Source et copyright à la fin du texte

 

Texte d'une intervention au colloque " Réguler, évaluer, décider dans les systèmes scolaires ",
Lyon, IUFM, 6-8 avril 2000.

 

 

 

 

 

L’évaluation des réformes scolaires :
autopsie ou source de régulation ?

 

De l’expertise alibi au pilotage accompagné

 

Philippe Perrenoud

 

Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation
Université de Genève
2000

Sommaire

I. La régulation au principe du changement

II. Culture de l’évaluation et culture de l’expertise

III. L’accompagnement du pilotage négocié comme modèle d’évaluation externe d’une réforme

IV. Un exercice solitaire

Références

 


Dites-moi quels sont vos objectifs, je vous dirai s’ils sont atteints ". Aussi longtemps que des experts sollicités pour évaluer une réforme poseront le problème en ces termes, qui sont en apparence raisonnables, l’évaluation restera au pire une autopsie post mortem, au mieux un alibi pour le politique en quête d’une légitimité " scientifique " pour soutenir des réformes. Dans les deux cas, la fonction de régulation n’aura pas été honorée.

Comment faire de l’évaluation un véritable outil de régulation, sans l’absorber entièrement dans la logique des innovateurs, donc la stériliser ? Peut-on conjuguer extériorité et posture formative, dans une forme nouvelle de contrat entre un système et des experts externes ?

Je tenterai ici de discuter cette question, considérant qu’une expertise externe peut renforcer la régulation des réformes à condition de n’être pas en même temps un alibi ou une source de légitimité. Il importe que les experts soient des " amis critiques " (MacBeath, 1998), contribuant au pilotage et non des juges attribuant des " certificats de bonne réforme ".

 


I. La régulation au principe du changement

Dès les années 1960, on est revenu de l’illusion qu’une réforme est un texte bien pensé que les acteurs de terrain comprendront, accepteront et mettront en œuvre docilement. Cette clairvoyance a conduit à penser qu’il fallait mieux " préparer le terrain ", informer, expliquer, convaincre, donner du temps au temps, une fois la réforme définie, pour que les acteurs puissent se faire à l’idée de changer, se former ou trouver une porte de sortie.

Mais expliquer n’est pas suffisant. Une réforme scolaire, même lorsqu’elle est présentée comme une décision, donne le coup d’envoi d’une négociation dont elle sortira changée, parfois radicalement. Certains gouvernements prennent les devants et mettent officiellement un " projet de réforme " en consultation. Dans ce cas, le ministère ne perdra pas la face s’il doit remanier ses propositions. D’autres ministres, sans consulter ouvertement, s’appuient sur les partenaires sociaux pour établir le diagnostic et esquisser les remèdes, espérant rencontrer un consensus suffisant une fois le texte élaboré. D’autres encore préfèrent tenter leur chance en passant en force, de crainte que la négociation n’enlise le changement. Cependant, si la résistance devient vive, ils doivent aussi composer, dans une situation alors plus difficile. Si le ministère présente sa réforme comme décidée et doit l’appauvrir considérablement, voire la retirer devant une levée de boucliers, sa crédibilité en sortira affaiblie, ce qui peut provoquer un changement de ministre et de cap, voire une défaite électorale.

Il y a des risques dans tous les cas de figure, soit de renoncer à une réforme pure et dure au fil des oppositions, soit d’aboutir à un consensus mou qui ne change rien d’essentiel, la réforme ayant passé à la moulinette des compromis.

Dans les sociétés démocratiques, les acteurs - enseignants, parents, élèves parfois - ont maintenant appris qu’ils pouvaient paralyser une réforme ou l’édulcorer en protestant, parfois en se mettant en grève ou en descendant dans la rue. Les gouvernements ont appris, en miroir, soit à organiser formellement un processus de consultation qui transforme une réforme proposée en réforme décidée, soit à faire habilement machine arrière, au besoin en coupant quelques têtes. Ils savent que l’appui parlementaire ne suffit pas, que la " légitimité républicaine " ne peut imposer des changements qui heurtent les valeurs ou les intérêts de la majorité des enseignants ou des familles.

Parfois, la réforme est une réponse à une crise déclarée, parfois, elle prétend " simplement " préparer l’avenir, moderniser. Dans un cas comme dans l’autre, un projet de réforme propose des réponses, qu’il présente comme pertinentes et urgentes, à des problèmes ou à des défis jugés " réels " et " essentiels ". Or, ce diagnostic initial fait rarement l’unanimité. Certains n’adhèrent pas aux raisons invoquées ou feignent de les rejeter pour masquer d’autres motifs, moins avouables, de ne pas changer, par exemple la volonté de préserver des routines, des ressources, des avantages statutaires ou d’autres droits acquis. D’autres acteurs, sans adhérer davantage aux raisons avancées pour justifier la réforme, acceptent de ne pas s’y opposer parce qu’ils en espèrent des bénéfices secondaires. La phase de négociation conduit souvent le ministère à donner satisfaction, plus ou moins cyniquement, à des lobbies qui monnaient leur soutien.

On pourrait espérer qu’au terme d’un véritable affrontement, le texte de compromis qui dessine la réforme devienne la référence commune. Le marchandage initial, aussi intense soit-il, aboutit rarement à des arrangements définitifs. Même une réforme décidée à l’issue d’une concertation exemplaire n’est pas figée. Elle va, au fil des années, faire l’objet de nouvelles transactions. L’adhésion aux raisons de changer n’est pas un état stable et irréversible. Une fois la réforme engagée, tous les acteurs refont en permanence leurs " calculs " et peuvent, s’ils se sentent plus menacés qu’ils ne pensaient, soit bloquer le processus, soit exiger des infléchissements en échange du maintien de leur coopération active ou d’une simple neutralité bienveillante.

Pourquoi ? Parce que, dans une réforme complexe, il est improbable que chaque groupe d’acteurs soit d’emblée totalement lucide, d’une part, sur ses propres intérêts dans l’aventure, d’autre part, sur les implications réelle des décisions. C’est au fil de l’expérience que se révèlent un certain nombre de conséquences sous-estimées ou restées inaperçues. De plus, en phase de négociation " politique ", ce sont les états-majors qui discutent, les directions politiques et syndicales, les comités des associations, les instances de coordination de mouvements plus spontanés. Si l’on débouche sur un consensus, c’est parce que chacun a expliqué à sa " base " que le compromis était acceptable, voire avantageux. Or, par la suite, ce sont les enseignants, les parents, les élèves qui jugent le changement, sur le terrain. Les associations de parents peuvent, par exemple, accepter la suppression des notes en échange d’une plus forte participation à la gestion des établissements. Cela n’empêchera pas une partie des parents de refuser l’abandon des notes ou de réclamer leur retour, soit parce qu’ils sont indifférents au pouvoir gestionnaire et ne se préoccupent que de leurs propres enfants, soit parce qu’il pensent pouvoir gagner sur tous les tableaux. Soit encore parce que, ne se sentant nullement représentés par leurs " représentants ", ils reçoivent comme une décision unilatérale ce qui a été pourtant négocié… Les leaders syndicaux ou les dirigeants des associations de parents savent bien qu’un compromis n’est possible que s’ils calment les revendications les plus radicales de leurs troupes. Ils sont donc enclins, au fil des négociations. à minimiser les désaccords. Si bien que certains compromis construits " au sommet " sont de véritables bombes à retardement.

Bref, au gré des multiples mécanismes évoqués, une réforme ne prendra son visage définitif qu’au fil des années. Non seulement parce que les pratiques ne la réaliseront qu’en partie, mais aussi parce qu’elle sera " revue et corrigée ". Parfois ouvertement, le plus souvent parce que des textes nouveaux viendront la " compléter ", ce qui peut l’enrichir, la nuancer, mais aussi l’édulcorer, l’appauvrir, la dévoyer, voire la réduire à des évolutions dérisoires. Il arrive aussi, troisième cas de figure, qu’on s’en tienne aux textes initiaux, sans les retirer, sans les amender, sans en ajouter, mais en renonçant plus ou moins ouvertement à exiger leur mise en œuvre si la résistance est manifeste ou si les moyens font défaut. Ce qui engendre des réformes à géométrie variable.

Ce qui m’amène à une conclusion provisoire : une réforme scolaire d’envergure ne cesse d’être reconstruite, non seulement dans sa mise en œuvre, mais dans ses orientations, ses justifications et ses injonctions. Ce qui souligne l’importance stratégique de la régulation non seulement des stratégies et des calendriers, mais des intentions et des priorités.

Bien entendu, une certaine régulation est au principe de toute entreprise réussie, dans n’importe quel domaine. Sa place varie toutefois selon la part planifiable du changement. En effet :

Le changement en éducation s’apparente plutôt à ce second cas de figure. Ce qui signifie que, dans les réformes scolaires, la régulation ne prend pas l’allure de corrections mineures apportées à une trajectoire bien pensée. Il s’agit au contraire de remanier fortement les calendriers, les stratégies, les moyens engagés, les compromis à passer pour faire avancer vers les objectifs.

Complexité supplémentaire : ces derniers sont eux-mêmes sujets à des révisions, souvent à la baisse, pour proportionner les attentes aux moyens, aux obstacles, à la mobilisation effective des acteurs, mais aussi, parfois, à la hausse, lorsqu’un processus de changement réveille des rêves enfouis ou fait entrer dans le jeu des acteurs qui poussent à la surenchère. Il n’est pas rare, par exemple, qu’au gré d’une réforme portant sur le curriculum ou l’évaluation, l’administration soit amenée à donner des gages aux associations de parents ou d’enseignants dans le domaine de leur participation aux décisions.

Cette ampleur de la régulation a plusieurs conséquences :

1. La négociation d’une réforme ou de tout autre projet d’innovation doit accompagner tout le processus, dans la mesure où la décision se loge dans la régulation autant que dans le projet initial.

2. Dans un tel contexte, la régulation n’est jamais purement technique, elle remet en question les " compromis politiques " passés entre les acteurs, sans lesquels le projet aurait été d’emblée bloqué ou pourrait l’être à chaque instant.

3. La régulation passe par un important travail, qui exige non seulement de recueillir des données, mais leur analyse, leur interprétation et surtout de nouvelles décisions ; ce travail demande des ressources intellectuelles, des compétences de recadrage et de résolution de problèmes.

4. La régulation prend alors la forme d’un va-et-vient entre une instance centrale de pilotage et les acteurs du terrain : les établissements scolaires, les équipes, les personnels et ceux qui les représentent.

5. Pour que la régulation soit continue et pertinente, il importe d’accroître la lucidité des acteurs, grâce à de multiples dispositifs de prises d’information, d’analyse, de débat.

6. L’accompagnement du pilotage par des experts externes est un dispositif intéressant parmi d’autres. Il n’épuise pas les sources de régulation

Je vais désormais me centrer sur ce dernier aspect, qui n’est certainement pas le plus crucial, mais mérite cependant qu’on s’y arrête. Comme il y a de par le monde de plus en plus d’experts en quête de mandats et de plus en plus de dirigeants prêts à faire appel à eux, il n’est pas inutile de réfléchir sur les modèles de l’expertise.

Je me limiterai ici à une forme spécifique d’expertise, celle qui consiste à accompagner un processus de réforme ou d’innovation à l’échelle d’un système éducatif national ou régional. Sans doute l’accompagnement d’une équipe de professionnels ou d’un établissement présente-t-il des traits similaires, mais il est rare qu’à ce niveau on parle d’expertise. On s’adressera plutôt à des intervenants conseils, voire à des formateurs habitués à travailler de la sorte. Sans leur dénier toute expertise, on n’en fera pas des " experts " au sens où en mandatent les organisations internationales, les grandes firmes ou les États régionaux ou nationaux

J’essayerai de montrer que plus on monte dans le niveau de qualification, de prestige et de revenu des experts, plus ils risquent de s’enfermer et d’être enfermés dans un modèle d’expertise inapproprié, du moins du point de vue du pilotage des réformes. Au pire, l’expertise sera exagérément rationaliste et technocratique, au mieux, elle se limitera à des évaluations bilans peu favorables à la régulation d’une réforme en train de se faire.

 


II. Culture de l’évaluation et culture de l’expertise

Lorsque l’on veut modifier les informations prises sur les élèves, pour les mettre au service de la régulation des apprentissages, donc faire ce qu’on appelle couramment de l’évaluation formative, on se heurte à toutes les représentations sociales que véhicule le mot " évaluation " : elle doit, d’une manière ou d’une autre, présenter les vertus de l’examen, elle doit être équitable, donc s’adresser à tous au même moment, en posant les mêmes questions ; elle fonde une comparaison, soit des apprenants entre eux, soit de chacun à la norme d’excellence ; elle ne connaît que des individus, qu’elle met en concurrence et empêche de coopérer ; elle interdit à l’évaluateur d’intervenir pour prêter main forte à l’évalué ; bref, elle s’inspire du modèle de la justice.

J’ai tenté de montrer (Perrenoud, 1991, 1998 a et b) que l’évaluation formative devrait se concevoir dans un tout autre éclairages, s’apparenter plutôt au diagnostic médical, dont on attend qu’il soit individualisé, posé lorsqu’en en a besoin, dans une logique de résolution de problème et en fonction de la complexité de la situation. L’équité suit alors le principe : " À chacun selon ses besoins ". Ne serait-il pas absurde, au nom de la justice, de faire les mêmes analyses à tous les patients d’un hôpital le même jour à la même heure ?

Pourtant, dès qu’on dit évaluation, même formative, les représentations les plus conventionnelles reviennent au galop, si bien qu’il paraît préférable de parler d’observation formative ou de régulation des apprentissages (Perrenoud, 1998 b), pour se défaire de ce carcan.

Il n’en va pas autrement pour l’évaluation des réformes et plus généralement des systèmes. On succombe au " prêt-à-penser " : on a du mal à imaginer des formes adéquates d’évaluation externe des réformes scolaires, aidant à leur pilotage plutôt que présidant à leur autopsie. Même si l’on progresse dans ce sens, les dispositifs seront d’emblée menacés d’être infléchis dans le sens de la " culture " de l’évaluation et du culte de l’expertise, culture et culte qui prospèrent dans le monde des entreprises et atteignent l’école, notamment ses dirigeants et ses cadres.

 

La " culture " de l’évaluation, une mode influente mais ambiguë

Tout le monde évalue. Nul ne peut s’en empêcher. On évalue comme on respire. Sans y penser, sans méthode et sans rigueur peut-être, mais dans une perspective pragmatique qui justifie ce travail de l’esprit. On évalue ses propres actions, notamment :

On évalue les autres, notamment, pour :

L’évaluation est une pratique probablement inséparable de la condition humaine, en tout cas telle que notre culture la conçoit et la vit. Que signifie par conséquent l’idée même d’une " culture de l’évaluation " ? On peut banaliser l’expression et l’entendre comme une façon rapide de désigner une composante de la culture. Dans cette perspective, une " culture du corps " renverrait à tout ce que notre culture contient à propos du corps, de son esthétique, de son entretien de sa valorisation, les images et les techniques du corps, alors qu’une " culture de l’honneur " évoquerait la conception et les pratiques de l’honneur dans notre culture. De la même façon, on pourrait nommer " culture de l’évaluation " tout ce qui a trait aux normes et pratiques d’évaluation dans notre culture.

Réunir de la sorte ce qui présente une certaine unité de fonction, sinon de contexte, peut avoir du sens. On voit bien cependant que ce n’est pas le principal enjeu. Que se passe-t-il dans les milieux où, non content de respirer " comme tout le monde ", on développe et on valorise une " culture de la respiration " ? Chacun se sent très vite en faute, en deçà de la norme, témoignant d’une grande inconscience et d’une forte irresponsabilité. Il comprend qu’il respirait jusqu’alors " n’importe comment ", sans savoirs ni compétences, comme le M. Jourdain de la respiration.

De la même manière, la " culture de l’évaluation " fait de chaque évaluateur un amateur peu éclairé, dont les pratiques apparaissent, rétrospectivement, manquer de cohérence, de rigueur, de méthodes, d’instruments, voire de finalités explicites, bref, peu recommandables. La culture de l’évaluation est en réalité une doxa, un ensemble de normes qui s’imposent à quiconque prétend agir rationnellement. En particulier dans la gestion des organisations. C’est donc une composante de la culture managériale, pour laquelle l’être humain cherche à atteindre des objectifs précis en mobilisant adéquatement des ressources, parmi lesquelles des ressources " humaines ".

D’où vient cette importance donnée à l’évaluation ? Sans doute de plusieurs facteurs :

Cette insistance sur l’évaluation va de pair avec l’obsession de résultats objectivables et comparables, à rapporter aux performances attendues ou à celles de concurrents. Le mandat d’un sous-système prend désormais la forme d’une " obligation de résultats ", qu’on trouve aussi dans le " contrat de prestation " qui lie des organismes indépendants.

Même si elle reste une tentation récurrente, l’obligation de résultats n’a guère de sens en éducation comme dans d’autres métiers de l’humain, car les personnes résistent à la prise en charge et déjouent les stratégies et les calendriers les mieux conçus. De la fascination des résultats, il restera au moins l’idée qu’il est impératif de savoir où l’on va, à quelle distance on est de l’objectif et si possible pourquoi. Une " obligation d’évaluation et de régulation " se substitue à une impossible obligation de résultats.

Avoir des objectifs clairs, évaluer leur degré d’atteinte et réorienter l’intervention en conséquence : ces principes sont au fondement de toute action efficace. De ce point de vue, la culture de l’évaluation ne fait que formaliser et dramatiser un rapport rationnel au monde. Il est hélas difficile de faire, dans la culture de l’évaluation, la part du bon sens et la part de l’esbroufe technocratique. D’autant que le monde scolaire n’est pas au cœur de cette évolution : il s’inspire en général, avec un temps de retard, des tendances qui prédominent dans d’autres secteurs de l’administration publique, voire dans l’univers des affaires, ce qui peut favoriser des transpositions absurdes de concepts, d’instruments, de dispositifs d’évaluation conçus dans d’autres sphères de l’activité humaine.

On ne peut que défendre une vision nuancée de cette évolution. Comme sociologue, je suis du côté de la volonté de savoir et de la lucidité, tant des organisations que des personnes, sur ce qu’elles font vraiment et ce qui en résulte. C’est ce qui sous-tend l’insistance des sciences sociales sur les pratiques, le travail réel, les effets des politiques et des décisions. Je devrais donc être le premier à me réjouir que la culture de l’évaluation fasse de cette lucidité la norme. Pourtant, restons critiques, évaluons l’évaluation, expertisons l’expertise (Perrenoud, 1996). Cette vogue est trop rapide pour ne pas être suspecte. Elle sous-estime profondément la volonté de ne pas savoir ou de ne pas dire qui est au principe de l’ordre social. Et surtout, elle feint de croire que la transparence est au service du bien public, alors qu’elle n’est souvent qu’une arme de plus aux mains des dominants.

La culture de l’évaluation profite en effet, en priorité, aux dirigeants qui commanditent des évaluations institutionnelles et aux experts qui acceptent, voire sollicitent de tels mandats. La culture de l’évaluation est l’une des déclinaisons de la culture managériale contemporaine, fondées sur des " sciences " de la gestion, de l’administration, du pilotage ou de l’évaluation de projets, de programmes ou de politiques. L’un des plus sûrs indices de cette appartenance au monde du " management scientifique ", ce sont les mots. La culture de l’évaluation a, par exemple, fait émerger une expression obscure mais séduisante : l’évaluation institutionnelle.

Dans la " pédagogie institutionnelle ", l’institution est une émanation des acteurs, leur règle du jeu, leur loi, l’ensemble des règles et dispositifs qu’ils se donnent pour vivre en bonne intelligence et prendre des décisions à la fois légitimes et pertinentes. C’est pourquoi on parle volontiers d’institutions internes. Dans la pédagogie Freinet, le conseil de classe en est un emblème ; il est institué par le groupe classe, même si c’est le maître qui le propose ; une fois institué, il devient le lieu de l’exercice partagé du pouvoir et donc une instance d’évaluation et de régulation de la vie et de l’action collectives. Une transposition hâtive pourrait suggérer que l’évaluation institutionnelle est une instance équivalente à l’échelle d’une plus vaste organisation : une structure et des procédures instituées par les acteurs pour analyser et réorienter leur action commune.

Or, en réalité, l’évaluation " institutionnelle " est aux antipodes de la " pédagogie institutionnelle ". Elle n’est pas instituante, mais instituée, de façon unilatérale, par la direction de l’institution ou encore par le système auquel elle doit rendre des comptes. Dans un cas comme dans l’autre, elle s’impose à la majorité des acteurs, ni plus ni moins que l’organisation du travail. L’évaluation institutionnelle émane de l’alliance des dirigeants et d’experts (internes ou externes) qui ont et se sentent le droit de parler au nom de l’ensemble.

Si bien que la plupart des acteurs reçoivent la culture de l’évaluation et les procédures qui s’en réclament (évaluation institutionnelle, autoévaluation, audits, démarche qualité) comme des injonctions paradoxales et pesantes : " Adhérez et participez activement à une démarche que vous n’avez pas choisie et dont vous êtes le premier objet plutôt que le maître d’œuvre ".

Il n’est pas impensable, bien entendu, de favoriser une forte implication des acteurs dans l’évaluation institutionnelle. Mais cette implication est un marché de dupe si l’on n’est associé ni à sa conception, ni à ses suites. Aujourd’hui, les managers acquis à la culture de l’évaluation ont besoin de convaincre les " collaborateurs " de l’entreprise ou de l’organisation qu’ils dirigent d’adhérer à des procédures parfois lourdes d’autoévaluation, d’audit, de recueil de données. De là à croire que les " collaborateurs " sont entrés de plain pied dans la culture de l’évaluation, il y a un pas à ne pas franchir. Tout expert sollicité pour accorder son appui à de telles opérations le pressent, s’il n’est pas désespérément naïf. Il sait que les salariés craignent ces procédures ou sont sceptiques sur leurs effets de régulation. Il sait que la culture de l’évaluation n’a pénétré que les couches dirigeantes de l’organisation, qu’elle appartient aux nouvelles tactiques du pouvoir.

Si l’expertise reste au main des dirigeants, on construit sur du sable. La seule voie raisonnable est d’impliquer les salariés dans la conception du dispositif et de la commande. C’est à ce prix qu’ils se sentiront concernés par le travail des experts. Sinon, ils les verront, à juste titre, comme les nouveaux alliés du pouvoir, chargés de masquer l’arbitraire de la décision sous les dehors de l’objectivité et de la rationalité.

 

Experts, consultants et voyantes extralucides

" Cracher dans la soupe " n’est guère recommandable. Pour faire le procès des experts et autres consultants, ne faudrait-il pas refuser tout mandat, tout contrat ressemblant de près ou de loin à une expertise ? Je n’ai pas cette totale extériorité, même si je fonctionne comme accompagnant sur la durée plus volontiers que comme expert.

Mon objectif est cependant d’une autre nature : je ne cherche pas à faire le procès des experts, ni même de l’expertise, mais l’analyse d’un rapport social qui joue un rôle croissant dans les processus de décision et de régulation. Mon propos n’est pas de condamner l’expertise mais de contribuer à la rendre crédible.

Un expert est censé accumuler de nombreuses ressources rares : savoirs, expérience, compétences, éthique, capital de relations dans le réseau scientifique et politico-administratif. Chaque expert a-t-il toutes ces qualités ? Pourquoi n’y aurait-il pas, comme dans tous les métiers, des gens dont la réputation est surfaite, voire de véritables imposteurs ? Dans une fonction émergente, il y a sans doute un peu plus de moutons noirs qu’ailleurs. D’autant que les régulations par le marché sont incertaines : ceux qui ont engagé à prix d’or un expert incompétent décideront de ne pas le solliciter à nouveau, mais ne se vanteront pas de leur mésaventure ; ils laisseront plutôt leurs concurrents faire la même expérience…

Stigmatiser les experts qui usurpent leur titre n’est pas toutefois au cœur de mon propos. Il est plus intéressant d’analyser la pratique probable d’un expert savant, compétent, expérimenté et doué d’un sens éthique. Ce qui importe ici, ce sont les contraintes que lui imposent son rôle et le rapport social qui se noue entre lui et ceux qui le mandatent.

En quoi consiste ce rôle ? L’expert fait une apparition dans la vie des gens. L’expertise est en effet à une intervention de durée limitée dans une organisation ou un réseau qui lui préexiste et lui survit. J’exclus donc de la présente analyse les experts liés par un contrat qui les constitue en salariés permanents d’une organisation. L’expert dont je parle est un " oiseau de passage ", qui reçoit un mandat et fournit une prestation limitée &endash; notamment dans le temps - en échange d’honoraires fixés a priori et indépendants des effets de son expertise.

Il y a dans toute expertise de ce genre une prétention de base : comprendre en peu de temps les tenants et aboutissants d’un problème qui est souvent le produit de plusieurs années de genèse, d’analyse, de tentatives de résolution et donc de combats et de transactions impliquant les acteurs permanents de l’organisation. Or cette prétention n’est pas absurde, car un expert :

Un expert qualifié et expérimenté peut donc effectivement comprendre assez vite une situation complexe, reconstituer une partie de l’histoire, saisir les enjeux et les rapports de force, les zones d’ombre, ce que craignent ou espèrent ses interlocuteurs, ce qu’on voudrait lui cacher ou lui faire dire. S’il décode bien les attentes contradictoires dont il est l’objet, il pourra infléchir subtilement la commande et se retrouver à faire ce qu’il estime le plus judicieux ou le plus intéressant.

Là est précisément le danger : s’il n’est pas fondamentalement autocritique, l’expert peut surestimer fortement sa compréhension de la situation et des problèmes. Il est très gratifiant de s’entendre dire qu’on a saisi et su mettre en mots, en peu de temps, ce que les " indigènes " de l’organisation n’avaient pas compris ou ne sentaient que confusément, alors qu’ils travaillent dans la place depuis des années.

Au-delà des satisfactions narcissiques, l’expert est l’objet de fortes attentes : on le mandate parce qu’on ne peut obtenir un service équivalent en puisant dans les ressources internes de l’organisation, soit parce que de telles ressources font défaut, soit parce qu’elle font partie du problème, sont engagées dans le conflit ou n’ont simplement pas la légitimité requise. Ressource rare et investi de fortes attentes, l’expert n’a guère droit à l’erreur. Il se trouve un peu dans la situation du clinicien appelé au chevet du patient : puisqu’il est médecin, il semble évident qu’il doit être capable de poser très vite un diagnostic correct et de prendre les options thérapeutiques pertinentes. L’expert doit de même se montrer très vite " à la hauteur ", paraître intelligent, compétent, adéquat dès ses premières questions.

Comment paraître plus informé et intelligent qu’on ne peut l’être dans des conditions aussi précaires, même lorsqu’on travaille beaucoup et sérieusement ? L’expert peut puiser dans deux catégories de ressources 

 L’expertise méthodologique

En imposant des canons méthodologiques à l’organisation qui le mandate, l’expert se place en quelque sorte sur son terrain. Il mettra par exemple l’accent sur :

L’expert impose de la sorte des normes formelles qui dévalorisent les méthodes " approximatives ", les données " bricolées " et les connaissances " ordinaires " des acteurs du terrain.

C’est en partie son rôle. S’il s’en tenait au sens commun, il décevrait à coup sûr et ne ferait pas vraiment son travail. C’est l’excès de formalisation qu’on peut mettre en cause, en particulier lorsqu’elle masque un manque de maîtrise des problèmes de fond.

 La voyance

Un expert habile et démuni d’hypothèses fortes et nouvelles sur ce qui se joue peut fonctionner comme une cartomancienne, qui questionne habilement son client et lui renvoie une image en apparence fondée sur un talent de divination, en réalité nourrie de bon sens et de l’art de dire à l’autre ce qu’il espère entendre ou ce qu’il sait déjà, joliment reformulé de sorte qu’il ait l’impression qu’on lui livre des idées neuves et des informations inédites.

Un expert qui ne se contente pas d’appliquer des instruments préfabriqués à une réalité singulière a d’excellentes raisons d’interroger les acteurs sur leur propre compréhension, leur propre analyse, leur propre évaluation de la situation et de les questionner sur les solutions qu’ils entrevoient, les stratégies qu’ils préconisent. Tout dépend de la valeur ajoutée par l’expert à cet ensemble de théories, d’interprétations et de propositions. À la limite, il peut, grâce à un réel talent d’écoute, de questionnement, de synthèse et de reformulation, restituer aux acteurs ce qu’ils savaient déjà, sans qu’ils s’en rendent compte, ni ne disposent des moyens de faire ce travail eux-mêmes.

L’expert lucide doit simplement savoir que, dans un premier temps, il paraîtra compétent simplement parce qu’il prend appui sur l’intelligence collective des acteurs, en formulant et en reliant des éléments d’analyse recueillis au gré de ses conversations et lectures. Dans certains cas, cet apport suffit à stimuler un processus d’autoévaluation ou de décision. Un dessin humoristique représente le consultant comme celui qui dit tout haut ce que chacun pense, mais n’ose pas affirmer publiquement. Il arrive qu’on mandate un expert juste pour qu’il dise, de l’extérieur et avec une légitimité intacte, ce que de nombreux acteurs de l’intérieur pourraient dire aussi bien, mais en prenant des risques ou en se heurtant à une résistance immédiate. Même si la demande va au-delà, il n’est jamais inutile que l’expert formalise l’état des savoirs, des hypothèses et des évaluations internes. Sans doute devrait-il être capable d’aller plus loin, de ne pas de borner à traduire dans un langage à la fois savant et acceptable les intuitions parfois percutantes des acteurs les plus lucides.

 Un autre magicien sans magie

S’il faut envisager certaines dérives, c’est parce que la pression du rôle pousse à faire illusion. L’antidote est en partie fondée sur l’éthique et l’expérience. L’expérience apprend que les théories et les évaluations spontanées des acteurs contiennent souvent une large part de vérité, mais qu’elles sont aussi à la racine des impasses ou des crises qui traversent l’organisation. Lorsqu’un dirigeant, un ingénieur, un cadre, voire un employé explique, par exemple, pourquoi " rien ne peut changer ", il met en général en lumière de véritables mécanismes conservateurs. Mais il ne peut pas voir que sa propre théorie conforte ce fatalisme, qui paralyse maintes organisations.

Quant à l’éthique, ce n’est pas seulement d’une éthique de la recherche dont il est question, mais de la conscience d’un double enjeu :

• Il importe que l’expert reconnaisse la connaissance interne des acteurs de l’organisation, mais ne se l’approprie pas, ne les en dépossède pas. Il se peut que le principal apport d’une expertise bien faite soit de renforcer l’intelligence collective d’une organisation et ceux qui y contribuent le plus. Il importe donc que l’expert favorise la prise de conscience des ressources internes et ne cache pas que son rôle consiste en général à s’appuyer sur ces ressources pour porter l’organisation un peu plus loin qu’elle ne pourrait aller par ses propres moyens.

• Son rôle est d’y ajouter autrement que sur le mode de la synthèse et de la reformulation. Autrement dit, d’intervenir dans la " zone de proche développement " de l’organisation, non pas pour la rendre fugitivement plus intelligente, mais pour la rendre durablement plus apprenante.

Alors que son rôle idéal serait de renforcer les mécanismes spontanés d’analyse, d’évaluation et de décision, sur le mode du traitement homéopathique, l’expert peut être tenté de se substituer - provisoirement - aux acteurs et de pratiquer une intervention allopathique. Pour se garder de cette tentation, il faut de l’acharnement et du temps. Il faut aussi prendre le risque de décevoir les attentes fantasmatiques de certains mandants, refuser de " faire à la place ", ne pas perdre de vue un instant qu’on ne fait que passer et que ce qu’on propose ne produira d’effets que si des forces de l’intérieur se l’approprient et en font une stratégie à long terme.

Comme le psychologue décrit par Selvini Palazolli (1980) l’expert est un " magicien sans magie ".

 

Montrez-moi vos objectifs !

Montrez-moi vos objectifs, je vous dirai s’ils sont atteints ". L’expert canonique n’a pas d’objectifs propres, sinon de servir ceux de son mandant. L’expertise serait en ce sens une " pure relation d’aide ". Sauf que cette neutralité est souvent feinte. Non seulement parce que l’expert a, comme tout le monde, des valeurs, une idéologie et des sympathies et des antipathies qui peuvent orienter son travail. Au prix d’une certaine rigueur, il peut les mettre entre parenthèses, au besoin en refusant de commencer ou de poursuivre une expertise pour un commanditaire dont il désapprouve fondamentalement les orientations ou l’éthique.

La neutralité est menacée plus subtilement. L’expert " prête " à son commanditaire des objectifs toujours plus clairs, cohérents et explicites qu’ils ne sont. En effet, n’ayant pas d’objectifs propres, il ne peut faire son travail s’il ne peut se référer aux objectifs de son commanditaire. C’est l’aune à laquelle il évaluera l’efficacité, la sécurité, la fiabilité, bref le bien-fondé d’un plan de réforme, d’un programme ou d’un projet. L’expert se sent donc en droit d’exiger qu’on clarifie les objectifs. Il ne se contente pas de formulations vagues et ambiguës telles que " C’est pour améliorer les choses " ou " Il s’agit de créer davantage de transparence " ou " On vise à réduire les inégalités ". L’expert demandera des définitions, des critères, des seuils mesurables et voudra en même temps avoir une description précise de l’état des lieux, voire un historique du dossier pour lequel on le sollicite.

Aussi longtemps que les objectifs ne sont pas clairs, un tel expert ne peut commencer son travail ; il attend donc que les conditions soient réunies. Que fait alors une organisation qui mandate cet expert ? Elle fait un effort exceptionnel de formulation et se heurte à ses propres zones d’ombre ou de confusion. Alors, de deux choses l’une :

Souvent, l’expert, impatient, participe activement au travail de rédaction, voire en prend le contrôle : il questionne, rédige et fait valider sa formulation des objectifs par ses mandants. Ce faisant, il influence forcément le tableau.

Sauf, mais c’est encore assez rare, si l’expert a une culture sociologique suffisante pour savoir que les objectifs d’une organisation sont des construits sociaux qui :

Contre toute logique apparente, un objectif n’est souvent qu’un moyen… Les acteurs s’en servent pour défendre leurs valeurs et leurs intérêts, qui sont les véritables mobiles de l’action individuelle ou collective. Dans ce jeu, l’expert n’est lui-même qu’un instrument, qu’il soit appelé par l’organisation elle-même ou qu’il lui soit assigné par un système plus vaste. Or, aucun expert, sauf s’il est entièrement cynique, ne peut s’avouer facilement qu’il participe à un jeu dont toutes les cartes ne sont pas sur la table. Et même s’il n’en est pas dupe, il doit jouer ce que j’appellerai la " comédie de la rationalité organisationnelle ".

Imaginons qu’un expert dise à ses mandants : " Je sais que vos objectifs ne sont pas très clairs et cohérents et d’ailleurs qu’ils cachent d’autres mobiles. Je vais cependant feindre de vous demander de les expliciter à mon intention. Vous allez feindre de me répondre. Je ferai mon expertise sur cette base et tout le monde sera content ". Il y a fort à parier qu’une telle sincérité mettrait fin au contrat.

L’expert qui a perdu sa candeur mais refuse tout cynisme se trouve donc devant un dilemme : s’il se fait complice de l’ambiguïté des acteurs, il ne sert à rien ; s’il les enferme dans une rationalité abstraite, digne des manuels de management, il n’est pas plus utile.

La ligne de crête consisterait à faire avec une rationalité limitée, à la tirer vers un peu plus de lucidité et de transparence. En sachant discerner les organisations prêtes à jouer le jeu, à prendre le risque de mettre des mots sur leurs zones d’ombre ou leurs ambiguïtés, et d’autres avec lesquelles il vaut mieux ne pas travailler si l’on ne peut pas perdre son âme…

 

Pour qui travaillent les experts ?

Aucune réforme, aucun dossier complexe ne font l’unanimité. Les experts devraient donc se poser la question qu’Howard S. Becker (1966) posait aux sciences sociales : " Whose side are we on ? ", " De quel côté sommes nous ? ".

La réponse politiquement correcte à cette question est " Nous ne sommes d’aucun côté, nous sommes des scientifiques, du côté de la vérité, de l’objectivité, de la rigueur ". Oui, mais :

La réponse est toujours la même : la direction de l’organisation. C’est d’ailleurs formellement irréprochable : mandater, coacher, payer et utiliser des experts, tout cela fait partie de ses prérogatives. Certains experts n’ont aucun état d’âme à travailler pour le pouvoir et ne se demandent pas de quel côté ils sont. Si on le leur demande, ils diront très tranquillement : du côté de ceux qui m’engagent.

Le problème est plus complexe pour les experts qui prétendent servir équitablement tous les acteurs de l’organisation, lorsqu’ils sont approchés par le sommet de la pyramide. Leur sollicitation s’inscrit dans la stratégie des dirigeants de l’organisation. On voit mal comment il pourrait en aller autrement : les dirigeants n’ont aucun intérêt à favoriser une expertise qu’ils ne contrôlent pas et ils ont le pouvoir de réduire à néant toute suggestion d’audit ou d’aide externe s’ils se sentent menacés.

Un expert qui en est conscient peut tenter de neutraliser ce biais et les divers mécanismes évoqués. Il ne suffit pas cependant qu’il fasse confiance à sa lucidité et à son honnêteté. Pour travailler pour l’ensemble des acteurs, il doit forcément exiger qu’ils soient parties prenantes à son contrat, associés à la définition du mandat et des règles du jeu qui concernent la diffusion et le traitement des observations et des recommandations des experts.

Or, dans de nombreux cas, une telle prétention suffira à compromettre le contrat s’il n’est pas encore signé. S’il est signé, l’expert se verra répondre que telle consultation sur la mission ou telle diffusion des conclusions n’étaient pas prévues… En règle générale, les dirigeants d’une organisations n’envisagent pas volontiers de " faire partie du problème ". Or, c’est nécessairement ce qui arrivera s’ils ne sont plus les seuls interlocuteurs des experts pour ce qui concerne leur mandat et leurs conclusions.

Il peut y avoir deux types d’exceptions à cette règle :

Même alors, il serait naïf de croire que les dirigeants d’une organisation peuvent accepter tout à fait sereinement de jouer le jeu sans le contrôler. Dans les administrations publiques et les entreprises " modernes ", on s’efforcera cependant de ménager les apparences de la concertation et de la transparence autour de l’expertise. Ce qui exige des experts une vigilance encore plus grande pour ne pas être captifs de stratégies de pouvoir.

 

 
III. L’accompagnement du pilotage négocié
comme modèle d’évaluation externe d’une réforme

Avec Bouvier (1998), je pense qu’il vaut mieux " substituer le pilotage à l’évaluation ", du moins à une évaluation qui intervient après la bataille, à la manière d’une autopsie. Dans les organisations complexes, la régulation n’attend pas que les experts aient peaufiné un rapport au-dessus de tout soupçon. Mieux vaut une régulation en temps utile, éventuellement basée sur des indices imparfaits, qu’une régulation fondée sur des données complètes et des analyses magnifiques, mais qui intervient lorsque tout est joué, à la manière d’un médecin qui offrirait un diagnostic sans faille après le décès du patient.

Bien entendu, il n’y a pas de pilotage sans évaluation, autrement dit sans jugement sur le chemin parcouru, la distance à l’objectif, la trajectoire et ses chances de se rapprocher de l’objectif selon le calendrier prévu. Mais une telle évaluation porte sur les processus en cours plutôt que sur des résultats consolidés. Elle doit donc assumer les risques d’erreur liés à toute anticipation. Lorsqu’on préfère agir en temps utile, au risque de se tromper, plutôt qu’agir à coup sûr, mais trop tard, on a besoin d’une évaluation en cohérence avec cette logique d’action et de régulation, donc d’experts entrant dans un tel contrat et prenant des risques en conséquence.

Si l’on s’inscrit dans cette perspective, il reste à penser les modalités optimales du pilotage et, dans un second temps, les conditions d’un réel apport d’experts externes. Je baserai mes propositions sur quelques expériences, dont certaines donnent à voir ce qu’il ne faut pas faire. Comme nous vivons dans un petit monde et que les réformes sont facilement identifiables, on me pardonnera de rester parfois elliptique.

 

Vers un pilotage négocié

La notion de pilotage est devenue un des lieux communs de la gestion des organisations et du changement. Si elle s’est imposée au cours des dix dernières années, au-delà des effets de mode, c’est sans doute parce que la métaphore est parlante en ces temps de crises, de transformations rapides, d’incertitudes quant à l’avenir. Le temps n’est plus de la " planification " triomphante des années 1960. Avant même que les fameux " plans quinquennaux " ridiculisent cette idée, il est devenu évident qu’on ne peut planifier qu’à court terme, presque " à vue ". S’il faut une planification stratégique, il importe de la mettre constamment à jour plutôt que de s’y accrocher comme à une planche de salut.

On s’intéresse donc désormais au pilotage des systèmes éducatifs (Bonami et Garant, 1996) et aux savoirs requis des dirigeants (Gather Thurler, 1998 c ; Pelletier, 1998 a ; 2000 ; Perrenoud, 1998 c). Mais au-delà de la métaphore du pilote guidé par sa connaissance des hauts fonds, des courants et des récifs, se pose un problème que les capitaines de navire ne connaissent pas : y a-t-il un pilotage démocratique ? Ou n’est-ce pas, par excellence, un job solitaire, où il faut prendre des décisions dans l’urgence, éventuellement contre le sens commun et les assumer au nom d’une compétence mal partagée ?

Sur un navire, l’équipage fait confiance au capitaine et, en principe, ne discute pas ses décisions, sauf dans des situations exceptionnelles, lorsque le capitaine semble avoir perdu la tête ou demande spontanément de l’aide. L’organisation du travail n’est pas régie par un souci de démocratie, mais d’efficacité. Il en va de même dans la plupart des entreprises et des administrations publiques.

Surgissent parfois, cependant, deux éléments qui brouillent les cartes :

Or, c’est justement ce qui arrive lorsqu’il est question de réformes scolaires : elles touchent des acteurs (élèves, parents, enseignants, formateurs, cadres) qu’il serait à la fois injuste et dangereux d’exclure de la décision. Injuste parce que l’école est aussi leur école, parce que ce n’est pas un appareil administratif comme les autres, parce qu’elle exerce sur les familles et les individus un pouvoir sans pareil (Perrenoud, 2000).

Et dangereux parce que les réformes décidées et pilotées de façon autoritaire ne mobilisent pas les acteurs, ne les engagent à rien d’autre qu’un conformisme de surface, ce qui suffit à expliquer l’échec massif, sur le terrain, de réformes pourtant bien pensées.

Il importe donc de prévoir d’emblée de confier le pilotage d’une réforme scolaire importante à une instance composite, dans laquelle soient représentées les divers groupes d’acteurs concernés. L’articulation d’un tel groupe aux fonctions dirigeantes ne va pas de soi (Perrenoud, 1999), mais c’est aujourd’hui une dimension cruciale des processus d’innovation (Gather Thurler, 1999 ; 2000 a et b).

Sans entrer ici dans le détail des dispositifs, posons comme prémisse que c’est dans ce cadre, celui d’un pilotage négocié, qu’il convient de penser l’appel à des experts externes.

 

Un pilotage ouvert sur l’extérieur

Les dirigeants " modernes " sont formés de sorte à penser " spontanément " à faire, dans certaines circonstances, appel à des experts externes :

Une instance composite de pilotage négocié ne partage pas les mêmes évidences. Tous ses membres ne sont pas acquis à la culture de l’évaluation. Les chercheurs s’en méfient, comme une partie des représentants d’associations de parents ou d’enseignants. De plus, une telle instance a fort à faire pour construire des compromis acceptables. Elle peut à la fois :

Il paraît sage, cependant, de ne pas sous-estimer l’aveuglement possible d’un groupe absorbé par ses divergences internes, le souci de faire avancer une réforme et la nécessité de la justifier aux yeux de ceux qui ne se sentent pas représentés dans l’instance de pilotage, soit parce qu’elle ne donne pas une place à toutes les associations constituées, soit parce qu’ils ne se sentent défendus et exprimés par aucune association.

Il importe en même temps que le recours à des ressources externes ne soit pas décidé de justesse, contre l’avis d’une partie importante des acteurs du pilotage, ni in extremis, c’est à dire trop tard, dans une logique classique de justification. C’est l’un des enjeux de la " culture du pilotage négocié " qui reste à construire.

À supposer que l’instance de pilotage négocié se mette d’accord sur l’opportunité de faire appel à des experts externes, encore faut-il qu’elle ne succombe pas aux représentations dominantes. Recourir à des experts externes pour mieux piloter désigne une évaluation formative, continue, coopérative, centrée sur la régulation.

Ce qui signifie notamment que les experts pressentis sont au service de l’instance de pilotage, qui les mandate. Pourquoi faut-il y insister ? Parce que les vieux schémas ont la vie dure :

Il importe donc de rédiger un mandat très explicite, de prévenir les dérives en les nommant et de laisser au ministre, s’il en a besoin, toute liberté de nommer ses propres experts, dans une logique classique d’évaluation externe et de légitimation de la réforme, plutôt que de s’approprier ceux qui sont censés contribuer à sa régulation et à sa réussite et ne peuvent donc, de ce fait, prétendre à l’impartialité.

L’expérience montre cependant que les mandats d’expertise, même les mieux conçus et les plus explicites, pèsent peu lorsque les enjeux politiques deviennent saillants. Les rapports de force prévalent alors et le rôle des experts est redéfini de facto, alors que pilotage négocié est mis en veilleuse. Ce qui prouve que ce type de pilotage et d’expertise sont des état instables et improbables de la gestion du changement planifié, une sorte d’ascèse qui éloigne temporairement le politique et l’administration de leur plus forte pente : décider en circuit fermé, sans contradicteurs, expliquer, séduire, rassurer et affronter de temps à autre la tempête, souvent éphémère, que provoquent des décisions unilatérales.

La meilleure garantie d’une expertise contribuant à la régulation de la régulation, au pilotage du pilotage, c’est sans doute le choix des experts et, au-delà de la clarté du contrat, leur réelle adhésion à un modèle de l’expertise qui les constitue en acteurs solidaires d’une entreprise qui n’est pas la leur. Là encore, l’expérience montre le danger qu’il y a à ne pas vérifier de façon précise la convergence des représentations.

 

Des experts qui n’ont pas froid aux yeux

Pour contribuer dans cet esprit au pilotage d’une réforme, un expert doit accepter de prendre des risques. Il devient en quelque sorte acteur du système, même en position d’extériorité. Il ne peut, pour commencer, faire son travail s’il n’adhère pas aux orientations idéologiques de la réforme et n’en perçoit pas le bien-fondé. Cela ne veut pas dire qu’il " l’achète " sans esprit critique, mais qu’au-delà d’un certain seuil de désaccord, mieux vaut qu’il ne s’engage pas ou se retire du jeu.

Pour fonctionner comme ami critique (MacBeath, 1998), il doit être entendu, donc estimé non seulement crédible d’un point de vue scientifique, mais solidaire des objectifs de la réforme. Une instance de pilotage n’a que faire de quelqu’un qui ne cesse de suggérer qu’il aurait fallu faire tout autre chose et ne donne aucun signe d’identification positive aux ambitions de la réforme.

L’expert assume cette solidarité publiquement, dans la mesure où, pour avoir accès au terrain, il doit agir en toute transparence. La nature de son mandat doit être claire pour les cadres, les formateurs, les chercheurs, les enseignants, les parents, voire les élèves qu’il est appelé à interviewer. Son statut d’ami critique lui interdit de feindre la neutralité idéologique qui sied aux " technicien des moyens ".

Il y a une autre raison de choisir des experts qui n’ont pas froid aux yeux : ils devront coopérer avec un groupe travaillé par des désaccords et des tensions. Si le pilotage est négocié, c’est parce qu’il y a matière à négociation. Les experts externes seront confrontés à un dilemme : s’impliquer dans certaines phases de la négociation - à leur manière - c’est le moyen d’être le plus utiles dans leur rôle ; c’est également le plus risqué, car ils vont forcément peser en faveur d’un " camp ". Sans devenir " médiateurs ", il faudra aux experts une habileté et une rigueur exceptionnelles pour ne pas devenir des acteurs " comme les autres " sans dire pour autant " Mettez-vous d’accord, je reviendrai lorsque vous saurez ce que vous voulez ", puisqu’on fait appel à eux, précisément, pour aider au pilotage, donc à la décision.

 

Des méthodes peu orthodoxes

De tels experts, sachant qu’il faut préférer le pilotage à l’évaluation, ne renonceront pas pour autant à objectiver tout ce qui peut l’être, à recueillir des données selon les règles de la méthodes lorsque c’est possible en temps utile.

Ils devront naviguer à l’estime entre deux écueils : le premier serait de partager le " sens commun " des acteurs du système au point de n’apporter rien de neuf et de différent ; le second serait de s’armer de tant de distance (épistémologique mais aussi sociologique et psychologique) et de tant de précautions méthodologiques que leur propos ne seraient pas entendus ou ne surviendraient qu’une fois les décisions prises, ne contribuant donc aucunement à la régulation de la réforme.

Il importe donc de confier ce rôle à des personnalités très indépendantes, n’ayant pas peur de prendre des risques, d’aller à contre-courant, de dire des choses difficiles à entendre sans avoir pour cela besoin de se couper du monde. Autrement dit, des experts capables de vivre des conflits cognitifs sans les transformer en querelles personnelles, acceptant de n’être entendus qu’en partie sans que cela ouvre de trop grandes blessures narcissiques…

 

Un ami critique peut-il rester un ami ?

En se limitant à sa propre autoévaluation, une instance de pilotage, même s’il est négocié et gère donc des contradictions, risque l’autosatisfaction, la complaisance, qui peut confiner à l’aveuglement ou du moins favoriser l’euphémisation des problèmes.

S’adresser à des tiers, à des " experts externes ", même solidaires, même dans une perspective de régulation conjointe, c’est assumer le risque d’entendre ce qu’on ne veut pas savoir, de devoir assumer publiquement un constat d’écart entre ce qu’on prétend faire et ce qu’on fait et donc de prendre des mesures en conséquence.

L’accompagnement du pilotage d’une réforme n’est donc pas un exercice confortable, ni pour les uns, ni pour les autres. Il n’est jamais exempt de tensions. Sans les bannir, on les vivra d’autant mieux que le contrat est clair et, d’une certaine manière, les prévoit. C’est l’intérêt de formaliser le statut d’ami critique tel que MacBeath (1998) l’a proposé : donner à la critique aussi bien qu’à la résistance à la critique un statut tel qu’elles n’aboutissent pas au conflit ou à la rupture… MacBeath évoque le cheval de Troie. En l’occurrence, il s’agit d’introduire non pas un adversaire, mais une logique autre, parfois dérangeante, dans un jeu déjà complexe. Il faut à une organisation beaucoup de vertu pour prendre une option qui prend le contre-pied de toutes les " routines défensives " (Argyris, 1995) qui dénient l’existence ou minimisent la gravité des problèmes. Pour encourager de telles démarches, nous avons besoin d’experts porteurs d’une éthique, de compétences stratégiques et d’une lucidité hors du commun.

 


IV. Un exercice solitaire

Les experts ont en général d’autres cordes à leur arc. Ils sont d’abord chercheurs, cadres de haut niveaux, professeurs d’université. L’expertise n’est pas pour eux une identité première et ne devient que progressivement une composante de leur emploi du temps.

Il n’y a donc guère de formation structurée à l’expertise. Sans doute parce qu’elle suppose de larges connaissances dans un domaine spécifique, qui dispensent, semble-t-il, de se former à l’intervention proprement dite. Les experts sont comme ces professeurs qui, pensant maîtriser leurs discipline, ne voient pas pourquoi ils devraient avoir une formation en pédagogie. Dans l’expertise, la pédagogie n’est pas inutile, mais l’intervention fait appel en priorité à des connaissances psychosociologiques pointues, que ce soit pour jouer le rôle d’expert dans une usine de retraitement des déchets, l’informatisation d’un centre de tri postal, la restructuration d’une caisse de pensions, les mesures d’asepsie dans un grand hôpital ou une réforme scolaire.

Il ne s’agit pas d’envoyer les experts débutants suivre des cours du soir, mais de formaliser des savoirs d’action à partir d’échanges et d’une analyse des pratiques. Or, actuellement, l’expertise reste un exercice solitaire, il n’y a guère de transparence des pratiques et même des mandats. Ce qui aboutit à ce paradoxe : les organisations engagent des spécialistes de haut niveau dans un domaine problématique sans avoir de garanties quant à leurs compétences dans le registre de l’intervention dans des systèmes sociaux complexes et fragiles.

Une réponse à ce problème est une régulation par le marché et la professionnalisation de l’expertise, par exemple sous la forme de cabinets de consultants. On tombe alors dans d’autres inconvénients : la recherche du profit, des protocoles standards appliqués à des organisations très diverses et l’absence totale d’états d’âme quant aux enjeux des acteurs…

Pour trouver un moyen terme entre la solitude et le marché, peut-être faut-il constituer un corpus de récits et de savoirs relatifs aux pratiques, aux principes et à l’éthique de l’expertise dans divers registres. On s’est limité ici à l’accompagnement du pilotage - de préférence négocié - de réformes du système éducatif en train de se faire, autrement dit à une pratique volontariste de régulation au cours de la mise en œuvre d’un changement planifié. Si certains éléments sont sans doute transposables, on ne peut postuler une unité des pratiques d’expertise du seul fait qu’on utilise le même vocable. Il y a experts et experts. C’est donc domaine par domaine qu’il faut enrichir les représentations et provoquer le débat.

 


Références

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