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Les Hautes Écoles Pédagogiques
entre deux modèles institutionnels

Philippe Perrenoud

Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation
Université de Genève
1997

La Suisse met en place des Hautes Écoles pédagogiques (HEP), en visant leur ouverture aux alentours de la fin du siècle. Ce seront des institutions de formation des enseignants d’un genre nouveau, de niveau tertiaire, qui relèveront de l’enseignement supérieur, au sens large, mais ne seront pas rattachées aux universités. Les HEP regrouperont les forces des établissements qui assurent aujourd’hui encore la formation des maîtres, essentiellement des écoles normales pour le primaire et des séminaires pédagogiques pour le secondaire. Ces institutions sont généralement rattachés aux divers départements cantonaux de l’instruction publique (DIP).

Réunir sous un même toit plusieurs institutions n’est pas facile, surtout en période de crise, sans moyens nouveaux. Il est encore plus difficile de créer une HEP mettant en commun les ressources de plusieurs cantons, comme c’est le cas ici ou là. Lois nouvelles, problèmes de structures et d’infrastructures, statut, formation et qualification des formateurs, modalités d’admission des étudiants, programmes et filières de formation, partenariat avec les universités, coopération avec les enseignants et les écoles pour la formation sur le terrain, place à donner à la recherche, coordination entre les cantons… les questions ne manquent pas.

Si j’en soulève une de plus, ce n’est pas pour ajouter à la complexité, mais parce qu’elle risque d’être un peu éclipsée par les urgences de la mise en place des nouvelles institutions. Pourtant, elle est fondamentale et devrait être débattue en amont : les HEP sont-elles prêtes à devenir des institutions d’enseignement supérieur à part entière ? Ou vont-elles rester des écoles apparentées à l’enseignement secondaire postobligatoire ou des écoles de niveau tertiaire fortement dépendantes des administrations de tutelle ?

Les HEP ne seront pas universitaires, au sens que l’on accorde en Suisse à cette expression, réservée :

On ne voit pas pourquoi le modèle d’organisation des HEP se calquerait sur celui des universités, lui-même en cours de transformation, avec l’émergence de rectorats forts et la tendance à régler les rapports entre l’État et l’université à travers des contrats de prestation, dans le sens du New Public Management (abrégé NPM). Est-ce une raison de conserver le modèle scolaire ? Pourquoi les HEP ne chercheraient-elles pas une voie originale, en s’écartant du modèle des établissements secondaires supérieurs, en empruntant certains fonctionnements aux universités, voire en innovant vraiment ?

Pour alimenter ce débat, il n’est pas inutile d’expliciter les différences entre le modèle scolaire et le modèle universitaire. Elles sont résumées dans un tableau synoptique, puis commentées.

1. Le rattachement juridico-administratif des HEP

Il semble aller de soi qu’on rattache les HEP à un ou plusieurs départements de l’instruction publique, comme n’importe quel autre service de l’administration. En Belgique, l’État central ne possède que 10 % des écoles, le reste relevant de pouvoirs organisateurs locaux (provinciaux ou communaux) ou de pouvoirs associatifs. En Suisse, l’État est non seulement propriétaire et gérant, mais il entend contrôler de près la marche des écoles, les nominations, l’usage des ressources, en intégrant les établissements à la machine administrative ordinaire de l’État. La gestion par projets et le NPM atténuent ces dépendances, les font évoluer vers des contrats, mais les responsabilités des départements restent entières.

L’organisation des universités est différente. L’histoire les a constituées soit en institutions privées subventionnées (dans de nombreux pays), soit en institutions de droit public dont la dépendance à l’égard de l’État est ambiguë :

Il serait aventureux de prétendre que ce modèle est à tous égards convaincant. L’explosion du nombre des étudiants et la crise budgétaire accroissent la tendance à resserrer les liens entre l’université et la cité, et à renforcer les exécutifs. Les universités les plus lucides sont en quête d’une façon " intelligente " de rendre des comptes, à mi-chemin entre une bureaucratie tatillonne et une institution aussi opaque qu’incontrôlable. Compte tenu de la peur des administrations de voir le contrôle leur échapper, faute d’une tradition académique forte dans les cercles qui développent les HEP, on peut donc imaginer qu’elles s’orienteront vers une dépendance administrative classique. Pourtant, il vaudrait la peine d’y réfléchir. Si les HEP restent de simples courroies de transmission, des excroissances des administrations scolaires, elles feront des formations calquées sur les besoins de l’État, elles n’anticiperont pas, ne favoriseront pas la mobilité entre systèmes et renonceront à toute position intellectuelle critique à l’égard du système éducatif.

  Les HEP entre modèle scolaire et modèle universitaire

Indicateur
Modèle scolaire
Modèle universitaire
1. Le rattachement juridico-administratif des HEP
Au DIP, comme un service de l’administration
Au Conseil d’État et au Grand Conseil, comme une corporation de droit public
2. Le mode de désignation des responsables
Directeur nommé par l’autorité de tutelle
Président ou Doyen élu par les professeurs
3. Statut des collèges de professeurs
Consultatif
Décisionnaire
4. La compétence de proposer la nomination des enseignants
Confiée au directeur
Confiée au collège des professeurs et à des commissions de nomination
5. Les tâches des
formateurs
18 à 24 heures d’enseignement, peu de temps pour la recherche, la gestion et d’autres activités
8 à 12 heures d’enseignement, fort engagement dans la recherche, la gestion et d’autres activités
6. Les conditions de travail des formateurs
Présence durant les cours, salle des maîtres
Bureaux dans l’institution, présence régulière
7. La liberté académique des formateurs
Faible, limitée par des programmes précis
Forte, sur la base d’une compétence dûment vérifiée
8. Le statut de la
recherche
Marginal, à charge de chaque formateur
Institué, intégré au mandat de l’institution
9. La gestion des
ressources
Sur délégation avec budget assigné dans son détail et autorisation d’engagement
Sur mandat de prestation, avec enveloppe budgétaire et contrôle a posteriori
10. Les tâches de gestion (budget, informatique, locaux)
Prises en charge par le directeur, qui mobilise des collaborateurs administratifs
Réparties entre les professeurs, délégation à des groupes de travail
11. La collaboration avec les établissements scolaires
Sous l’égide du DIP, pouvoir organisateur
Dans le cadre d’un contrat de partenariat négocié avec le DIP et les établissements
12. Le statut et les droits des étudiants
Élèves, soumis à un
règlement d’étude
Étudiants, représentés dans les instances de décision
13. Le " métier " d’élève ou d’étudiant
Assister aux cours 30 à 40 heures par semaine, prendre des notes, rendre des travaux pratiques
Travailler de façon autonome, les cours n’occupant qu’une vingtaine d’heures par semaine
14. L’admission des
étudiants
En fonction des postes à pourvoir, donc des besoins de l’employeur potentiel
En fonction des places de stages et des conditions optimales d’encadrement
15. Restructurations périodiques de l’institution
Initiative du directeur ou de l’autorité de tutelle, audit ou évaluations externes
Initiative des collèges de professeurs, autoévaluation et démarches de projet.

 2. Le mode de désignation des responsables

Si les HEP sont placées sous la responsabilité d’un directeur nommé par l’autorité de tutelle, elles fonctionneront comme des établissements scolaires, avec les avantages et les inconvénients qu’on connaît : le directeur n’est pas l’émanation du corps enseignant, il tient son statut et sa légitimité d’en haut. Il ne peut donc être " l’otage des enseignants ". À l’inverse, il ne peut, sauf s’il en a les moyens et le charisme personnels, se poser en leader légitime du projet pédagogique de l’établissement. C’est un gestionnaire, invité à ne pas trop se mêler des contenus et démarches de formation, en contrepartie de quoi il régnera sans partage sur les aspects matériels et administratifs de la vie scolaire. Les professeurs ne se sentent pas solidaires d’une direction qu’ils n’ont pas choisie et sur laquelle l’organigramme ne leur donne guère prise. Un chef d’établissement a certes, de nos jours, une obligation d’information et parfois de consultation, mais on est loin d’une gestion collective. Il reste possible, comme dans tel établissement, d’organiser des séances de 20 minutes où rien ne se dit, dont l’ordre du jour est invariablement : 1. Généralités, 2. Divers.

Lorsqu’une institution est dirigée par un président ou un doyen élu par ses pairs, les professeurs, et qu’il retourne dans le rang deux, quatre ou six ans plus tard, selon la durée des mandats, il exerce le pouvoir sur délégation d’un collège, sous son contrôle et en son nom. Chacun devient dès lors responsable des décisions, donc de l’étude des dossiers. Chacun participe au débat et partage les incertitudes et les paris de toute décision complexe. Le collège ne peut se désintéresser des décisions d’un président qu’il a élu, qui le consulte sur les options fortes et peut être interpellé en tout temps sur sa conduite des affaires courantes. Cela ralentit parfois les décisions, impose certains compromis, mais garantit en contrepartie une forme de solidarité et une certaine cohérence dans la mise en œuvre.

3. Statut des collèges de professeurs

On peut difficilement imaginer une institution d’enseignement supérieur ne reconnaissant aucun pouvoir à l’assemblée des professeurs. Cependant, si le collège reste consultatif, chacun vit l’habituel dilemme de la participation : pourquoi prendre du temps de réflexion, de documentation, de consultation, de réunion, de rédaction de projets s’il n’y a aucune garantie d’être entendu, d’exercer la moindre influence ? Les établissements scolaires sont peuplés d’enseignants déçus d’avoir investi dans des tâches institutionnelles sans avoir été suivis, voire entendus. Certains disent que l’institution après les avoir sollicités pour œuvrer au sein de groupes de travail, n’a même pas pris la peine de leur expliquer pourquoi leurs propositions n’étaient pas prises en compte.

Il n’y a pas de participation durable au travail sans partage, au moins partiel, du pouvoir de décision. Un fonctionnement collégial est certes plus lent, plus lourd, mais il renforce l’identité et la cohérence de l’institution. Peut-être est-ce ce que craint l’autorité de tutelle : il est plus facile de ramener un directeur à la raison que de contrôler un collège, qui ne peut être dans la même dépendance qu’une personne à l’égard d’une hiérarchie administrative et même du politique.

 4. La compétence de proposer la nomination des enseignants

La nomination dans la fonction publique relève du gouvernement. Il reste à savoir qui a la compétence de proposer une nomination. On sait qu’elle n’est pas négligeable, puisqu’elle limite en pratique, dans la plupart des cas, les choix de l’autorité de nomination.

En confiant cette compétence de proposition à un directeur (nommé ou élu), voire à un service du personnel enseignant situé hors de l’établissement, on décharge les enseignants en place d’une tâche délicate, avec les risque de cooptation, les dettes, les stratégies de promotion et tous les jeux qui s’organisent autour des nominations.

Si l’on confie la compétence de proposer une nomination au collège des professeurs, à partir des travaux d’une commission de nomination désignée par lui, comme dans les universités, il importe donc de formaliser des procédures garantissant la confidentialité absolue des dossiers et l’équité de traitement. Les commissions de nomination qui nomment les professeurs d’université sont composées de 4 à 6 enseignants de qualification au moins égale à celle du poste à pourvoir, ils travaillent sous le contrôle d’experts externes (choisis par une instance indépendante) et sous le regard d’observateurs soucieux du respect des procédures et de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes. À cette condition, le corps enseignant devient responsable de son propre renouvellement, et donc de l’insertion des nouveaux professeurs, qu’on ne découvre pas le jour de leur arrivée, parce qu’on a examiné leur dossier et proposé leur nomination plusieurs mois auparavant.

On peut difficilement imaginer une procédure aussi lourde dans des écoles secondaires, en raison des contraintes de la gestion de l’emploi. Dans l’enseignement supérieur, la mobilité n’est pas aussi forte. L’institution de commissions de nomination composées de professeurs est parfaitement envisageable dans une HEP. Elle donnerait un autre statut à l’institution et présenterait aussi l’avantage d’une mise au concours hors du cercle local et d’une procédure accordant le poids principal à la valeur du dossier scientifique et pédagogique.

Dans les universités, l’ouverture d’un concours se fonde désormais, de plus en plus méthodiquement, sur les conclusions d’une " commission de structure ", chargée de décider de l’opportunité de repourvoir un poste ou d’en créer un nouveau, au vu de l’évolution des plans d’études et des besoins. Les universités de Genève et Lausanne ont généralisé depuis quelques années de telles commissions, dont la mission est de réexaminer la division du travail à chaque succession, sans reconduire aveuglément les postes existants, ce qui permet notamment de favoriser des collaborations et des répartitions de tâches entre institutions du même réseau.

5. Les tâches des formateurs

C’est un point fondamental. On marche évidemment sur des œufs, compte tenu des implications budgétaires. Pourtant, il faut poser crûment le problème : si l’on attribue 18 à 24 heures d’enseignement par semaine à un enseignant HEP à plein temps, il aura juste le temps de préparer ses enseignements, de se concerter avec ses collègues, d’assurer l’évaluation et le suivi des étudiants. Il aura alors peu de temps pour la recherche, la gestion et d’autres activités. Dans les universités, les charges d’enseignement des enseignants-chercheurs sont de l’ordre de 6 à 12 heures par semaine, selon les statuts. Mais leur cahier des charges inclut une activité permanente de recherche, la direction de mémoires et de thèse, l’animation d’équipes et de lourdes tâches de gestion.

Les HEP pourraient viser une situation intermédiaire, 8 à 12 heures d’enseignement par semaine, au maximum 14 heures, avec en contrepartie une obligation d’engagement dans la recherche, la gestion et d’autres activités, notamment les relations extérieures de l’institution et les tâches de développement.

6. Les conditions de travail des formateurs

Les établissements secondaires offrent aux professeurs des salles de cours, une salle des maîtres, parfois un centre de documentation. L’essentiel du travail de préparation et de correction se passe donc au domicile personnel du professeur, si bien que la tradition ne l’oblige à être présent dans l’établissement que lorsqu’il donne ses cours ou participe à une réunion officielle. Pour le reste, il s’organise à sa guise.

Dans une université, la présence n’est pas imposée, mais chacun dispose d’un bureau, avec un ordinateur et les ressources élémentaires requises pour faire un travail intellectuel dans une certaine tranquillité. Cela mange évidemment des mètres carrés et accroît les coûts, mais cela rend possible des interactions quotidiennes entre les enseignants et entre eux et les étudiants. Dans les domaines où l’activité d’enseignement ou de recherche exige des technologies que seule l’institution peut acheter et abriter, le travail chez soi est limité, mais cela vaut aussi pour les sciences humaines.

On insiste aujourd’hui sur la culture interne des organisations, leur cohérence, le sentiment d’appartenance, l’identité collective. Tout cela dépend de divers facteurs, donc la coexistence sur des lieux de travail. C’est d’autant plus important, dans l’enseignement, que la nature même de l’activité exclut les contacts entre enseignants durant les cours. S’ils arrivent cinq minutes avant et partent immédiatement après…

7. La liberté académique des formateurs

Dans l’enseignement secondaire, les enseignants ont une grande liberté méthodologique, mais les contenus de leur enseignement sont en principe dictés par des plans d’études et programmes annuels relativement détaillés. En pratique, les textes laissent une appréciable marge d’interprétation, mais à l’intérieur d’un cadre tracé par l’institution. Dans l’enseignement universitaire, les professeurs sont nommés en vertu d’une compétence scientifique pointue, dûment vérifiée. Leur cahier des charges leur assigne un domaine formulé de façon lapidaire : telle discipline ou partie de discipline ou tel objet interdisciplinaire ; il précise éventuellement les titres des enseignements à assurer aux divers cycles d’études universitaire dans leur Faculté. Aucun programme ne décrit par le menu les contenus à couvrir, le professeur étant en principe le mieux placé, en tant que spécialiste du domaine, pour savoir ce qu’il faut enseigner de plus pertinent en regard des développements de la recherche, du niveau d’études et des objectifs de la formation.

Autre différence, liée à la précédente : alors que dans l’enseignement secondaire, de nombreux professeurs enseignent le même programme dans des classes parallèles, dans une université, chaque professeur enseigne en principe autre chose que ses collègues et se trouve donc " le seul de son espèce ". Paradoxalement, ce qui pourrait conduire à un certain isolement devient un facteur favorable au travail d’équipe. Les professeurs d’université ne peuvent former des " groupes disciplinaires " défendant des intérêts identiques, par exemple des heures dans la grille horaire. Ils se regroupent en revanche en départements, équipes de recherche et de plus en plus, en fonction des nouvelles démarches de formation, en équipes d’enseignement. On exige donc une ouverture à la coopération professionnelle et des compétences de communication, d’animation et de négociation sans lesquelles la vie scientifique se sclérose.

Les HEP pourraient, ici encore, chercher une voie médiane. Sans aller vers des spécialisations aussi fortes et pointues que les universités, elles pourraient viser des cahiers des charges clairement différenciés, mais complémentaires, au sein d’équipes, avec un recrutement sur dossier, évaluant non seulement un niveau global de qualification, mais l’expérience et les travaux accumulés dans un domaine particulier.

En contrepartie de la liberté académique dont ils jouissent, les professeurs doivent rendre compte régulièrement de leurs activités d’enseignement et de recherche. Lorsque leur mandat est de durée limitée, par exemple 4 ou 7 ans, renouvelable, une commission analyse le rapport d’activité et les publications et propose la reconduction du mandat. Assez normalement, un surcroît de liberté aboutit à un surcroît de responsabilité. La fonction publique est encore associée à une garantie d’emploi à vie dans la plupart des secteurs. Dans les universités, les professeurs sont des fonctionnaires, mais leur mandat est régulièrement remis en jeu. On s’en doute, il faut de sérieuses raisons pour ne pas le renouveler, mais cela arrive…

Dans les HEP, les formateurs auront subi une période de mutation au cours de laquelle tous auront tremblé et certains auront perdu des avantages acquis. Ils aspireront donc à un nouveau statut stable, garanti à vie. Peut-être faut-il peser les effets pervers d’une telle garantie accordées à des emplois fortement qualifiés, pour lesquels le maintien d’un niveau de compétence suppose un travail personnel constant de formation, de réflexion, de recherche.

8. Le statut de la recherche

Il est évidemment très dépendant du statut des formateurs. Si rien ne valorise la recherche dans la procédure de nomination et l’évolution de la carrière des enseignants des HEP, cette activité restera marginale, dépendante des initiatives de chaque formateur.

Dans les institutions de formation des enseignants, la présence de la recherche en éducation a trois raisons d’être très prioritaires :

Ces objectifs devraient faire partie des missions de l’institution et donc être clairement dissociés des enjeux statutaires des personnes et des stratégies de développement de la recherche fondamentale ou appliquée. Si l’on veut instituer la recherche comme composante de l’activité des HEP, elle doit être intégrée au mandat des enseignants et des unités qui les regroupent. Cela ne veut pas dire qu’il faut nécessairement calquer cette recherche sur les standards universitaires et en attendre le même genre de produits. Les HEP pourraient privilégier, non pas la recherche appliquée sous contrat, mais une recherche proche du terrain, dont les effets de formation et d’innovation sont aussi dignes d’intérêt que l’apport à la connaissance fondamentale.

9. La gestion des ressources

Dans une administration, traditionnellement, l’engagement des ressources se fait sur délégation et sous contrôle de la hiérarchie, dans le cadre de lignes budgétaires précises. Sous l’impulsion du NPM, certains secteurs de l’administration évoluent dans le sens de mandats de prestation, avec enveloppe budgétaire et contrôle a posteriori. Il serait paradoxal que les HEP à créer soient, sous cet angle, moins audacieuses que le service des automobiles…

Une certaine indépendance financière et administrative des HEP permettrait aussi de ne pas calquer les budgets et la définition des postes et des salaires sur les traditions de l’administration scolaire. Le statut de l’université permet plus facilement que dans un établissement scolaire :

Si chaque HEP est enfermée dans la logique des fonctions, des salaires, des procédures comptables d’une administration cantonale, elle en restera un rouage plutôt que de devenir un acteur institutionnel.

10. Les tâches qualifiées de gestion

Lorsque les tâches de planification, budget, informatique, locaux sont prises en charge par le directeur, qui mobilise des collaborateurs administratifs et techniques, les professeurs ne s’en plaignent pas, dans la mesure où ils n’aspirent pas à régler de tels problèmes et ne sont pas particulièrement compétents, au départ.

Réparties entre les professeurs, ces tâches ne sont sans doute pas accomplies aussi vite et sûrement que par des experts, mais elles sont connectées plus étroitement aux missions principales de l’institution, formation et recherche. Si les professeurs ne sont pas spécialistes des équipements informatiques, des constructions ou des budgets, ils ont au moins le souci de l’utilité et de la cohérence des moyens matériels et techniques engagés.

11. La collaboration avec les établissements scolaires

Dans la tradition des Écoles normales et séminaires pédagogiques, les stages dans les écoles sont placés sous la responsabilité principale du DIP, pouvoir organisateur. L’institution de formation n’a pas besoin de convaincre, les places de stage lui sont fournies par l’autorité scolaire.

L’un des signes de l’indépendance administrative des HEP pourrait être la négociation d’un contrat de partenariat entre la HEP et l’administration scolaire, doublé de contrats plus spécifiques passés avec des établissements, des équipes et des enseignants accueillant et formant des stagiaires.

À l’intérieur de l’appareil d’État, la pratique des conventions se développe. Elle remplace une coordination imposée d’en haut par une négociation entre parties contractantes, ce qui oblige à des compromis équilibrés, chacun des partenaires ne signant et ne renouvelant le contrat que s’il y trouve son compte.

Un contrat de partenariat négocié entre la HEP et l’administration scolaire ne saurait évidemment être dénoncé sans préavis. Compte tenu des enjeux institutionnels, dans le souci du bien public, les parties semblent condamnées à s’entendre. Du moins chacune serait-elle alors en droit de négocier, de poser des conditions, plutôt que de recevoir un mandat.

En formation des enseignants, l’indépendance juridique de l’institution de formation est, paradoxalement, un garant de la qualité du travail sur le terrain : si les praticiens doivent être formateurs de leurs futurs collègues, il est essentiels qu’ils soient totalement volontaires et entrent en dialogue direct avec les formateurs HEP. Cette dernière devrait avoir la responsabilité de recruter les maîtres de stages (appelés aussi " formateurs de terrain "), plutôt que de subir des collaborations décidées par l’administration, comme c’est clairement le cas en France, par exemple, où le Ministère fait connaître aux IUFM les places de stages disponibles…

12. Le statut et les droits des étudiants

Les jeunes et moins jeunes qui s’inscriront dans les HEP seront des adultes, mais les traitera-t-on comme des étudiants ?

Dans les université moderness, les étudiants :

Les HEP pourraient, dans ce domaine, aller nettement plus loin que les écoles secondaires.

13. Le " métier " d’élève ou d’étudiant

Etre élève, c’est assister régulièrement au cours, ou à défaut présenter une excuse. C’est faire régulièrement un travail défini comme des devoirs, des exercices, des travaux pratiques, un plan de semaine. C’est se soumettre régulièrement à une évaluation standardisée. C’est être pris en charge du lundi matin au vendredi après-midi, avec 30 à 40 heures de cours. C’est appartenir à une classe, milieu de vie et de travail, sous la responsabilité d’un ou plusieurs professeurs. C’est aussi entretenir un rapport docile au savoir, dans un cadre où les professeurs sont des médiateurs, mais ne produisent pas les savoirs transmis. C’est enfin être résumé par une moyenne annuelle, synthèse du niveau d’excellence.

Etre étudiant, c’est avoir deux fois moins d’heures de cours, de ne pas être tenu d’y assister, d’être jugé une ou deux fois dans l’année sur la base d’examens ou de travaux personnels d’une certaine importance. C’est tracer son propre parcours, d’autant plus facilement que le programme fonctionne par unités capitalisables et n’est pas découpé en années de programme. C’est faire partie de plusieurs groupes et travailler dans divers réseaux. C’est passer beaucoup de temps à lire et écrire. C’est progressivement s’initier à la recherche et à un rapport actif et critique au savoir, dans un cadre où les professeurs sont aussi des chercheurs et participent à la production des savoirs. C’est achever ses études par un travail de diplôme ou un mémoire qui constitue une forme d’intégration et de validation des compétences acquises, avec un directeur de mémoire, une soutenance devant un jury.

Les fonctionnements universitaires sont divers et pas tous convaincants. On discerne une évolution générale vers le système des unités capitalisables. On adopte de plus en plus un système eurocompatible de crédits, un crédit valant 9 heures de cours ou l’équivalent selon d’autres modalités, une année universitaire représentant 60 crédits, soit 540 heures de cours ou leur équivalent. On va aussi vers une diversification des unités de formation et des évaluations continues qui remplacent les examens dans certains domaines ou à une certain niveau d’études.

Les Hautes écoles pédagogiques auront-elles des élèves ou des étudiants ? Fonctionneront-elles selon le régime d’une école gymnasiale un peu assoupli ou d’une faculté professionnelle ? Trouveront-elles une voie médiane ?

14. L’admission des étudiants

Une école normale est traditionnellement connectée à l’employeur potentiel. Elle module les admissions en fonction des postes d’enseignants à repourvoir trois ou quatre ans plus tard. Cela traduit une prééminence de la logique de l’emploi sur la logique du droit à la formation. À l’autre extrême, les universités sont censées accueillir tous les étudiants en possession d’une maturité et de les retenir dans leurs murs aussi longtemps qu’ils respectent les règlement d’études et progressent normalement dans le cursus universitaire.

Où les HEP se situeront-elles à cet égard ? En formation des enseignants, les places de stages ne sont pas illimitées et les conditions d’encadrement des étudiants ne devraient pas descendre au dessous d’une limite raisonnable, ce qui peut justifier une sélection. Faut-il également tenir compte de façon très précise des besoins des employeurs ? Ou considérer que les étudiants ont le droit de se former, puis de se présenter sur un marché du travail ouvert, donc d’entrer en compétition avec d’autres diplômés ?

Le coût social des formations supérieures entre en conflit avec le droit à la formation. Les universités sont en quête de bases légales pour limiter l’accès à certaines filières. Les HEP feraient bien d’anticiper, mais sans verrouiller l’entrée en fonction des seuls besoins des administrations scolaires. La reconnaissance mutuelle des diplômes, qui se développe, rend d’ailleurs de moins en moins raisonnable le couplage local de la formation et de l’emploi. En outre, plus les HEP limiteront les admissions pour des raisons essentiellement budgétaires, moins elles seront, symboliquement et pratiquement, proches des universités, plus elles apparaîtront des instruments au service des administrations scolaires plutôt que de la formation du plus grand nombre…

Les procédures d’admission dans les filières professionnelles sont souvent fondées sur des prédicteurs de l’adaptation professionnelle. On chercherait alors, à 20 ans, à détecter les jeunes susceptibles de devenir de bons enseignants. Les universités ne peuvent se rendre aussi dépendantes des exigences du marché. Lorsqu’elles sélectionnent les étudiants, c'est en principe selon des critères favorisant les meilleurs étudiants. Cela peut conduire à une sélection par l’excellence académique, mais tout aussi bien à des démarches qualitatives (dossiers, entretiens) qui évaluent la capacité à s’engager par exemple dans une formation professionnelle en alternance, orientée vers une pratique réflexive. Que feront les HEP ?

Enfin, l’une des différences concerne la reconnaissance des acquis. Les écoles exigent en général que leurs nouveaux élèves aient suivi les cycles d’études antérieurs, obtenu une certification ou passé un examen équivalent. Les universités accordent déjà des équivalences pour des formations suivies dans d’autres institutions suisses et étrangères. Cette pratique s’accentue avec les programmes européens d’échanges, qui favorisent la mobilité des étudiants. L’admission sur dossier d’étudiants non titulaires de maturité devient une pratique courante dans plusieurs facultés suisses et d’autres y viennent. En suivant l’exemple d’universités étrangères, elles s’engagent ou s’engageront progressivement dans le développement de procédures de reconnaissances des acquis expérientiels, professionnels ou non. Elles sont en effet confrontées à des publics de plus en plus hétérogènes, et notamment à des professionnels qui souhaitent reprendre des études après huit ou quinze de pratique. Il s’agit de valider des acquis qui ne prennent pas la forme de cours, mais d’expériences formatrices, dans le cadre associatif, familial, politique professionnel.

Au moment de créer les HEP, deux voies se présentent : conformer l’institution à son cadre cantonal, éventuellement intercantonal, ou l’inscrire dans un réseau sans frontières d’institutions de formation qui, sans être indépendantes des sociétés politiques dont elles tiennent l’essentiel de leurs moyens, ne s’y enferment plus.

15. Restructurations périodiques de l’institution

Aucune institution ne peut survivre dans un monde en transformation sans se restructurer régulièrement. À qui appartient-il de prendre l’initiative d’engager un processus d’évaluation-bilan, puis de projet ? Si c’est le directeur ou l’autorité de tutelle, les professeurs participeront du bout des lèvres. Ils seront mis sur la défensive par des évaluations externes ou des audits qui les mettront en demeure de faire mieux avec moins, sans tenir compte de leur avis.

Si la HEP se donne une véritable démarche de projet, la question des finalités et des structures sera portée par le collège des professeurs et peut-être par les étudiants, et le fonctionnement même de l’institution prendra en charge sa propre évolution.

L’université est un monde assez formel : les décisions sont protocolées, les rapports des commissions approuvés par les collèges, les plans et règlements d’études adoptés selon des procédures assez exigeantes. Paradoxalement, cela donne des possibilités de changement à certains égards analogues à celles d’une association, chacun peut amener des propositions, qui seront étudiées, traitées et qui, si elles sont adoptées, détermineront une partie de l’évolution du système. Les établissements scolaires ont sans doute, dans le cadre des lois et règlements qui les organisent, une marge importante de manœuvre, mais qui protège davantage l’autonomie de personnes ou de sous-groupes que la possibilité de créer des institutions internes. Les organisations complexes changent constamment au gré des stratégies des acteurs. Pour changer de façon concertée, négociée, démocratique, elles ont besoin d’un espace d’autonomie structuré par des institutions internes et assortis de procédures claires pour les évaluer et les transformer.

Il importe également de donner une place importante à la fois à des procédures d’autoévaluation et à des évaluations externes, en considérant que cela fait partie du fonctionnement, donc du budget, et que ce n’est pas une réponse à une situation de crise, mais une routine qui facilite la régulation continue des objectifs et du fonctionnement d’une organisation.

Les enjeux : aménager des transitions
sans renoncer à imaginer…

Pourquoi est-il important de débattre de cette question et de chercher une voie médiane entre le modèle scolaire et le modèle universitaire ? Ce n’est pas parce que ce dernier représenterait une norme ou un idéal dont il faudrait à tout prix se rapprocher. Je vois quelques enjeux essentiels :

La recherche

Si l’on veut que les HEP deviennent vraiment des partenaires de la recherche, il importe qu’elles adoptent des modes de gestion, de participation, de nomination et de contrôle compatibles avec une activité intellectuelle indépendante de production et diffusion de savoirs. C’est la principale justification de la relative complexité du modèle universitaire. Le but de l’université n’est pas d’incarner les principes de collégialité, de participation ou de liberté académique. Ils sont au service d’une cause qui les dépasse : favoriser le renouvellement des connaissances et des idées et le débat critique à leur propos.

Le rapprochement avec les universités et la question identitaire

Si l’on veut faire travailler les HEP en partenariat et en réseau avec les universités, mieux vaudrait qu’il n’y ait pas des années-lumière entre les cultures et les structures des unes et des autres. C’est un gage de respect mutuel et de collaboration entre des personnes qui choisissent de travailler ensemble.

Les instances responsables de deux institutions peuvent bien passer des conventions, elles ne détermineront que des prestations de service ou des regroupements de ressources, par un travail intellectuel commun sur des problèmes de recherche ou de formation.

Pour coopérer, il n’est pas nécessaire de se ressembler trait pour trait. Il importe en revanche que chaque institution ait une identité affirmée et partagée par la plupart de ses membres. Le partenariat confiné aux accords au sommet a un intérêt limité. Pour qu’il s’étende aux collaborateurs des institutions en présence, il faut que chacun se sente jusqu’à un certain point dépositaire et garant de l’identité institutionnelle, qu’il ne se dise pas " C’est l’affaire de la direction "

La professionnalisation des formateurs et des enseignants

Comment former des esprits libres dans une institution fortement dépendante du futur employeur ? Comment devenir un formateur critique si le mandat est de conformer les futurs enseignants à un profil défini par l’administration scolaire ?

Pour qu’il y ait partenariat équitable, il faut qu’il y ait négociation entre égaux. Pour que formateurs des HEP et formateurs de terrain se parlent d’égal à égal, chacun devrait pouvoir se réclamer d’un métier en voie de professionnalisation.

Vers un enseignement supérieur cohérent

La qualité et l’indépendance de la formation et de la recherche dans les HEP ne se joueront pas sur les structures seulement. On cherche partout un modèle optimal, tant pour la forme juridique des institutions que pour le statut des professeurs, car il s’agit en fin de compte de vivre une tension entre des logiques pas faciles à concilier : rendre des comptes sans renoncer à toute initiative, travailler dans le sens du bien public sans être au service des politiques du moment, être constructif sans renoncer à être critique. Les structures ne sont que des moyens.

La création des HEP s’étalera sur une décennie. Il n’est pas nécessaire que tout soit clarifié immédiatement. On peut cependant craindre que certains options rassurantes à court terme - rester proche de ce qu’on connaît - se révèlent à moyen terme une condamnation à faire " plus du même ". Il y a des enjeux financiers, mais peut-être sont-ils plus conjoncturels que les enjeux juridiques. En Suisse, il n’y a pas de véritable identité de l’enseignement dit tertiaire. La création de la maturité professionnelle et des Hautes écoles spécialisées va remanier profondément le paysage. Il se peut qu’il faille introduire des distinctions dans l’ensemble des écoles faisant suite à une maturité académique ou professionnelle. Les HEP peuvent, en simplifiant, se fondre dans les HES et ne pas mettre en avant la différence de niveau scolaire des étudiants à l’entrée. Elles peuvent aussi viser à constituer, avec les universités et les hautes écoles, un véritable système d’enseignement supérieur universitaire et non universitaire, qui partagerait un rapport scientifique et critique au savoir et à la recherche.

Pour aller dans ce sens, il est temps de faire preuve d’imagination institutionnelle, d’inventer des formes juridiques et des fonctionnements qui, au début, paraîtront insolites et feront craindre une perte de contrôle.

Des structures de transition

Il est sûr que si les HEP ne se limitent pas à un simple replâtrage des institutions existantes, on ne peut qu’amorcer un processus de changement que personne ne peut complètement anticiper et contrôler, ne serait-ce que parce que vont émerger de nouvelles catégories d’acteurs, étudiants aussi bien que formateurs, de nouvelles alliances, de nouveaux savoirs institutionnels. La France a mis en œuvre les Instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) sans que tous les textes aient été adoptés auparavant. Ils ont été écrits progressivement, au gré des besoins et des négociations, et ont donc collé à la réalité de la démographie, des stratégies des acteurs, des problèmes d’intégration de corps de formateurs issus d’institutions auparavant bien distinctes en une seule organisation.

Pourquoi ne pas faire de nécessité vertu, pourquoi ne pas donner aux futures HEP un statut ouvertement et légalement expérimental et évolutif ? Cela permettrait d’inscrire dans les textes une mission et des dispositifs de développement. Pour ne prendre qu’un exemple : les cantons seront fortement tentés de conserver une direction forte, nommée d’en haut, pour avoir un interlocuteur unique et prévisible. Si on n’est pas prêt à franchir immédiatement le pas vers une direction collégiale et des présidents ou doyens élus par les professeurs, pourquoi ne pas prévoir dans la loi une direction ayant mandat, en cinq ans, de mettre en place la culture et les règles garantes d’un fonctionnement collégial ?

De plus en plus souvent, dans les institutions, il faudra affirmer des intentions sans être immédiatement capable de les réaliser, mais sans pouvoir se borner à " étudier le dossier " durant des années. Pourquoi ne pas concevoir des structures permettant une évolution graduelle, sans retour à des procédures parlementaires ou référendaires lourdes, parce que la loi elle-même aura planifié le développement, prévu le changement ?

 

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