Source et copyright à la fin du texte

 

Texte remanié et complété d’une communication au colloque de Raisons éducatives sur les compétences, Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation, mars 1999. Une partie sera publiée en 2000 dans les Actes.

 

 

 

 

Transférer ou mobiliser
ses connaissances ?
D’une métaphore l’autre :
implications sociologiques et pédagogiques

Philippe Perrenoud

Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation
Université de Genève
1999

Sommaire

Un savoir mobile ou les limites de la métaphore du transfert

Mobiliser des connaissances : une métaphore féconde

Implications pour la formation

De la difficulté de conceptualiser collectivement

Références


La question du transfert de connaissances nourrit régulièrement les critiques de l’école. Une bonne partie des connaissances que les élèves assimilent ne seraient utilisables que dans le contexte même de leur apprentissage, autrement dit à l’école, voire dans la même classe. Dans un autre contexte, les élèves se comporteraient " comme s’ils n’avaient rien appris ", alors que ce n’est pas le cas. Simplement, ils " ne transfèrent pas ".

La métaphore du transfert met l’accent sur les analogies entre situations, sur la capacité du sujet à identifier des similitudes de structures sous la diversité des apparences, et donc à reconnaître que la situation relève d’un " programme de traitement " disponible.

Les derniers travaux ont mis en évidence le fait qu’il ne fallait pas s’attendre à ce que le transfert apparaisse spontanément, qu’il devait être appris et travaillé. Les enseignants restent à cet égard assez démunis. Faut-il créer des " situations de transfert " ? Exercer la décontextualisation et la recontextualisation des savoirs ? Développer une " intention de transfert ", une posture métacognitive favorable, voire une culture du transfert ?

L’approche par compétences aborde le même problème à l’aide d’une autre métaphore, celle de la mobilisation de ressources, parmi lesquelles des savoirs partagés aussi bien que des connaissances privées, propres au sujet. L’idée de transfert évoque un déplacement de la connaissance du lieu de sa construction au lieu de son usage, la métaphore de la mobilisation met l’accent sur l’activité du sujet. De plus, alors que la connaissance " se " transfère, elle est mobilisée par le sujet agissant. Ne serait-ce que pour cette déréification du processus, la métaphore de la mobilisation me semble plus féconde, plus fidèle à la complexité des mécanismes mentaux.

Mobiliser, ce n’est pas seulement " utiliser " ou " appliquer ", c’est aussi adapter, différencier, intégrer, généraliser ou spécifier, combiner, orchestrer, coordonner, bref conduire un ensemble d’opérations mentales complexes qui, en les connectant aux situations, transforment les connaissances plutôt que les " déplacer ". On insiste donc sur une chimie ou une alchimie (Le Boterf, 1994) plutôt que sur une physique des savoirs. On se rapproche de la réalité du travail humain, tel que l’ergonomie cognitive et la psychosociologie du travail le décrivent. Métaphore pour métaphore, celle de la mobilisation déborde du champ de la psychologie cognitive expérimentale pour aller vers une anthropologie plus large de la cognition et de l’action situées. C’est une façon plus prometteuse de rejoindre la question du sujet et du sens et de replacer la question des apprentissages dans le cadre plus large de l’interactionnisme symbolique.

La métaphore de la mobilisation est au cœur de la conception actuelle des compétences dans le champ du travail (Guillevic, 1991 ; Le Boterf, 1994 ; Leplat, 1997) et dans le champ scolaire (Perrenoud, 1995, 1998 a et b). L’approche par compétences, dans la mesure où elle prolonge et élargit la réflexion sur le transfert, apparaît une façon un peu neuve de poser le plus vieux problème de l’école.

Certes, un nouveau paradigme aide seulement à mieux poser des problèmes et à bâtir des hypothèses explicatives plus fécondes. Il ne fait pas émerger des phénomènes entièrement inconnus, il modifie un peu le paysage et la position des problèmes, il réorganise le champ conceptuel pour mieux penser des observations anciennes. Du concept de compétence, on peut attendre au mieux une valeur ajoutée, non un dévoilement. Un concept est un construit provisoire, sa valeur est une valeur d’usage, on la mesure à sa fécondité théorique, non à sa vérité absolue.

  

Un savoir mobile ou les limites de la métaphore du transfert

Selon les époques, les programmes scolaires font preuve d’utilitarisme ou privilégient la connaissance " gratuite " (Isambert-Jamati, 1990). A chaque époque, utilitarisme et gratuité se déclinent aussi selon les filières et le destin probable des élèves : la culture générale sied à ceux qui font des études longues, les savoirs pratiques à ceux qui vont entrer dans la " vie active ".

Ces différences classiques pourraient masquer une constante : nul n’a jamais plaidé pour une connaissance inutilisable hors de l’enceinte scolaire. Même les savoirs les plus gratuits, qui ne sauraient contribuer à la gestion ou à la production des choses, sont référés à des conditions et à des pratiques sociales. " Comprendre le monde " est une pratique sociale au même titre que " Faire cuire un œuf ". Il n’y a aucune raison de limiter la notion de compétence à des savoir-faire " pratico-pratiques " portant sur des choses. Toute connaissance permet d’opérer sur le réel, dont le sujet lui-même, son corps aussi bien que son esprit.

Le désir que les connaissances acquises à l’école soient utilisables dans d’autres contextes est indissociable de l’idée que l’école est faite pour " préparer à la vie ", au sens large. Dans ce sens, le " transfert de connaissances " est, depuis toujours, au fronton de l’école. La psychologie cognitive n’a fait que nommer savamment, en lui associant une métaphore au demeurant discutable, une ambition de tout enseignement : faire que l’élève emporte la culture assimilée en classe pour s’en servir hors de cette enceinte. Nul ne prétend que l’école serait fondée à transmettre des connaissances qui, en dernière instance, directement ou à travers celles dont elles constituent le soubassement, n’auraient aucun sens hors de l’espace et du " temps des études " (Verret, 1975).

On peut en revanche mettre en doute la réalisation de cette intention au jour le jour. Le souci de préparer au cycle d’études suivant a fait peu à peu écran à la finalité dernière de l’école, qui est de former pour la vie. Des logiques autres, celles de la sélection, celle de la transposition, celles des disciplines brouillent souvent les cartes. Que le transfert soit au programme de la scolarité ne garantit pas qu’il s’opère.

On dira peut-être que les limites du transfert des connaissances scolaires hors de l’école ne sont pas la carence la plus dramatique. Dans une grande partie des pays du monde, l’école peine tout simplement à accueillir tous les enfants et adolescents, ou à le faire dans des conditions suffisamment propices à l’étude (locaux, matériel, effectif des classes, formation des enseignants). Dans les sociétés développées et fortement scolarisées, tous les élèves vont à l’école ou presque, mais une partie ne s’approprient pas complètement et solidement les savoirs et les savoir-faire de base.

Il est vrai qu’instruire tout le monde est prioritaire : un enfant qui n’a pas appris à compter, à lire ou à s’approprier quelques notions de grammaire ou de science ne saurait transférer ce qu’il n’a pas construit. On peut en conclure que si tous les élèves " savaient leurs leçons " et peinaient uniquement à utiliser les connaissances acquises à l’école dans d’autres contextes, il y aurait de quoi se réjouir.

De cette hiérarchie de priorités, on ne peut toutefois tirer argument pour dire qu’il faudrait d’abord apprendre et ne se préoccuper qu’ensuite du transfert. Il se peut au contraire (Perrenoud, 1997) qu’une partie des élèves n’apprennent pas parce que le transfert n’est pas travaillé d’emblée, dès l’école élémentaire. Comment en effet donner du sens aux apprentissages s’ils n’ont d’autre horizon que la classe ? Avec Rey (1996, 1998), on peut associer le transfert à une intention et à un désir. Or, l’école ne favorise souvent ni l’une, ni l’autre. Tout se passe comme si la présence d’un savoir dans les programmes suffisait à justifier son utilité et à lui donner du sens, sans qu’il soit opportun de perdre du temps à débattre des liens entre les savoirs enseignés, leur genèse dans l’histoire humaine et les pratiques sociales auxquelles ils préparent aujourd’hui.

On peut en conclure que la problématique du transfert concerne tous les écoliers, ceux qui apprennent, mais ne font pas grand chose de ce qu’ils ont appris hors du contexte d’apprentissage, et ceux qui n’apprennent pas grand-chose, mais apprendraient peut-être davantage s’ils étaient animés d’un désir ou d’une intention de transfert.

Il reste à savoir si cette métaphore est la bonne d’un point de vue théorique et d’un point de vue pédagogique et didactique.

Une double énigme

Meirieu (1998) parle du transfert comme d’un " objet énigmatique ". Non pas opaque : tout le monde comprend très vite qu’il s’agit de réinvestir des apprentissages dans une autre situation, à la fois semblables et différente. L’énigme théorique fondamentale est de comprendre " comment ça marche ". Or, les modèles de l’esprit et de l’apprentissage humains sont encore bien fragiles. De plus, cognitivisme " computationnel ", constructivisme et connexionisme se disputent le terrain (Raynal et Rieunier, 1997, 1998).

La première tentation serait de laisser ces problèmes ouverts et d’attendre une trentaine d’années que la recherche ait progressé. Hélas, c’est tout de suite que nous avons besoin d’un modèle, au moins provisoire, pour penser aussi bien la formation que le travail. On ne peut appeler les enseignants à " travailler le transfert " et leur dire en même temps qu’on doute du sens de ce concept, parfois de l’existence même d’un transfert distinct de l’apprentissage lui-même et en tout cas des mécanismes cognitifs sous-jacents. Si l’on veut que nombre d’entre eux s’en préoccupent, il faut s’engager dans une métaphore provisoire, assumée comme telle, mais néanmoins crédible en l’état des théories et de la recherche.

Provisoire et métaphorique, tel est, pour de longues années encore, le statut le plus honnête de toute théorie psychologique de l’activité mentale, du moins si on la souhaite assez globale pour fonder des pratiques de formation, dans toute leur complexité. Les neurosciences proposeront sans doute progressivement des modèles psychophysiologiques plus proches du réel, elles sauront de mieux en mieux associer des processus et des états biochimiques et électriques à des processus tels que la conceptualisation, l’abstraction, l’inférence, la mémorisation, la compréhension, l’assimilation, l’accommodation, la mobilisation, l’apprentissage, l’oubli… Nous n’en sommes pas là. Il reste, dans l’immédiat, à choisir la moins mauvaise métaphore.

Celle du transfert me semble à la fois pauvre et fallacieuse. Le langage lui-même est flottant. Parfois on parle de transfert de connaissances, mais parfois d’apprentissages ou de compétences (Tardif, 1999). Cet élargissement est source de certaines confusions. Restons-en ici au transfert de connaissances. Cette métaphore est fallacieuse parce qu’elle est d’ordre physique et spatial. Elle évoque une connaissance engendrée dans un temps et un lieu, puis transportée dans un autre temps et un autre lieu. Qu’on conçoive ces espaces-temps comme des contextes, des tâches ou des situations n’est pas équivalent. Dans tous les cas, on insiste sur un lien direct entre des temps et des lieux distincts, celui de la genèse et celui de l’usage.

La notion de transfert (hormis dans son sens psychanalytique, qui n’est pas débattu ici) évoque une connaissance portable. Or, on sait de mieux en mieux que la connaissance est le produit d’une construction jamais achevée, toujours susceptible d’être remaniée, qu’elle reste en général fortement dépendante du " contexte " dans lequel elle se construit et enfin qu’elle est incorporée au sujet. La connaissance n’est pas une denrée que l’on peut transporter, ou alors elle devient un savoir détaché de sa source, mis en mots (ou en équations, en graphiques, en symboles), ce qui le rend disponible pour d’autres acteurs. Le transfert de savoirs, ainsi entendu, serait assimilable à la circulation sociale et au partage des biens, des technologies, des informations. Toutefois, ce n’est pas dans ce sens qu’on parle de transfert de connaissances en psychologie cognitive : il est censé s’opérer au sein d’une seule et même personne.

On peut comprendre la tentation de se représenter la connaissance comme une substance ou une information dont on pourrait reconstituer le trajet au sein du système cognitif, d’une zone de la mémoire à une autre, comme un radiologue reconstitue le transit d’un liquide baryté à travers l’organisme ou un hydrologue le cheminement d’un colorant de la source à l’embouchure d’un cours d’eau. Les premiers modèles d’intelligence artificielle ne pouvaient que renforcer cette analogie, car dans un ordinateur, il y a effectivement transfert d’informations d’un périphérique à une mémoire de travail, de celle-ci à une mémoire à long terme, puis le transfert inverse au moment où le programme " a besoin " de cette information et va la récupérer.

La métaphore du transfert n’évoque aucune transformation, juste un mouvement, une sorte de " voyage ".Je propose de renoncer à une image aussi statique et matérialiste de la connaissance subjective. Je fais volontiers crédit aux chercheurs spécialisés d’avoir construit une vision beaucoup plus nuancée, dynamique et transformationnelle du transfert. Ils conservent le mot par commodité. Mais à l’échelle du système éducatif, ce mot organise la pensée.

N’est-il pas temps, lorsqu’on insiste sur l’idée d’une connaissance à la fois située et (re)construite, de choisir une métaphore plus juste, plus proche du biochimique que du géométrique ou du physique ? La notion de " transmutation " des connaissances pourrait faire image. Ou celle de transposition, mais le mot est déjà investi d’une autre signification en sociologie du curriculum et en didactique.

Que cherchons-nous à conceptualiser ? Un fait à la fois élémentaire et très important dans une espèce apprenante : nous abordons les situations de la vie avec des connaissances, des schèmes, des concepts, des attitudes qui sont le produit d’expériences antérieures. Autre façon de rappeler cette banalité : les opérations mentales et les actions sont toujours le produit d’une rencontre, d’une interaction, souvent complexe, entre la situation et les structures antérieures du sujet.

Au début de sa vie, l’être humain est fort démuni, il approche le monde avec quelques schèmes génétiquement programmés. Mais très vite, il apprend et son habitus (ou système de schèmes) s’enrichit et se complexifie rapidement. Ce processus se poursuit toute la vie, même s’il se ralentit à l’age adulte, du moins pour les individus qui vivent dans un environnement stable. Cette stabilité relative de l’environnement est la condition d’un apprentissage susceptible d’être réinvesti dans une expérience ultérieure. Si chaque expérience était sans commune mesure avec les précédentes, l’être humain n’aurait, pour survivre, d’autre choix que d’inventer sans cesse des réponses à la fois nouvelles et adaptées. Peut-être cette adaptation engendrerait-elle des apprentissages, mais ils seraient inutiles, puisque aucune occasion de les réinvestir ne se présenterait.

Si nous devenons capables d’affronter le réel sans avoir tout à inventer constamment, c’est que, si les situations auxquelles nous sommes confrontés sont toutes singulières, elles présentent suffisamment de ressemblances pour que nous puissions réinvestir des acquis antérieurs. Mais ces ressemblances ne nous seraient d’aucune aide si nous étions incapables de les reconnaître, consciemment ou non, et de mobiliser à bon escient des schèmes d’action et des connaissances déjà constitués. Piaget a décrit la dialectique de l’assimilation et de l’accommodation. Nous assimilons le monde à nos structures, parfois sans la moindre adaptation (assimilation " pure "), parfois au prix d’une accommodation qui, si elle se stabilise, est synonyme d’apprentissage (Frenay, 1996).

Les limites de la métaphore spatiale

L’idée de transfert éclaire-t-elle les mécanismes mentaux qui sous-tendent ce réinvestissement ? Certes, elle souligne qu’une partie des ressources cognitives utilisées hic et nunc viennent d’ailleurs et d’avant. Sont-elles pour autant " transférées ", à la manière dont le contenu d’une zone de la mémoire d’un ordinateur est transféré dans une autre ?

Lorsqu’on aborde une situation nouvelle, les situations dans lesquelles on a construit les ressources utilisées relèvent du passé. Nos connaissances ne " résident " pas dans les situations qui ont contribué à leur genèse. Elles résident dans notre cerveau, vraisemblablement sous forme de réseaux neuroniques complexes plutôt que de petits tiroirs bien rangés. La psychologie cognitive démontre que ces connaissances sont assez souvent fortement engluées dans la mémoire globale des situations dans lesquelles elles se sont forgées et des actions et décisions qu’elles ont inspirées. C’est pourquoi on les dit " contextualisées ". On comprend alors une des raisons pour lesquelles leur réinvestissement dans d’autres " contextes " ne va pas de soi : d’où l’insistance de Tardif et Meirieu (1996) sur l’entraînement à ce double mouvement de décontextualisation, puis de recontextualisation des connaissances, ou celle de Barth (1987) sur " l’apprentissage de l’abstraction ".

Tous ces processus ont pour théâtre l’esprit du sujet. Une partie de ses connaissances sont décontextualisées et conservées en mémoire à long terme sous une forme abstraite, prêtes à être contextualisées dans d’autres situations. C’est loin d’être la règle : une partie de nos connaissances se conservent avec leur contexte. Elle ne sont décontextualisées que plus tard, pour être recontextualisées, pratiquement dans le même mouvement. C’est le nouveau contexte qui exerce une pression, sans laquelle les connaissances resteraient engluées dans la mémoire globale des situations où elles s’enracinent.

Pourquoi parler de transfert pour décrire ce double processus ? Pour insister sur la part d’analogie entre les situations ? Sans doute. Mais on masque alors plusieurs éléments importants :

On peut sans doute élargir la notion de transfert de sorte à couvrir tous ces fonctionnements mentaux. Mais alors, la métaphore se dilue et ne signifie plus rien. C’est d’ailleurs ce que conclut Mendelsohn à propos du transfert :

Ces résultats nous suggèrent qu’il n’existe pas, d’un côté des connaissances stockées quelque part dans le cerveau de nos élèves, et, de l’autre, des aptitudes à transférer plus ou moins indépendantes de la façon dont ces connaissances ont été acquises. En réalité, nos connaissances ne sont que le reflet des processus par lesquels nous les avons encodées et tout nouvel apprentissage dépend de la manière dont ont été acquises les connaissances antérieures (Ohlson, 1993). Ce que nous appelons " transfert d’apprentissage " ne pourrait être finalement qu’un jugement de valeur sur la disponibilité, le degré de généralité ou l’accessibilité des connaissances déjà encodées en mémoire à long terme. Et nous savons que toutes ces qualités autorisent un contrôle et une adaptation plus ou moins souples de leur mise en œuvre effective en mémoire de travail quand cela s’avère nécessaire (1996, p. 20).

Pourquoi ne pas parler d’assimilation/accommodation ou de résolution de problèmes ? Ou encore de mobilisation ? Cette dernière métaphore, au cœur de la conception actuelle des compétence, amène précisément à questionner " la disponibilité, le degré de généralité ou l’accessibilité des connaissances déjà encodées en mémoire à long terme " face à des catégories de tâches ou de problèmes.

  

Mobiliser des connaissances : une métaphore féconde

La notion de compétence ne peut modifier du tout au tout la position des problèmes, encore moins rendre immédiatement intelligibles des processus cognitifs complexes et encore obscurs. Elle permet cependant de poser de façon plus féconde la question de savoir d’où vient ce qui nous permet d’agit, par quels voies nous l’avons appris et comment nous parvenons à le réinvestir dans de nouvelles situations.

Qu’est qu’une compétence ? Le mot est d’usage courant et on l’utilise dans des sens variés. Il y a un sens juridique, dont on ne traitera pas ici. Il y un sens linguistique, chez Chomsky, pour désigner une virtualité biologique de l’espèce, en l’occurrence la faculté d’apprendre à parler. Il ne fait aucune doute qu’une telle faculté existe et distingue l’espèce humaine des espèces animales. On peut douter qu’il soit opportun de la nommer compétence, si l’on ne veut pas s’écarter trop du sens commun. La faculté que vise Chomsky ne s’actualise d’ailleurs qu’au prix d’un développement et d’apprentissages qui se font très inégalement d’une personne à l’autre. La compétence chomskyenne reste donc une virtualité que seule l’histoire du sujet peut développer. Chomsky a le droit de proposer qu’une compétence, dans le champ scientifique, soit conçue comme une faculté innée caractérisant l’ensemble d’une espèce. Mais pourquoi s’écarter ainsi du sens commun et de multiples autres usages ? Même la psycholinguistique considère que les compétences de communication sont acquises et varient d’un individu à l’autre et, chez le même individu, d’une période de sa vie à une autre.

Sans débattre sur le fond de la vision du langage chez Chomsky, je ne me rallie pas à sa conception des compétences et je donne à cette notion de compétence un sens plus proche de ses usages courants et de ses usages savants dans d’autres disciplines. Pour le sens commun, une compétence est acquise par apprentissage, même si l’on admet que certaines compétences s’appuient sur des caractéristiques morphologiques ou biologiques innées, qu’elles expriment le patrimoine génétique ou sont acquises au gré de la maturation et des aléas de la vie prénatale. Le sens commun dit aussi qu’une compétence ne caractérise pas l’espèce ou le groupe, mais les individus Les uns ont développé telle ou telle compétence, les autres non, quand bien même elle est génétiquement potentiellement accessible à tout être humain.

En dépit de la diversité des usages, on retrouve un noyau commun qui lie compétence et performance. La performance est une action située, datée et observable. La compétence est " ce qui sous-tend la performance ", une qualité plus durable du sujet, inobservable comme telle. On mesure donc la compétence à travers une performance censée la manifester ou plus exactement à travers une série de performances comparables, de sorte à neutraliser les facteurs aléatoires, par exemple, sur un stade, la forme, le moral, le climat, le terrain, l’humidité ou la vitesse du vent…

Une partie de la psychométrie tente de modéliser les inférences qu’on peut faire à partir des performances, de la théorie classique des tests à celle de la généralisibilité. Mais on peut multiplier les modèles sans se demander comment une compétence produit une performance. C’est pourtant ce qui intéresse les sciences cognitives.

Mobiliser des ressources

Le Boterf (1994) propose de concevoir une compétence comme la capacité de mobiliser un ensemble de ressources cognitives pour faire face à une situation complexe.

La compétence ne réside pas dans les ressources (connaissances, capacités…) à mobiliser mais dans la mobilisation même de ces ressources. La compétence est de l’ordre du " savoir mobiliser " (p. 16).

Il rejoint la vision des psychologues du travail, par exemple Guillevic :

La compétence des opérateurs sera considérée comme l’ensemble des ressources disponibles pour faire face à une situation nouvelle dans le travail. Ces ressources sont constituées par des connaissances stockées en mémoire et par des moyens d’activation et de coordination de ces connaissances.

La notion de " compétence " est donc prise dans son sens classique (les potentialités du sujet) opposées à la notion de " performance " qui est la traduction totale ou partielle de la compétence dans une tâche donnée (Guillevic, 1991, p. 145).

Et celle des ergonomes :

C’est pourquoi, en ergonomie, on a proposé le concept unificateur de compétences pour caractériser ce qui explique les activités de l’opérateur. À noter que le terme ici n’a pas nécessairement une connotation positive, car les compétences peuvent correspondre à des savoirs frustes, conduisant à des activités hésitantes ou erronées.

Soulignons immédiatement le pluriel : les compétences, pour l’ergonome, ce sont les savoirs mis en œuvre (et tels qu’ils sont mis en œuvre) par l’opérateur dans les diverses situations de travail. Nous disons " compétences pour ", obligeant à une immédiate précision. Chaque opérateur en dispose d’autant que de situations qu’il rencontre dans son travail (et, encore une fois, certaines le conduisent à l’échec…). Dans chaque cas il met en œuvre des savoirs spécifiques, et donc à chaque fois transforme simultanément sa compétence pour la situation et la situation. L’analyse retrouve ici des savoirs théoriques (connaissances déclaratives et procédurales, en général verbalisables), et des savoirs d’action (savoirs faire, à la limite des routines en général difficilement verbalisables - mais heureusement l’analyste dispose des comportements observés). Il faut y ajouter des métaconnaissances, indispensables pour agir réellement. On entend par ce terme des connaissances de l’opérateur sur ses propres connaissances, permettant leur gestion ici et maintenant, en fonction de l’évolution des situations. On pourrait les caractériser comme des savoirs de mise en œuvre des savoirs ; ce sont des savoirs d’action par excellence (De Montmollin., 1996, p. 193).

Parmi les ressources, au sens large, certaines sont externes au sujet : bases de données, documents, outils, matériaux ou autres acteurs. Limitons-nous ici aux ressources internes du sujet : connaissances, capacités cognitives générales, schèmes d’action ou d’opération, savoir-faire, souvenirs, concepts, informations, rapport au savoir, rapport au réel, image de soi, culture. L’inventaire des ressources cognitives d’un sujet est en soi un problème, chacun de ces concepts appelle une clarification. On n’en finit pas de distinguer savoirs et connaissances, d’identifier divers types de savoirs (déclaratifs, procéduraux, conditionnels), d’opposer savoir-faire et " savoir y faire ", savoirs-en-actes (Vergnaud, 1995), savoirs d’action (Barbier, 1996) et autres savoirs, skills et capacités, etc. Sans sous-estimer ces problèmes, mettons-les un instant entre parenthèses pour nous arrêter à deux concepts : ressources et mobilisation.

L’idée de ressource présente l’avantage de mettre " dans le même sac " toutes sortes d’acquis qui ont en commun, par-delà leur hétérogénéité en termes de processus d’acquisition, de degré de conscience et de mode de conservation, d’être mobilisables lorsque le sujet affronte des situations nouvelles. Ces ressources et les moyens de les activer constituent une composante importante du capital intellectuel d’une personne.

Si la situation, immédiatement ou au prix d’un travail mental plus visible, est rattachée à une famille de situations déjà constituée par le sujet, les ressources pertinentes seront relativement vite repérées. Sinon, un processus de recherche s’enclenchera, au gré duquel les ressources pertinentes seront progressivement identifiées et mobilisées.

On retrouve là, on ne s’en étonnera pas, quelques aspects de la problématique du " transfert de connaissances ". A quelques différences près, cependant :

C’est pourquoi la métaphore de la mobilisation de ressources cognitives paraît une plus féconde que celle de transfert de connaissances :

Ce dernier point est essentiel : notre esprit pratique une recombinaison permanente de ressources, le transfert d’une connaissance construite dans une situation et réinvestie dans une situation analogue n’est qu’un cas particulier.

De plus, la notion de compétence permet de mieux saisir (ou de formuler autrement) l’échec de l’action, en distinguant au moins deux types de manques : l’action peut échouer parce que le sujet n’a pas constitué les ressources nécessaires ou parce qu’il en dispose mais n’arrive pas à les mobiliser à temps.

De même qu’une collection de paires de boules ne constitue pas une partie de pétanque, un ensemble de savoirs ou de savoir-faire ne forme pas une compétence ", dit Le Boterf (1994, p. 16). Ou encore :

" La compétence n’est pas un état ou une connaissance possédée. Elle ne se réduit ni à un savoir ni à un savoir-faire. Elle n’est pas assimilable à un acquis de formation. Posséder des connaissances ou des capacités ne signifie pas être compétent. On peut connaître des techniques ou des règles de gestion comptable et ne pas savoir les appliquer au moment opportun. On peut connaître le droit commercial et mal rédiger des contrats " (ibid., p 16).

Ce deuxième élément rappelle, d’une autre façon, qu’il ne suffit pas d’accumuler des connaissances pour pouvoir s’en servir dans l’action. Alors que le transfert insiste sur un mécanisme analogique, la notion de mobilisation prend en compte tous les fonctionnements cognitifs à l’œuvre dans l’assimilation/accommodation, l’identification et la résolution de problèmes.

Les problèmes ouverts

Les mécanismes de mobilisation sont loin d’être connus : " Cette alchimie reste encore largement une terra incognita ", dit le Boterf (1994, p. 43). La compétence désigne donc un mystère, mais mieux vaut un mystère bien posé qu’une apparente évidence, celle qu’évoque l’idée de transfert.

Le Boterf (1994) évoque la compétence comme un " savoir-mobiliser ". On peut mettre en doute cette idée. Certes, le sujet compétent mobilise ses ressources à bon escient et en temps utile. Mais il n’atteste pas pour autant d’un " savoir-mobiliser " polyvalent, par plus qu’il n’y a de " savoir-transférer " universel qui sous-tendrait tout transfert de connaissances.

La mobilisation n’a rien de magique, c’est un travail de l’esprit, qui passe par des observations, des hypothèses, des inférences, des analogies, des comparaisons et d’autres opérations cognitives et métacognitives. Ce travail fait appel à des ressources plus générales, celles que l’on repère dans tout processus de décision, de résolution de problèmes ou de guidage d’une tâche complexe, celles qui relèvent de la " logique naturelle ", voire de " l’intelligence " d’un sujet. Sans doute peut-on considérer que tout sujet dispose de schèmes opératoires polyvalents (ce sont des ressources), qui lui permettent de mobiliser des ressources plus spécialisées… Le temps n’est plus où l’on pouvait imaginer notre esprit comme un General Problem Solver. Le praticien expérimenté mobilise aussi des schèmes spécifiques, constitutifs d’une expertise particulière, par exemple celle d’un clinicien, d’un avocat, d’un radiologue, d’un géologue, d’un critique d’art, d’un menuisier ou d’un footballeur. Les schèmes les plus polyvalents sous-tendent les opérations d’abstraction, de généralisation, d’inférence, de recherche d’analogie, de décontextualisation et recontextualisation communes à toutes sortes d’expertises spécialisées. Mais la distinction nette entre ces deux catégories de ressources est discutable : classique en intelligence artificielle, où elle fonde la distinction entre base de connaissances et moteur d’inférence, elle est contestée par les approches connexionnistes, qui insistent sur la mise en réseau plutôt que sur le traitement d’informations par un " processeur ".

La conception des compétences comme mobilisation de ressources cognitives laisse donc de nombreux problèmes ouverts. Notamment les suivants :

Ce sont autant de problématique de recherche. Il serait donc absurde de prétendre que le changement de métaphore résout les problèmes de fond d’une théorie de la cognition. Au mieux, il les renouvelle et offre un cadre moins exigu à la modélisation des processus qui sous-tendent l’action.

Ce changement crée également d’autres liens, d’une part avec les théories de la formation, d’autre part avec les théories du travail humain.

  

Implications pour la formation

Le changement de métaphore et donc, jusqu'à un certain point de paradigme, modifie-t-il les approches de l'éducation scolaire ? Avant d'aborder cette question, peut-être faut-il rappeler qu'elle ne préoccupe pas tout le monde dans le champ scolaire.

Travailler le transfert à l'école : pourquoi ?

Depuis qu'il y a des pédagogues pour interroger le sens des pratiques scolaires, la question du transfert de connaissances est posée. Mais, s'il est aisé de mettre en évidence le défaut de transfert, ne serait-ce que d'une année scolaire à la suivante, il est plus difficile de savoir comment répondre à cette critique. D'autant que tous les gens d'écoles ne se sentent pas concernés. Pour les uns, le rôle de l'enseignement est de dispenser des connaissances, leur transfert relève de la vie, à la rigueur de la formation professionnelle. Cette thèse n'est pas absurde si l'on admet qu’un réel souci du transfert obligerait à alléger les programmes, pour disposer d'assez de temps pour travailler des " situations de transfert ". D'autres n'ont pas cette crainte, mais parce qu'ils estiment que le transfert est donné " par dessus le marché ", donc qu'il n'y a pas grand-chose à faire pour le favoriser, sinon donner à chacun l’occasion de construire les savoirs les plus complets et les plus solides possibles. Cette thèse non plus n'est pas absurde : il est probable qu'un niveau de maîtrise très élevé d'un champ de savoir, allié à une forte capacité de raisonnement et d'abstraction, donne ipso facto des possibilités de les mobiliser sans qu'il soit nécessaire de les travailler en tant que telles. Avec Jean-Pierre Astolfi, je conviens qu’un savoir parfaitement intégré est opératoire, qu’il contient en quelque sorte sa propre capacité d’être transféré ou mobilisé. Le même auteur nous rappelle aussi que les savoirs scolaires ne sont " ni théoriques ni pratiques " :

1. Les savoirs que transmet l’école ne sont pas vraiment théoriques, car ils ne disposent pas de la plasticité inhérente au théorique. Ce ne sont pas non plus vraiment des savoirs pratiques.

2. Il s'agit plutôt de savoirs propositionnels qui, à défaut d'un meilleur statut, résument la connaissance sous la forme d'une suite de propositions logiquement connectées entre elles, mais disjointes.

3. Ils se contentent ainsi d’énoncer des contenus, ce qui est loin de correspondre aux exigences d'un théorique digne de ce nom.

4. Par certains aspects, ils se révèlent, en fait, plus proches des savoirs pratiques, puisque leur emploi se trouve limité à des situations singulières : celles du didactique scolaire, régi par le jeu de la " coutume ".

5. Les savoirs scolaires aimeraient se parer des vertus du théorique, qui leur conféreraient une légitimité qu'ils recherchent. S'ils y échouent, c'est faute de développer un vrai travail de pratique théorique que seul rendrait possible l'usage, dans chaque discipline, de concepts fondateurs et vivants (Astolfi, 1992, p. 45).

Qu’on vise des savoirs théoriques ou pratiques opératoires ou des compétences pointe sur le même problème : les savoirs scolaires sont d’une autre nature, d’où la problématique du transfert.

On pourrait sans doute viser l’accès de tous à de " vrais savoirs ", intégrés et opératoires. Hélas, l'éducation scolaire n'atteint ses objectifs les plus ambitieux que pour une minorité des élèves qui lui sont confiés durant dix ans de leur vie ou davantage. Admettons que ceux qui font des études longues et achèvent leur formation initiale par un diplôme universitaire ont des capacités d'adaptation et de transfert " suffisantes ", même s'il leur faut un temps de réflexion. Cela ne dispense pas de se demander ce qu'il advient des jeunes qui quittent l'école à l'issue de la scolarité obligatoire ou après une formation professionnelle courte orientée vers des métiers peu qualifiés.

L'idéal serait bien sûr de conduire chacun au niveau optimal de maîtrise des savoirs, incluant ipso facto leur mobilisation. Alors, le problème du transfert ne se poserait plus en tant que tel, car le sujet atteindrait un niveau général de formation et une capacité réflexive qui le dispenseraient d'un entraînement spécifique à la mobilisation. On peut craindre hélas que l'école soit condamnée, pour longtemps encore, à n'atteindre entièrement cet objectif ambitieux que pour une fraction de chaque génération.

On peut à bon droit se demander si élever le niveau de connaissance ne devrait pas constituer une priorité absolue. Comment être certain, en effet, que travailler le transfert sans garantir au préalable un niveau élevé de savoir n'équivaut pas à placer un emplâtre sur une jambe de bois ? On serait alors devant le paradoxe suivant : lorsque travailler le transfert a du sens, il serait prioritaire d'assurer les acquis de base. Et lorsque ces derniers sont assurés, travailler le transfert deviendrait inutile. Il n'y aurait donc jamais lieu de s'en préoccuper.

Les mêmes paradoxes s'appliquent dans une large mesure aux compétences : quiconque dispose d'une formation intellectuelle de haut niveau construira les compétences dont il aura vraiment besoin au moment où ce besoin sera éprouvé ou, mieux, anticipé. Du coup, peu importent la métaphore ou le paradigme de référence : le rôle de l'école serait de transmettre le maximum de connaissances et de développer le haut niveau de raisonnement et de réflexivité qui va de pair, le transfert ou la mobilisation des connaissances viendraient par surcroît. Il serait alors inutile de " perdre du temps " à proposer des " situations de transfert " ou à entraîner la mobilisation de connaissances.

On ne peut rompre avec cette apparente logique qu'en acceptant deux préalables :

1. Le premier est que le transfert n'est donné " par dessus le marché " qu'à des niveaux de maîtrise inaccessibles au plus grand nombre. Il n'est pas du tout assuré, par exemple, qu'un baccalauréat ou même une formation universitaire complète garantissent de fortes capacités de transfert ou de mobilisation des savoirs acquis. Pourtant, seule une minorité de chaque génération, forte ou faible selon le système éducatif, accède à un niveau universitaire d'instruction. Il s'ensuit que même si l'école amenait chacun à ce niveau, ce qui supposerait un bond en avant considérable, le problème de la mobilisation ne serait pas résolu par magie. Psychologues et pédagogues savent aujourd'hui que le transfert " s'apprend " ou du moins qu'il s'exerce. Aucun expert ne réussit dans son domaine en alliant simplement une forte érudition et une vive intelligence. L'expert développe, au gré de l'expérience et d'une pratique réflexive, des schèmes spécifiques de mobilisation de ses savoirs.

2. Il est de moins en moins défendable de considérer le transfert ou la mobilisation comme le faîte de l'édifice, selon un schéma classique : on accumule des connaissances d'abord et on se préoccupe ensuite de les utiliser. Il y a de fortes raisons de penser que cette façon de voir est doublement élitiste :

Develay disait dans le cadre du colloque sur le transfert organisé de Lyon en 1994 (Meirieu, Develay, Durand et Mariani, 1996) :

J’ai le sentiment que les didacticiens découvrent que le transfert ne constitue pas seulement la phase terminale de l’apprentissage, mais qu’il est présent tout au long de l’apprentissage. Pour apprendre, se former, il convient de transférer en permanence. Toute activité intellectuelle est capacité à rapprocher deux contextes afin d’en apprécier les similitudes et les différences. Les raisonnements inductif, déductif et analogique, la disposition à construire une habileté, à relier cette habileté à d’autres habiletés, la possibilité de trouver du sens dans une situation, proviennent de la capacité à transférer. Il y a du transfert au cours d’un apprentissage depuis l’expression des représentations des élèves jusqu’à la réutilisation dans un autre contexte d’une habileté acquise (Develay, 1996, p. 20).

Sur la base de ces éléments, on peut soutenir que travailler sérieusement le transfert et la mobilisation des connaissances scolaires est une des voies de la démocratisation des études :

a. parce qu'elle prend en compte tous ceux qui ne suivront pas la voie royale des études longues et sortiront du système éducatif avec une formation de niveau moyen ;

b. parce qu'elle ne suppose pas acquis un rapport au savoir permettant soit d'accepter l'idée de connaissance gratuite, soit de tolérer un grand décalage entre le moment où on les acquiert et celui où l'on comprend à quoi elles servent.

Chacun n’adhère pas à ces perspectives, dans un champ pétri d'idéologie et dans lequel la recherche n'arrive pas encore - si elle y parvient jamais - à départager des conceptions de l'enseignement, de l'apprentissage et des finalités de l'école. Les chemins se séparent :

A l’intention de ceux qui prennent cette seconde option, je vais tenter de montrer en quoi la métaphore de la mobilisation et le concept de compétence ouvrent des perspectives pédagogiques et didactiques plus fécondes que la notion de transfert.

Exercer le transfert ou construire des compétences ?

Lorsqu'on aborde le problème par la métaphore du transfert, on part des connaissances : on ouvre un nouveau chapitre dans le " texte du savoir " (Chevallard, 1991), on l'introduit, on sensibilise, on explore les représentations préalables des apprenants, on expose les notions, on propose des exercices de compréhension, d'assimilation, de consolidation. Et ce n'est qu'arrivé à ce stade qu'on propose des " situations de transfert ", à supposer qu’on en ait le loisir et l’énergie. Souvent, par manque de temps, le professeur abrège ou escamote certaines étapes, par exemple la phase de sensibilisation ou le travail sur les représentations préalables. Le transfert peut rejoindre ces parents pauvres.

Lorsque tout se passe comme dans les traités de didactique, l’entraînement au transfert fait néanmoins partie d'un chapitre du cours et prend inévitablement l'allure d'exercices supplémentaires sur le même sujet. On se heurte alors à la lassitude des élèves, mais surtout, on leur " mâche le travail ", puisqu'ils savent très bien qu'il s'agit d'appliquer ce que l'on vient d'étudier : le théorème de Pythagore, la loi d'Ohm, l'imparfait du subjonctif, l'Ancien Régime ou l'économie des pays sous-développés. Du coup, l'exercice du transfert est privé d'une phase fondamentale : jeter des ponts, percevoir le rapport entre un problème, d'une part, et des connaissances accumulées, d’autre part…

Même si le professeur prend la précaution de ne pas enchaîner immédiatement avec les situations de transfert, son travail a pour cadre une discipline. Or, dans chacune, le contrat didactique implicite interdit de proposer des situations de transfert trop éloignées, ne serait-ce que dans le temps, du moment et des formes de l'apprentissage. Les élèves estiment que " ce n'est pas de jeu " et n'entrent pas volontiers dans la tâche. Si elle participe de l'évaluation, même formative, a fortiori certificative, c'est la révolte assurée : une vraie situation de transfert apparaît déloyale, presque un piège pour mettre les élèves en défaut, parce qu'elle déjoue leurs ruses habituelles : bachoter, reconduire des réponses " gagnantes " sans savoir pourquoi, se fier aux indices externes de la tâche (par exemple mise en page, numérotation, place dans le manuel).

Viser la construction de compétences ne résout pas magiquement tous ces problèmes. Mais ils se posent différemment. D’abord parce que l’on part non pas des ressources à mobiliser, pour trouver une situation mobilisatrice. On propose des situations complexes qui mobilisent de multiples ressources.

Surgit immédiatement un problème didactique majeur : comment doser les tâches pour qu’elles ne noient pas l’apprenant dans la complexité, sans pour autant revenir aux exercices de transfert d’une ressource cognitive particulière ? En formation professionnelle, l’expertise et l’expérience des formateurs ont peu à peu dégagé des dispositifs et des tâches permettant d’entraîner progressivement la mobilisation des acquis. Cela va de la gradation des stages (entre observation non participante et pleine responsabilité) à divers dispositifs d’études de cas, de résolution de problèmes, de simulation, de jeu de rôles ou d’analyse de pratiques (Perrenoud, 1998). Jusqu’à un certain point, la référence à un métier facilite la construction de situations et de tâches judicieuses, car on part des pratiques professionnelles pour cadrer un problème, en étayant, en fournissant initialement ou au cours du processus des données ou des feedbacks qu’en génération ne reçoit pas dans le travail réel.

En formation scolaire générale, les pratiques sociales de référence sont plus difficiles à identifier. Il y a certes des avancées connues : le travail sur l’argumentation et le débat, la production de textes proches d’écrits sociaux, l’observation scientifique, la recherche, la construction de dispositifs expérimentaux, la monographie, la mise en place d’institutions participatives et diverses démarches de projet sont autant de manières de confronter les élèves à des situations et à des problèmes complexes, qui exigent, pour réussir, de comprendre et pour comprendre et décider " en connaissance de cause " de mobiliser une partie des savo0irs construits au préalable.

Le travail par situations-problèmes et objectifs-obstacles (Astolfi, 1992, 1998 ; Fabre, 1999 ; Martinand, 1986, 1989, 1995 ; Meirieu, 1990) n’est pas au premier chef une démarche de mobilisation de savoirs, puisque qu’elle vise d’abord à favoriser leur construction, de même que le travail par problèmes ouverts et diverses démarches de type expérimental. Il n’y a pas lieu toutefois de créer une stricte séparation entre les situations qui développent des connaissances et celles qui en mobilisent. Ou plus exactement :

Il importe bien entendu de décider des priorités et de faire la différence entre des situations conçues d’abord pour entraîner la mobilisation de connaissances et d’autres dont c’est en quelque sorte un effet secondaire. De là à imaginer que, chaque tâche mobilisant inévitablement des acquis, l’entraînement à la mobilisation se fait spontanément, il y a un pas à ne pas franchir. Le développement méthodique de compétences exige des situations conçues à cette fin, on ne peut se contenter de " recycler " les tâches connues en leur attribuant des vertus nouvelles.

Il se pose un grave problème de temps : on ne vient pas à bout de situations complexes en cinq minutes. Il est inutile d’en proposer deux ou trois fois seulement dans l’année, ce n’est qu’un alibi. C’est pourquoi on ne saurait demander aux professeurs d’aller dans ce sens sans remaniements notables des programmes, de sorte qu’ils mettent explicitement l’accent sur le développement de compétences et allègent sensiblement les connaissances, en se centrant sur l’essentiel.

Les réformes curriculaires demeureront cependant sans effet si elles mettent les professeurs dans des situations impossibles d’un point de vue didactique. Deux problèmes au moins se posent, à supposer qu’une refonte des programmes aille clairement dans le sens des compétences, comme c’est le cas en Belgique et au Québec par exemple et dans une certaine mesure en France.

Le premier problème concerne le découpage en disciplines. Il est évidemment plus grave au second degré, puisque alors chacune est confiée à un spécialiste qui " ne connaît rien " des disciplines qu’il n’enseigne pas. Comment, dans cet état du système, concevoir des situations de mobilisation qui franchissent les barrières disciplinaires ? Il y a bien entendu quelques pistes déjà ouvertes :

Ces avancées ne doivent pas masquer le fait qu’on reste fort loin d’une approche concertée des problèmes dans le second degré. Le problème n’est pas neuf : les appels au travail pluri-, inter- ou transdisciplinaire se sont multipliés depuis une trentaine d’années, des dispositifs comme les parcours diversifiés ou les semaines thématiques les favorisent, mais globalement, les professeurs restent enfermés dans leurs spécialités respectives.

Au primaire, on ne se heurte pas à la division du travail et à la grille horaire. Cela ne signifie pas qu’il est facile de concevoir des situations au carrefour de plusieurs disciplines. C’est une question de compétences disciplinaires d’abord. Le paradoxe est que les enseignants primaires polyvalents, qui pourraient, de ce fait, intégrer divers regards disciplinaires, n’ont pas toujours la formation pointue qui leur permettrait de sortir des sentiers battus et de jeter des ponts nouveaux entre champs de savoirs. Alors que les universitaires plus pointus n’arrivent qu’exceptionnellement à se concerter autour des savoirs…

La situation est-elle désespérée ? Non, parce qu’il n’y a pas de raison d’associer l’entraînement à la mobilisation des acquis à des situations faisant systématiquement appel à toutes les disciplines enseignées à l’école, au collège ou au lycée. Il n’existe sans doute aucune situation complexe qui soit traitable en ne mobilisant qu’une seule discipline, ne serait-ce que parce qu’il intervient toujours une part de raisonnement collectif et d’actes de communication qui ne relèvent pas de la discipline. On peut cependant concevoir des situations mobilisant en priorité les connaissances issues d’une discipline. Il n’est donc nul besoin d’attendre une incertaine progression vers le travail interdisciplinaire pour développer des compétences à dominante disciplinaire.

On se heurte toutefois à des obstacles didactiques à l’intérieur même de chaque champ disciplinaire. Ils sont de deux types :

Actuellement, les curricula sont organisés de sorte qu'on puisse tout juste " couvrir le programme ", avec de faibles temps de révision et une importante fraction du temps de classe consacrée à l'évaluation formelle. De fait, seuls les professeurs expérimentés parviennent à tenir le rythme, à condition de ne pas avoir trop d'états d'âme lorsqu'ils décident d'avancer dans le texte du savoir alors qu'une partie des élèves n'ont pas maîtrisé le chapitre précédent.

Une autre planification à long terme

Comment loger des temps d'intégration et de mobilisation de connaissances dans un parcours aussi dense ? Sans doute en allégeant les contenus, mais cela ne suffit pas, car les programmes notionnels peuvent aisément occuper toute la place disponible si on ne leur oppose pas d'autres priorités. Il s'agit donc de créer une forme d'alternance entre des temps où l'on progresse dans l'assimilation de connaissances et d’autres où l'on s'exerce à les mobiliser.

Regrouper les temps de mobilisation en fin d'année scolaire serait aussi simpliste que de les prévoir à la fin de chaque chapitre notionnel, comme de " classiques " exercices de transfert. Il faut sans doute envisager de reconstruire complètement les progressions et les emplois du temps en fonction de cette double logique. Les facultés de médecine qui ont opté pour l'apprentissage par problèmes ont radicalement renversé le rapport entre savoirs et problèmes : les étudiants sont d'abord confrontés à des problèmes cliniques, en fonction desquelles ils vont chercher les connaissances nécessaires. Ce cycle se reproduit au fur et à mesure que les situations cliniques gagnent en réalisme et en complexité. Ce qui signifie qu'il devient impossible de planifier un cours : alors, selon la formule de Dewey, " toute leçon est une réponse " et se construit en fonction d'un obstacle, d'un manque, d'une question. Ce qui transforme considérablement aussi bien le métier de professeur que le fonctionnement didactique : ce sont les étudiants qui mènent le jeu, même si, en leur proposant des problèmes, les professeurs les guident vers certains apprentissages plutôt que d'autres. Gérer les progressions, c'est penser les problèmes, anticiper les obstacles et imaginer les fonctionnements intellectuels des étudiants confrontés à des cas cliniques.

Une ingénierie des situations et une transposition revisitée

Une fois affectées des périodes de l’année et des plages horaires au travail sur la mobilisation des acquis, que faire ? La tradition scolaire est d'une grande pauvreté dans ce domaine, puisque ce n'est pas la mission prioritaire de la scolarité générale. Les professeurs favorables aux pédagogies coopératives, aux méthodes actives, aux démarches de projet seront sans doute plus à l'aise, mais ils sont encore fort minoritaires, plus encore dans le secondaire qu’au primaire. S'ouvre donc un chantier qui touche à la fois à la transposition didactique et à l'ingénierie.

Pourquoi la transposition ? Parce qu'on ne peut concevoir des situations d’entraînement à la mobilisation sans référence à des pratiques sociales. À supposer que cette référence sous-tende les programmes - on peut souvent en douter - elle est trop abstraite pour suffire à proposer des situations de mobilisation. De leur côté, la plupart des manuels offrent des exercices assez stéréotypés, faiblement utilisables pour travailler la mobilisation. Pour stimuler leur " imagination didactique ", les professeurs auront intérêt à la fois à se documenter et à puiser dans leur propre expérience de la vie et du travail. Il n'est pas sûr que leur formation universitaire les y prédispose, pas plus que leur itinéraire, qui les a conduits de l'école à l'école en passant par des études supérieures…

Avoir des idées, c'est indispensable pour ne pas user jusqu'à la corde les quelques exemples canoniques disponibles. De l'idée à sa mise en œuvre précise en situation d'enseignement/apprentissage, il reste un long chemin. Prenons un exemple récent : l'éclipse de soleil d'août 1999, dont chacun a entendu parler, pourrait suggérer des problèmes multiples de géométrie, d'optique, de biologie, de zoologie, de géographie, d'histoire. Comment opérer la jonction entre une " générateur d'énigmes " et la volonté précise d'entraîner la mobilisation de certains acquis dans telle ou telle discipline ? L'une des difficultés est que les élèves ont rarement tous les acquis nécessaires, dans la mesure où la " logique des programmes " n'est pas celle des situations. Par exemple, pour comprendre pourquoi il faut des lunettes de protection, on a besoin de notions de physique et de physiologie qui n'ont pas toutes été enseignées à des élèves de quinze ans, a fortiori à de plus jeunes. Un important travail d'aménagement des situations et d'étayage des démarches des élèves attend donc le professeur qui persévère. Il devra apporter lui-même une partie des savoirs et des outils nécessaires.

  

De la difficulté de conceptualiser collectivement

Les chercheurs en sciences humaines ont déjà du mal à se mettre d’accord sur les modèles du fonctionnement cognitif, du simple point de vue des disciplines, des épistémologies, des théories et des méthodes de recherche en jeu. Ces désaccords et ces contradictions font partie du champ scientifique et n’ont pas de conséquences majeures sur la marche du monde, du moins à court terme.

Il en va différemment lorsque ces concepts investissent les représentations sociales et guident les choix curriculaires et pédagogiques des acteurs de l’éducation scolaire aussi bien que des responsables des ressources humaines et de l’organisation du travail dans les entreprises. Nul n’est véritablement au clair sur les savoirs, leur genèse, leurs modes de construction, de conservation, de transformation et d’usage. Mais on " fait comme si ". Pour enseigner des savoirs, l’école se contente d’une psychologie cognitive de sens commun. Les enseignants ne jugent pas nécessaire de comprendre exactement ce qui se passe dans la tête de l’apprenant.

Travailler le transfert, entraîner la mobilisation, développer des compétences : ces nouveaux défis exigent une conceptualisation plus fine et pointue. De plus, pour fonder des politiques et des programmes, cette conceptualisation doit être partagée.

Les sciences humaines se trouvent donc devant un double défi :

L’enjeu est double : continuer à construire des savoirs sur les processus d’apprentissage, le transfert, les compétences et les partager à relativement large échelle. Il faut que les chercheurs admettent que le débat public, les politiques de l’éducation, les projets d’établissements et l’élaboration de programme ont besoin de concepts plus simples que les outils de travail en laboratoire. En contrepartie, il faut que les praticiens admettent qu’on ne peut aller bien loin dans le débat sans construire des modèles théoriques dépassant le sens commun. J’ai insisté sur le caractère encore métaphorique de nos représentations de la cognition, en particulier des fonctions les plus évoluées. Métaphore ne veut pas dire absence de rigueur et d’abstraction. Élargir le débat n’ira pas sans une élévation du niveau de formation, mais pas non plus sans notions une coopération plus étroite entre chercheurs et praticiens sur ces questions. 

 

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