeurs à discerner structures profondes et contenus superficiels, moments de développement du même thème et moments de restructuration du " paysage conceptuel ". Cela ne reflète pas une absence de maîtrise des contenus disciplinaires, mais une certaine méconnaissance de la façon dont les concepts et les savoirs se construisent dans la tête d’élèves de collège ou de lycée. L’overdose peut naître de cette méconnaissance, imputable pour partie au développement incomplet de la recherche en éducation, pour partie à l’indifférence de beaucoup de professeurs du second degré pour la didactique et la pédagogie.

L’overdose a cependant bien d’autres sources, ne serait-ce que le souci de bien faire, de " tout couvrir ". Souci partiellement intéressé, car il met à l’abri du reproche classique d’élèves ayant quitté la classe, de parents ou de collègues prétendant que telle notion ou telle partie du programme " n’ont jamais été abordées ". On ferait mieux de se demander pourquoi elles ont laissé si peu de traces, alors qu’elles ont effectivement été " traitées ". L’overdose résulte aussi du souci de bien faire des parents. Mus par l’angoisse, une partie d’entre eux " font l’école à la maison ", le soir, le week-end et durant les vacances. Les apprentissages scolaires poursuivent certains enfants sans relâche.

L’overdose, c’est aussi la conséquence du fait que nul ne veut prendre la responsabilité d’alléger vraiment les programmes (Perret et Perrenoud, 1990). Les textes officiels les plus récents s’en tirent en énumérant tout ce qui serait intéressant ou pertinent, et en laissant au professeur le soin de faire des choix " intelligents " en privilégiant le développement de " compétences ". Facile à dire, alors que les examens et les attentes des collègues et des parents portent presque toujours sur des contenus. Comme le dit Chevallard (1986 a), alors qu’un programme est un cadre vide, le professeur voit le tableau déjà peint, parce qu’il investit ce vide de tout ce que sa formation, la tradition disciplinaire, la culture de l’établissement, les moyens d’enseignement, les attentes des uns et des autres suggèrent d’y placer. Il est très difficile de se dégager seul de ce " trop plein " ; il faut en général la force d’une équipe pédagogique pour oser s’affranchir d’une partie des connaissances " intéressantes " et tout miser sur les connaissances essentielles.

D’autres facteurs tiennent aux vertus de l’overdose pour tenir les élèves en haleine et en place. Si l’on ne veut pas qu’un ange passe (Derouet, 1988), si le professeur veut laisser le moins de place possible à la contestation, au désordre, au doute ou simplement à la négociation, il se transforme en " moulin à paroles " et fait s’enchaîner les activités à un rythme d’enfer jusqu’au moment béni où il est " sauvé par le gong ". Dans certaines classes difficiles, l’overdose est un moyen de survie. Ne jamais laisser aux élèves le temps de poser des questions fondamentales est une tactique connue des professeurs mal assurés de leur savoir ou de leur autorité…

Plus généralement, toute forme d’encyclopédisme et de surcharge protège contre une approche constructiviste des connaissances, avec la part de diversité et d’arbitraire qui surgit alors. Travailler par compétences est une façon de ne pas couvrir tous les contenus, parce que tous ne sont pas à assimiler durablement, parce qu’ils servent en partie à alimenter des projets ou des situations-problèmes. Mais ces pédagogies sont extrêmement exigeantes et le repli sur les contenus est une tentation constante (Ropé et Tanguy, 1994 ; Perrenoud, 1995).


En finir avec l’acharnement pédagogique,
est-ce si simple ?

L’acharnement pédagogique, dans le sens où le l’entends ici, est la tendance, lorsque l’apprenant n’apprend pas, à répéter le traitement. La répétition a évidemment sa place quand les choses sont allées trop vite ou lorsqu’un " moment fugitif clé " a " largué " une partie de la classe. Enseigner, c’est résumer, réexpliquer, recommencer une expérience, parcourir encore et encore un raisonnement, relire une consigne, donc répéter. Jusqu’à quel point ? L’acharnement pédagogique ne se mesure pas au nombre de répétitions, mais à leur efficacité décroissante. Il arrive même un seuil où " plus du même " embrouille tout et provoque la nausée, tant de ceux qui ont compris depuis longtemps que de ceux qui ont définitivement renoncé à comprendre.

Le simple bon sens voudrait donc qu’on en finisse avec l’acharnement pédagogique. Pourquoi n’est-ce pas si simple ? Parce que, face à toute résistance de la réalité à notre action, la réaction la plus spontanée est d’apporter " plus du même ". Si une porte ne s’ouvre pas, si une voiture ne démarre pas, si une plante ne pousse pas, le premier réflexe est de redoubler d’effort dans le même sens. C’est assez souvent justifié. La compétence de l’expert est justement de saisir le moment où l’acharnement devient vain, voire nuisible, de comprendre qu’il est temps de " prendre le problème autrement ". Toutes les approches systémiques, par exemple en thérapie de familles, tentent de rompre le cercle des actions et réactions qui aggravent une crise ou une souffrance sous prétexte d’y mettre fin. Tout ingénieur, médecin, avocat, chercheur, tout expert qualifié et expérimenté saisit à un moment donné, souvent de façon très intuitive, qu’il s’y prend mal, qu’il échoue parce qu’il s’enferme dans une méthode sans espoir. C’est alors que survient un changement de perspective ou de paradigme, grâce auquel l’expert reconstruit le problème et déplace la difficulté.

Rien n’empêche en principe un enseignant de fonctionner de la même façon, sinon le nombre de ses élèves et les limites de sa formation. Pour imaginer une alternative, il faut en effet, si on n’a pas le génie de tout réinventer, être nourri par une culture collective ou une expérience personnelle. Qui n’a pas lu Bettelheim peut s’acharner à corriger encore et encore les mêmes erreurs de lecture en ignorant, s’il n’en a pas eu lui-même l’intuition, qu’il y a des mots ou des phrases que certains enfants ne veulent pas lire. Qui n’a pas lu Vergnaud ou Fayol peut s’acharner à réexpliquer la soustraction ou la ponctuation, sauf si son expérience lui a appris que la soustraction répond à des transformations de types très divers ou que les représentations implicite de l’élève à propos des marques de ponctuation peuvent opposer un écran sans faille à des explications construites à partir d’autres évidences. Qui n’a pas lu Imbert ou Cifali, ou découvert seul un savoir équivalent, peut s’acharner à rappeler un enfant à l’ordre alors qu’il a besoin de cette opposition pour avoir une place dans la relation et dans la classe. Qui n’a pas lu Hall ou Bourdieu peut, s’il n’a pas lui-même pris conscience de la diversité des habitus, interpréter comme un trait de (mauvais) caractère, à corriger, ce qui manifeste simplement une autre culture. Pour faire autre chose que " plus du même ", il faut avoir un pouvoir d’analyse associé, en général, à un niveau très élevé de compétence professionnelle. Pour en finir avec la répétition, il faut avoir le courage de la rupture, mais aussi les moyens d’imaginer une autre stratégie…

À supposer que l’on ose et que l’on entrevoie que faire d’autre, il reste à passer à l’acte. Cela implique, très souvent, une rupture avec les habitudes, le contrat didactique, les procédures formelles d’évaluation, la nature des relations maître-élèves. Et cela suppose une forme de différenciation, parce qu’il est peu probable que tous les apprenants se heurtent aux mêmes obstacles et se débattent dans les mêmes impasses. Offrir " plus du même " est, au contraire, compatible avec la logique de formation et de gestion d’un groupe-classe. Plus que par leur efficacité, la fortune des pédagogies de soutien s’explique par leur faible rupture avec les démarches didactiques pratiquées en classe : on envoie les élèves en difficulté se faire réexpliquer, au cours d’appui, ce qu’il n’ont pas compris durant le cours principal… Il arrive que la pédagogie adoptée durant les heures d’appui ressemble trait pour trait à celle qui a créé la résistance ou la difficulté. L’appui est un signe de la faible capacité de l’école à imaginer des stratégies d’enseignement alternatives. Si, dans les conditions privilégiées d’un groupe de soutien, on est porté à offrir " plus du même ", comment s’attendre à ce que, dans les classes ordinaires, on aille chercher plus loin ?

Ici encore, les élèves et leurs parents renforcent les tendances conservatrices de l’école, faute d’imaginer qu’on pourrait faire toute autre chose. Lorsqu’on propose aux parents d’un élève en difficulté de le dispenser des devoirs, de l’évaluation, de certaines tâches, voire de toute venue régulière en classe durant quelques temps, ils tombent en général des nues, parce que cette approche leur est étrangère et paraît désinvolte à qui s’attend à ce que l’école en rajoute dans la prise en charge. L’idée de " prescrire le symptôme ", banale en thérapie systémique, de même que l’usage du paradoxe et le changement des règles du jeu, ne font pas encore partie de " l’imaginaire pédagogique standard ".

L’acharnement pédagogique peut encore s’expliquer, dans un autre registre, comme la manifestation d’une épreuve de force et d’une volonté du maître de " ne pas lâcher prise " : plus l’élève résiste, se dérobe, refuse de travailler ou de faire un effort, plus le maître insiste et engage son amour-propre dans l’entreprise. Comme dans toute relation intersubjective orientée vers la réalisation d’une tâche, l’efficacité peut céder le pas à des enjeux narcissiques peu avouables, mais très importants. Contre certains élèves qui s’opposent activement à l’apprentissage et lui jettent donc un défi, l’enseignant s’engage dans une sorte de " partie d’échecs ", si j’ose risquer l’expression. Tous les travaux sur la médiation plaident pour un désengagement du maître, pour la rupture avec un face à face qui conduit à l’acharnement pédagogique et, parfois, à pire encore. Mais il est très difficile de ne céder à la tentation, de ne jamais se prendre au jeu de l’amour-propre et au désir de toute-puissance…


En finir avec l’évidence du sens, est-ce si simple ?

La question du sens n’a jamais été aussi actuelle en éducation. Globalement : sens de la scolarisation, de la condition et du métier d’élève, des savoirs, du travail et de l’expérience scolaires (Perrenoud, 1995 b ; Rochex, 1995) et plus spécifiquement : sens de tel savoir, telle notion, telle situation d’apprentissage, telle activité (Lenoir et Jonnaert, 1994 ; Margolinas, 1994).

Comment ne pas se féliciter de cette prise de conscience : en classe, le sens n’est pas toujours au rendez-vous ; les finalités de l’école ne font pas sens, ici et maintenant, dans chaque situation scolaire, ni pour les élèves, ni même pour les enseignants. J’ai soutenu ailleurs (Perrenoud, 1993) : 1. que le sens se construit, qu’il n’est pas donné d’avance ; 2. qu’il se construit à partir d’une culture, d’un ensemble de valeurs et de représentations ; 3. qu’il se construit en situation, dans une interaction et une relation. Chacun le sait ou le pressent. Pourquoi est-il si difficile de s’en souvenir lorsqu’on enseigne ? D’abord parce que chaque enseignant partage, par formation, voire par vocation, un rapport positif et familier à la culture scolaire. Sans assimiler sa culture personnelle à la culture qu’il enseigne, le professeur se sent à l’aise dans le champ des savoirs scolaires, non seulement parce qu’il les maîtrise, mais parce qu’il a une idée de leur genèse, de leur importance dans l’aventure de la connaissance humaine, de leur utilité dans la suite de la scolarité et dans la vie. Il est peu probable qu’un enseignant parvienne à donner du sens à chaque fragment du programme. Même lorsqu’il en voit globalement le bien-fondé, il arrive que le jour venu de l’aborder, il n’y prenne pas un immense intérêt. La plupart des enseignants se sont sans doute, un jour ou l’autre, ennuyés à l’école, se sont demandés à quoi rimait ce qu’on leur faisait faire. Ceux qui n’ont pas la mémoire trop courte s’en souviennent. Ils ne sont donc pas dépourvus de moyens de reconnaître certaines " pannes de sens " chez leurs élèves (Hutmacher, 1993). Pourtant, leur adhésion globale à la culture scolaire les porte à n’y voir que des péripéties, manifestations d’une lassitude ou d’une allergie passagères, ou symptômes d’un manque plus profond de " motivation " chez l’élève.

Tout se passe en somme comme si les enseignants, qui ne peuvent éviter d’observer le manque de sens du travail scolaire pour une fraction de leurs élèves, l’imputait à d’autres manques, aux défauts des élèves ou de leurs familles, plutôt qu’aux savoirs enseignés, aux activités proposées, aux méthodes d’enseignement, aux conditions d’exercice du métier d’élève. Peut-être est-il très difficile d’imaginer, lorsqu’on est " indigène " de la culture scolaire, qu’elle puisse durablement et profondément rester étrangère à certains élèves, non en raison de leurs manques, mais parce qu’ils viennent d’un autre horizon. Or, aussi longtemps qu’elle impute aux élèves la distance entre eux et la culture qu’elle leur dispense, comment l’école pourrait-elle mettre cette dernière en question ? Le non sens parle aussi de l’école et des programmes, mais la tentation de l’ignorer est d’autant plus forte que tous les adultes raisonnables, par-delà leurs divergences, partagent l’idée que l’instruction est un bienfait et une nécessité et que seul un défaut de maturité ou de lucidité peut amener un enfant ou un adolescent à en douter.

Autre raison de la relative cécité de l’école au non sens : les enseignants sont les organisateurs du travail scolaire, ils sont donc constamment au centre des événements, en connaissent les tenants et les aboutissants et décident de l’ordre des choses. À Waterloo, le général, même défait, donne du sens à une situation que Fabrice ne comprend pas. " Puisque ces mystères nous dépassent, feignons d’en être l’organisateur ", disait Cocteau. Même si elles ne donnent pas toujours une immense prise sur le réel, la responsabilité et la centralité de l’acteur créent du sens, de la cohérence, de la " raison d’être ". Les élèves peuvent, au contraire, se sentir emportés dans un tourbillon d’activités plus proches d’un chaos que d’une succession ordonnée. Pris dans une tâche dont ils n’ont défini ni le but, ni les consignes, ni le temps et les moyens disponibles, ils vivent la situation comme assez arbitraire. À cela s’ajoute la différence des enjeux : reconnaître le non sens d’une situation qu’il a mise en place est un aveu d’échec pour l’enseignant, alors que c’est devenu une routine, voire un mécanisme de défense, chez les élèves. L’effort de sauver les apparences est un travail souvent créateur de sens, mais qui reste souvent le privilège de l’enseignant…

Entendre les élèves autour du sens et du non sens du travail et des savoirs ne pourrait rester sans conséquences. Demander à ses élèves s’ils voient l’utilité ou l’intérêt de ce qu’il leur propose, c’est, pour un professeur, s’exposer à une réponse évasive, agressive ou ironique qui peut le placer devant un choix difficile : ou il se borne à réaffirmer unilatéralement le sens du travail et des savoirs scolaires, et alors à quoi bon poser la question ? Ou il accepte d’entendre ce que les élèves ont à dire et s’expose alors à devoir changer de rythme, de méthode, de contrat, d’attitude…


En finir avec la normalisation
des personnes, est-ce si simple ?

Rien n’est plus personnel que l’apprentissage. Apprendre dans une bureaucratie, à heures fixes, dans les mêmes conditions et selon les mêmes règles du jeu pour tous, est-ce bien raisonnable ? Il ne s’agit pas ici de pédagogie personnalisée au sens d’une prise en charge individualisée, ni d’individualisation des parcours. Il est simplement question de donner droit de cité à la variété des personnes, des cultures dont elles sont porteuses, mais aussi des façons personnelles de réfléchir, de douter, de comprendre, d’apprendre, de se mobiliser, de se reposer, de communiquer, de rêver.

La scolarisation de masse implique-t-elle nécessairement une telle normalisation des manières d’être ? Entre ceux qui réfléchissent à haute voix et ceux qui ont besoin de silence, entre ceux qui pensent immobiles et ceux qui ont besoin de bouger, entre ceux qui progressent régulièrement et ceux qui alternent temps morts et avancées foudroyantes, entre ceux qui raisonnent en dialoguant et ceux qui méditent en s’isolant, entre ceux qui sont indépendants du champ et travaillent n’importe où et ceux qui ont besoin d’un environnement stable, entre ceux qui lient le savoir à la relation, à l’émotion, à l’implication personnelle et ceux qui s’y investissent comme dans un simple jeu de l’esprit, entre ceux qui réfléchissent avant d’agir et ceux qui passent d’abord à l’acte, entre ceux qui écrivent et ceux qui parlent, faut-il choisir ? Pourquoi l’école éprouve-t-elle le besoin de normaliser les rythmes, les styles, les modes d’interaction, les rapports au travail et au savoir ?

Sans doute est-ce d’abord par manque d’imagination. Il faut un effort pour se rendre compte qu’un fonctionnement mental qu’on croit " universel " n’est qu’un cas particulier. Les attentes d’un professeur dépendent de sa propre manière d’être. S’il est ordonné, organisé, il a du mal à ne pas juger négativement les élèves qui s’accommodent du désordre, quand bien même que cela ne leur réussit pas plus mal. S’il est angoissé, il s’irrite de la désinvolture de certains élèves. S’il doute de soi, il est agacé par leur assurance. S’il est perfectionniste, il déplore leur à-peu-près. Et inversement, bien entendu. Les normes varie d’un professeur à l’autre, mais celles de chacun s’imposent uniformément à tous les élèves de sa classe !

Au manque d’imagination s’ajoute la crainte d’une désorganisation du travail, de disparités, d’injustices. On retrouve de telles craintes à l’échelle du système scolaire. Certaines personnes sont matinales, alors que d’autres ne fonctionnent efficacement que bien plus tard dans la journée. Mais où irait-on s’il fallait en tenir compte ? Certains ont besoin de dépendance, d’autres d’autonomie. Mais comment faire coexister ces deux régimes sans compliquer terriblement la gestion de la classe ? Certains ont peur des questions ouvertes ou existentielles, d’autres ne se mobilisent que pour elles. Y a-t-il une voie médiane, valable pour tous ?

Au delà du thème classique de la différenciation, se profile un débat plus fondamental sur les finalités de l’école : historiquement, son rôle a été de normaliser, de fixer les errants, de moraliser les classes dangereuses, d’instaurer l’hygiène aussi bien que le respect des institutions, de couler dans un moule des individualités appelées à s’intégrer à un ordre social. Sommes-nous sortis de cette logique ? L’école, en dépit de la faveur de l’individualisme, ne reste-t-elle pas, à tort ou à raison, une machine à unifier, à gommer les différences ?


En finir avec les tensions et humiliations
autour du savoir, est-ce si simple ?

Une partie des adultes ont, de leur scolarité, quelques souvenirs cuisants ; souvenirs de tensions, d’affrontements autour du carnet, des devoirs, des punitions, des absences, du travail scolaire, de l’ordre, aussi bien en classe qu’à la maison ; et souvenirs d’humiliations, lorsque l’échec devant une tâche est devenu l’échec de la personne, lorsque la répression d’un écart à la norme a fait émerger un " mauvais sujet ", lorsque l’impossibilité d’être entendu ou écouté a fait ravaler son désir de justice ou de reconnaissance.

A-t-on besoin d’être humilié pour apprendre ? Très peu d’enseignants soutiendraient cette thèse aujourd’hui. Pour autant, en finir avec les tensions et humiliations autour du savoir, est-ce si simple ? Non, parce que l’affrontement est inscrit dans le rapport pédagogique, surtout lorsque la scolarité est obligatoire. Le rapport pédagogique est un rapport de force, l’action pédagogique une violence symbolique, qui se heurte souvent à des résistances. Dans cet affrontement, il peut y avoir, de chaque côté, beaucoup d’émotion, d’agressivité, de rejet de l’autre. L’enseignant, en professionnel, anticipe et, dans une certaine mesure, comprend les résistances des apprenants. Mais sa tâche est de les surmonter. Les stratégies de certains élèves suscitent chez lui des réactions très humaines d’agacement, de découragement, d’impuissance, de dépit, de rage. Autour du savoir et du non savoir se nouent des passions, avec la part de blessures narcissiques involontairement ou délibérément infligées. Nul n’est à l’abri de moments de sadisme, de cruauté, de vengeance. On peut simplement regretter qu’il y ait autour de ces phénomènes autant de tabous (Cifali, 1994 ; Perrenoud, 1995). Qu’une infirmière ait envie, parfois, de " punir " un patient récalcitrant en lui infligeant un traitement un peu énergique est un risque qui peut être travaillé dans le cadre d’une formation initiale ou continue en soins infirmiers. Sur les pulsions agressives, voire sadiques, des enseignants, on jette encore un voile pudique…

À ces approches psychologiques, voire psychanalytiques, il faut ajouter, d’un point de vue plus sociologique, que les conflits sociaux traversent l’école, que la violence des villes et notamment des banlieues n’épargne pas les établissements (Chauveau, 1995 ; Defrance, 1992 ; Nizet et Herniaux, 1985 ; Pain, 1992 ; Payet., 1995) L’agressivité n’est pas seulement une réaction des personnes, elle témoigne souvent d’un affrontement entre des groupes, des cultures, des statuts, des confessions, des ethnies, ou des clivages entre nantis et exclus dans une société duale. Ces chocs collectifs se jouent sur la scène politique, parfois dans la rue, mais aussi, au jour le jour, dans des rencontres singulières, notamment dans les établissements et les classes. Les conflits entre groupes affectent en priorité leurs membres les plus vulnérables, qu’ils soient élèves ou professeurs. La crise affaiblit par ailleurs les mécanismes de défense des individus et des familles. Certains conflits, qui resteraient mineurs en période de sécurité et d’abondance, peuvent devenir dévastateurs lorsque dominent l’angoisse pour l’avenir et la difficulté de vivre. Au fil des décennies, la relation pédagogique est devenue moins asymétrique et autoritaire, mais les sources d’humiliation et de tension se sont amplifiées et déplacées, en raison d’un désordre et d’une diversité sans précédent des valeurs et des rapports au savoir.


Prendre en compte la complexité, est-ce si simple ?

Les utopies éducatives se bercent souvent de la (fausse) évidence que nul enseignant " digne de ce nom " ne saurait leur résister. C’est leur force aussi bien que leur limite. Un corps professionnel est composé de toutes sortes de personnes, des plus conservatrices aux plus idéalistes. L’innovation, par ailleurs, ne délimite pas deux camps bien contrastés, mais divise en eux-mêmes un grand nombre d’individus, par exemple tous ceux qui ont de la sympathie pour des " idées positives ", mais ne sont pas prêt à payer le prix de leur mise en œuvre, autrement dit à affronter toutes les complications, toutes les incertitudes d’un changement. Repérer ces ambivalences n’aide pas, ipso facto, à les dépasser, mais les ignorer condamne à prendre ses désirs pour des réalités.

Parler de " retour du refoulé " est un peu simpliste, dans la mesure où chaque démon résiste à sa façon aux exorcismes. Il m’a paru cependant légitime de faire de ces démons un portrait de groupe, pour souligner à la fois leur tendance à s’épauler mutuellement et l’existence de certains mécanismes communs. Le refus de la complexité en est un. La complexité ne se réduit pas à la complication systémique, à l’interdépendance des phénomènes, même si, à propos de chacun des démons évoqués, on pressent l’enchevêtrement des problèmes et la difficulté de modifier un élément sans changer les équilibres globaux du système, tant à l’échelle de la classe que de l’établissement ou du système éducatif. La complexité est aussi, et sans doute d’abord, la manifestation des conflits irréductibles entre acteurs sociaux aussi bien que de leurs indépassables contradictions internes. On ne peut lutter contre les démons en supprimant purement et simplement le problème, par exemple en renonçant au pouvoir des adultes sur les jeunes, aux programmes scolaires, à toute évaluation comparative, à toute sélection, à toute normalisation. Edgar Morin nous rappelle que " pour Jung, il y a une dialectique permanente du moi avec l’ombre, cette couche mouvante de l’âme où s’agitent les démons qui nous possèdent tant que nous n’avons pas compris que ce sont nos sources vives " (1994, p. 11). Morin ajoute " J’essaie de reconnaître à quelles erreurs mes démons m’ont conduit et à quelles vérités je demeure fidèle. Devenant enfin capable de dialoguer avec eux, je les assume désormais de façon consciente " (ibid.). Un beau programme pour l’école, même s’il est moins sûr que ses démons soient tous des forces vives !

Comment accroître cette prise de conscience ? Dresser une liste ne suffit pas, d’autant qu’elle peut apparaître très négative à ceux qui ont besoin d’une image entièrement positive de l’école pour s’y investir corps et âmes. Chacun diabolise une partie de la réalité, mais les gens d’école ont un faible pour chercher un bouc émissaire hors de leur institution : le " système ", la société, l’économie marchande, le gouvernement, les parents, la classe politique, les médias, voire " la nature humaine " empêcheraient l’école de réaliser toutes ses ambitions. Il ne sert à rien d’affirmer dans l’abstrait que la contradiction est dans le projet d’instruire et les enjeux divers de ceux qui le portent. Que faire alors ?

Je l’ai dit, il ne me semble pas prioritaire d’investir toutes les forces disponibles dans un effort de réaffirmation, de sophistication croissante ou d’enrichissement des idées positives. Il me semble tout aussi important de créer les conditions d’une réflexion du plus grand nombre sur les obstacles que rencontre presque partout la mise en œuvre de ces idées. Pour cela, l’essentiel n’est-il pas de se parler davantage autour du métier d’enseignant ? Coopération professionnelle, travail d’équipe, décloisonnements, projets d’établissements, autoformation, partenariat, travail en réseaux, réflexion éthique, analyse des pratiques, formation continue : tels sont quelques uns des mots clés. On ne se trouve plus dans le registre de l’action pédagogique, mais dans celui des cultures professionnelles, du fonctionnement des institutions et des rapports entre adultes.

La lucidité commande cependant un constat : ce sont là d’autres idées positives. Il n’est pas inutile de les énoncer, mais quelque mauvais esprit pourrait dire : est-ce si simple ? Il est vrai que la coopération professionnelle, les démarches de projet ou l’analyse des pratiques ne se décrètent pas davantage que la pédagogie différenciée ou la rupture avec l’acharnement pédagogique. Il y a pourtant une différence : travailler à transformer les rapports professionnels au sein de l’école, ce n’est pas proposer une utopie pédagogique de plus, c’est tenter de mettre en place d’autres modes de production de l’innovation, plus décentralisés, dans lesquels chacun accepterait de faire partie à la fois du problème et de la solution…


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