Source et copyright à la fin du texte
In Pelletier, G. (dir.) Autonomie et décentralisation en éducation : entre projet et évaluationt, Montréal, Université de Montréal/AFIDES, pp. 39-66.

 

 

 

 

L’établissement scolaire
entre mandat et projet :
vers une autonomie relative

 

Philippe Perrenoud

 

Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation
Université de Genève
2001

 Sommaire

I. L'autonomie, un privilège ambigu

II. L'établissement, un acteur collectif à construire

III. Coordonner un projet dans le cadre d'un mandat

IV. Et l'évaluation ?

Références


Selon les pays, les organisations qui réunissent et contrôlent les établissements scolaires prennent diverses formes. Elles sont :

La plupart des établissements scolaires existant dans le monde appartiennent à une telle organisation. Selon le rôle de l’État et de l’Église dans le développement de la scolarisation, selon les compétences des communes, selon les législations sur la scolarité obligatoire et son contrôle aussi bien que sur le droit d’ouvrir une école, la configuration des organisations, leurs forces et leurs relations varient d’une société à une autre.

Pour un établissement, l’appartenance à une organisation plus large n’est pas, toutefois, une nécessité absolue. Dans les sociétés démocratiques, la législation nationale autorise en général la création d’écoles autonomes, conventionnelles ou alternatives, subventionnées ou non. De telles écoles se regroupent parfois en réseaux. Si bien qu’on peut distinguer trois types d’établissements :

1. Les établissements juridiquement autonomes, qui ne sont assujettis qu’aux lois sur l’instruction publique et à certains contrôles ; en effet, partout, une législation nationale, régionale ou locale régit le droit d’ouvrir une école, mais elle se limite souvent à des prescriptions sur la sécurité des installations et sur la moralité et les compétences des personnels. L’autonomie de ces écoles ne préjuge pas du pouvoir des enseignants : l’école peut être géré par une commune, un conseil d’administration, une coopérative de parents, les enseignants ne participant pas aux décisions. L’école n’est pas ici identifiable à son personnel.

2. Les établissements de la catégorie précédente qui se sont volontairement affiliés à une fédération ou à un regroupement, à la manière des hôtels ou d’autres petites ou moyennes entreprises. Chaque entité aliène alors volontairement une partie de son autonomie au profit du réseau, mais cette décision peut être reconsidérée et l’autonomie initiale retrouvée.

3. Les établissements appartenant de droit à une organisation plus vaste, privée ou publique, gérant un certain nombre et parfois un très grand nombre d’écoles : église, commission scolaire, ministère régional ou national de l’éducation, autorités communales.

Les établissements des deux premières catégories sont juridiquement autonomes. Cela ne signifie pas qu’ils sont indépendants de leur environnement. Ils ont besoin d’élèves pour survivre, ce qui crée une forte sujétion au marché sur lequel les consommateurs d’école (Ballion, 1982) sont devenus fort avisés aussi bien qu’à l’égard de subventions publiques ou de l’aide financière de fondations. De telles écoles sont donc assez rares, dans la plupart des pays. Lorsqu’il existe un important secteur privé, il est le plus souvent largement investi par des réseaux confessionnels ou commerciaux contrôlant un ensemble d’établissements.

Le problème de " l’autonomie des établissements scolaires " (Derouet et Dutercq, 1997) ne se pose, paradoxalement, que pour les établissements juridiquement dépendants d’une organisation faîtière gérant ou fédérant un ensemble d’écoles dont elle est " propriétaire " ou " autorité de tutelle ". Les ministères, les autorités scolaires régionales ou locales, les grandes commissions scolaires telles qu’on les connaît au Québec ou les principaux pouvoirs organisateurs privés sont conduits, de leur propre chef ou en vertu de la loi, à accorder, voire à imposer aux établissements scolaires une plus forte " autonomie " dans le cadre d’une gestion décentralisée. On attend d’eux, désormais, qu’ils deviennent des " personnes morales ", des sujets de droit, parfois des acteurs collectifs capables de développer un projet adapté aux particularités de l’environnement local et du public scolaire, exprimant une vision spécifique des buts, des contenus et des modalités de l’enseignement. On peut parler d’une autonomie octroyée, donc réversible et relative.

Cette évolution ne signifie nullement que les établissements feront désormais ce qu’ils veulent. Ils restent " sous mandat ", dès lors qu’ils continuent à appartenir à une organisation faîtière, privée ou publique, dont ils tirent leurs ressources et servent en principe les finalités. Leur projet doit s’inscrire dans un projet plus vaste. Ils demeurent des " succursales ", des " filiales " qui n’existent que comme " antennes locales " de l’organisation plus vaste à laquelle ils appartiennent. Aucun ne peut " s’autonomiser " de façon totale et unilatérale. Certes, rien n’empêche juridiquement la direction et les enseignants d’une école d’abandonner leurs locaux et leurs emplois pour aller bâtir ailleurs ou à côté une école véritablement autonome. Il en résulterait une nouvelle école. L’établissement déserté demeurerait propriété du même pouvoir organisateur, qui y nommerait d’autres enseignants pour prendre en charge les mêmes élèves.

Cet exemple extrême permet de saisir que l’autonomie de tels établissements n’est qu’une façon de nommer une certaine décentralisation de décisions prises jusqu’alors au niveau du ministère ou de la direction générale de l’organisation. La question est en résumé la suivante : est-il efficace, est-il judicieux, est-il juste de reconnaître aux établissements le droit de prendre certaines décisions relatives aux finalités ou surtout aux modalités de l’enseignement ? Si l’on convient d’appeler cette capacité de décision " autonomie ", il importe de se souvenir qu’elle est limitée et concédée, donc ne constitue pas un droit acquis. En dernière instance, c’est une fiction, ce qui ne l’empêche pas d’être créatrice d’effets réels.

À qui profitera cette décentralisation qu’on baptise " autonomie " ? L’avenir le dira. Aucune évolution, même parée de mots positifs, n’est un progrès pour tout le monde, elle modifie des situations acquises et des rapports de force. Les acteurs des systèmes éducatifs cherchent d’abord à se situer et à comprendre où sont leurs véritables intérêts. Il se peut que les enseignants et même les cadres moyens ne croient pas à cette " autonomie " ou y décèlent un piège, auquel cas, ils adopteront des stratégies défensives vidant la restructuration de son sens.

Les changements sont donc fort incertains. Toutefois, s’ils se produisent, ils représenteront un moment important dans l’histoire des systèmes éducatifs centralisés, un renversement d’une tendance lourde. Dans ces pays, contrairement à ce qui s’est passé du côté anglo-saxon, le développement de la scolarisation a, depuis un siècle ou deux, affaibli le rôle des établissements, au gré de leur intégration progressive à d’importants systèmes politico-administratifs. Alors que les premiers collèges, les premières facultés, les premières écoles primaires étaient des créations originales et diverses, des initiatives locales, voire individuelles, la croissance et la bureaucratisation des systèmes éducatifs sous le contrôle de l’État ou des églises ont conduit, dans de nombreux pays " développés ", à l’absorption de ces entités à l’origine autonomes dans des structures ou des réseaux centralisés. Cette évolution a parfois réduit les établissements à de simples " lieux-dits ", bâtiments ou ensembles de bâtiments proches, concentrations de classes et de professeurs dans le même voisinage, unités administratives placées sous la responsabilité d’un directeur ou d’un maître principal dont le rôle était purement gestionnaire : régler le partage des élèves, des tâches, des ressources, des espaces et des temps. Le mouvement vers une autonomie, même relative, pousse le balancier dans l’autre sens, avec des incidences imprévisibles sur l’innovation et sur la démocratisation de l’éducation scolaire, mais aussi les rapports entre les établissements et les systèmes dont ils dépendent.

En effet, l’autonomie relative concédée aux établissements, dans le registre des moyens et même des finalités, ne délie pas l’organisation dont ils font partie de toute responsabilité politico-administrative. Sa direction reste comptable de la qualité globale de l’éducation aux yeux des parents, de la classe politique, de l’opinion publique, des entreprises. Or, la qualité globale n’est pas indépendante de la qualité locale… Pour assumer cette responsabilité sans vider l’autonomie des établissements de tout contenu, les systèmes éducatifs doivent développer des dispositifs complexes d’évaluation et de contrôle des pratiques et des contenus.

Or, de tels dispositifs restent à construire, en une période de crise qui durcit toutes les négociations et jette sur toute restructuration le soupçon de préparer des coupures budgétaires. Les systèmes éducatifs ont, pourrait-on dire, " attendu " d’être dans une situation économique difficile pour proposer une décentralisation dont ils n’ont plus véritablement les moyens financiers, que ce soit pour développer des compétences nouvelles à large échelle, ou pour créer des rôles d’interface.

Pourquoi prennent-ils de tels risques, dans une conjoncture peu favorable ? On peut avancer plusieurs hypothèses. En voici d’abord quatre qui manifestent une forme d’optimisme :

1. Les systèmes éducatifs ont compris que l’accroissement de l’autonomie locale est la seule façon de stimuler les processus d’innovation. La recherche va dans ce sens et convainc une partie des cadres. Est-ce suffisant ? Les systèmes éducatifs sont-ils véritablement en quête de stratégies efficaces de changement, au-delà des déclarations d’intentions ?

2. Cette évolution peut être vue comme un corollaire de la professionnalisation du métier d’enseignant et de la tendance à donner aux écoles davantage de prise sur leur destin, dans le sens de l’empowerment ou de la " gestion appropriative " (Hargreaves et Hopkins, 1991 ; Hopkins, 1998 ; Gélinas et Fortin, 1996). Ce processus n’est pas, cependant, très avancé. Est-il même en marche, sur fond de crise et de reprise en main, avec des risques de prolétarisation ?

3. On peut lier autonomie et efficacité des établissements, avec l’espoir " que l’autonomie la plus grande possible accordée aux unités organisationnelles ainsi qu’aux groupes et aux individus soit un moyen de les rendre efficaces. Elle les rend capables d’affronter une situation de diversité, de complexité et de continuel changement et les incite à agir pour le mieux " (Brassard et Lessard, 1998).

4. On peut estimer que l’autonomie des établissements est la condition d’un développement organisationnel et professionnel durable, que les enseignants ne se prendront collectivement en charge que si on leur accorde des responsabilités plus étendues dans la gestion de leur établissement.

D’autres hypothèses font preuve de moins d’idéalisme :

5. La gestion autonome, par projets ou contrats de prestation, valorise les cadres scolaires et les " nouveaux chefs d’établissement ", qui se voient comme des chefs d’entreprises, prêts à prendre des responsabilités et des risques. Individuellement et collectivement, ils poussent à la roue, pour accroître leur propre autonomie et leur pouvoir. Toutefois, lorsqu’on observe les ambivalences de beaucoup de leurs collègues, on se dit que globalement le corps des chefs d’établissement suit plus qu’il ne précède le mouvement.

6. On peut considérer la gestion des écoles comme un simple champ d’application des doctrines générales du management qui prévalent à notre époque et notamment du New Public Management dans le secteur de l’enseignement public ou assimilable ; le projet d’établissement n’est alors que la version romantique du contrat de prestation et des modes de gestion par objectifs des services et des filiales dans une entreprise moderne.

7. Plus spécifiquement, on peut rattacher cette tendance aux nouveaux modes de régulation de l’éducation (Lessard, 1998), l’État jouant davantage le rôle de garant que de gestionnaire du système éducatif, avec d’ailleurs deux mouvements contradictoires : le retour à des standards dans les pays anglo-saxons, pour lutter contre les excès de la décentralisation, et le mouvement vers l’autonomie dans les sociétés où l’État joue traditionnellement tous les rôles.

8. On peut - c’est l’hypothèse la plus pessimiste - soutenir que la gestion par projets est une façon de décentraliser les contradictions et les impasses du système éducatif, de remettre aux établissements un pouvoir de décision qui apparaît un cadeau empoisonné.

On peut craindre que cette dernière hypothèse soit assez souvent la bonne. Dans une perspective plus optimiste, on peut espérer que les systèmes éducatifs deviennent plus intelligents et novateurs. Mon propos n’est pas de trancher une fois pour toutes entre ces hypothèses, car la réponse dépend du contexte national, du moment et des acteurs impliqués dans les réformes. Il importe en revanche de partager un questionnement, en montrant que la généralisation d’un fonctionnement plus autonome des établissements, aussi séduisant soit-il, se heurte à de fortes ambiguïtés et à des obstacles considérables.

Cette évolution induit une contradiction entre deux logiques d’action. L’établissement scolaire standard, appartenant à une organisation plus vaste dont il est l’émanation, se trouve désormais, en fonction de l’esprit du temps et des nouveaux principes de gestion décentralisée, entre mandat et projet.

Qu’on mesure bien le changement de perspective : les premiers projets d’établissements ont été des moyens de s’opposer à la logique dominante du système, de constituer des îlots de résistance et d’autonomie, des bastions conquis de haute lutte par des militants ; aujourd’hui, ce qui était déviant devient la norme et change donc de nature. Des enseignants et des chefs d’établissement qui n’ont pas tous choisi leur métier dans cette perspective sont invités, voire fortement incités à former des projets. Et l’on met en place des fonctionnements décentralisés complexes et ambigus, qui se prêtent à des lectures contradictoires. Pour certains, l’autonomie n’est qu’une " liberté surveillée ", le projet une volonté de faire ce qu’on doit faire de toute façon, l’évaluation une forme déguisée du contrôle… Je ne partage pas cette vue pessimiste, mais je ne voudrais pas davantage contribuer à sous-estimer la complexité de ce qui s’esquisse.

Il ne s’agit pas de dire que l’évolution vers l’autonomie des établissements est illusoire ou impossible. Elle se pratique dans l’aire anglo-saxonne, qui ne fait pas de l’éducation une affaire d’État et de système. Dans les pays plus centralisés, il reste à mesurer l’ampleur du défi et à explorer les conditions d’une évolution qui exige de nouvelles compétences, de nouvelles identités et qui passera inévitablement par des moments de conflits et de désorganisation. Les systèmes n’échapperont pas à la tentation de la reprise en main bureaucratique, parfois avec la complicité des acteurs du terrain, épuisés par leur engagement dans des démarches de projet et par les jeux de pouvoir autour de l’usage de leur autonomie, aussi relative soit-elle. Mieux vaut être le moins naïf possible lorsqu’on s’engage dans cette voie.


I. L’autonomie, un privilège ambigu

Autonomie et indépendance : dans l’usage commun, ces notions sont souvent interchangeables. On a pourtant intérêt à les distinguer, en définissant l’autonomie comme le droit de se donner ses propres règles et sa propre ligne d’action plutôt que d’obéir à des règles et des directives fixées par une autre entité. L’indépendance désigne plutôt le pouvoir effectif de décider de sa propre destinée.

Autonomie et dépendance

L’autonomie juridique n’est pas garante d’indépendance. Le droit de se gouverner soi-même ne dispense pas de tenir compte de la réalité, qui limite fortement l’éventail des actions " raisonnables ". Aucun établissement scolaire n’est totalement indépendant. C’est vrai de toute organisation, même la plus puissante. Aucune ne peut ignorer les contraintes et les influences qu’exerce son environnement, sous peine de ne pas accéder aux ressources matérielles, technologiques et humaines, aux brevets, aux autorisations, aux coopérations, aux marchés, aux clients ou aux usagers dont elle a besoin pour atteindre ses objectifs ou simplement pour survivre.

Une organisation peut être sociologiquement très dépendante en restant juridiquement autonome, à la manière de certains pays satellites qui ne survivent que grâce à une aide constante de nations plus puissantes. De telles entités ne sont pas assujetties formellement à des règles fixées en dehors d’elles, mais leur survie dépend de leur adaptation à un environnement qui leur laisse peu de marge de manœuvre et exerce de fortes pressions, parfois en formulant d’insistantes " requêtes " ou " suggestions ", mais d’abord en contrôlant l’environnement et ses réactions aux initiatives de l’organisation dépendante. Si cette dernière ignore les attentes des usagers, les lois du marché, les règles de droit, les coutumes non écrites, la réalité des rapports de force, elle sera rapidement laminée, elle disparaîtra de la scène ou sera absorbée.

L’autonomie sans l’indépendance peut paraître pure illusion. Pourtant, au moins d’un point de vue identitaire, il est assez différent de tenir compte des autres dans un rapport tactique et stratégique, même avec de très faibles marges de manœuvre, ou d’être placé sous le contrôle direct de normes édictées ailleurs ou d’une autorité extérieure. La Tchécoslovaquie du Printemps de Prague était très dépendante de l’Union soviétique, économiquement et militairement. Lorsque l’URSS l’envahit en août 1968, elle perdit en outre son autonomie politique et juridique et devint un pays occupé, régi par les lois soviétiques. Rétrospectivement, les prises de contrôle révèlent la réalité des rapports de force et la fragilité de l’autonomie politico-juridique lorsqu’on ne contrôle pas les ressources nécessaires pour la préserver et qu’elle ne tient qu’au calcul de puissants voisins.

Pourtant, les peuples se battent pour sauvegarder ou conquérir leur autonomie politique. Il n’en va pas autrement dans le monde des entreprises. La plupart des petites et moyennes entreprises peuvent être rachetées d’un jour à l’autre par une grande firme. Résistant à ce processus de concentration, les PME se battent longtemps, comme la chèvre de M. Seguin, pour ne pas devenir de simples filiales régies par un directeur ou un gérant mis en place par un pouvoir éloigné.

Chacun en conviendra : une autonomie assortie d’une réelle indépendance est préférable à un self-government exercé dans des rapports de domination culturelle, économique ou politico-administrative qui le réduisent à une mascarade. Mais à dépendance égale, l’autonomie conserve une forte valeur symbolique. On peut cependant y renoncer de son plein gré, si l’on préfère tranquillité et sécurité à la liberté. Par les temps qui courent, un tel raisonnement n’est pas exceptionnel. En effet, pour rester indépendante, une organisation doit essayer de neutraliser ou de déjouer les influences de son environnement, s’efforcer de ne pas le laisser fixer seul les règles du jeu et les enjeux. Si elle n’occupe pas une position dominante, celle des superpuissances ou des multinationales, il lui faut lutter chaque jour pour équilibrer le pouvoir des autres. Cela exige une vigilance permanente et une énergie qui n’est pas toujours disponible ou pourrait être investie autrement.

Tous les acteurs n’ont pas les mêmes enjeux. L’autonomie de l’organisation n’est pas l’enjeu principal de ceux qui n’aspirent qu’à faire leur travail sans trop de pressions ou d’interférences. Qu’importe alors de faire partie d’une entité autonome ou d’une vaste organisation ? On peut même se dire qu’une lointaine bureaucratie exerce un contrôle plus diffus et plus léger sur les pratiques individuelles… La quête du maximum d’indépendance de fait et d’autonomie de droit n’est pas le moteur de tous les acteurs sociaux. Leurs aspirations sont plus ambivalentes et contradictoires. C’est vrai aussi dans le système éducatif.

Troquer l’autonomie contre la paix ?

Autonomie formelle et indépendance de fait doivent donc être distinguées. En droit, il existe une différence notable entre un établissement appartenant à une organisation faîtière, dont il n’est qu’une composante, et un établissement qui est formellement son propre maître dans le cadre de la loi. En fait, les différences sont moins sensibles, car il y a dans, tous les cas, dépendance.

Dépendant, un établissement scolaire l’est même lorsqu’il adopte la forme d’une entreprise, d’une coopérative ou d’une association de droit privé. Il dépend :

Un établissement qui doit accepter, pour survivre, d’accueillir les enfants de la mafia locale ou tous les cancres de la région ne manifeste pas une forte indépendance, aussi " autonome " soit-il en droit. La dépendance d’un établissement isolé ne peut, comme dans le cas d’une multinationale, être limitée par le pouvoir qu’il exerce sur son environnement et les règles du jeu. Un établissement scolaire ne saurait prétendre à une position dominante, du simple fait qu’il reste lié à un site, à une implantation physique. Contrairement à une banque ou à d’autres organisations qui peuvent couvrir la planète et contrôler une multitude de sites, un établissement scolaire est par définition local. Les plus grands regroupent quelques milliers d’élèves et quelques centaines de professeurs, plus qu’une petite et moyenne entreprise, mais trop peu pour exercer une influence sur le système. Les seuls établissements scolaires qui s’assurent une forte indépendance la fondent sur une expertise et une réputation hors du commun, dont ils ont parfois le monopole. Leur indépendance peut être renforcée par une fortune qui leur permet de traverser les fluctuations économiques sans faire trop de concessions.

Inséré dans une organisation plus vaste, un établissement est encore plus dépendant, puisqu’il lui doit l’essentiel de ses ressources matérielles et humaines, qu’il est tenu de respecter les règles et les programmes plus ou moins contraignants qu’elle lui assigne et de se prêter à des contrôles pédagogiques, administratifs et financiers.

Paradoxalement, cette perte d’autonomie peut présenter des avantages : une puissante organisation a plus d’indépendance qu’une école isolée et peut protéger les établissements qu’elle contrôle des fluctuations de la conjoncture politique et économique. Les principaux réseaux confessionnels, les grandes commissions scolaires, les administrations publiques en charges de l’éducation ou certaines ligues d’écoles ou d’universités privées peuvent exercer une forte influence sur la législation, les politiques scolaires, les programmes, les budgets, les salaires et les subventions. Appartenant à une telle organisation, on dépend de ses dirigeants, mais cette dépendance principale protège en quelque sorte du marché et de dépendances " de proximité " : les attentes des parents, des notables ou des employeurs locaux, des enseignants eux-mêmes. Tout accroissement de l’autonomie de droit, même si elle est concédée et réversible, affaiblit cette protection.

En outre, l’appartenance à un réseau ou une organisation crée une dépendance codifiée, plus stable et prévisible que celle qui résulte du combat quotidien pour survivre dans la jungle du marché. Dès lors qu’il a des pouvoirs accrus de décision, l’établissement est soumis à des pressions pour agir dans un sens favorable aux attentes et intérêts de divers lobbies internes et externes. Il ne peut plus se cacher derrière des règles et directives " venues d’en haut ". Les élèves, les parents, les autorités et les entreprises locales, les enseignants apprennent assez vite qu’une partie des options n’est plus imposée par la direction du réseau ou le ministère. Dès lors s’ouvre un nouveau champ d’influence et de transactions, l’autonomie, même relative, nourrit des tentatives d’influence, donc peut accroître la dépendance de fait… Il n’est pas sans importance que ces influences s’exercent de façon sauvage ou au sein d’un conseil d’établissement et en regard d’un projet. Même lorsque les luttes d’influence sont mises en forme dans un lieu de débat et de gestion, il faut assumer le débat et des décisions controversées. On perd la belle tranquillité de la totale sujétion à des décisions qui tombent de haut !

Ce paradoxe permet de mieux comprendre pourquoi l’autonomie actuellement concédée ou promise aux établissements, dans le cadre d’organisations plus vastes, privées ou publiques, peut être vécue comme un cadeau empoisonné : si l’établissement peut et doit définir sa politique, il devient un champ politique, parfois au sens le plus politicien et partisan de l’expression, un champ où s’affrontent des visions divergentes des priorités à respecter et des stratégies à mener. Les chefs d’établissements qui sont à l’aise dans ce registre et disposent des compétences politiques requises peuvent affronter ce changement avec optimisme. D’autres peuvent, à bon droit, être affolés lorsqu’ils comprennent que la négociation qu’ils mènent déjà sur l’interprétation et le respect des règles et des programmes va s’étendre aux règles et aux programmes eux-mêmes et aux objectifs qu’ils prétendent servir.

L’autonomie décentralise aussi les débats et les conflits, les désordres et les incertitudes. Seuls peuvent accueillir sans crainte un tel mouvement les chefs d’établissement :

  1. qui ont le goût et le sens du jeu tactique et stratégique et sont prêts à le jouer seuls, en tirant leur épingle du jeu, au profit de leur école, mais sans elle ;
  2. ou qui sont prêts à s’appuyer sur leur corps enseignant et les autres personnels dans le cadre d’un projet d’établissement.

Seule cette seconde catégorie justifie une politique audacieuse d’autonomisation des établissements scolaires. Une autonomie monopolisée par les chefs peut conduire certaines écoles, dirigées par d’habiles tacticiens, à prospérer comme de petites entreprises, le " patron " sachant jouer sur tous les tableaux : liens avec les entreprises et les pouvoirs locaux, alliance avec ses semblables, implication dans des réseaux d’échanges et d’innovation, marketing efficace, rejet d’élèves en difficultés risquant d’affaiblir la réputation du collège, etc. Cette heureuse destinée ne devrait pas cacher le fait que d’autres établissements péricliteront ou s’épuiseront parce que leur chef n’est pas à la hauteur de la tâche. Confier l’autonomie aux seuls chefs d’établissements pourrait contribuer à la dérégulation du système éducatif et à l’accroissement des inégalités.

Ceux qui veulent la dérégulation et une forme de privatisation cachée et ne croient qu’à la concurrence et aux lois du marché sont parfaitement cohérents lorsqu’ils traitent les écoles comme des entreprises. Si l’on estime que l’enjeu est tout autre, qu’il s’agit d’accroître la qualité de l’éducation scolaire et son ajustement aux besoins des usagers, sans compromettre la démocratie et l’égalité, il est plus difficile de concevoir une organisation conciliant ces diverses logiques. Dans cette perspective, l’autonomie concédée aux établissements ne relève pas des droits inaliénables de l’être humain, mais d’une politique de gestion visant de meilleurs résultats pour le plus grand nombre. Transformer les chefs d’établissements en chefs d’entreprises, géniaux ou calamiteux, n’est alors pas de mise, en tout cas dans le secteur public et les grands réseaux confessionnels.

Que le chef d’établissement partage le pouvoir local avec les autres acteurs, notamment les enseignants, les parents, voire les élèves, n’assure pas ipso facto l’égalité des chances entre écoles. La probabilité est plus grande, cependant, qu’une communauté éducative fasse émerger les compétences requises pour survivre et trouver des équilibres acceptables, au besoin au gré d’un leadership partagé, sans négliger les intérêts des usagers. Pour cela, la référence à un projet commun paraît une nécessité. Un établissement autonome qui en serait dépourvu risquerait de fonctionner dans la logique du souk, des compromis passés entre groupes d’intérêts ou du conflit permanent, ouvert ou larvé, entre divers clans trop faibles pour imposer leur volonté à l’ensemble, mais assez forts pour empêcher toute décision qui compromettrait leurs intérêts.

L’émergence d’un projet d’établissement ambitieux, cohérent et concerté, est une réponse partielle au défi de l’autonomie octroyée. Tout projet fera lui-même l’objet de débats et d’affrontements, mais une fois adopté, il contribuera, durant quelques années, à créer un relatif consensus sur les priorités de l’action éducative, ou au minimum une référence commune pour affronter les problèmes à résoudre et les décisions à prendre. Le projet " pacifie " les rapports de travail ou, à défaut, organise la confrontation.

Il reste à se demander comment un projet peut germer, mobiliser durablement les acteurs de l’établissement et pourtant rester compatible avec son mandat.


II. L’établissement, un acteur collectif à construire

Pour que le pouvoir ne soit pas monopolisé par leurs chefs, il reste à constituer les établissements non seulement en personnes juridiques, mais en acteurs collectifs. L’enjeu est de taille : si ce sont les établissements qui deviennent plus autonomes, et non leurs directeurs seulement, il faut s’attendre à la mise en place de nouveaux fonctionnements, parmi lesquels :

De tels changements sont lents, hésitants, discutables, parfois décevants. Rien n’est joué, en raison de l’ambivalence des acteurs, aussi bien ceux qui pourraient gagner du pouvoir que de ceux qui pourraient en perdre. Il ne suffit pas de créer des conseils d’établissement et d’y faire figurer tous les acteurs concernés pour que ces instances deviennent de véritables forces de proposition et de décision, qui engagent toute la communauté.

L’évolution peut échapper aux enseignants, qui s’en désintéressent. Elle peut susciter l’hostilité de tous ceux qui estiment que le surcroît de travail et de responsabilité est sans commune mesure avec le pouvoir qu’ils conquièrent. Elle peut au contraire rencontrer les aspirations des enseignants qui croient à l’autogestion pédagogique et à la professionnalisation. Les parents, s’ils sont impliqués, peuvent contribuer à des compromis entre fractions du corps enseignant ou bloquer la machine par des revendications excessives ou des initiatives maladroites.

Si l’acteur collectif ne se constitue pas ou se paralyse, il revient au chef d’établissement, par défaut, d’assumer les privilèges et les responsabilités d’une autonomie accrue. Les enseignants resteront alors dépendants, certes d’un pouvoir moins lointain, mais cela fait-il une différence ? Que le nombre d’heures attribuées à une discipline soit fixé par le ministre, un conseil d’administration ou le chef d’établissement n’a guère d’importance s’il n’est pas négociable. Or, là est bien le dilemme : pour le négocier, il faut entrer dans la gestion de la complexité et du désordre (Alter, 1990 ; Gather Thurler, 1999a ; Perrenoud, 1996c) Il faut notamment prendre des décisions qui vont à l’encontre des intérêts immédiats et égoïstes des décideurs, au nom du bien public. Or, si l’on peut attendre un tel désintéressement d’un chef d’établissement qu’on suppose formé et encadré dans ce sens, un collectif est plus imprévisible.

Dans les établissements où l’autonomie, même relative, est partagée entre les divers acteurs, elle peut être entendue comme un droit, une source d’identité et de plaisir professionnels. Il y aura alors un vrai changement. Il ne faut pas se cacher qu’il compliquera terriblement le fonctionnement des systèmes éducatifs. Il les obligera, contre toutes les traditions bureaucratiques, à négocier, à gérer ou arbitrer des conflits, à vivre avec une part accrue de " désordre ", à l’échelle des établissements, mais aussi du système ou du réseau. 

Entre mandat et projet

Dans toutes les sociétés, les individus et les groupes sont capables d’intentions et d’anticipation. En ce sens élémentaire, le projet est constitutif de l’espèce humaine, comme espèce capable de construire des représentations complexes du réel et du possible, et de forger des stratégies pour atteindre un but.

Cependant, comme le montre Boutinet (1993, 1997), l’idée et le mot de projet n’ont pris l’ampleur qu’on leur connaît aujourd’hui que dans les sociétés orientées vers la modernité, où les individus et les groupes ne se contentent pas de respecter la tradition et de vivre dans le moment présent, mais sont désireux et capables de se projeter dans un avenir assez lointain, de planifier non seulement des actes ou des événements, mais d’imaginer des structures à construire de toutes pièces ou à transformer notablement et de façon volontariste. Seule la modernité autorise à rêver de bâtir des cathédrales, de combattre la rage ou la peste, d’envoyer un homme sur la Lune, de dominer l’énergie nucléaire, d’instruire toute la population ou de construire un État démocratique.

Le projet architectural est le premier exemple de ce paradigme. Jusqu’à Michel-Ange, l’architecte est le chef de chantier, qui décide sur le terrain, de proche en proche, de la prochaine étape, à la manière dont les enfants peuvent inventer et jouer scène après scène une pièce de théâtre. Ce qui l’oblige à négocier avec les gens de métier qui participent à l’entreprise. La " logique du projet " s’impose lorsqu’on sépare le temps de la conception du temps de la réalisation, que s’instaure une division du travail entre ceux qui élaborent des plans et ceux qui les exécutent. Ce sont parfois les mêmes, ce qui facilite la révision du plan en cours de route. Mais le projet suppose une projection dans l’avenir, une visée, à terme de plusieurs semaines, mois, années ou décennies.

Se mettre en projet, au sens fort, n’est pas être simplement en mouvement, en quête. Il ne suffit pas davantage de vivre dans une tension constructive entre la condition présente et un état souhaité ou visé. Il faut que cette tension soit mise en forme dans un discours programmatique, qui dessine à la fois l’état visé et un chemin possible pour y parvenir, avec un calendrier et une liste des étapes à franchir et des problèmes à résoudre, pas à pas. Un projet n’est pas une utopie, il se veut " réaliste ".

Selon Boutinet, cette vision fait partie de la pensée occidentale depuis quelques siècles et l’on peut donc considérer que la modernité contient en germe une " culture du projet ". Il a fallu attendre la seconde moitié du XXe siècle, toutefois, pour que cette culture offre non seulement un modèle de pensée, mais, dans tous les domaines, y compris les loisirs, un vocabulaire et une méthodologie du projet, qui peut tourner à l’obsession. À la recherche de nouvelles façons de mobiliser les salariés des entreprises et des administrations, les gestionnaires préoccupés de changement, conseillés par des chercheurs et des technocrates, ont fait du projet la nouvelle planche de salut : les filiales, les départements, les services, les établissements doivent désormais " avoir un projet ". Les cadres savent qu’ils sont jugés sur leur capacité à mobiliser leurs collaborateurs autour d’un projet. Les organisations se trouvent aujourd’hui dans une " nébuleuse " (Courtois et Josso, 1997), où coexistent des conceptions très disparates du projet.

Les établissements réellement autonomes ont forcément un projet, sans quoi ils n’auraient pas été créés ou ne continueraient pas à exister. Comme toute organisation, ils ont une " raison d’être ", qui sous-tend leur existence et leur développement. Ils ne l’expriment pas nécessairement dans le langage à la mode du " projet d’établissement ". Mais ils fonctionnent par projet, comme M. Jourdain faisait de la prose. Ce qui ne signifie pas que leur projet est cohérent, encore moins ambitieux ou spécialement novateur. Une petite école privée peut avoir pour projet de survivre en assurant le revenu de son directeur et de quelques enseignants. Rien n’assure par ailleurs qu’une organisation qui a un projet mette toute son intelligence et son énergie à le réaliser. Elle compose avec la réalité d’acteurs, qui ont toujours plusieurs horizons temporels et plusieurs logiques. Un travail sur le projet, dans de tels établissements, aurait un sens ontologique (aider les acteurs à prendre conscience de leur projet) et méthodologique (les aider à formuler plus clairement des objectifs, un calendrier, des stratégies et des moyens de régulation de l’action). C’est ce que l’art et les sciences de la gestion proposent aux entreprises.

Lorsque cette " mode du projet " gagne les établissements qui dépendent d’une structure faîtière qui les mandate, elle prend un tout autre sens, puisqu’elle s’étend à des services ou des établissements qui, jusqu’alors, n’avaient pas besoin d’un projet, parce qu’ils fonctionnaient sur la base d’un mandat.

C’est ce qui est arrivé en France lorsque les " établissements publics d’enseignement " ont été créés et immédiatement assujettis à l’obligation d’avoir et d’annoncer un projet (Obin, 1992 ; 1993). La Belgique francophone a pris récemment des options semblables. Des évolutions parallèles, moins formalisées, se produisent dans d’autres pays. Elles ont des effets contradictoires :

- d’une part, elles mettent à la portée de tous des outils de conception, de négociation, de régulation de l’action collective ; autrement dit, le projet devient une forme sociale connue et reconnue, partiellement codifiée et illustrée par des récits ; dans cette mesure, on rend plus probable la genèse d’un projet, à la fois parce que chacun sait désormais, au moins dans les grandes lignes, de quoi il s’agit, et parce que l’expérience accumulée permet d’éviter les erreurs les plus grossières ; en 1960, un chef d’établissement devait être précurseur et audacieux pour proposer à ses collaborateurs de concevoir un projet ; aujourd’hui, c’est presque une routine, parfois une " obligation bureaucratique " ;

- d’autre part, elles créent à la fois une pression et une lassitude : " Comment, vous n’avez pas de projet ? " s’exclamera-t-on bientôt comme on dit " Vous ne partez pas en vacances ? " ou " Vous n’avez pas le téléphone ? ". Si le projet est un signe de modernité, d’esprit innovateur, mieux vaut un semblant de projet qu’une absence avouée. Un chef d’établissement juridiquement ou socialement tenu de présenter un projet peut être tenté de favoriser la collégialité contrainte (Hargreaves et Fullan, 1992 ; Gather Thurler, 1993) ou d’annoncer au nom de l’établissement un projet qui n’engage que lui (Broch et Cros, 1989). Lorsque le projet devient une obligation administrative, les effets pervers sont inévitables. La mascarade peut développer le cynisme des enseignants, embarqués à leur corps défendant dans un projet qui n’est pas le leur ou rendus complice d’un chiffon de papier.

Les conditions d’une démarche de projet

Un établissement scolaire ne saurait avoir de projet s’il est une simple unité administrative, chargée de gérer les élèves et les maîtres travaillant dans les mêmes bâtiments. La France, en faisant du projet d’établissement une obligation, a dans le même temps constitué l’établissement en personne morale, autrement dit en acteur collectif ayant le droit d’avoir un projet.

Le principal problème, toutefois, n’est pas purement juridique : il touche à la réalité et à la nature de l’autonomie accordée aux établissements, dont dépend le sens de leurs projets. Dans un système décentralisé, on leur laisse le choix des moyens d’atteindre les objectifs assignés à tous par un pouvoir organisateur qui gère des dizaines, parfois des centaines ou des milliers d’établissements. Suffit-il d’avoir le choix des moyens pour former un projet ? Certes, il importe qu’un établissement soit maître - dans certaines limites - de l’organisation des classes et des filières, des horaires, des espaces, des manuels et des équipements ou de l’allocation des ressources. Cette autonomie est une condition nécessaire de toute démarche de projet. Mais celle-ci exige en outre une certaine maîtrise des finalités. Aussi longtemps que l’établissement est un instrument fidèle de réalisation d’une politique de l’éducation définie à une autre échelle, il n’a pas de projet, mais seulement un mandat assorti d’une certaine latitude quant à la méthode et aux moyens.

Il n’y a pas de véritable projet sans libre intention, donc sans marge de manœuvre en termes d’objectifs. Certains établissements se mobilisent sur des objectifs qui n’entrent pas en conflit avec les programmes : développer un partenariat local, étoffer l’équipement informatique et ses usages, contribuer à l’animation du collège ou du quartier. Un tel fonctionnement ne peut soutenir une dynamique collective que pour un temps limité. Si l’établissement est condamné à vivre " définitivement " en projet, comme un mode stable de rapport au réel, il doit disposer de la capacité " politique " d’infléchir les objectifs de l’éducation scolaire.

Comment un établissement peut-il moduler les finalités du système éducatif ou du réseau dont il dépend ? Cette question paraîtra surprenante dans les pays où l’éducation scolaire n’est pas une affaire d’État, car le problème est alors inverse : on cherche à instaurer des standards plus forts, par exemple à travers des examens nationaux. Dans les pays de tradition centralisatrice, où les finalités de l’éducation sont historiquement définies au centre, le problème est plutôt de savoir comment déléguer une partie des décisions aux établissements sans perdre toute unité.

On peut imaginer diverses modalités :

Dans tous les cas, il n’y aura projet que si le système renonce à enfermer les établissements dans un mandat tellement explicite et exigeant qu’il ne leur laisse aucune marge de liberté au plan des finalités, sauf dans le registre de la déviance ou de l’autonomie de contrebande (Perrenoud, 1996a).

L’une des conclusions de Derouet et Dutercq, deux chercheurs plaidant pour l’autonomie des établissements dans le cadre du service public, atteste, à ce propos, d’ambivalences qui ne sont pas réservées aux politiques, mais habitent tous ceux qui craignent que l’autonomie n’aggrave les inégalités. Ils écrivent :

À côté de cela, beaucoup de projets d'établissement restent administratifs et formels. C'est peut-être là le principal risque. À son origine, la notion de projet d'établissement portait sur la périphérie de l'activité d'enseignement : aménagement de la vie scolaire, projets d'actions éducatives, sorties et voyages, etc. C'était une précaution vis-à-vis des enseignants, dont on respectait le domaine réservé ; cela correspondait aussi à une conviction largement répandue au début des années quatre-vingt qu'il fallait d'abord socialiser les élèves en difficulté et ensuite seulement les instruire. Nul ne croit plus aujourd'hui à une telle dichotomie : socialisation et instruction sont les deux faces inséparables d'un même projet. Pour que la notion de projet d'établissement vive, il faut qu'elle rentre plus profondément dans ce qui constitue le cœur de l'activité de l'établissement, c'est-à-dire l'enseignement. Cela ne signifie surtout pas, pour nous, abandonner les programmes nationaux au profit de curricula d'établissement, ni même distinguer un programme national minimal et des options laissées au choix des établissements. Cela signifie maîtriser collectivement les choix et les interprétations qui sont faits par les enseignants à partir des programmes nationaux. Cela signifie aussi maîtriser les interventions des collectivités territoriales, qui remontent fatalement vers les choix pédagogiques (Derouet et Dutercq, 1997. p. 187).

Maîtriser collectivement les choix et les interprétations qui sont faits par les enseignants à partir des programmes nationaux ", n’est-ce pas tout simplement confisquer aux enseignants leur part d’autonomie individuelle (accordée ou volée), pour la collectiviser ? Les enseignants ne peuvent accepter ce marché de dupes que le temps de comprendre que, sous prétexte d’autonomie, on leur demande davantage de cohérence et de transparence dans l’application des textes. À long terme, ils ne peuvent envisager d’aller dans ce sens que si les programmes nationaux laissent une véritable marge d’interprétation. De ce point de vue, les pays connaissent des traditions curriculaires très diverses : alors que les uns estiment que la République s’effondrerait en l’absence de programmes nationaux très codifiés et contraignants, d’autres s’accommodent d’une assez grande diversité de choix à l’intérieur de balises larges.

On peut aussi " couper la pore en deux " et faire coexister des programmes nationaux et des programme locaux. En France, l’introduction des " parcours diversifiés " dans le cadre du collège (12 à 16 ans) montre qu’un assouplissement est concevable : les programmes restent fixés à l’échelle nationale, discipline par discipline, mais le nombre d’heures à consacrer à chacune n’est plus fixé aussi rigidement. Chaque établissement doit se situer dans une fourchette, à charge pour lui, en jouant sur cette liberté, d’une part de mettre des accents qui lui sont propres, d’autre part de dégager des heures réservées à des démarches de projets. La réforme québécoise des années 1997-1998 va nettement plus loin et accorde aux conseils d’établissements le droit de disposer d’un quart du temps scolaire, en respectant les programmes nationaux pour le reste du temps.

Au prix d’une certaine ingéniosité, il paraît donc possible de concevoir une part d’autonomie touchant aux objectifs et aux contenus de l’éducation scolaire. Il reste délicat d’articuler mandat et projet dans un système qui fait de l’école une source du culture commune et garantit une certaine équité devant la loi aussi bien qu’une relative mobilité des élèves (voire des professeurs) entre établissements. En effet, plus un établissement a le pouvoir d’affirmer son propre projet, plus il risque de se différencier des autres et de s’écarter du projet du système éducatif dans son ensemble.

Comment articuler ces deux niveaux de projet ? Ils n’ont pas la même légitimité. À l’échelle de l’école publique, le projet a une légitimité politique, inscrite dans des textes législatifs et budgétaires approuvés par le parlement et dans des politiques décidées par le gouvernement régional ou national. Dans le cadre d’un grand réseau confessionnel, chacun est censé adhérer à une certaine conception de l’éducation, par exemple des " missions de l’école chrétienne ". À l’échelle de l’établissement, la source de la légitimité est différente. Elle résulte d’une concertation entre acteurs de l’établissement, qu’ils soient responsables, enseignants, élèves ou parents, sans oublier les autres professionnels. Cette " démocratie locale " a des bases idéologiques et formelles plus neuves et plus fragiles. Ces deux légitimités peuvent entrer en concurrence.

D’où l’importance d’une méthodologie de la négociation, de la recherche d’un compromis entre le respect du mandat et la créativité du projet ; cette méthodologie passe notamment par une capacité de formuler des objectifs-cadres et d’évaluer la façon dont les établissements s’y inscrivent, à la fois dans sa conception et dans sa réalisation. Si l’établissement ne participe pas activement à cette régulation, par un travail d’autoévaluation (Gather Thurler, 1994b, 2000) on peut craindre que l’autorité centrale verrouille fortement les choses, de peur de ne pas savoir limiter l’autonomie, de ne pas oser dire non, de façon argumentée et légitime, à des projets qui entreraient en contradiction avec l’esprit ou la lettre d’un mandat général.

Le projet et les acteurs

Un projet émane toujours d’un acteur, individuel ou collectif, qui l’a conçu, formulé et se croit capable de le réaliser. S’il s’agit d’un acteur collectif - groupe, organisation -, le projet est lui-même l’aboutissement d’une négociation entre des individus ou des groupes.

Qu’un projet soit individuel ou collectif, sa réalisation passe souvent par la mobilisation d’autres acteurs, ou du moins par leur neutralité bienveillante. Certes, un acteur peut se fixer un but et penser l’atteindre sans rien demander à personne : c’est ainsi qu’une équipe d’alpinistes peut espérer réussir une ascension en ne se confrontant qu’à la nature. Même alors, si les choses tournent mal, les équipiers s’aperçoivent qu’ils sont dépendants d’autres alpinistes susceptibles d’entendre leurs appels de détresse et de leur porter secours.

La dépendance à l’égard d’autres acteurs sera d’autant plus forte que le projet vise la réalisation d’une institution, d’une association, d’une entreprise, d’une politique, d’un système de fonctionnement, d’une législation, bref, d’un système d’action collective. On voit mal en effet comment une personne seule pourrait transformer ou créer des organisations. Même le tyran le plus absolu a besoin de relais. La réalisation d’un projet d’une certaine ampleur exige donc, en général, la coopération d’autres acteurs, ceux qui détiennent l’argent ou d’autres ressources matérielles, les savoirs, l’expérience, les informations, le pouvoir, les relations qui permettent de franchir les obstacles.

Parfois, la séparation est claire entre les porteurs du projet et ceux qui, de l’extérieur, contribuent à tel ou tel aspect, sans nécessairement avoir connaissance de l’ensemble ou s’y identifier. Chaque fois que la coopération est acquise par des rapports marchands ou une forme d’échange plus feutrée, ceux qui contribuent à l’avancement du projet n’ont pas besoin d’y souscrire. En revanche, certains acteurs ne peuvent être mobilisés qu’en étant, d’une manière ou d’une autre, associés au projet. Ce qui peut entraîner un élargissement du groupe porteur du projet, parfois au prix d’un notable remaniement de son calendrier, de ses stratégies, voire de ses orientations. La négociation favorise la coexistence pacifique et la mobilisation de tous, mais aussi le consensus mou. 

Construire un projet collectif

Il peut arriver qu’un événement, une crise, une menace suscitent une réponse immédiatement collective, sous forme d’un projet d’action qui semble d’emblée l’affaire de tous. Même alors, il faut bien que quelqu’un formule tout haut ce que chacun pense tout bas et exerce une forme de leadership.

Ordinairement, le projet n’existe, au départ, que dans la tête de quelques acteurs, parfois un seul. Mais c’est un projet pour l’organisation, qui n’est réalisable que s’il devient effectivement celui d’une fraction assez nombreuse ou puissante pour mobiliser tous ceux dont dépend sa réalisation.

La genèse d’un projet collectif est donc parfois une " longue marche ". Certains initiateurs ne rencontrent que scepticisme, indifférence, ricanements ou inertie : leur projet reste sans écho. D’autres sont entendus, au prix d’un patient travail de persuasion qui consiste à convaincre :

Aucun projet n’émerge ex nihilo. Il y a toujours quelqu’un qui, le premier, se dit et commence à dire qu’on pourrait " faire quelque chose ". Par exemple, dans un établissement scolaire, qu’on pourrait développer la participation des élèves, coopérer avec une école du Tiers Monde, créer une nouvelle section, réorganiser la gestion des ressources, démocratiser les modes de décision, mieux informer les parents, etc.

Certains ont simplement envie qu’un projet se précise, sans préférence personnelle marquée quant à son orientation. Leur enjeu est ailleurs : ils aimeraient que " ça bouge ", pour des raisons multiples : sortir de la routine, prendre ou conserver une influence ou un pouvoir, renforcer l’image de l’organisation à l’extérieur ou améliorer le climat en suscitant la coopération autour d’une idée-force, à la limite quelle qu’elle soit. D’autres ont des utopies à promouvoir, des visées précises à réaliser, des intérêts à défendre ou des problèmes à surmonter en priorité, sans avoir les moyens d’y parvenir par leurs seules forces. Ils doivent donc gagner d’autres acteurs à leur cause, et pour cela, accepter de passer des compromis.

C’est pourquoi presque tout projet collectif est la résultante d’un marchandage (Huberman, 1982), qui affaiblit souvent sa conception pour renforcer sa base sociale. Pour que plusieurs acteurs se reconnaissent dans un projet et consentent à le défendre, puis à travailler à sa réalisation, il faut en effet qu’ils y trouvent leur compte, autrement dit que le projet fasse une place à leurs intérêts, leurs valeurs, leurs obsessions. Ce qui conduit soit à enrichir le projet d’intentions ou d’affirmations absentes à l’origine, soit au contraire à l’amputer d’éléments qui dérangent tel ou tel partenaire potentiel.

Il peut arriver que, de concessions en édulcorations, il ne reste qu’un pseudo projet, un discours creux qu’on présentera néanmoins, pour sauver les apparences. Les projets collectifs qui passent au stade de la réalisation en gardant un contenu substantiel ont rarement conservé la pureté idéologique et conceptuelle de leurs initiateurs. Toute genèse d’un projet est donc une navigation entre deux logiques : fidélité à l’inspiration et à la cohérence d’origine, d’une part, volonté d’élargir le groupe porteur, d’autre part. 

Encourager les projets sans les rendre obligatoires

Le pire serait de croire qu’on peut fonctionner par projets parce qu’on est censé le faire. L’urgence est de ne pas s’abriter derrière une fiction bureaucratique. La démarche de projet ne peut être qu’induite par des textes. Elle n’adviendra que si les acteurs " jouent le jeu ".

Ensuite, l’enjeu est de faire coexister plusieurs modes de gestion du système éducatif, donc de concevoir une autonomie à géométrie variable, avec des dispositifs d’évaluation différenciée.

Plutôt que d’imposer le projet comme unique façon de gérer les établissements, il me semblerait plus fécond de laisser à ce mode de faire son statut anthropologique de rapport au monde actif et librement choisi. Si tous les établissements sont réputés en projet, même ceux où personne n’en veut ou n’est capable de fonctionner de la sorte, on abaissera le niveau d’exigence pour maintenir la fiction. Il suffira qu’un établissement sauve les apparences pour qu’on lui " fiche la paix ". S’il y a simulacre de projet, de responsabilité, d’évaluation, de régulation, il y aura régression collective.

L’alternative est de définir plusieurs statuts d’établissements, en leur donnant le choix : soit un degré élevé d’autonomie, avec les responsabilités et les exigences correspondantes, soit un fonctionnement plus bureaucratique. Il faudrait alors ménager la possibilité de changer de statut, non pas de façon unilatérale et définitive, mais sur la base d’un dossier et d’une négociation, pour une période donnée. Bien entendu, la coexistence de statuts juridiques différents complique la gestion du système. Mais n’est-elle pas, en principe, au service des finalités et du développement ? Si la diversité des fonctionnements crée des dynamiques intéressantes et tient mieux compte de l’hétérogénéité, la gestion devrait suivre…

Cela ne dispense pas de travailler à renforcer la capacité des établissements à former des projets, à les réaliser et à être évalués sur cette base.

De qui le projet est-il le projet ?

Qui c’est le conseil ? " Cette formule (Oury et Pochet, 1979), appliquée au conseil de classe, indique que la répartition du pouvoir n’est jamais transparente, comme la pédagogie institutionnelle le souligne. Attribuer le pouvoir à une entité abstraite masque la réalité des participations et des influences sur le processus de décision. Le projet d’établissement est censé être le projet de l’établissement. Mais qui est l’établissement ?

Le dilemme est le suivant :

Y a-t-il une solution à ce dilemme ? En théorie, oui : travailler à constituer l’établissement en acteur collectif cohérent et stratège. Comment ? Idéalement en développant un leadership distribué et coopératif. Derouet et Dutercq (1997) soulignent que, comme le lycée, tout établissement d’enseignement est une " cité à construire ", selon l’expression de Ballion (1993), non seulement pour que les élèves ou les étudiants y trouvent leur place et développent leur citoyenneté, mais pour que les professeurs se sentent eux aussi, citoyens d’une cité politique d’un genre particulier, puisqu’elle est inscrite à l’articulation du travail salarié et d’une institution servant le bien commun.

Cette citoyenneté ne se décrète pas, sa genèse n’est pas inscrite dans l’identité des enseignants, elle n’est pas favorisée par les pesanteurs des bureaucraties. Mêmes celles qui prêchent la décentralisation ne cessent de monnayer ou de retirer leur confiance dès que s’annoncent quelques turbulences. Si l’autonomie est un faux-semblant, parce que le pouvoir n’est pas partagé, aucune méthode ne viendra à bout de cette contradiction entre le dire et le faire.

S’il y volonté réelle de partage du pouvoir et de décentralisation des décisions, il faut préserver un fragile équilibre entre mandat et projet. Cela ne va pas sans une forme d’ingénierie de la décision qui permette de gérer cette contradiction, sans nourrir ni le conflit, ni le repli cynique de chacun dans sa classe.

Il n’est possible, ici, que d’esquisser une partie de l’analyse. J’accorderai une attention privilégiée aux fonctions de coordination du projet.


III. Coordonner un projet dans le cadre d’un mandat

Un leadership distribué est très difficile à instaurer. Du moins est-ce une idée à développer, qui repose sur l’hypothèse suivante : le chef d’établissement joue un rôle majeur dans une démarche de projet, mais il ne peut en être le seul garant, en raison de l’ambiguïté de son rôle, de son image, de ses intérêts objectifs et subjectifs.

Concrètement, cela invite à un partage du pouvoir. Il y a, dans un établissement en projet, deux types de tâches : gérer le quotidien et préparer l’avenir. Il ne saurait y avoir stricte séparation, encore moins antagonisme. Mais il importe de dégager les conditions d’une direction qui ne soit pas entièrement liée aux pesanteurs budgétaires et administratives, qui incarne en quelque sorte la part d’utopie sans laquelle il n’y a pas de véritable projet.

Laissons de côté les tâches gestionnaires des chefs d’établissement et intéressons-nous à la coordination de projet, qui peut être, selon les configurations, l’un des rôles du chef d’établissement ou une fonction assumée par un groupe plus large.

Tous les cas de figure peuvent être observés ou imaginés, selon la taille des établissements, selon que le projet implique tous les enseignants ou seulement un sous-ensemble, selon que le chef d’établissement est le moteur de la démarche de projet, y participe, la soutient activement de l’extérieur, la suit d’un œil indifférent ou la combat plus ou moins ouvertement…

Le rôle de chef de projet est institutionnalisé dans certains secteurs, par exemple l’informatique ou le développement technologique. Dans le cadre scolaire, en raison sans doute du caractère récent des démarches de projet, la coordination n’est pas - pas encore ? - un métier, c’est une fonction, à laquelle on est désigné, selon les cas, par le haut (chef d’établissement, instance de financement), par une élection ou par un accord tacite.

Lorsque le projet implique l’ensemble de l’établissement, il apparaît logique que le chef de projet soit aussi le chef d’établissement, s’il en existe. Bien des chefs d’établissement veulent jouer ce rôle et n’envisagent pas de le déléguer ou de la partager. D’autres ne tiennent pas à l’exercer en personne, en raison par exemple d’une conception très gestionnaire de leur fonction, qui ne les incite pas à développer un leadership pédagogique. Même lorsque le chef d’établissement est un moteur du projet, il est fréquent qu’il s’adjoigne un professeur, auquel il délègue une bonne partie des tâches d’animation et de coordination spécifiquement liées au projet. À l’inverse, un chef d’établissement fortement engagé dans la coordination et le soutien du projet peut déléguer certaines tâches de gestion à des adjoints. En effet, même intéressé et impliqué, un chef d’établissement a de nombreuses autres tâches et, s’il est réaliste, il mesure qu’il ne pourra trouver constamment le temps et l’énergie voulus à la fois pour dynamiser un projet et faire fonctionner l’établissement au jour le jour.

L’avenir dira si le rôle de coordinateur de projet va se professionnaliser, se superposer au rôle, redéfini, du chef d’établissement ou s’inscrire dans le mandat d’une équipe de direction élargie. Cela dépendra des cultures administratives et pédagogiques nationales, du degré de professionnalisation des métiers d’enseignant et de chef d’établissement et de diverses circonstances locales.

S’il fallait risquer une orientation générale, je dirais :

S’il existe un conseil d’établissement significatif, comme dans la réforme québécoise, ou un conseil d’administration, comme en France, c’est évidemment par cette instance que le projet doit être approuvé et sa mise en œuvre périodiquement contrôlée. Mais la coordination est une tâche plus régulière, qui met en œuvre les grandes orientations et met en synergie les rôles et les efforts des uns et des autres. L’existence d’un " parlement " ne dispense donc pas de créer un groupe plus restreint de coordination du projet d’établissement, si possible représentatif des groupes composant le conseil.

Coordonner un projet d’établissement

Tendons d’analyser de façon plus fine la fonction de coordination d’un projet. L’entreprise est difficile, en raison de la diversité des démarches, des objectifs et des contextes, même dans un cadre national, a fortiori à l’échelle internationale. On peut cependant esquisser un rapide inventaire. Il conduit à distinguer les tâches principales de la coordination d’un projet d’établissement, lorsqu’elle est mise au service d’une autonomie durable, donc " raisonnable ".

1. Incarner symboliquement et pratiquement le projet à l’intérieur de l’établissement, en tant qu’il représente une rupture par rapport aux routines, un désir d’innovation, une démarche volontariste, une politique originale.

2. Travailler pour que l’ensemble des acteurs (parents, élèves, enseignants et autres personnels) développe, actualise et formalise une représentation claire des objectifs, de la démarche, des étapes, du calendrier du projet d’établissement. Prendre une part importante dans la formulation orale et écrite, tant du consensus que des divergences identifiées.

3. Travailler en étroite collaboration avec le chef d’établissement, mais sans se placer dans sa totale dépendance et en s’appuyant sur l’ensemble des acteurs concernés.

4. Représenter le projet à l’extérieur (avec le chef d’établissement, s’il n’est pas lui-même coordinateur du projet), dans des réseaux ou face à diverses institutions qui peuvent faciliter ou entraver sa mise en œuvre.

5. Parler avec chacun, souvent et de façon informelle, pour saisir les humeurs, souffrances, peurs, intentions et préoccupations des uns et des autres, y répondre ou mobiliser le groupe pour y répondre.

6. Anticiper les obstacles, proposer des méthodes pour les analyser et les surmonter.

7. Organiser le travail en commun, le débat et la décision, leur préparation (groupes et documents de travail).

8. Veiller à l’équilibre des influences des divers acteurs, empêcher la marginalisation de ceux qui ont l’impression de ne pas être entendus ou sont déçus par l’évolution du projet.

9. Identifier et mobiliser (avec l’appui du chef d’établissement s’il n’est pas en première ligne), des ressources externes de formation, de supervision ou de médiation, au gré des besoins.

10. Gérer le temps, les énergies, la pression pour que le projet ne se retourne pas contre les acteurs (Haramein et Perrenoud, 1981), pour conserver un juste équilibre entre activisme épuisant et désinvestissement peu gratifiant.

11. Créer un climat de professionnalisation interactive et de respect mutuel, autorisant à travailler sérieusement sans se prendre au sérieux.

12. Accepter les difficultés de la coopération professionnelle et les tensions ou conflits qu’elle provoque. Ne pas les nier, tenter de les gérer par l’explicitation et l’écoute.

13. Accepter de proposer plutôt que de décider, de cadrer le débat plutôt que de le dominer, d’attendre que les choses mûrissent pour que les décisions engagent la majorité.

14. Pousser l’établissement, dans toutes ses composantes, à l’autoévaluation, à l’exercice de la lucidité collective, sans devenir un Surmoi ou un Soviet.

15. Rester sensible aux aspects matériels du travail collectif, les gérer, obtenir des espaces, des temps, des ressources financières, des appuis, tout ce qui permet aux acteurs de se concentrer sur le projet plutôt que les conditions élémentaires d’un fonctionnement démocratique.

Bien entendu, cela forme un idéal. Nulle instance de coordination ne maîtrise parfaitement toutes ces tâches. C’est d’ailleurs pourquoi il est utile d’envisager des synergies, une division du travail, des coanimations. Ces tâches appellent des compétences transversales telles que :

Savoir écouter, s’exprimer, rédiger, animer, négocier.

On s’en doute, il faudrait un programme de formation de plusieurs années pour permettre aux coordinateurs de projets d’acquérir méthodiquement de telles compétences. Actuellement :

On se trouve là devant une importante contradiction, à dépasser au plus vite : les systèmes éducatifs contemporains instituent l’autonomie relative et la gestion par projets sans donner aux acteurs, dans le même temps, les moyens de les faire réussir. Il paraît urgent de développer des compétences de leadership coopératif et de coordination, sans les réserver aux chefs d’établissement. Tous les acteurs qui le souhaitent, et notamment les professeurs, devraient être désormais formés à travailler en équipe et en projet, voire à l’animation et à la coordination.

Sans compétences spécifiques et pointues de leadership et de coordination, un collectif, surtout s’il compte des dizaines de professionnels ou davantage, ne pourra s’autogérer. Plus on veut démocratiser le pouvoir, plus il faut faire fonctionner des dispositifs complexes et fragiles, qui ont notamment pour but de permettre une gestion collective des tensions entre projet et mandat. Si les enseignants novateurs sont entièrement du côté du projet et le chef d’établissement entièrement préoccupé du mandat, avec l’appui de la fraction conservatrice du corps enseignant, chaque partie désavouera l’autre au nom de sa propre logique. Il importe que tous les acteurs de l’établissement puissent articuler constamment l’une et l’autre de ces logiques. 

La tension garante de l’équilibre

Il peut sembler paradoxal d’installer volontairement une tension entre deux fonctions, voire deux groupes d’acteurs au sein d’une organisation. Pourtant, le paradoxe n’est qu’apparent : la tension est inscrite dans la double logique du mandat et du projet. Elle ne peut disparaître que si l’établissement renonce à une dynamique de projet ou entre au contraire en dissidence et s’éloigne de son mandat.

Si cette tension existe, pourquoi la nier ? Mieux vaut la mettre en forme. Idéalement, elle devrait non pas opposer des sous-ensembles, mais habiter chacun : dans une véritable cité, le citoyen est déchiré entre ses intérêts particuliers et le bien commun. Pour inconfortable qu’elle soit, cette tension est au principe de toute démocratie, même dans un univers professionnel, a fortiori dans l’école, un secteur du monde du travail plus dépendant que d’autres du politique. On sait cependant (Derouet, 1988, 1992 ; Alter, 1990, 1993a ; Friedberg, 1992, 1997) que les organisations sont divisées, que novateurs et conservateurs s’affrontent, que les uns se réclament d’un projet de transformation et les autres du statu quo et de l’équilibre. La tension induit donc presque toujours en un clivage entre divers sous-ensembles. C’est pourquoi le chef d’établissement choisit parfois de se placer en position d’arbitre plutôt que de leader d’une tendance, non par manque de courage, mais pour travailler au dialogue et au compromis tenant compte des deux logiques.


IV. Et l’évaluation ?

Il peut sembler évident de connecter l’autonomie à l’évaluation, en prenant ce mot dans un sens très général :

Même un établissement totalement autonome n’échappe pas à une forme de lucidité et de transparence sur les effets de son action. Toutefois, le couplage autonomie-évaluation prend tout son sens lorsqu’il s’agit d’établissements dont l’autonomie est octroyée, relative et réversible dans le cadre d’une plus vaste organisation. C’est elle, alors, qui demande des comptes, comme une multinationale à ses filiales.

L’évaluation est en quelque sorte le " prix " de l’autonomie : ne prenant plus ou ne contrôlant plus, une par une, toutes les décisions, le pouvoir central met en place une évaluation plus globale, a posteriori, qui s’impose à chaque établissement et conditionne le maintien ou l’accroissement de ses ressources, voire la confirmation de son autonomie, aussi relative soit-elle. Un établissement dont l’évaluation ex post révélerait de graves erreurs de gestion, de tactique ou de stratégie pourrait être rappelé à l’ordre, mis en demeure de mieux faire et, si les choses se répètent ou s’aggravent, mis sous tutelle par la direction du réseau, qui pourrait par exemple revenir à un contrôle de gestion plus serré ou désigner un superviseur ou une nouvelle direction.

On peut reconnaître la nécessité de rendre des comptes sans pour autant placer cette pratique dans une logique d’évaluation. Certes, se rendre compte et rendre des comptes consiste à faire l’état des lieux et la synthèse des résultats, puis à mesurer l’écart aux attentes et aux objectifs. Dans ce sens, il s’agit bien d’évaluer. Mais on évalue, dans ce sens banal, pour guider toute action. C’est un fonctionnement inséparable du rapport intentionnel au monde. Cela ne dicte aucune méthodologie, aucune instrumentation, aucun dispositif relevant d’une " science de l’évaluation ".

Savoir ce qu’on fait, en faire le bilan et en rendre compte sont des pratiques vieilles comme la délégation de pouvoir, le contrat ou la dépendance. Est-il indispensable de les placer aujourd’hui, en priorité, dans le registre de l’évaluation ? Ne vaudrait-il pas mieux les concevoir comme des pratiques discursives, argumentatives et contradictoires, appuyées certes sur des données, mais dont le cœur est un travail négocié de construction de la réalité, qui peut s’appuyer sur des outils scientifique mais ne s’y réduit pas.

L’enjeu est de taille : faut-il former les chefs d’établissements et leurs équipes à des méthodologies lourdes d’évaluation, avec la médiation de dispositifs et d’outils spécialisés, ou faut-il les former à la lucidité professionnelle et à l’habileté à expliquer ce qu’ils font et à convaincre qu’ils ont fait de justes choix et qu’on peut continuer à leur faire confiance ?

On se trouve de toute façon dans le registre de la justification. Celui auquel on accorde une large autonomie est appelé à faire la preuve qu’il en use avec discernement. Le modèle du débat judiciaire, contradictoire, argumenté, est peut-être plus judicieux que le modèle de la mesure ou du jugement dicté par une batterie d’indicateurs. Cela ne veut pas dire qu’il faille s’en remettre à l’intuition. Tout ce qui peut être raisonnablement mesuré et objectivé offre une base au jugement. De là à déléguer entièrement l’évaluation des établissements à des experts indépendants maniant des indicateurs standardisés, il y a un pas à ne pas franchir.

L’autoévaluation n’est pas suffisante, pas plus que l’enregistrement bureaucratique de quelques résultats (taux d’échecs et d’abandons, réussite à des examens nationaux, par exemple). Certains chefs d’établissement sont de fins stratèges et de bons négociateurs. Ils sont capables de démontrer invariablement qu’ils ont fait de leur mieux, compte tenu des informations et des forces disponibles et qu’il faut donc renouveler, voire accroître la confiance et les ressources qu’on leur accorde, pour leur permettre de continuer le travail. Il importe qu’en face, du côté des ministères, des commissions scolaires ou des pouvoirs organisateurs auxquels ils rendent compte, ils trouvent des interlocuteurs à leur mesure, constructifs mais pas naïfs, qui posent de bonnes questions et se donnent les moyens de franchir l’apparence de respectabilité et d’efficacité que dresse, dans un premier temps, toute personne ou organisation évaluée.

L’efficacité des établissements ne se mesure pas : elle se construit, se négocie, se pratique et se vit " (Gather Thurler, 1994b). Pourquoi ne pas alors former à construire, négocier, pratiquer et vivre le projet d’établissement, pour en rendre compte " intelligemment ", sans masquer les difficultés, voire les échecs, en comprenant qu’à moyen terme, on ne peut se protéger derrière un rideau de fumée.

À charge pour les demandeurs de compte, en contrepartie, de comprendre ;

Le développement de procédures interactives d’évaluation (Demailly, 1998 ; Demailly et al., 1998) suggère qu’on a besoin, pour se rendre dans les établissements, d’observateurs indépendants et avertis, capables d’entrer dans une interaction à la fois critique et constructive avec les divers acteurs. Des indicateurs chiffrés et standardisés peuvent les aider dans leur tâche, mais non remplacer le travail de terrain.

L’enjeu est de taille : si une régulation technocratique a posteriori prenait le relais du contrôle bureaucratique a priori, ceux qui croient encore aux vertus du projet d’établissement comme fédérateur d’une cité à construire pourraient bien baisser les bras. Or, ce serait dommage. Devineau (1998) montre qu’en France tous les projets d’établissements ne sont pas des fictions, que ce sont certes des discours, mais qu’ils contribuent souvent à mobiliser les acteurs, à leur rendre de l’espoir, à leur donner prise sur la réalité locale, à les aider à se situer par rapport aux politiques de l’éducation et à l’esprit du temps. Il serait grave, sous prétexte de rationaliser la gestion, notamment au nom d’une " culture de l’évaluation " aussi assourdissante que sommaire, de déposséder les acteurs de leurs projets, au risque de les confirmer dans l’idée que, décidément, les organisations éducatives ne sont pas apprenantes, faute de savoir faire confiance aux acteurs plutôt qu’aux procédures et aux indicateurs. Substituant un contrôle technocratique au contrôle bureaucratique, on accroîtra la lassitude des acteurs de l’innovation (Alter, 1993b) en formulant des promesses d’autonomie sans les honorer.

Lessard situe ces changements sur la toile de fond d’une transformation de l’État :

L'État n'est donc pas disparu de la scène ; il demeure un acteur avec lequel il faut compter, un pouvoir régulateur de premier plan. Cependant, il ne construit plus ni ne cherche à étendre des monopoles ; il s'éloigne de la gestion immédiate ; il navigue plutôt à travers des eaux troubles à la recherche de partenaires (…).

Cette transformation du rôle de l'État en éducation prend la forme d'une décentralisation (ou une déconcentration) de l'autorité vers les écoles de telle sorte que celles-ci puissent prendre des décisions significatives au plan de l'allocation des ressources, mais à l'intérieur d'un cadre national qu'on renforce tant bien que mal ; avec ce déplacement de la responsabilité et de l'autorité, des mécanismes d'imputabilité et d'évaluation sont mis en place ; ces temps-ci, l'auto-évaluation et l'évaluation institutionnelle font courir les cadres scolaires et assurent le succès de colloques et de publications spécialisées (Lessard, 1998, p. 31).

Une partie de l’avenir de l’autonomie des établissements se jouera sur l’autonomie relative du système éducatif à l’égard de la société globale et de l’État. S’il s’aligne sur la culture du contrôle de qualité (Gather Thurler, 1998), du partenariat conçu comme échange de prestations et de l’évaluation technobureaucratique qui prévaut dans les grandes administrations et les entreprises, on peut imaginer que l’autonomie proposée/imposée sera rejetée au nom de valeurs libertaires et humanistes et du respect de la diversité et de la culture, mais surtout en raison du décalage entre les risques qu’elle invite à prendre et le peu de prise qu’elle donne aux acteurs.

Bref, si autonomie et empowerment ne vont pas de pair (Gather Thurler, 1999), les acteurs ne se sentiront pas concernés. Si le système éducatif invente des formes de gestion qui tiennent compte de la diversité des écoles, de la réalité du travail de prise en charge de personnes, des fortes composantes idéologiques, relationnelles et culturelles du métier, et s’il donne un réel pouvoir aux collectivités professionnelles, il se peut qu’une voie originale soit ouverte. Autant de conditions qui n’adviendront que si l’on y travaille ! 


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