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Conférence d'ouverture
École d'été des IUFM du Pôle Grand Est
Arras, 3-5 juillet 2002
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Adosser la pratique réflexive aux sciences sociales, condition de la professionnalisation

 

 

Philippe Perrenoud

 

Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation
Université de Genève
2002

Sommaire

La pratique réflexive : de quoi parle-t-on ?

Les savoirs mobilisés dans une pratique réflexive

Les savoirs nouveaux construits par une pratique réflexive

Modéliser et exercer la pratique réflexive en formation initiale

Pratique réflexive et professionnalisation

Références

 


Argyris et Schön (1978) ont fait de la pratique réflexive un antidote à l'excès de scientisme de métiers comme l'architecture, l'ingénierie ou la médecine, montrant que, si ces métiers doivent et peuvent s'appuyer sur des savoirs issus de la recherche, ils ne se réduisent jamais à l'application de principes théoriques généraux à une situation particulière. La " conversation avec une situation ", selon l'heureuse formule de Schön (1994), est une activité mentale de haut niveau, qui mobilise, du moins lorsque le problème l'exige, de multiples ressources pour trouver une solution originale. Un raisonnement professionnel n'est pas assimilable à une suite de syllogismes, il fait appel à une forme d'intuition, de création, de bricolage, à partir de la science, mais aussi de l'expérience et de l'expertise du praticien.

En éducation et dans les autres métiers de l'humain, on résiste volontiers à l'idée qu'on peut " rationaliser le traitement des personnes ". L'idée de pratique réflexive paraît donc d'emblée assez sympathique si on l'associe à une critique de la raison scientifique pure et dure. Le paradoxe est qu'à la différence des techniciens, les éducateurs et les enseignants ne se servent guère des savoirs issus de la recherche. Leur problème n'est donc absolument pas de se libérer de sciences de l'éducation que la plupart ignorent et que certains méprisent. Il y a des endroits dont on revient d'autant plus facilement qu'on n'y est jamais allé, ironise Daniel Hameline. On ne saurait, en éducation, justifier la pratique réflexive comme un mouvement de " libération " à l'égard d'une emprise excessive des sciences humaines et sociales.

L'enjeu est exactement inverse. La professionnalisation du métier d'enseignant exige une plus forte prise en compte des savoirs issus de la recherche. Alors que la pratique réflexive représente, dans les métiers techniques, une réhabilitation du bon sens et de l'intuition, elle devrait, dans les métiers de l'humain, prendre la forme inverse d'une rationalité professionnelle mieux adossée à des savoirs partagés et validés à propos des processus en jeu (Paquay et Sirota, 2001 ; Perrenoud, 2001).

La révérence aux savoirs à enseigner cache trop souvent le déni des savoirs scientifiques qui portent sur les processus d'enseignement. Les rares chercheurs qui imaginent encore qu'on peut déduire des pratiques pédagogiques d'une théorie confortent malencontreusement une idéologie de la singularité totale de chaque interaction éducative et donnent des arguments à une culture professionnelle qui autorise chacun à avoir raison tout seul, dans son coin.

Il convient certes de mettre un frein aux ardeurs scientistes qui subsistent ou renaissent ici ou là, mais tout autant d'affirmer que la pratique réflexive, entendue dans son sens le plus ambitieux, n'est pas une variante moderne du culte de l'ineffable. Elle ne se construit pas contre les sciences sociales et humaines, elle s'y adosse. Elle permet, lorsqu'il le faut, de s'aventurer au-delà de la théorie, non de l'ignorer en vertu de convictions ou d'expériences personnelles renvoyant toutes les théories dos à dos. Si la pratique réflexive dispensait de lire Piaget, Vygotski, Bruner, Bourdieu, Morin, Clot, Brousseau, Astolfi, Charlot ou Meirieu, alors elle ne serait pas défendable.

Si l'on veut éviter que la pratique réflexive ne soit, sous un air avant-gardiste, le dernier avatar de la résistance aux sciences sociales et humaines, qu'on la questionne donc d'abord sur son rapport à ces dernières ! Certes, en formation d'enseignants, le développement d'une pratique réflexive passe par des dispositifs d'analyse de pratiques, de supervision, de résolution de problèmes, d'écriture professionnelle. Ne nous laissons pas fasciner par les dispositifs. Tentons de mieux comprendre quels genres de savoirs la pratique réflexive mobilise, et lesquels elle engendre.


La pratique réflexive : de quoi parle-t-on ?

" Pratique réflexive " : l'expression est ambiguë. Elle peut désigner la pratique même de réflexion, ce que chacun fait lorsqu'il réfléchit. Réfléchir ne consiste pas en effet à vivre des états de conscience. C'est une suite d'opérations intellectuelles, dont les états mentaux ne sont que le point de départ, un état temporaire ou le point d'arrivée. On peut considérer cette suite d'opérations comme une pratique intellectuelle. Elle est aussi assez souvent une pratique langagière, dialogique et sociale.

C'est une pratique langagière, car notre réflexion s'appuie sur le langage et les concepts qu'il véhicule, même si nous n'entamons aucune conversation avec autrui. Définir la réflexion comme une conversation avec soi-même est d'autant moins absurde qu'une personne se tient souvent à elle-même le discours possible, probable, coutumier d'autres acteurs à ses yeux significatifs. La pensée est dialogique même en l'absence d'interlocuteurs actuels. Les réactions d'autrui sont imaginées, espérées ou redoutées sur la base de l'expérience et d'une connaissance des idées, des arguments, des valeurs qui s'affrontent dans un champ social donné.

La réflexion est encore plus nettement sociale lorsqu'elle s'inscrit dans une interaction, un travail coopératif, un processus de décision, une supervision, une demande d'aide ou de conseil, un débat contradictoire, une évaluation. Dans le travail, durant les études, en famille, on réfléchit souvent sous le regard des autres, avec ou contre eux.

Il y aurait tout intérêt à concevoir la réflexion comme une pratique, de la même façon que Latour (1996) considère la théorie comme une pratique des chercheurs ou de leurs lecteurs bien avant d'être un ensemble d'énoncés. Toutefois, ce n'est pas dans ce sens que Schön a parlé de pratique réflexive (reflexive practice). Il s'intéresse aux praticiens d'un métier : architecte, designer, ophtalmologue. La pratique dont il est question est une pratique professionnelle, dans toutes ses composantes. L'interrogation de Schön porte sur l'intensité et les modalités de la réflexion sur cette pratique dans son ensemble ou sur certains de ses épisodes.

La dimension réflexive des pratiques professionnelles

Une pratique professionnelle n'est pas réflexive du seul fait que le praticien réfléchit avant d'agir, analyse la situation, compare divers cours possibles de l'action, anticipe tels ou tels obstacles. Admettons avec Hubault (2001) et Jobert (2001) que " travailler, c'est penser ". L'action humaine est presque indissociable de la pensée, même si tout n'est pas pensé. L'action la plus routinière, accomplie en pilotage automatique, implique des opérations mentales de haut niveau. S'il suffisait de témoigner d'une pensée orientant et régulant l'action, toutes les pratiques professionnelles seraient réflexives et le concept perdrait tout intérêt.

En français, l'usage ne fait pas de distinction claire entre réfléchir et penser. Comprendre la différence entre un praticien qui pense et un praticien qui réfléchit ne va donc pas de soi. Les choses deviennent plus claires si l'on considère l'objet de la pensée ou de la réflexion.

Un praticien est réflexif - au sens de Schön - lorsqu'il prend sa propre action comme objet de sa réflexion. Les traducteurs québécois de Schön ont d'ailleurs fait le lien avec le concept piagétien d'abstraction réfléchissante. Piaget introduit cette idée pour expliquer la genèse de la logique " naturelle " du sujet par formalisation des structures de son action. L'abstraction est alors réfléchissante au sens où un sujet se réfléchit dans un miroir. Le praticien réflexif est un praticien qui se regarde agir comme dans un miroir et cherche à comprendre comment il s'y prend, et parfois pourquoi il fait ce qu'il fait, éventuellement contre son gré.

Les moments de la réflexion sur l'action

Schön (1986) distingue " réflexion dans l'action " (reflection in action) et " réflexion sur l'action " (reflection on action). Ces formulations restent ambiguës, car la réflexion dans l'action désigne à la fois un moment et une logique de régulation. On réfléchit dans l'action en train de s'accomplir, donc inachevée, ouverte, pour mieux l'infléchir pendant qu'il en est encore temps.

Cela n'exclut pas une réflexion sur l'action. En même temps qu'il tance un élève, un professeur peut se dire : " Je suis en train de me laisser entraîner dans une escalade provocation-répression, il faut que je casse ce cercle vicieux ". Cette réflexion sur sa propre action est alors immédiatement réinvestie dans l'interaction en cours

Je propose de distinguer simplement deux temps de la réflexion sur l'action :

1. Le temps de l'action en cours. La réflexion se fait alors dans des conditions précaires, sans distance, parfois dans l'urgence ou le stress. Il faut alors être capable de marcher et, presque simultanément, de se regarder marcher (Fernagu Oudet, 1999).

2. Le temps de l'après-coup, une fois l'action " éteinte ", comme disent les juristes. La réflexion est alors plus tranquille, mais elle ne peut plus modifier le cours des événements.

Bien entendu, la réalité est plus nuancée, car une action de longue durée connaît des temps morts, durant lesquels il est possible de revenir plus tranquillement sur les phases précédentes et de préparer la suite des opérations.

Pourquoi ne pas retenir aussi un temps d'anticipation, de préparation de l'action ? Il existe, à l'évidence, lorsqu'on analyse la place de la réflexion dans la conduite de l'action. Mais nous nous limitons ici, dans la perspective de la pratique réflexive, à une réflexion sur une action réelle, en cours ou accomplie. Certes, en préparant une action future, un praticien se souvient de ce qu'il a fait dans des cas analogues et il tente de se servir de cette expérience pour anticiper et prendre de bonnes décisions. Mais les actions dont il tire des leçons sont à ce moment accomplies. Par rapport à ces dernières, sa réflexion se déploie donc dans l'après-coup.

Comme les situations de travail forment des familles, la réflexion dans l'après-coup est presque toujours, qu'on s'en rende compte ou non, une façon d'anticiper. Un praticien réflexif vit dans un cycle sans fin dans lequel chaque moment de réflexion hors du feu de l'action marie à la fois un retour sur ce qui s'est passé et la préparation à une éventuelle ou inéluctable " prochaine fois ". On pourrait donc tenter de distinguer, dans l'après-coup, deux mouvements qui n'ont pas le même sens :

Mais rien ne permet d'affirmer que ces deux mouvements correspondent à deux phases bien distinctes. Il paraît donc préférable de distinguer simplement deux fonctions de la réflexion dans l'après-coup :

1. Une fonction de catharsis, clairement orientée vers la liquidation du passé ; l'être humain a besoin de revenir sur ses actes pour (se) comprendre, construire du sens ou de la cohérence a posteriori, intégrer ce qu'il a vécu, intellectuellement et émotionnellement, en particulier lorsque l'expérience a été forte, empreinte de douleur, d'angoisse, d'excitation ou de joie.

2. Une fonction d'apprentissage, qui peut, mais ce n'est pas son seul sens, préparer à affronter des situations analogues.

Les travaux sur la pratique réflexive s'intéressent en général à la seconde fonction, parce que cela ramène à la professionnalité, au développement d'un savoir d'expérience ou à la jonction entre des savoirs et une situation. Cette fonction épistémologique - au sens où Schön parle d'une " épistémologie de la pratique " - ne paraît, dans le vif du fonctionnement psychique d'un praticien réflexif, guère dissociable de la fonction de catharsis. Apprendre de l'expérience en y revenant dans l'après-coup ne justifie pas toujours le temps, l'énergie, l'inconfort, les risques de ce retour réflexif. Le moteur premier est souvent affectif, lié au besoin de " liquider " le passé récent, que ce soit sur le mode de la satisfaction ou du regret, de la bonne conscience ou du doute.

Il arrive qu'un praticien soit tellement méthodique et rigoureux - pour ne pas dire obsessionnel - que, même lorsqu'il agit en solitaire, il procède systématiquement à un debriefing après l'action, indépendamment de tout état d'âme. Un praticien ordinaire a parfois besoin d'un aiguillon plus émotionnel : rage, étonnement, culpabilité, agressivité, découragement. La réflexion sur l'action dans l'immédiat après-coup est rarement sans enjeu psychodynamique, en termes d'estime de soi, de rapport à autrui, de reconnaissance par les pairs ou d'autres interlocuteurs, de dilemmes à dépasser, de contradictions à intégrer, de culpabilité à gérer.

De la réflexion dans le feu de l'action à la réflexion dans l'après-coup

Quelle relation y a-t-il entre la réflexion sur l'action dans le feu de l'action et dans l'après-coup ? Elles ont le même objet, même si l'une se fait sur le vif, à des fins de régulation, alors que l'autre prend de la distance, puisque " les jeux sont faits ". J'avancerai l'hypothèse que la réflexion dans l'après-coup prolonge une réflexion amorcée dans le vif de l'action, l'approfondit, l'élargit, la nuance. Ce qui suppose, chez le praticien réflexif, une capacité de " mettre en mémoire " des observations, des questions, des doutes, des ébauches de raisonnements qu'il n'a pas le temps d'approfondir dans l'instant, mais qu'il envisage de reprendre " à froid " ou " à tête reposée ", comme on dit.

Je postule donc une certaine continuité dans la réflexion sur l'action, même si la déperdition est immense. Nul n'a en effet l'énergie, le temps, la mémoire, la rigueur, le courage nécessaires pour tout reprendre. La vie continue, de nouvelles situations appellent de nouvelles actions et chassent les précédentes du devant de la scène. Il est impossible de " se repasser le film " de tout ce que l'on a fait, en particulier dans un métier ou l'on prend chaque jour des centaines de microdécisions.

L'amorce d'une réflexion dans l'action n'est donc qu'une condition nécessaire d'une reprise dans l'après-coup. La réflexion dans l'action est rapide, superficielle, impliquée, abrégée par le temps qui passe et oblige à décider. Lorsqu'un élève transgresse une norme ou s'enferre dans une explication sans issue, le professeur n'a pas le loisir d'une longue délibération intérieure. Ne rien faire, c'est laisser faire, avec le risque d'une dégradation de la situation. Cela n'autorise guère les temps morts, oblige à poser des actes même si l'on n'est pas totalement convaincu de leur bien-fondé. Une pratique de classe fourmille d'incidents critiques qui appellent une action qui, sitôt accomplie, suscite des doutes. Beaucoup d'épisodes mériteraient qu'on y revienne, pour se demander comment et pourquoi on a fait ce qu'on a fait ce jour-là, dans ces circonstances précises. La plupart de ces épisodes " passeront à la trappe ", quelques-uns referont surface dans l'après-coup, en vertu d'une mémoire sélective qui ne doit sans doute rien au hasard.

Certaines circonstances, certaines périodes du cycle de vie ou de l'année scolaire sont plus propices que d'autres à un retraitement de l'expérience, en fonction de la disponibilité, de la curiosité, de l'énergie, des inquiétudes ou au contraire de la sérénité de praticien. Toutes choses égales d'ailleurs, on peut faire l'hypothèse que le retour réflexif sera favorisé par le sentiment d'avoir commis une erreur ou une injustice, d'avoir agi avec précipitation, ou sous l'empire d'émotions, de préjugés ou d'influences. Les sentiments d'impuissance ou d'incompétence sont aussi des moteurs du retour réflexif. Il y aura souvent une tension entre l'envie d'oublier un épisode peu glorieux et l'envie de comprendre et de progresser.

On mesure l'importance de la posture du praticien, de son éthique, de sa vision de l'erreur, de la perfection, du progrès, de la responsabilité.

Réflexion sur l'action et analyse de la situation

Peut-on dissocier la réflexion sur sa propre action et l'analyse de la situation ? Difficilement. La juste appréciation de la situation fait partie de la pertinence d'une action. Un praticien réflexif, lorsqu'il prend sa propre action pour objet, la rattache nécessairement à l'analyse qu'il a faite de la situation sur le vif et à celle qu'il peut faire avec du recul.

Dans une vision non béhavioriste de l'action, on considérera que l'analyse de la situation fait partie de la pratique. Aucune pratique ne se limite à poser des gestes, elle englobe l'ensemble des raisonnements, des anticipations, des hésitations et des décisions qui y conduisent

On pourrait donc dire que le praticien réflexif, lorsqu'il analyse son action dans l'après-coup, s'interroge aussi sur l'analyse de la situation qu'il a menée sur le vif. Il cherche par exemple à comprendre pourquoi il n'a pas perçu ou jugé pertinent tel élément dont, a posteriori, l'importance lui paraît évidente : " Comment n'ai-je pas compris que cette agressivité était un message de détresse ou que cette assurance cachait une faille ? "

L'objet de son analyse n'est pas alors la situation pour elle-même, mais la façon dont il l'a perçue dans le vif de l'action. Toutefois, la distinction est subtile et l'on sait que, dans un groupe d'analyse des pratiques, l'animateur doit prévenir une dérive classique vers l'analyse des situations en tant que telles. L'essentiel, pourtant, n'est pas de dire a posteriori, ce qu'il aurait fallu percevoir et saisir de la situation, mais de comprendre les biais et les limites de la perception et de la pensée dans l'action.

Notons que l'analyse de la situation est au principe de toute action rationnelle et ne participe pas en tant que telle de la pratique réflexive au sens retenu ici. La posture réflexive commence lorsque le praticien analyse son analyse, comme s'il s'agissait de l'action et de la pensée de quelqu'un d'autre. C'est une décentration qu'un praticien atteint rarement dans le vif de l'action : s'il n'est pas évident de se regarder marcher en marchant, il est encore plus difficile de se regarder penser, car cela suppose une sorte de dissociation de la pensée elle-même, proche de la métacognition. C'est plus accessible dans l'après-coup.

Où s'arrête la pratique dans la perspective d'une action située ?

L'action est toujours contextualisée, elle procède d'une intention, parfois confuse, elle s'inscrit dans des rapports sociaux et, assez souvent, dans un système d'action collective. Par ailleurs, l'action exprime l'acteur, renvoie à son identité, ses compétences, sa personnalité, son capital culturel. Où l'analyse de l'action doit-elle s'arrêter ?

Vermersch (1994) a proposé de distinguer l'action de ses satellites. Il assimile l'action au procédural, entendu ici non comme l'application d'une procédure préexistante, mais comme la suite des opérations effectivement menées, celles que l'entretien d'explicitation va s'efforcer de reconstituer.

 

Satellites de l’action vécue

 

 

Contextes
Circonstances
Environnement

 

 

 

 

 

 

 

Déclaratif
Savoirs théoriques
Savoirs procéduraux formalisés : consignes, savoirs réglementaires

 

Procédural
Savoirs pratiques
Déroulement des actions élémentaires
Actions mentales, matérielles, matérialisées

 

Intentionnel
Buts et sous-buts
Finalités
Intentions
Motifs

 

 

 

 

 

 

 

Jugements
Évaluations
subjectives
Opinions et commentaires
Croyances

 

 

in Vermersch, P. (1994) L’entretien d’explicitation, Paris, ESF, p. 45.

Le projet théorique de Vermersch est de comprendre comment les gens agissent, en particulier lorsque leur action n'est pas réfléchie. C'est pourquoi il ne s'intéresse pas aux intentions ou au contexte. Un praticien réflexif n'a pas de raisons d'adopter un tel " ascétisme méthodologique ", de s'interdire de réfléchir sur ses propres intentions, sur les savoirs, les normes, les valeurs qu'il met en jeu. Vermersch attire cependant utilement notre attention sur la tentation constante de toute analyse : se réfugier dans les satellites de l'action, s'écarter du procédural, parce qu'il est plus difficile à saisir, étant pour une part préréfléchi, et donc aussi, une fois formalisé, plus difficile à assumer.

Au-delà des satellites de l'action, deux autres registres d'analyse méritent d'être mentionnés :

Sous la pratique, l'habitus

Aussi longtemps qu'une action est en cours, des infléchissements restent possibles. La réflexion durant l'action a donc une fonction de régulation, d'optimisation des résultats. Dans l'après-coup, lorsque l'action est achevée, à quoi bon y réfléchir ? Parfois pour comprendre ou justifier ses propres actes. Ou pour prendre de bonnes résolutions, ne pas commettre deux fois les mêmes erreurs, apprendre de l'expérience.

Plus fondamentalement, la réflexion sur l'action - surtout dans l'après-coup - peut permettre d'identifier des structures invariantes de l'action, de mettre à jour ce que Piaget a appelé des schèmes d'action. Bourdieu a proposé de nommer habitus l'ensemble de nos schèmes. La réflexion sur l'action nous donne accès à certaines composantes de notre habitus. L'action passée a des chances de se reproduire dans des circonstances semblables, parce qu'elle est sous le contrôle de schèmes stables, qui amènent par exemple à se mettre en colère, à s'inquiéter ou à faire confiance de façon prévisible.

La réflexion sur l'action permet au praticien réflexif de prendre mieux conscience de son propre habitus et, parfois, de le faire évoluer. Un professeur peut se dire par exemple : " Face aux provocations d'un élève, j'ai tendance à le ridiculiser cruellement, ce qui en fait une victime et lui vaut la solidarité de ses camarades. Il faut que je contrôle cette réaction agressive ". La pratique réflexive conduite dans l'après-coup consiste, dans une large mesure, à tenter de comprendre par quels enchaînements de raisonnements ou de réactions moins réfléchies nous posons des actes qu'ensuite nous regrettons, soit dans le registre éthique - les actes dont nous ne sommes pas fiers -, soit dans le registre tactique, les actes qui ne servent pas nos intentions.

La pratique réflexive peut donc encourager et instrumenter un travail sur son propre " inconscient pratique " (Perrenoud, 1996 d, 2001 a et b), selon la formule de Piaget. Ce qui amène, ne le cachons pas, à travailler aussi sur ses préjugés, ses goûts et ses dégoûts, ses peurs et ses désirs, ses obsessions aussi bien que ses cécités. Et parfois à s'intéresser à son inconscient tel que les psychanalystes le définissent.

Dans un séminaire d'analyse de pratiques, il vaut mieux ne pas s'aventurer dans ce registre, qui comporte trop de risques émotionnels, relationnels et même intellectuels. Le praticien qui réfléchit sur sa pratique en solitaire n'a pas de raison de dresser les mêmes garde-fous, puisqu'il est à la fois celui qui prend les risques du questionnement et celui qui en assume les conséquences. Le champ de la pratique réflexive n'a d'autres limites que celles que fixe chacun, entre peur et envie de savoir.

Le praticien comme concertiste dans un orchestre

Dans les organisations, même les praticiens les plus individualistes sont dépendants des autres. En réfléchissant à leur propre pratique, ils butent inévitablement sur leur rapport à autrui, les conflits, les coopérations, les contrats explicites ou les arrangements tacites passés dans le travail ou dans la sphère privée. En outre, chacun se compare aux autres praticiens, pour évaluer son niveau d'excellence, adopter un genre, peaufiner un style (Clot, 1999 ; Faïta, 2001). Enfin, toute pratique s'exerce sous le regard d'autrui et aucun praticien réflexif ne peut faire abstraction des jugements que les autres formulent ouvertement ou indirectement sur son travail. Il doit donc pratiquer une certaine lucidité pour anticiper le jugement des autres et le cas échéant se défendre.

Lorsqu'il contribue à une tâche collective, un praticien réflexif se trouve dans une interdépendance encore plus forte, puisque son action est une composante d'un ensemble, comme celle du musicien dans un orchestre. Si le groupe est assez soudé, la réflexion se fait collective. Dans le cas contraire, elle reste individuelle, chacun porte, en son for intérieur, un jugement sur le système d'action collective et cherche au besoin à l'influencer, en exerçant une forme de leadership, en apportant des idées ou des ressources, en formulant certains jugements ou certaines propositions, en prenant des initiatives.

Bref, aucun praticien ne vit sur une île déserte, même Robinson dépend du regard et de la coopération de Vendredi. On ne peut donc réfléchir à sa pratique en faisant abstraction du monde social dans lequel elle se déploie, des réseaux de concurrence, de coopération dans lesquels elle s'inscrit, de l'organisation et de la division du travail qui délimitent son champ d'action, de la structure de pouvoir et de contrôle dont elle dépend.


Les savoirs mobilisés dans une pratique réflexive

Nul ne réfléchit dans le vide, sans matériaux. La pratique réflexive se distingue à l'évidence de la réflexion banale par le passage de représentations syncrétiques et intuitives à des données plus analytiques, des observations précises, des expériences mises en mots, un essai de formalisation des matériaux, une approche méthodique et systémique du réel et de l'action.

Suffit-il, pour réfléchir sur sa pratique, d'avoir un esprit logique et attentif, une forte capacité d'observation et de mémorisation ? Rien ne serait plus réducteur : pour penser, pour observer, pour relier, pour analyser, il faut des concepts, qui appartiennent à des champs conceptuels, à des typologies, à des fragments de théorie.

Autrement dit : toute analyse pointue s'appuie sur des savoirs. Il ne suffit pas d'être intelligent, courageux, cohérent et disponible pour analyser sa pratique. Cette analyse mobilise des savoirs, comme l'analyse de n'importe quelle autre réalité complexe. Ce sont ces savoirs qui permettent de mettre de l'ordre, de distinguer des aspects et des traits, d'isoler des variables et des processus, de comparer, de classer, d'ordonner, de mettre en relation, de formuler des questions ou des hypothèses.

On peut considérer ces savoirs comme des théories ou parler plus modestement de grilles d'interprétation ou de modèles d'intelligibilité du réel. Si on les appelle " théories ", qu'on se garde de ne penser qu'aux théories " savantes ". Tout praticien se construit une théorie personnelle du réel et de l'action sur le réel, toute communauté professionnelle professe une telle théorie. La recherche en propose d'autres encore.

Savoirs d'expérience, savoirs experts, savoirs savants

Ces trois catégories, désormais assez courantes, ne sont pas inutiles, à condition de ne pas les imaginer étanches, ni séparées par des frontières nettes. Certains savoirs peuvent appartenir à deux catégories ou migrer de l'une à l'autre. Les rapports entre ces trois sources de la connaissance - l'expérience personnelle, la culture professionnelle et la recherche - peuvent prendre des configurations très diverses.

Ces divers types de savoirs sont inégalement formalisés, organisés, partagés et considérés comme fondés par une " communauté épistémique ". Cela ne les empêche pas de fonctionner en synergie plus ou moins forte dans l'esprit d'un praticien, comme des clés dont il se sert pour comprendre la réalité, mais aussi sa propre action.

Quels sont les savoirs que mobilise un praticien réflexif ? Pour faire son travail, il mobilise à coup sûr des savoirs médicaux s'il est médecin, des savoirs technologiques s'il est ingénieur, des savoirs artistiques s'il est créateur, des savoirs disciplinaires, didactiques et pédagogiques s'il est enseignant. Ces savoirs, ceux qu'on attend d'un professionnel, portent :

Plus ces savoirs sont étendus, organisés, flexibles, plus la pratique d'un professionnel se distinguera de celle d'un amateur.

Les savoirs procéduraux, qu'ils soient véhiculés par la culture professionnelle ou construits par le praticien lui-même, portent sur l'action. À ce titre, peuvent-ils figurer parmi les outils d'analyse du praticien réflexif ? J'aurai tendance à répondre par la négative, car ces savoirs prescrivent l'action telle qu'elle devrait se faire. Bien entendu, leur genèse s'enracine dans l'expérience, mais en tant que savoirs procéduraux, ils sont dans le registre normatif, ce qui ne les prédispose à analyser l'action réelle que comme écart au prescrit. Mieux vaudrait les considérer non comme des outils de la pratique réflexive mais comme des références, notamment lorsqu'il importe au praticien de comprendre en quoi et pourquoi son action effective s'écarte du prescrit. Si l'on peut, avec l'ergonomie, affirmer que le travail réel n'est jamais la simple réalisation du travail prescrit, le rapport entre les deux varie selon les praticiens et selon les situations. Interroger cet écart est donc un des enjeux de toute pratique réflexive. Pour cela, le praticien doit non seulement connaître les prescriptions telles qu'elles figurent dans les textes ou les injonctions de l'encadrement, mais reconstituer ce qu'il en savait et en acceptait dans le vif de l'action.

S'approprier plusieurs théories de l'action

La pratique réflexive a l'action pour objet : ses outils sont donc les théories de l'action disponibles. Je prends ici théorie au sens propre : un modèle d'intelligibilité, de description et d'explication du réel, non un tissu de prescriptions. Les confusions sont fréquentes à cet égard, car dans nombre de milieux professionnels, la " théorie " désigne " ce qu'on est censé faire ", autrement dit le travail prescrit. C'est le sens qu'on trouve dans des expressions comme " C'est ce que je devrais faire en théorie, mais ce n'est pas possible. cela prendrait trop de temps ".

La réflexion d'un professionnel sur sa propre pratique est de l'ordre de la description, de la compréhension, de l'explication. Elle mobilise donc de vraies théories de l'action, de ses déterminants, de l'habitus qui la sous-tend, du système d'action collective dans lequel elle s'inscrit.

Un praticien réflexif peut faire un bout de chemin en se servant des théories de sens commun. Comme chacun - ou presque - il " sait " par exemple :

Ces théories ne sont nullement méprisables. Les sociologues les appellent naïves, spontanées ou subjectives. Soulignons qu'elles ne sont jamais entièrement fausses, car le sens commun guide assez efficacement maintes décisions de notre vie quotidienne, nos anticipations, nos mouvements de confiance ou de méfiance. Il n'y a donc aucune raison de les dévaloriser comme outils d'une réflexion sur l'action, mais ce ne sont pas les seuls.

Un praticien puise des outils plus spécifiques dans sa culture professionnelle. Les footballeurs, les violonistes, les pilotes, les acteurs ou les agents de change développent des concepts qui permettent de penser ce que leur action a de particulier, dans le registre de l'anticipation, du stress, de la coopération, de l'investissement subjectif, de la performance athlétique, etc. On dira par exemple qu'une contre-performance accidentelle en compétition déstabilise l'athlète, qui perd confiance en soi et ne retrouve que lentement le niveau optimal, pour des raisons essentiellement " psychologiques ". Juste ou fausse, cette théorie fait partie des outils d'intelligibilité des performances fluctuantes.

La question est de savoir si les connaissances communes et les connaissances propres à une culture professionnelle suffisent ou si un praticien réflexif n'aurait pas intérêt, pour penser sa propre action, à disposer de connaissances plus pointues et peut-être moins intuitives, fondées sur les sciences humaines et sociales davantage que sur le sens commun et la culture du métier.

Les savoirs issus des sciences sociales et humaines

Commençons par rappeler que la distinction entre sciences sociales et sens commun n'est pas absolue, pour deux raisons :

Il serait donc absurde de soutenir qu'un praticien réflexif doit oublier tout ce qu'il a appris de l'action comme acteur social et membre d'une communauté professionnelle, pour ne se référer qu'aux théories de l'action issues de la recherche en sciences sociales et humaines.

Mais inversement, on peut penser qu'un praticien réflexif qui n'a aucune formation, aucun bagage en sciences de l'action et du travail, n'a pas les moyens de comprendre entièrement sa propre action, son habitus et le système d'action collective dont il participe. Ce manque est plus visible lorsqu'on observe un groupe d'analyse de pratiques au travail : si l'animateur et les participants n'ont aucune formation en anthropologie, ergonomie, sociologie, psychologie sociale, psychologie cognitive ou psychanalyse, le groupe s'en tient au sens commun, passant parfois à côté d'interprétations et d'hypothèses plus riches et fécondes, mais qu'on ne peut formuler qu'à partir des sciences sociales. Les mêmes manques affaiblissent la pratique réflexive individuelle, d'autant plus qu'un praticien réflexif isolé ne peut compter sur la diversité des formations, des histoires de vie et des intérêts qu'on trouve dans un groupe de quinze personnes, sans oublier les apports de l'animateur, qui a souvent des des connaissances théoriques plus pointues.

Faut-il en conclure que nul ne peut être un praticien réflexif pointu sans avoir obtenu au moins trois doctorats en sciences sociales et humaines ? Évidemment non, mais plus il en saura, moins il sera prisonnier des théories naïves.

C'est ainsi que pour analyser ce qui se joue dans une pratique pédagogique, il n'est jamais inutile, par exemple, d'avoir certaines notions à propos :

Cette énumération n'a rien d'exhaustif, elle vise simplement à illustrer quelques-unes des références pertinentes qu'un praticien réflexif peut emprunter aux sciences sociales et humaines. Il est impossible d'entrer ici dans le détail de chacun de ces champs de savoirs, pour montrer en quoi et comment ils peuvent contribuer à enrichir une pratique réflexive, qu'elle soit individuelle ou collective.

Je m'en tiendrai à un seul domaine, en raison de sa pertinence et de son actualité.

Adosser la pratique réflexive aux sciences du travail

La pratique réflexive porte la plupart du temps sur des pratiques professionnelles, ce qui la situe au minimum dans le monde du travail.

On pourrait donc l'appeler analyse du travail si cette expression n'évoquait de nos jours une démarche plus proche d'une méthodologie de recherche : l'analyse ergonomique, psychologique, microsociologique du travail. Le travail est entendu alors comme l'activité effective de travailleurs concrets. L'ergonomie de langue française dans la lignée de Montmollin (1996) et Leplat (1993, 1996), la psychologie du travail d'orientation vygotskienne autour de Clot (1995, 1999, 2000, 2001), l'ergologie d'Yves Schwartz (1997), la sociologie clinique du travail illustrée par Jobert (1999, 2001) ou la psychodynamique du travail développée par Dejours (1993 a, 1998) ont en commun un intérêt pour le travail comme activité humaine à la fois spécifique et fondamentale.

L'analyse du travail s'est développée dans une perspective de recherche et d'intervention davantage que de formation initiale. À ce titre, elle apporte des méthodes comme l'autoconfrontation croisée et l'instruction au sosie, qui pourraient inspirer des méthodes de formation à la pratique réflexive.

Mais l'apport le plus prometteur de l'analyse du travail à la pratique réflexive me semble théorique. Je ne donnerai que quelques exemples en vrac :

Avec d'autres théories de l'action, par exemple celle de Vermersch, de Schütz, de Bourdieu, les théories du travail contribuent, ensemble et séparément, à une théorisation de l'action située et finalisée. Ces divers courants proposent des outils dans lesquels la pratique réflexive pourrait puiser des outils d'analyse.

Les implications immédiates pour la formation des professionnels

Si la formation initiale des enseignants ne veut pas laisser l'acquisition de tels savoirs au hasard, elle doit traduire cette intention dans ses choix curriculaires. On ne peut pas concentrer toutes les heures sur le disciplinaire ou même la didactique des disciplines et espérer que les étudiants auront tous les moyens d'une analyse réflexive.

Certains plans de formation prétendent donner la plus grande importance à la pratique réflexive, mais ne font rien pour développer ses fondements théoriques, ne font guère de place aux sciences de l'action et s'en remettent au sens commun.

Bien entendu, on peut concevoir les didactiques des disciplines comme des sciences de l'action, si elles renoncent à être avant tout prescriptives pour devenir explicatives. Une formation didactique conçue dans cet esprit donne donc certains outils. Mais les approches transversales de l'action éducative en proposent d'autres, les sciences du travail et plus globalement les sciences sociales d'autres encore.

Qu'on examine donc les plans de formation en cherchant à identifier les unités qui visent explicitement à développer des savoirs pointus sur l'action. Elles peuvent relever de la didactique, mais aussi de la pédagogie comme art de l'action, de sciences humaines identifiées comme telles - psychologie, ergonomie, anthropologie, sociologie - ou de champs théoriques construits autour d'objets interdisciplinaires transversaux tels le traitement des différences, l'évaluation, la médiation, le leadership, la communication.

Qu'on examine aussi la part faite à la démarche clinique dans l'ensemble de la formation, car le but même de cette démarche est de construire des savoirs à partir de l'action, de faire de la pratique réflexive l'un des moteurs de la formation.


Les savoirs nouveaux construits par une pratique réflexive

Dans une pratique réflexive s'investissent des savoirs d'expérience, des savoirs experts et des savoirs issus de la recherche. Y a-t-il " retour sur investissement " ? Autrement dit, la pratique réflexive ajoute-t-elle aux savoirs acquis ?

Ce sera le cas si la réflexion sur l'action va au-delà de la fonction de catharsis, pour devenir une source d'apprentissage. L'idée de savoirs " nouveaux " appelle toutefois deux nuances :

Je dirais volontiers que la construction de savoirs nouveaux, dans ce sens limité, n'est pas seulement un bénéfice secondaire de la pratique réflexive, mais sa vocation essentielle, du moins si elle dépasse la régulation de l'action en cours et la liquidation psychodynamique de l'action accomplie.

Les savoirs qu'elle développe vont de l'appropriation et de la contextualisation de savoirs savants ou experts à la genèse de savoirs privés faiblement formalisés, mais susceptibles d'être réinvestis dans des situations semblables.

Les processus par lesquels l'expérience se transforme en savoirs transférables à de nouvelles situations sont loin d'être limpides. Pour les étudier, sans doute faut-il se défaire d'une image du savoir mobilisé dans l'action ou la réflexion sur l'action comme un ensemble d'énoncés organisés à la manière d'un livre. Un praticien pense les situations avec des métaphores, des exemples ; il rapporte chaque situation à une famille de situations de même type ; il se sert de concepts sans nom, issus de son expérience ; il combine de façon pragmatique des modèles d'origines diverses. Les savoirs d'un praticien ont une allure d'autant moins canonique qu'il " se comprend " et n'éprouve pas le besoin d'une mise en forme et en mots.

On s'en rend compte, par exemple, dans le cadre de procédures de validation des acquis expérientiels ou lorsqu'un praticien cherche vainement à convaincre des collègues du bien-fondé de son action, ou à se défendre contre une accusation de faute professionnelle : ses connaissances ne sont pas immédiatement disponibles sous forme logico-discursive, même si elles s'apparentent à des représentations.

Les savoirs dont il est question ici ne relèvent pas de ce que Vergnaud (1994, 1995, 1996, 1999) appelle des " connaissances-en acte ", qui sont quelque sorte à l'état latent dans un schème d'action. Tout se passe comme si l'acteur avait des connaissances, mais lorsqu'on l'interroge, il a du mal à expliquer en vertu de quoi il agit comme il le fait.

Il serait à mon avis plus clair de ne parler de connaissances que s'il existe de véritables représentations, mais d'admettre qu'elles ne prennent pas nécessairement la forme d'un système articulé de propositions explicites, à la manière d'une théorie formelle.

Le débat sur ce thème n'est pas clos, ni sur la distinction entre connaissances et savoirs, ni sur les typologies de savoirs. Il importe au minimum de ne pas enfermer les savoirs issus de la pratique réflexive dans une catégorie étroite. Leur unité tient moins à leur texture et à leur mode de conservation qu'à :

Si la formation initiale adopte une démarche clinique, autrement dit vise à faire construire des savoirs à partir de cas particuliers, de situations complexes et de problèmes, le parcours de formation prendra l'allure d'un entraînement intensif à la pratique réflexive, aux fins de développer des savoirs à partir de l'expérience.

La formation de praticiens réflexifs sera alors, en quelque sorte, donnée " par-dessus le marché ", puisque la réflexion sur la pratique, étant le principal outil de formation initiale, devient une composante de l'habitus et peut continuer à produire des savoirs nouveaux tout au long de l'existence (Perrenoud, 2001 a).

Dans le cas contraire, si la pratique réflexive n'est pas sollicitée comme principal moyen de se former, il conviendra de développer des démarches spécifiques.


Modéliser et exercer la pratique réflexive en formation initiale

Comment former des praticiens réflexifs en formation initiale ? On pourrait être tenté de distinguer au moins trois enjeux de formation :

1. L'acquisition d'une posture réflexive, d'une attitude ouverte, d'une éthique de la réflexion.

2. Le développement d'un savoir-analyser.

3. L'appropriation de savoirs sur l'action, faisant fonction de grilles d'analyse.

Ces distinctions sont nécessaires, mais rien ne garantit qu'on puisse dissocier concrètement ces composantes, aussi bien dans le fonctionnement d'un praticien réflexif que dans sa formation.

Il n'existe pas de savoir-analyser universel

Il n'existe aucun " savoir-analyser " (Altet, 1994, 1996 a et b, 1998) qui s'appliquerait à n'importe quelle réalité, aucune compétence analytique " transversale ", qui s'exercerait indépendamment des objets à analyser et des savoirs constitués à leur propos. Si un tel savoir-analyser existait, un bon analyste pourrait " s'attaquer " indifféremment à une radiographie, une roche, un match de tennis, un cadavre, un marché financier ou une mise en scène de Shakespeare. Or, on sait bien qu'un être logique et méthodique ne remplacera pas à lui seul un radiologue, un géologue, un journaliste sportif, un médecin légiste, un économiste et un critique d'art dramatique. Ces divers experts fondent leur analyse sur une connaissance des réalités sur lesquelles ils opèrent, connaissance qui repose sur une familiarité pratique aussi bien que des théories plus ou moins savantes.

Certes, toute démarche analytique présente certains invariants méthodologiques : découpage du réel en composantes conceptualisées séparément, mise en évidence des relations, recherche d'explications pertinentes ou de configurations significatives, suspension du jugement normatif, effort de formalisation des observations et de leur interprétation. Rien ne dit toutefois qu'on puisse former à ces dispositions communes in abstracto. Il me semble donc indispensable de ne pas limiter le développement d'une pratique réflexive à une formation " méthodologique ", qu'elle soit inspirée des méthodologies de recherche, de démarches de supervision ou d'analyse de pratiques.

Par ailleurs, il apparaît plus fécond d'acquérir des savoirs issus des sciences humaines et sociales à travers une démarche analytique centrée sur des situations concrètes plutôt qu'à travers des cours théoriques hors de tout contexte. Il s'agit en effet de s'approprier des éléments de plusieurs disciplines à des fins essentiellement pragmatiques : s'en servir pour comprendre des situations et des pratiques. Une formation théorique complète exigerait trop d'heures et laisserait en suspens la question de la mobilisation des connaissances théoriques dans l'analyse.

Je plaiderai donc pour un apprentissage conjoint de la démarche réflexive et de ses outils théoriques, sans exclure que l'un ou l'autre ne domine dans tel ou tel dispositif.

Former à la pratique réflexive : de qui est-ce la tâche ?

On peut situer chaque plan de formation existant entre deux pôles :

Entre ces extrêmes, la pratique réflexive peut être développée dans plusieurs types de dispositifs, les uns dont c'est le rôle prioritaire, les autres qui y contribuent en poursuivant d'autres objectifs. Il y aurait donc au moins trois débats à mener :

On peut estimer qu'on formera des praticiens réflexifs d'autant mieux :

a. que l'ensemble du cursus est orienté vers une démarche clinique de formation (Cifali, 1996 ; Imbert, 1992 ; Perrenoud, 1999 a, 2001 a), tant en didactique que dans les approches transversales ou technologiques, en l'intégrant, bien entendu, au dispositif d'alternance (Perrenoud, 1996 b, 1998 a, 2001 d) ;

b. qu'on met en place quelques dispositifs bien pensés et bien rodés pour entraîner à l'analyse, animé par des formateurs convaincus et aguerris (Altet, 1996 b, 1998, 2000 ; Lamy, 1996 ; Perrenoud, 1996 c, 2001 b).

c. qu'on attend de tous les formateurs une mise en forme des savoirs savants et experts propice à leur mobilisation dans l'action et dans la réflexion sur l'action (Perrenoud, 1999 a, 2000, 2001 c, 2002 e).

Si la pratique réflexive n'est pas une simple mode, mais définit une composante majeure de l'identité des professionnels qu'on prétend former, on ne peut faire l'économie d'un examen et le cas échéant d'une refonte de l'ensemble du plan de formation.

Analyse de pratiques et pratique réflexive

La formation initiale et continue des enseignants semble s'être emparée à la fois, sans avoir inventé ni l'une ni l'autre, de la figure du praticien réflexif et de l'analyse des pratiques comme démarche de formation. Ces deux emprunts sont souvent amalgamés, alors que l'un relève des finalités de la formation et l'autre de ses méthodes. De plus, le paradigme du praticien réflexif est issu de travaux nord-américains, alors que l'analyse des pratiques professionnelles s'est développée essentiellement comme une démarche de formation d'adultes dans le monde francophone (Blanchard-Laville et Fablet, 1996), les Anglo-Saxons s'orientant plutôt vers des études de cas.

Distinguer pratique réflexive et analyse des pratiques n'interdit pas, au contraire, de les mettre en relation. Certaines idées relatives à la pratique réflexive se cachent d'ailleurs dans des textes qui traitent de méthodes de formation des adultes, d'apprentissage expérientiel, voire de didactique professionnelle. Et, inversement, les travaux sur la pratique réflexive peuvent alimenter le débat sur l'analyse des pratiques comme démarche de formation.

Il reste salutaire de dissocier les deux concepts. La pratique réflexive caractérise un praticien en exercice et rien n'impose qu'elle s'insère dans un groupe, encore moins une formation continue ou un dispositif défini d'analyse des pratiques ou des problèmes professionnels.

Il serait absurde en revanche, si l'on se demande comment former des praticiens réflexifs, de ne pas s'intéresser à l'analyse des pratiques, à la fois :

Pratique réflexive et professionnalisation

Orienter une formation professionnelle vers la posture et la pratique réflexive ne va pas de soi. Il est difficile d'obtenir un consensus au sein d'un corps de formateurs. Au-delà des désaccords sur la didactique professionnelle la plus féconde et les dispositifs les plus pertinents, il y a évidemment des intérêts statutaires en jeu, des emplois et des territoires à défendre, des compétences à valoriser et des incompétences à masquer.

On ne peut exclure un scénario selon lequel on se réclamerait de la pratique réflexive dans les textes officiels, sans pour autant modifier le cursus, les objectifs, les dispositifs, les concours et autres formes d'évaluation.

Cette opération cosmétique présente l'avantage de minimiser les conflits internes. Pour équilibrer cette tentation, présente dans chaque établissement de formation, il faut d'excellentes raisons. Ni les modes, ni les injonctions ministérielles ne suffisent : les unes et les autres passent.

Le vrai moteur reste la référence aux pratiques professionnelles : si l'on n'est pas convaincu que les écoles, collèges et lycées ont un urgent besoin de praticiens réflexifs, si l'on n'a pas compris que c'est une condition de survie des personnes dans ce métier difficile, aussi bien que de réalisation de politiques ambitieuses de lutte contre les inégalités et la violence, pourquoi se compliquerait-on la vie ?

Il est indispensable, en formation à l'enseignement et aux métiers comparables, de construire les plans et les objectifs de formation à partir de l'analyse du travail réel (Perrenoud, 2001 f), en construisant la transposition à partir des pratiques, des compétences qu'elles mettent en jeu, des ressources - savoirs, capacités, attitudes - que ces compétences mobilisent sur le terrain (Perrenoud, 1998 b).

Si l'on fait sérieusement ce travail, on verra que seule une pratique réflexive relativement régulière et intensive peut contribuer à forger une identité et des satisfactions professionnelles. Elle est la seule ressource lorsque rien ne va de soi, lorsqu'un professeur n'a plus en face de soi des élèves travailleurs et dociles, lorsque le sens des savoirs, de la présence en classe, de l'effort, de l'avenir, est constamment en question, lorsqu'il faut recréer laborieusement, tous les jours, les conditions élémentaires du rapport pédagogique.

Je n'évoque pas ici quelques zones d'éducation prioritaires, quelques banlieues sinistrées, mais une bonne partie du paysage éducatif. Si une nouvelle crise du recrutement des professeurs s'amorce, c'est sans doute parce que les gens ne sont pas fous : enseigner apparaît un métier de plus en plus difficile, éprouvant, souvent démoralisant et décevant. Pour accepter de le faire, il faut un degré élevé d'expertise, le statut d'un professionnel qui accepte d'être confronté à des problèmes difficiles parce qu'il est formé, payé, reconnu en conséquence.

Former des enseignants professionnels (Paquay et al., 1996) ne passe pas uniquement par une posture réflexive et des compétences élevées, mais c'est un enjeu majeur. Aller dans ce sens c'est parier sur l'investissement subjectif dans le métier et les satisfactions qui en dérivent plutôt que sur des rémunérations ou des avantages matériels. Certes, en offrant des primes de risque et d'autres avantages, on finira toujours par trouver des volontaires pour faire un sale boulot. Est-ce le scénario le plus prometteur pour l'enseignement ? On sait bien que non, à la fois parce qu'il faut de très nombreux volontaires et parce qu'on ne peut aller enseigner dans un collège difficile comme on fait une ronde dans un quartier dangereux ni comme on descend pour quelques dollars de plus au fond d'une mine insalubre.

Seule la " passion d'enseigner " peut provoquer des apprentissages chez les élèves qui résistent ou éprouvent de fortes difficultés. Le métier d'enseignant doit donc rester, sinon une vocation, du moins un travail offrant d'autres satisfactions qu'un emploi et un revenu. La maîtrise des savoirs à enseigner est certainement une source de satisfaction, mais à condition qu'elle ne se heurte pas à des élèves qui " ne veulent rien savoir ". Un professeur démuni de moyens de les mobiliser, de les intéresser, peut-être de les séduire, se retrouvera seul avec son savoir, un savoir dont nul ne veut. Il sera frustré, amer ou révolté.

Tel est le sens profond d'une réflexion de chaque professeur sur sa pratique pédagogique : découvrir comment créer et maintenir l'envie d'apprendre, comment aider les élèves à trouver du sens aux savoirs, comment ne pas ignorer les différences sans les transformer en inégalités. Il importe sans doute de réfléchir sur les programmes, mais plus encore sur leur transposition didactique au quotidien, sur les contrats, la relation, les tâches que l'on propose en classe.

Il me semble indispensable de ramener constamment la réflexion sur la formation des enseignants aux défis auxquels le système éducatif est confronté. C'est la seule façon de dépasser les querelles de territoires, la fascination pour les dispositifs, les résistances des formateurs à leur propre professionnalisation (Altet, Paquay et Perrenoud, 2002). De ce point de vue, le paradigme du praticien réflexif comme figure du professionnel devrait devenir celui du système éducatif dans son ensemble, les institutions de formation des maîtres ne faisant que contribuer à sa concrétisation.


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