Méthodes et problèmes

L'œuvre dramatique

Danielle Chaperon, © 2003-2004
Dpt de Français moderne – Université de Lausanne

III. Le Drame

III.1. La dispositio

Le Sujet, l'Action et l'Intrigue tels qu'ils ont été présentés ci-dessus correspondent – en narratologie – au niveau de l'Histoire. La rhétorique classique identifierait cette étape – le choix de ce que l'on veut montrer ou dire – à l'inventio. La composition, dont le Drame est le résultat, serait alors l'équivalent de la dispositio. Car des fils, des caractères, des incidents, voilà qui ne fait pas encore un Drame – et qui pourrait tout aussi bien aboutir à un Récit de type romanesque (ou épique). Pourtant, la contrainte chronologique étant au théâtre très forte (quoique non absolue, voir III.4.), l'invention de l'enchaînement logique des causes et des effets (l'intrigue) est d'une certaine manière une première phase de la dispositio puisque l'ordre de présentation des étapes de l'action est déjà en place. Rappelons qu'il n'en est pas de même dans le roman, car rien n'empêche un narrateur de revenir en arrière ou d'anticiper, et de disposer les faits dans l'ordre qui lui plaît.

Cette contrainte chronologique qui pèse sur le mode dramatique, et qui lui interdit en principe de représenter deux événements simultanés, avait été remarquée par Aristote qui la mettait en contraste avec la liberté de l'épopée: L'épopée a une caractéristique importante qui lui permet de développer son étendue: s'il n'est pas possible d'imiter dans la tragédie plusieurs parties de l'action qui se déroulent en même temps, mais seulement celle que jouent les acteurs sur la scène, comme l'épopée est un récit, on peut au contraire y traiter plusieurs parties de l'action simultanées, et si ces parties sont appropriées au sujet, elles ajoutent à l'ampleur du poème (Poétique, 59b 22). Pour Aristote ce renoncement aux prestiges de l'ampleur contribue précisément à la beauté spéciale du mode dramatique qui réside dans son extrême densité.

Edition: Ambroise Barras, 2003-2004