Présentation du colloque

Les Facultés de théologie et des lettres de l’Université de Genève en collaboration avec la Maison de l’Histoire organisent un Colloque international sur les Bibles atlantiques programmé du jeudi 25 au samedi 27 février 2010. Partenaires scientifiques de cette manifestation sont également la Bibliothèque de Genève, le Centro Storico Benedettino Italiano et la Faculté des lettres de l’Université de Cassin (Italie).
Le Colloque représente la première occasion pour faire le bilan historiographique des recherches consacrées à la production, la circulation et l’emploi des Bibles atlantiques; il constitue ainsi un moment précieux d’échanges et de confrontation entre les spécialistes et tous ceux qui, dans leurs recherches d’archives et dans les fonds médiévaux, se sont rapprochés de ces manuscrits.

Les Bibles atlantiques, produites entre la moitié du XIe et la moitié du XIIe siècle dans la région de Rome, constituent un genre particulier du manuscrit biblique, ayant des caractères spécifiques, à savoir: des dimensions exceptionnelles – d’où la définition d’atlantiques dans l’acception de géantes – et le degré plutôt élevé d’uniformité de tous les caractères matériels, graphiques, ornementaux et textuels. Les Bibles atlantiques ont été conçues pour contenir le texte complet de la Vulgate, avec l’Ancien et le Nouveau Testament copiés l’un à la suite de l’autre dans un seul et même manuscrit, parfois articulé en deux tomes. Ces manuscrits peuvent atteindre les dimensions de 550/600 millimètres de hauteur et de 300/400 millimètres de largeur. De cette véritable entreprise éditoriale, une centaine d’exemplaires complets nous est parvenue, auxquels s’ajoute un nombre de fragments qui n’ont pas encore été recensés complètement.

La production et la circulation de ces manuscrits bibliques s’inscrivent dans le mouvement de renouveau moral et spirituel de l’Eglise au XIe siècle que les historiens appellent la Réforme grégorienne. Avec leurs caractéristiques matérielles et textuelles, les Bibles atlantiques semblent bien répondre à l’exigence des réformateurs de définir un modèle qui puisse s’imposer par l’autorité théologique du contenu et par la monumentalité de l’aspect extérieur.

Comme les études les plus récentes l’ont montré, les problématiques liées à la réalisation des Bibles atlantiques, ainsi qu’au contexte de la production, de la circulation et de l’utilisation de ces livres, demandent nécessairement une étude interdisciplinaire de spécialistes en histoire médiévale, en philologie et histoire de la Vulgate, en science de la Liturgie, en histoire du livre manuscrit et histoire de l’enluminure. Après la grande exposition de l’année 2000, une rencontre sur les Bibles atlantiques entre les spécialistes s’impose, afin que chacun dans son domaine spécifique puisse croiser les approches sur ces objets monumentaux. Ainsi, cette manifestation permettra d’aborder le phénomène des Bibles atlantiques selon différentes perspectives d’analyse combinant histoire culturelle, religieuse et matérielle avec le contexte historique et la liturgie.

Le Colloque sera également l’occasion de présenter d’une manière officielle Biblion. Le système d’analyse informatisé des Bibles atlantiques, que non seulement les spécialistes du livre manuscrit, mais la communauté des historiens, des historiens de l’art et de tous ceux qui s’occupent du Moyen Age attendent de pouvoir utiliser.

Les variétés et le caractère interdisciplinaire des recherches des intervenants au Colloque permettront d’approfondir les connaissances sur les Bibles atlantiques ainsi que sur le contexte historique et culturel dans lequel ce genre du manuscrit biblique a été conçu, réalisé et diffusé.

Dans le courant de l’historiographie matérielle, les méthodes et les procédés techniques adoptés pour la réalisation de ces livres géants seront élucidés. De même, les systèmes de distribution des tâches du travail de copie et d’exécution de l’ornementation visant à optimiser les temps de travail des copistes et des enlumineurs seront abordés. Les centres de production de ces manuscrits en Italie et dans les autres régions de l’Empire seront identifiés, pour ainsi vérifier l’existence d’un véritable réseau qui aurait garantit la circulation de connaissances, savoirs faire, techniques de construction, mais aussi de modèles du manuscrit biblique.

Dans le domaine de la philologie et de l’histoire de la Vulgate au Moyen Age, le Colloque permettra de combler, au moins en partie, une lacune concernant justement le XIe siècle, qui a pourtant vu nombre d’innovations en matière de production du livre et de révision du texte biblique. Par le biais de l’étude de la recension des Bibles atlantiques, on pourra identifier les textes de la Bible latine qui circulaient à Rome au XIe siècle et qui ont été utilisés en tant que sources pour la rédaction des ces manuscrits.

D’ailleurs, il ne faut pas négliger le fait que chaque livre en tant que tel est réalisé pour véhiculer un texte écrit et, en définitive, est destiné à être lu. Ces Bibles monumentales, conçues en tant qu’emblème de la réforme ecclésiastique, sont également employées dans les communautés monastiques et canoniales auxquelles elles étaient destinées dès l’origine. L’emploi liturgique des Bibles atlantiques dans la célébration quotidienne de l’Office divin est un aspect qui sera investiguer au cours du Colloque.

Enfin, ce Colloque permettra de s’interroger sur les rapports entre la production des Bibles atlantiques italiennes et la production contemporaine d’autres manuscrits bibliques réalisés dans d’autres régions de l’Empire, comme les Bibles géantes d’Echternach, de Lobbes et d’Admont qui, toujours liées au milieu de la réforme ecclésiastique du XIe siècle, présentent, elles aussi, des dimensions monumentales.

D’une manière générale, le Colloque international de Genève de 2010 permettra de montrer l’importance de la recherche sur le livre manuscrit dans le domaine de l’histoire médiévale. L’étude de la production et de la circulation d’un ensemble de manuscrits ayant des caractéristiques très spécifiques et très homogènes, comme c’est le cas des Bibles atlantiques, ouvre plusieurs pistes d’investigations et de recherche sur les aspects religieux, culturelles et sociaux de la société médiévale.

L’Université de Genève qui depuis quelques années accueille ce type d’études se profile ainsi comme l’un des pôles de recherche internationale dans le domaine de la production et de la circulation du livre manuscrit au Moyen Age et, tout particulièrement, dans le domaine des Bibles et des manuscrits atlantiques.

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