|
|
La triple fabrication de léchec scolaire
Philippe Perrenoud
Faculté de psychologie et des sciences de
léducation
Université de Genève
1992
1. La fabrication du jugement2. Le poids des normes dexcellence et du curriculum dans la fabrication de léchec
3. La fabrication des inégalités réelles
On ne peut expliquer léchec scolaire quau prix dune démarche interdisciplinaire. Mais elle nest concevable que sil y a entre les sciences humaines un minimum de consensus sur la nature du phénomène à expliquer et sur le statut de lexplication. Malheureusement, le langage commun le plus facilement disponible, celui de lanalyse multivariée, aboutit à un simulacre dexplication. Même en multipliant les variables contextuelles, systémiques, écologiques, il ne permet dapprocher que très indirectement les processus et les fonctionnements dordre politique, organisationnel et didactique auxquels léchec et la réussite scolaires doivent leur existence et une partie de leur genèse. Cest à ces processus et fonctionnements que je mattacherai ici, en distinguant trois registres dans la fabrication de léchec scolaire :
En pratique, ces trois registres sont fortement imbriqués. Pour la clarté de lexposé, jen traiterai séparément.
En si peu de pages, on court le risque dêtre schématique. Jai choisi dinsister ici sur la part du système et de lenseignement dans la genèse de léchec. Je ne songe pas une seconde à nier lampleur des différences et mêmes des inégalités de tous ordres entre élèves. La perspective sociologique consiste simplement à rappeler quà elles seules ces différences nexpliquent rien. Seule leur confrontation aux attentes, à lorganisation et aux pratiques de lécole peut rendre compte de léchec scolaire.
La réussite scolaire nest pas une caractéristique psychologique de lélève. Elle nest identifiable ni à ses compétences réelles, ni même à ses performances et conduites observables. Un élève réussit lorsque lécole le déclare suffisant, il échoue lorsquelle le déclare en échec ! La réussite et léchec sont des représentations fabriquées par lécole, plus particulièrement par les maîtres et dautres examinateurs. Ce sont des produits de lévaluation comme pratique régulière de lorganisation scolaire et de ses agents, pratique conforme à des procédures plus ou moins codifiées, sous-tendue par des normes dexcellence et des niveaux dexigence institutionnellement définis, orientée enfin vers des décisions de gestion de classe, denvoi en appui, dorientation, de sélection, de certification (Perrenoud, 1984, 1985).
Le jugement de lécole, pour fabriqué quil soit, ne lest pas à partir de rien et dans un total arbitraire. Ce quévaluent les maîtres ou les examinateurs nest pas sans lien avec les compétences ou les conduites " réelles " des élèves, telles que pourrait les identifier un observateur aussi omniscient quimpartial.
Si la réussite et léchec scolaire résultaient dune évaluation plus " scientifique ", seraient-ils moins fabriqués ? Dans le domaine de lart ou de la justice, passe pour " fabriqué " ce qui nest pas très clair ou très honnête. Mais sociologiquement, la fabrication est dabord de lordre de la construction de la réalité. Même lorsque cette construction est " réaliste ", elle nest jamais un simple reflet sans effet propre. La prise de conscience transforme les représentations et les conduites. Même si la justice était parfaitement juste, elle rendrait des sentences publiques ayant force de loi qui changent la vie des gens. Pareillement, même si elle était parfaitement " objective ", lévaluation scolaire garderait son rôle déterminant dans la genèse de léchec scolaire, puisquelle le fait exister socialement. Pour quil y ait échec scolaire, il faut et il suffit que linstitution déclare la réussite ou léchec ! La fabrication de hiérarchies dexcellence et de dichotomies (suffisant/insuffisant) est constitutive de léchec comme réalité micro sociale et, par agrégation, comme réalité statistique caractérisant lensemble dune population scolarisée dans des conditions comparables.
Pourquoi lévaluation ?
Pourquoi lécole dispose-t-elle et use-t-elle du pouvoir dévaluer ? Doù viennent les catégories qui permettent aux organisations et aux acteurs scolaires de penser léchec ? Sur quelles procédures et quelles informations se basent-ils pour décréter la réussite ou léchec, pour en faire la preuve en cas de contestation ? Quels sont les enjeux et les conséquences de léchec déclaré pour les élèves et leurs familles, mais aussi pour les maîtres et le système ? Toutes ces questions sont ouvertes, sujettes à investigations empiriques dès lors quon nincorpore pas la réponse à la définition de léchec scolaire.
Lécole na pas toujours évalué régulièrement ses élèves. Aujourdhui encore, même si lévaluation tient une large place dans lemploi du temps scolaire et participe de la routine de la plupart des classes, ses modalités, sa fréquence, ses conséquences varient selon la structure scolaire, les programmes et les didactiques en vigueur, les politiques de sélection, les traditions nationales ou régionales. Lévaluation a donc toujours un certain arbitraire, elle ne dérive pas automatiquement du curriculum.
Lévaluation est souvent rapportée à la volonté ou à la nécessité de sélectionner ou dorienter les élèves. Ce nest pas le seul enjeu. Elle doit aussi, de jour en jour, informer ladministration, rassurer les parents, mettre les élèves au travail et faire fonctionner le contrat didactique (Chevallard, 1986). Ces logiques daction affectent le processus de fabrication du jugement, par ailleurs subordonné aux règles institutionnelles qui fixent les moments de lévaluation, la pondération des disciplines ou des résultats trimestriels, le mode délaboration et de correction des épreuves, léchelle des notes et la nature des barèmes. Certes, toute évaluation naboutit pas à un jugement de réussite ou déchec scolaires. On peut échouer ou réussir un exercice ou une épreuve sans mettre en jeu sa carrière. Mais les évaluations continues alimentent les hiérarchies dexcellence globales dont dépendent la réussite ou léchec en fin dannée, puisque lévaluation finale est de plus souvent définie comme la moyenne ou la " synthèse " dévaluations partielles étalées tout au long de lannée.
Larbitraire des hiérarchies dexcellence
Lévaluation, même si elle était une mesure parfaite des connaissances ou des compétences " réelles " des élèves, conserverait son arbitraire, qui ne tient pas tant à ses manques et à ses biais quau fait quelle donne à voir certaines inégalités plutôt que dautres, à certains moments du cursus plutôt quà dautres. À sept ans, les inégalités de compétences sont certainement aussi fortes en musique quen lecture. Mais lécole ne met pas les premières en évidence, alors quelle dramatise les secondes, en choisissant de fonder lessentiel de la sélection sur le savoir-lire à 6-7 ans, à un moment où les disparités sont les plus grandes ; les inégalités de savoir-lire satténuent ensuite, mais lécole construit alors les hiérarchies dexcellence sur dautres apprentissages, devenus à leur tour les plus sélectifs Pour fabriquer des hiérarchies spectaculaires, il suffit en somme de bien choisir le terrain et le moment, dévaluer les savoirs et savoir-faire au cours de phases de restructuration accélérée des structures intellectuelles et des connaissances, lorsque certains élèves ont franchi un pallier de développement alors que dautres sen approchent à peine.
Plus simplement encore, lécole peut, par la grâce des barèmes, transformer des inégalités mineures en hiérarchies décisives. Les psychologues qui construisent des tests savent ne retenir que les items les plus discriminants. Lécole, plus intuitivement, procède de même chaque fois quil est nécessaire de classer. Avec une épreuve à référence normative, on crée de linégalité à partir de nimporte quelle variance, puisquon prend la moyenne comme origine et lécart type comme unité. Dans les classes, les simulacres de courbes de Gauss ont fait fortune, passant pour une évaluation plus " scientifique " Croiser lécart à partir de presque rien est dailleurs la loi avouée des concours, la logique moins explicite de toute sélection guidée par des proportions ou des quota intuitifs : un maître ne peut faire doubler tous ses élèves, ni les faire réussir tous chaque année. Naviguant entre aveu dincompétence et réputation de laxisme, il produit un taux moyen déchec, indépendamment du niveau effectif de ses élèves, en manipulant plus ou moins consciemment ses exigences.
Autre arbitraire majeur : celui qui tient à la pondération dépreuves de types différents ou de sous-disciplines. Quel est le poids du calcul mental ou de la construction géométrique dans une note de mathématique ? Comment combine-t-on orthographe et maîtrise du vocabulaire, lecture et élocution, expression orale et écrite, grammaire et conjugaison en français ?
Les jugements de réussite et déchec résultent souvent dune " cuisine " complexe, qui fait intervenir des pondérations, des arrondis, des minima, des profils, des compensations subtiles, des rattrapages. Même si tous ses ingrédients étaient irréprochables, la hiérarchie globale resterait une construction arbitraire : dautres pondérations induiraient dautres classements et dautres écarts.
Leffet propre des inégalités formelles
Lévaluation proclame des inégalités qui, sans cette publicité, auraient souvent beaucoup moins deffets sur la vie des enfants et des familles et sur le fonctionnement de lécole. Gardons-nous ici de schématisme : nombre dinégalités réelles de capital culturel ont des effets indépendamment de toute évaluation formelle, par le simple fait que le capital culturel est une ressource pour agir efficacement en même temps quun bien symbolique et une source de distinction (Bourdieu, 1979). Toutes les inégalités de capital culturel nont pas les mêmes incidences : en matière de savoir-lire, elles ont certainement plus de conséquences pratiques quen musique ; à lécole, lenfant est très vite censé savoir lire pour faire son " métier délève ". Hors de lécole, dans la vie quotidienne, ne pas savoir lire est un handicap plus lourd que de ne pas savoir chanter. Il nest donc pas question de dire que les inégalités réelles sont sans conséquence aussi longtemps quon ne les proclame pas, ni quelles ont toutes les mêmes conséquences.
Il reste que la fabrication dune hiérarchie dexcellence, autrement dit dune représentation publique des inégalités, a des effets propres. Au handicap pratique sajoutent la dévalorisation de soi, la honte, la culpabilité, le ridicule, lexclusion, le reproche, la prise en charge, la surveillance. Il est vrai quen labsence dévaluation formelle demeurent lautoévaluation et le jugement des pairs et des proches. Cela suffit à expliquer certaines formes dautoexclusion, certains renoncements, certaines " conduites déchec ". Mais ces processus sont sans commune mesure avec le couperet qui tombe dès lors que lécole a une hiérarchie formelle à se mettre sous la dent !
Ce quon évalue
Il reste à prendre en compte le fait que les représentations de lexcellence ou de lincompétence, par le fait même quelles sont fabriquées dans le cadre du fonctionnement régulier de lécole, sont caractérisées par des erreurs et des biais sans proportion avec ceux qui affectent une mesure conçue et instrumentée comme telle. Aletta Grisay (1988) montre quen substituant une évaluation standardisée de même contenu aux examens de fin dannée organisés par les maîtres primaires en Belgique francophone, on modifierait la carrière scolaire dune fraction des élèves. Lerreur judiciaire nest rien en regard des à-peu-près et des incohérences de lévaluation scolaire. La réussite et léchec sont pour une part des aléas, qui tiennent à la composition du public de chaque classe, à la sévérité du maître, à la politique de létablissement, aux places vacantes dans les différents degrés.
Lévaluation avantage les bons élèves par le simple fait que le maître en attend de bons résultats et nen remarque pas toutes les erreurs : on ne prête quaux riches. Elle avantage aussi les élèves qui maîtrisent le mieux les signes extérieurs de lexcellence, ceux qui savent jouer sur lécriture, la présentation, ceux qui adoptent une attitude coopérative et respectueuse. Plus généralement, lévaluation prend en compte des inégalités étrangères à ce quelle prétend mesurer. Écrite, elle exige une maîtrise de la langue dans toutes les disciplines. Orale, elle mobilise des compétences de communication sans rapport avec la maîtrise des contenus. Dans tous les cas, elles favorise ceux qui doivent à leur sagacité, mais surtout à leur héritage culturel, une juste intuition de ce que Bourdieu et de Saint-Martin (1975) appellent les catégories de lentendement professoral.
Au-delà de linterprétation correcte des attentes, il y a dans lévaluation une part de stratégie, de faux-semblant, de négociation (Perrenoud, 1982). Bien plus quune mesure, lévaluation est un jeu relationnel auquel les enfants des diverses classes sociales sont inégalement préparés. Il arrive même que le jugement du maître soit directement influencé par lappartenance sociale de lélève, compte tenu de ses propres préjugés (Pourtois, 1977) ou en vertu de pressions plus ou moins discrètes.
Lévaluation ajoute donc à linégalité des compétences réelles une inégalité de son cru (Perrenoud, 1982). Cest pourquoi elle participe à divers titres à la fabrication de léchec : par la simple mise en évidence, mais aussi par la dramatisation, laccentuation, la déformation des inégalités réelles de maîtrise du curriculum.
Toute pratique dévaluation est orientée par des normes, elles-mêmes solidaires dun curriculum, autrement dit de lensemble de valeurs et de connaissances que lécole juge bon denseigner et dexiger à un degré donné du cursus. On passe alors à un autre niveau dexplication de léchec scolaire, qui touche aux contenus de la culture scolaire, à la définition instituée des formes dexcellence.
Ces formes sont diverses. À un extrême, aux limites de la maturation biologique, on trouve certains savoir-faire témoignant dune socialisation élémentaire, par exemple la capacité de se concentrer ou de tenir en place. À lautre extrême, lécole valorise la maîtrise de savoirs académiques. Entre ces pôles, on trouve des formes valorisées de développement (intellectuel, relationnel, affectif), divers savoir-faire intellectuels (lire, écrire, compter, raisonner, communiquer) ou encore des attitudes et des manières dêtre, les unes étroitement liées aux compétences intellectuelles, qui relèvent du rapport au savoir, les autres qui touchent aux conduites sociales (politesse, civisme, respect des règles ou de la parole du maître, esprit critique, autonomie, etc.)
Les enseignants ont le pouvoir de spécifier, dinterpréter, dajuster les normes dexcellence et de conduites prescrites par linstitution, mais la détermination de la culture scolaire et des formes dexcellence relève de lorganisation dans son ensemble et, pour les choix essentiels, du système politique. En élaborant un curriculum, en le découpant en tranches annuelles censées représenter à la fois une progression dans le savoir et une prise en compte des stades du développement intellectuel et social, en divisant le curriculum en disciplines inégalement valorisées, le système scolaire module et spécifie la définition des normes dexcellence et de conformité en regard desquelles les élèves seront en définitive réputés réussir ou échouer. Ce faisant, il participe à la fabrication de léchec scolaire : selon son contenu, sa structuration, son découpage, le curriculum formel rend léchec de certains élèves plus ou moins probable ; le curriculum réel qui en dérive peut accentuer ou neutraliser partiellement ses effets sélectifs.
Distance entre culture scolaire et culture familiale
La sociologie de léducation a mis en évidence le fait que certains enfants sont favorisés non parce quils seraient plus intelligents, mais parce quils tiennent de leur milieu familial et de leur classe sociale des codes, des attitudes, des savoirs scolairement rentables. Ce sont les héritiers (Bourdieu et Passeron, 1965). Parfois, ils savent déjà ce que lécole est censée leur enseigner : ainsi, savent-ils lire avant que cet apprentissage ne devienne obligatoire. Le plus souvent, sans maîtriser davance la culture scolaire, ils disposent du capital linguistique et des habitudes de pensée qui placent les apprentissages scolaires dans le droit fil de la socialisation familiale. À dautres élèves, cette familiarité fait au contraire défaut, ils ne trouvent guère de continuité entre leurs expériences extrascolaires et le curriculum formel et réel de lécole.
Linégale distance à la culture scolaire est un facteur de réussite pour les uns, déchec pour les autres. Ne partant pas du même point, tous nont pas le même chemin à parcourir pour maîtriser le curriculum. Comme le souligne Bourdieu (1966), il suffit que lécole traite les élèves de même âge comme égaux en droits et en devoirs pour transformer les différences dhéritage culturel en inégalités de réussite scolaire. Sans doute est-il dans lordre des choses que la culture scolaire soit plus proche des valeurs et des savoirs des enfants dont les parents sont eux-mêmes à la fois natifs du pays, familiers du système scolaire, fortement scolarisés et imprégnés dune attitude favorable à la connaissance abstraite. Comme le niveau dinstruction est fortement lié au revenu et à lappartenance de classe, on imagine guère ce que pourrait être une école dont la culture serait " à égale distance " des diverses cultures familiales. Mais le privilège des héritiers sera dautant plus grand que la culture scolaire est élitiste.
Découpage du cursus et définition de lexcellence
Le curriculum ne se définit pas seulement par ses contenus, mais par la programmation de certains apprentissages à un âge ou dans un degré donné du cursus. Selon le moment où lon situe les apprentissages clés, on module léchec scolaire. En exigeant des élèves de sept ans quils sachent lire, on provoque les hécatombes bien connues. De même, on crée des échecs en fixant au plus jeune âge possible lapprentissage du texte écrit, de lanalyse grammaticale, de certaines opérations (soustraction, division), de la première langue étrangère. La volonté de ne pas retarder lémergence des élites conduit à une sélection dès dix ou douze ans, qui oblige à prévoir nombre dapprentissages fondamentaux alors que le développement intellectuel est très inégal et les rythmes dapprentissages très divers.
Au-delà du découpage grossier du cursus et des disciplines, la réussite scolaire ou léchec sont également fabriqués par la façon de définir les savoir-faire et les savoirs valorisés : savoirs sur la langue ou maîtrise pratique de la communication ? maîtrise des algorithmes ou capacité de formuler des hypothèses ? savoir encyclopédique ou faculté dobservation scientifique ? Lappropriation des ces compétences ne demande pas le même travail, les mêmes aptitudes, les mêmes appuis familiaux. Le paradoxe est ici que les objectifs pédagogiques les plus démocratisants à court terme sont aussi ceux dont la maîtrise semble la moins garante de la réussite ultérieure.
La surcharge des programmes est une autre façon de moduler la réussite et léchec. Alors quun curriculum centré sur quelques objectifs généraux donne à un plus grand nombre une chance de maîtriser vraiment quelques savoirs et savoir-faire essentiels, laccumulation des disciplines, des chapitres et des notions force au bachotage, impose pour survivre une dépense dénergie sans commune mesure avec les acquis stables et transposables.
Enfin, avec Bernstein (1981), on fera la différence entre pédagogies visibles et invisibles. Dans les premières, le curriculum et les exigences sont explicites, les élèves et leur famille peuvent doser linvestissement en fonction dobjectifs clairs ; dans les pédagogies invisibles, ceux qui échouent ne savent pas très bien pourquoi, ne parviennent pas à identifier ce qui leurs lacunes ou les erreurs quils ont faites. Lincertitude engendre langoisse et les conduites aberrantes.
Curriculum et échec
La définition du curriculum et les normes dexcellence se joue au plan politique, mais aussi dans la formation des maîtres, la confection des manuels et des moyens denseignement, qui concrétisent et illustrent les plans détudes. Cependant, les établissements et les maîtres conservent une certaine autonomie dans linterprétation et lobservance du curriculum formel. Les établissements déterminent assez largement le niveau dexigence pour le passage dun degré ou dun cycle détudes au suivant. Quant aux maîtres, ce sont eux qui, organisant le travail scolaire, choisissant des exercices et des contenus, donnent au curriculum et aux normes dexcellence leur figure concrète. Expliquer la fabrication de léchec scolaire, cest donc aussi analyser linfluence de tous ces choix institutionnels et personnels, politiques et pédagogiques, tant sur les taux de sélection et les niveaux dexigence globalement appliqués à une génération que sur certaines catégories délèves.
Les propos qui précèdent garderaient tout leur sens si lécole avait pour seule mission dévaluer les compétences des élèves, à lexemple des instances de sélection dans le domaine artistique ou sportif. Pour juger, il faut une culture de référence, des normes dexcellence et des procédures dévaluation. Les unes et les autres contribuent à la fabrication des hiérarchies dexcellence.
Mais lécole nest pas une simple instance dévaluation. Avant dévaluer, elle prétend enseigner. Elle juge donc les effets de son propre travail dinculcation. En principe, lévaluation ne porte que sur des connaissances et des savoir-faire figurant au programme et que les élèves ont eu une chance dassimiler à lécole au cours des semaines ou des années précédentes. Expliquer la réussite ou léchec scolaire, cest donc inévitablement expliquer aussi pourquoi lintention dinstruire aboutit inégalement. Léchec scolaire à six ou sept ans, cest léchec de lapprentissage de la lecture, donc aussi de son enseignement.
Évidemment, on retrouvera ici les inégalités et les différences entre élèves. Mais le temps nest plus où lon pouvait dire que réussissent les mieux doués, les plus intelligents, les plus avancés, les plus motivés, échouent ceux qui sont dépourvus de ces ressources. Du moins ne peut-on pas le dire sans faire la part du fonctionnement de lécole, et notamment du degré de différenciation de lenseignement.
Que les élèves de même âge ne soient pas également disposés et préparés à assimiler le curriculum dans le même temps et dans les mêmes conditions, cela crève les yeux depuis quon a réuni des élèves dans une salle de classe. Ce qui importe, du point de vue de lexplication, cest ce que le maître et plus généralement lorganisation scolaire font de cette diversité. Comment traitent-ils les inégalités et les différences ? Par lindifférence aux différences, selon la célèbre formule de Bourdieu (1966) dans " Lécole conservatrice " ; ou par une pédagogie différenciée prenant les élèves là où ils sont et sefforçant de les conduire aux maîtrises visées par des cheminements et à des rythmes différenciés ?
Travail scolaire et différenciation
Le traitement des différences peut se saisir dabord dans la salle de classe, selon lorganisation du travail scolaire, selon que le maître pratique un enseignement frontal ou travaille avec des sous-groupes ou des élèves individuellement. En fonction de ses pratiques de différenciation, plus ou moins constantes, plus ou moins intensives, lenseignant transforme certaines différences ou inégalités extrascolaires en réussites ou en échecs, ou lutte au contraire contre la courbe de Gauss ou linégalité " naturelle " par une action " compensatoire " appropriée.
Ce qui renvoie à son idéologie plus ou moins démocratisante, à son savoir-faire, à lénergie quil investit dans la différenciation de lenseignement. Mais aussi à lensemble dun système de travail et dun contrat didactique qui rendent inégalement possible un enseignement individualisé. Selon la nature des tâches quil donne, selon la confiance quil fait aux élèves, selon les mécanismes de régulation quil met en place, un maître peut ou ne peut pas différencier. Avec ici aussi de nombreux paradoxes : les tâches individuelles, fermées, standardisées présentent, du point de vue de la différenciation, lavantage dêtre facilement supervisées et rapidement corrigées par le maître, qui devient alors disponible pour aider les élèves en difficulté ; mais ces tâches ne favorisent guère les apprentissages de haut niveau taxonomique et ne sont pas de nature à réconcilier avec lécole les élèves les moins intéressés. Certaines pratiques démocratisantes accroissent peut-être les inégalités à moyen terme
La lutte contre léchec scolaire a souvent mis laccent sur les pédagogies compensatoires, la discrimination positive opposées à lenseignement frontal, à lindifférence aux différences. En réalité, aucun maître ne traite tous ses élèves de la même manière. Il a pour les uns une grande sympathie, pour dautres moins. La relation pédagogique est parfois gratifiante, parfois conflictuelle, il y a des attirances et des rejets, des interactions intenses et des ignorances mutuelles. Certains élèves sont fortement intégrés dans le réseau de communication officiel, dans lequel le maître joue un rôle central ; dautres ne sont actifs que dans le réseau clandestin, celui dont le maître est exclu et quil sefforce de mettre en veilleuse (Sirota, 1988). Diversement sollicité par les élèves, le maître répond sélectivement, en fonction des besoins mais aussi de toutes sortes denjeux : souci déquité, maintien de lordre, disponibilité, préférences (Perrenoud, 1982).
Au-delà des équations personnelles, le traitement des différences dépend de la façon dont on forme les maîtres, dont on formule leur cahier des charges, dont on " note " leurs pratiques. La différenciation dépend aussi de la manière dont on codifie les plans détudes, de la nature de lévaluation imposée, plutôt normative ou plutôt formative. Ou encore du type de moyens denseignement mis à la disposition des classes, qui se prêtent plus ou moins à un travail individualisé. Autre variable relevant de lorganisation : la nature des normes déquité, insistance sur léquité formelle (égalité de traitement) ou sur la discrimination positive (à chacun selon ses besoins).
La structure scolaire et les appuis pédagogiques
Le traitement des différences ne se joue pas seulement dans la salle de classe, ni même dans les normes et les politiques qui définissent les contenus et les modalités de laction pédagogique. Lorganisation scolaire est elle-même un dispositif majeur de traitement des différences.
Dune part la décentralisation du système, la nature de la carte scolaire, la gestion du personnel enseignant favorisent ou empêchent les inégalités entre établissements, entre quartiers, entre régions.
Dautre part, le découpage du cursus, les mesures de redoublement, lorganisation de lappui pédagogique, le rôle de léducation spécialisée et bien sûr la structure des filières et la nature des paliers de la sélection sont autant de façons de traiter les différences.
Genèse des différences et explication de léchec
Jai insisté jusquici sur la façon dont le système scolaire fait face aux différences et aux inégalités, quelles naissent des conditions de vie et de développement hors de lécole ou quelles résultent de la scolarité antérieure. Il reste bien entendu légitime et nécessaire dexpliquer la genèse des inégalités et des différences de développement intellectuel, de personnalité, de capital culturel et linguistique, etc. Cest le rôle de la psychologie différentielle aussi bien que dune sociologie des modes et procès de socialisation et de leurs variations selon les familles, les classes sociales, les sociétés. Toutes les différences imputables à la diversité des milieux de vie et déducation ne pèsent pas de la même manière dans la réussite ou léchec scolaire. Mais leurs effets ne peuvent plus aujourdhui sanalyser seulement en termes daptitudes générales à apprendre. Certaines différences ne sont pertinentes quen fonction dune organisation particulière de lécole, dune didactique, dun mode de prise en compte de la diversité des élèves. Lécole ne crée pas cette diversité, mais elle fabrique à partir delle des inégalités variables, qualitativement et quantitativement.
Les fonctionnements mis en évidence contribuent à la fabrication de léchec scolaire. Mais derrière ces fonctionnements se profile bien sûr une politique de léducation, et donc aussi un état des rapports de force et du débat dans la société sur lexigence dégalité, la démocratisation des études, la responsabilité du système dans la reproduction des inégalités économiques et sociales par le système denseignement.
Lévaluation, la construction du curriculum, le traitement des différences ne sont pas des caractéristiques indépendantes. Elles participent dune logique densemble du système scolaire et dune politique de léducation. Les processus de fabrication sont donc eux-mêmes issus dune " fabrication " sociétale. Le débat sur la reproduction (Bourdieu & Passeron, 1970 ; Baudelot & Establet, 1981) reste dactualité, même si lon a pris aujourdhui quelques distances avec les thèses simplificatrices. Lécole nest pas un simple " appareil idéologique dÉtat ", la reproduction nest pas organisée de bout en bout pas la classe dominante. Il nest pas facile de savoir qui maîtrise lécole (Perrenoud & Montandon, 1988), tant sont nombreuses et souvent ambivalentes les forces en présence ; il est sûr quaucun des dispositifs dont lanalyse a été esquissée ici néchappe complètement au contrôle des forces politiques. Mais ce contrôle sexerce dans des sens variables selon les conjonctures politiques et les rapports de force. Léchec scolaire résulte parfois dune volonté politique explicite, qui se traduit par une sélection précoce, une évaluation féroce, un curriculum élitaire, une organisation scolaire défavorable à toute différenciation de lenseignement. Dans dautres systèmes politiques, ces divers éléments sont infléchis délibérément dans le sens dune lutte contre léchec scolaire : pédagogies de soutien, mesures de démocratisation, allégement des programmes, sélection retardée, zones déducation prioritaires, etc. Souvent, diverses forces politiques et pédagogiques se neutralisent, aboutissant à une situation plus complexe, où lengagement et les efforts de démocratisation des uns coexistent avec le fatalisme et lélitisme des autres.
On ne peut faire de léchec scolaire et des inégalités la conséquence automatique de la structure de classe de la société globale. Les politiques de léducation, les curricula, les didactiques, lévaluation ne sont pas de simples instruments au service dune volonté de reproduction. La part dautonomie du système scolaire ne consiste pas seulement à inventer les modalités légitimes dune sélection jouée davance. Il serait évidemment absurde de nier le poids des déterminismes de classe, tant macrosociaux que microsociaux, sur la genèse et la reproduction des inégalités culturelles. Il serait tout aussi excessif de nier la part du désordre, du pluralisme et de léquilibre des forces au plan sociétal, celle des logiques daction des élèves, des familles, des maîtres et des établissements au jour le jour.
Bain, D. (1985) Un point de vue de psychologue devant les interprétations sociologique de léchec scolaire, in Plaisance, E. (dir.) : " Léchec scolaire " : Nouveaux débats, nouvelles approches sociologiques, Paris, Ed. du CNRS, p. 165-177.
Barbier, J.-M. (1985) Lévaluation en formation, Paris, PUF.
Baudelot, Ch. & Establet, R. (1971) Lécole capitaliste en France, Paris, Maspéro.
Bernstein, B. (1975) Langages et classes sociales. Codes socio-linguistiques et contrôle social, Paris, Ed. de Minuit.
Bernstein, B. (1975) Classe et pédagogies : visibles et invisibles, Paris, OCDE.
Bourdieu, P. (1966) Linégalité sociale devant lécole et devant la culture, in Revue française de sociologie, n° 3, pp. 325-347.
Bourdieu, P. (1979) La distinction. Critique sociale du jugement, Paris, Ed. de Minuit.
Bourdieu, P. (1980) Le sens pratique, Paris, Ed. de Minuit.
Bourdieu, P. & De Saint-Martin, M. (1970) Lexcellence scolaire et les valeurs du système denseignement français, in Annales, n° 1, pp. 147-175.
Bourdieu, P. & De Saint-Martin, M. (1975) Les catégories de lentendement professoral, in Actes de la recherche en sciences sociales, n° 3, pp. 68-93.
Bourdieu, P. & Passeron, J.-C. (1967-1968) Lexamen dune illusion, in Revue française de sociologie, N° spécial " Sociologie de léducation ", pp. 227-253.
Bourdieu, P. & Passeron, J.-C. (1964) Les héritiers. Les étudiants et la culture, Paris, Ed. de Minuit.
Bourdieu P. & Passeron, J.-C. (1970) La reproduction. Éléments pour une théorie du système denseignement, Paris, Ed. de Minuit.
Cardinet, J. (1976) Linégalité devant lexamen, in Études pédagogiques.
Cherkaoui, M. (1979) Les paradoxes de la réussite scolaire, Paris, PUF.
Chevallard, Y. (1986) Vers une analyse didactique des faits dévaluation, in De Ketele, J.M. : Lévaluation : approche descriptive ou prescriptive ?, Bruxelles, De Boeck, pp. 31-59.
CRESAS (1978) Le handicap socio-culturel en question, Paris, Ed. ESF.
CRESAS (1981) Léchec scolaire nest pas une fatalité, Paris, Ed. ESF.
Favre, B. & Perrenoud, Ph. (1985) Organisation du curriculum et différenciation de lenseignement, in Plaisance, E. (dir.) : " Léchec scolaire " : Nouveaux débats, nouvelles approches sociologiques, Paris, Ed. du CNRS, pp. 55-73.
Forquin, J.-C. (1979) La sociologie des inégalités déducation : principales orientations, principaux résultats depuis 1965, in Revue française de pédagogie, I., n° 48, pp. 90-100, II., n° 49, pp. 87-99.
Forquin, J.-C. (1980) La sociologie des inégalités déducation : principales orientations, principaux résultats depuis 1965, in Revue française de pédagogie, III., n° 51, pp. 77-92.
Forquin, J.-C. (1982) Lapproche sociologique de la réussite et de léchec scolaires : inégalités de réussite scolaire et appartenance sociale, in Revue française de pédagogie, I, n° 59, pp. 52-750, II. 1982, n° 60, pp. 51-70.
Grisay, A. (1982) Rendement en français, notes et échecs à lécole primaire : les mirages de lévaluation scolaire, Liège, Laboratoire de pédagogie expérimentale de lUniversité de Liège.
Grisay, A. (1987) La pédagogie de maîtrise face aux rationalités inégalitaires des systèmes denseignement, in Huberman, M. (dir.) : Maîtriser les processus dapprentissage. Fondements et perspectives de la pédagogie de maîtrise, Paris, Delachaux & Niestlé, 1987, pp. 235-265.
Groupe français déducation nouvelle (1974) Léchec scolaire. " Doué ou non doué ? ", Paris, Ed. Sociales.
Haramein, A., Hutmacher, W. & Perrenoud, Ph. (1979) Vers une action pédagogique égalitaire : pluralisme des contenus et différenciation des interventions, in Revue des sciences de léducation (Montréal), n° 2, pp. 227-270
Isambert-Jamati, V. (1985) Quelques rappels de lémergence de léchec scolaire comme " problème social " dans les milieux pédagogiques français, in Plaisance, E. (dir.) : " Léchec scolaire " : Nouveaux débats, nouvelles approches sociologiques, Paris, Ed. du CNRS, pp. 155-163.
Léger, A. & Tripier, M. (1986) Fuir ou construire lécole populaire ?, Paris, Klinsieck.
Perrenoud, Ph. (1970) Stratification socio-culturelle et réussite scolaire. Les défaillances de lexplication causale, Genève, Droz.
Perrenoud, Ph. (1979) Des différences culturelles aux inégalités scolaires : lévaluation et la norme dans un enseignement indifférencié, in Allal, L., Cardinet J., Perrenoud, Ph. (dir.) : Lévaluation formative dans un enseignement différencié, Berne, Lang, 1979, pp. 20-55 (6e éd. 1991).
Perrenoud, Ph. (1982) Lévaluation est-elle créatrice des inégalités de réussite scolaire ?, Genève, Service de la recherche sociologique, Cahier n° 17.
Perrenoud, Ph. (1982) Linégalité quotidienne devant le système denseignement. Laction pédagogique et la différence, Revue européenne des sciences sociales, n° 63, pp. 87-142 (repris dans Perrenoud, Ph., La pédagogie à lécole des différences, Paris, ESF, 1995, 2e éd. 1996, chapitre 2, pp. 59-105).
Perrenoud, Ph. (1984) La fabrication de lexcellence scolaire : du curriculum aux pratiques dévaluation, Genève et Paris, Droz (2e éd. augmentée 1995).
Perrenoud, Ph. (1985) La place dune sociologie de lévaluation dans lexplication de léchec scolaire et des inégalités devant lécole, Revue européenne des sciences sociales, n° 70, pp. 165-186.
Perrenoud, Ph. (1986) De quoi la réussite scolaire est-elle faite ?, Education & Recherche, n° 1, pp. 133-160.
Perrenoud, Ph. (1987) Anatomie de lexcellence scolaire, Autrement, janvier, pp. 95-100.
Perrenoud, Ph. (1988) Échec scolaire : recherche-action et sociologie de lintervention dans un établissement, Revue suisse de sociologie, n° 3, pp. 471-493.
Perrenoud, Ph. (1989) La triple fabrication de léchec scolaire, Psychologie française, n° 34-4, pp. 237-245.
Perrenoud, Ph. (1991) Le soutien pédagogique, une réponse à léchec scolaire ?, Genève, Faculté de psychologie et des sciences de léducation.
Perrenoud, Ph. (1991) Diversifier le curriculum et les formes dexcellence à lécole primaire, une stratégie de démocratisation ?, Genève, Faculté de psychologie et des sciences de léducation.
Perrenoud, Ph. (1992) Différenciation de lenseignement : résistances, deuils et paradoxes, Cahiers pédagogiques, n° 306, pp. 49-55 (repris dans Perrenoud, Ph., La pédagogie à lécole des différences, Paris, ESF, 1995, 2e éd. 1996, chapitre 4, pp. 119-128).
Perrenoud, Ph. (1991) Du soutien pédagogique à une vraie différenciation de lenseignement : évolution ou rupture ?, Genève, Faculté de psychologie et des sciences de léducation.
Perrenoud, Ph. (1991) Pour une approche pragmatique de lévaluation formative, Mesure et évaluation en éducation, vol. 13, n° 4, pp. 49-81 (repris dans Perrenoud, Ph., Lévaluation des élèves. De la fabrication de lexcellence à la régulation des apprentissages, Bruxelles, De Boeck, 1998, chapitre 7, pp. 119-145).
Perrenoud, Ph. (1991) Ambiguïtés et paradoxes de la communication en classe. Toute interaction ne contribue pas à la régulation des apprentissages, in Weiss, J. (dir.) Lévaluation : problème de communication, Cousset, DelVal-IRDP, pp. 9-33 (repris dans Perrenoud, Ph., Lévaluation des élèves. De la fabrication de lexcellence à la régulation des apprentissages, Bruxelles, De Boeck, 1998, chapitre 8, pp. 147-167).
Perrenoud, Ph. et Montandon, Cl. Ph. (dir.) (1988) Qui maîtrise lécole ? Politiques des institutions et pratiques des acteurs, Lausanne, Réalités sociales.
Plaisance, E. (dir.) (1985) " Léchec scolaire " : Nouveaux débats, nouvelles approches sociologiques, Paris, Ed. du CNRS.
Pourtois, J.-P. (1977) Le niveau dexpectation de lexaminateur est-il influencé par lappartenance sociale de lenfant ?, Mons, Université.
Sirota, R. (1988) Lécole primaire au quotidien, Paris, PUF.
Vial, M., Plaisance, E. et Beauvais, J. (1970) Les mauvais élèves, Paris, PUF.
Young, M. (dir.) (1971) Knowledge and Control, London, Collier & MacMillan.
Differences of any kind between pupils, taken alone, dont explain school underachievement. The making of failure depends on a threefold process.
1. Without assessment, no failure : in setting norms of excellence and level of achievement for each age and each part of the syllabus, school reveals or conceals somes inequalities rather than other, minimizes or dramatizes specific differences.
2. Behind assessment, the syllabus : teaching specific contents, overloading the syllabus, requiring specific learning at a given age, make school failure more or less frequent and influences social inequalities in schooling.
3. Inequalities of learning depend on the quality of teaching and on the organization of schooling : pupils attend schools from four to sixteen years or more ; if, during this period, school is insensitive to personal et cultural differences among children, it cant do anything but transform these differences in inequalities of development and learning
The contribution of sociology of education to the explanation of school failure and inequalities is a tentative answer to the question : how does the educational system cope with differences ?
Les différences de tous genres entre élèves, prises isolément, nexpliquent pas linsuccès scolaire. La fabrication de léchec passe par un triple processus.
1. Pas déchec sans évaluation : en choisissant ses normes dexcellence et ses niveaux dexigence à chaque âge et dans chaque province du curriculum, lécole révèle ou laisse dans lombre certaines inégalités plutôt que dautres, minimise ou dramatise certaines différences particulières.
2. Derrière lévaluation, les programmes : en privilégiant certains contenus, en surchargeant les programmes, en imposant à tous certains apprentissages à un âge donné, lécole rend léchec plus ou moins probable et module linégalité sociale devant lenseignement.
3. La fabrication des inégalités réelles dépend de la qualité de lenseignement et de lorganisation de lécole : les élèves vont à lécole de quatre à seize ans ou davantage ; si, pendant cette période, lécole est indifférente aux différences personnelles et culturelles entre élèves, et ne peut que les transformer en inégalités de développement et de capital culturel.
La contribution de la sociologie de léducation à lexplication des inégalités et de léchec scolaire est une esquisse de réponse à la question : comment le système scolaire fait-il face aux différences ?
http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_1992/1992_09.html
Téléchargement d'une version Word au format RTF :
http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_1992/1992_09.rtf
© Philippe Perrenoud, Université de Genève.
Aucune reprise de ce document sur un site WEB ou dans une publication imprimée ne peut se faire sans laccord écrit de l'auteur et dun éventuel éditeur. Toute reprise doit mentionner la source originale et conserver lintégralité du texte, notamment les références bibliographiques.
Autres textes : http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/textes.html Page d'accueil de Philippe Perrenoud : http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/ Laboratoire de recherche Innovation-Formation-Éducation - LIFE : |