Source et copyright à la fin du texte
Repris dans Perrenoud, Ph.  : Enseigner : agir dans l'urgence, décider dans l'incertitude. Savoirs et compétences dans un métier complexe, Paris, ESF, 1996, chapitre 6.

 

 

 

 

L’ambiguïté des savoirs et du
rapport au savoir dans le métier d’enseignant

Philippe Perrenoud

Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation
Université de Genève
1994

 

Sommaire

I. La professionnalisation, une transformation structurelle du métier

II. Les compétences professionnelles exigent beaucoup plus que des savoirs !

III. Savoirs et schèmes

IV. Savoirs savants et savoirs de sens commun sont tous, à leur manière, des savoirs d’expérience

V. Les savoirs de sens commun cernés par les savoirs savants

VI. La connaissance dans l’action

VII. Ce qui sépare l’enseignement d’une profession à part entière

VIII. Tout, tout de suite ?

Références


Dans un métier entièrement professionnalisé, la capacité des praticiens à résoudre des problèmes complexes se fonde sur des savoirs fortement organisés, largement reconnus et partagés au sein de la profession, et, dans une large mesure, transmissibles aux futurs professionnels, d’abord par l’assimilation de concepts, de théories et de procédures qui ont fait leurs preuves, ensuite au gré d’une démarche active et empirique (expériences de terrain ou de laboratoire, simulation, travaux pratiques, clinique, pratique supervisée). Cette dernière composante reconnaît que les compétences professionnelles ne se limitent pas à la maîtrise de savoirs (fondamentaux ou appliqués, théoriques ou procéduraux), mais mobilisent des savoir-faire et surtout des schèmes de pensée ou d’action dont la codification n’est jamais totale. L’ambiguïté des savoirs et du rapport au savoir n’est pas propre au métier d’enseignant. Les figures emblématiques du professionnel &endash; médecin, architecte, ingénieur, manager, avocat, chercheur, expert &endash; suggèrent qu’il serait absurde de caractériser une profession comme simple mise en œuvre d’une technologie ou d’une science appliquée, elles-mêmes appuyées sur des connaissances théoriques fondamentales. Il reste, au fondement d’une véritable profession, une imposante base de connaissances théoriques et procédurales communes et une explicitation assez forte sinon des schèmes eux-mêmes, du moins des façons sûres de les développer et de les évaluer en formation.

Au regard de ces critères, le métier d’enseignant reste une semi-profession, un métier en voie de professionnalisation. D’où l’ambiguïté des savoirs et savoir-faire des enseignants, et aussi de leur rapport au savoir. Tous les débats sur la formation des maîtres opposent des représentations fort contrastées, allant des idéologies du don (enseigner ne s’enseigne pas, c’est un talent &endash; inné ou acquis &endash; de la personne) aux tentations rationalistes largement prématurées, parlant le langage de l’ingénierie didactique ou de la science de l’enseignement.

Entre ces extrêmes, il y a peut-être place pour une voie médiane plus réaliste, qui tienne compte de l’état historique tant des savoirs que des pratiques. Dans cette perspective, plutôt que de prolonger dans l’esprit des maîtres une juxtaposition sauvage, non construite, de savoirs savants issus des sciences humaines, de savoirs issus de l’expérience professionnelle et de schèmes pratiques, on peut proposer une voie plus féconde : amener chercheurs, formateurs universitaires, formateurs de terrain et étudiants à coopérer dans une entreprise non pas de normalisation ou de rationalisation, mais de théorisation de la pratique, d’articulation et de fécondation mutuelle des savoirs savants et des autres, de reconnaissance et d’explicitation des schèmes de pensée et d’action sous forme de savoirs procéduraux ou de démarches de formation.

Dans un premier temps, pour éviter les plus grossiers malentendus, je définirai la professionnalisation comme une transformation structurelle du métier. Je montrerai pourquoi les compétences professionnelles exigent beaucoup plus que des savoirs. J’introduirai alors plus explicitement la notion de schème et d’habitus, pour revenir ensuite aux savoirs et montrer qu’ils sont tous, à leur façon, des savoirs d’expérience, mais que les savoirs savants cernent peu à peu les savoirs de sens commun et en font des savoirs en sursis.

Ce qui ne devrait nullement détourner de l’analyse des savoirs communs actuellement mobilisés par les pratiques éducatives, ni de la façon dont ils se construisent dans l’action et au gré de l’expérience ou de la socialisation professionnelle. Je terminerai par l’évocation d’une démarche clinique de formation propre à favoriser la connaissance dans et sur l’action, dans la ligne des travaux sur la pratique réflexive.


I. La professionnalisation,
une transformation structurelle du métier

En suivant la sociologie des métiers et des professions, nous considérerons que les professions sont des métiers particuliers, dont Lemosse rappelle les caractéristiques :

  1. l'exercice d'une profession implique une activité intellectuelle qui engage la responsabilité individuelle de celui qui l'exerce ;
  2. c'est une activité savante, et non de nature routinière, mécanique ou répétitive ;
  3. elle est pourtant pratique, puisqu'elle se définit comme l'exercice d'un art plutôt que purement théorique et spéculative ;
  4. sa technique s'apprend au terme d'une longue formation ;
  5. le groupe qui exerce cette activité est régi par une forte organisation et une grande cohésion internes ;
  6. il s'agit d'une activité de nature altruiste au terme de laquelle un service précieux est rendu à la société (Lemosse, 1989, p. 57).

Toute profession est un métier, mais tout métier n’est pas une profession. En schématisant, on peut donc se représenter les professions comme un sous-ensemble des métiers. Qu’est-ce alors que la professionnalisation ? On peut en donner deux définitions complémentaires, l’une statique, l’autre dynamique :

  1. d’un point de vue statique, la professionnalisation d’un métier est le degré auquel il manifeste les caractéristiques d’une profession ;
  2. d’un point de vue dynamique, la professionnalisation d’un métier est le degré d’avancement de sa transformation structurelle dans le sens d’une profession à part entière.

Ces deux définitions ont un point commun : elles postulent qu’il y a continuité entre les métiers les moins et les plus professionnalisés. C’est en ce sens qu’Etzioni (1969) a pu parler du travail social, des soins infirmiers ou de l’enseignement comme de " semi-professions " : elles répondent pleinement à certains des critères et pas du tout à d’autres ; ou elles satisfont moyennement chacun.

Le degré de professionnalisation d’un métier peut être un état stable. Chacun comprend facilement qu’une " semi-profession " ait l’ambition de devenir une profession à part entière, et donc prétende en avoir toutes les caractéristiques dès aujourd’hui. Mais les institutions et la société résistent, la professionnalisation ne se décrète pas unilatéralement, tout simplement parce qu’elle " donne droit " à de considérables privilèges en terme d’autonomie, de pouvoir, de prestige, de revenu. On peut donc parfaitement imaginer qu’un métier s’installe durablement dans la condition de semi-profession, compte tenu d’un état des technologies, des besoins, de la division du travail et des rapports de force entre métiers, entre employeurs et salariés, entre usagers et gens de métier. On peut même envisager des évolutions régressives, des processus de " déprofessionnalisation ", de " prolétarisation ". Il n’est pas sûr que le métier d’enseignant soit définitivement à l’abri d’une telle évolution (Bourdoncle, 1993 b ; Perrenoud, 1993 f). En tout cas, sa professionnalisation est loin d’être achevée et ne progresse qu’à l’échelle des décennies (Perrenoud, 1993 c, 1993 d, 1994).

Il serait vain d’en appeler simplement à un effort individuel de professionnalisation. Chaque maître dispose d’une certaine autonomie et peut s’en servir pour aller dans le sens de la professionnalisation du métier, mais on ne saurait la concevoir comme la simple multiplication d’évolutions personnelles convergentes. Il est question d’une transformation structurelle, qui passe par des dynamiques complexes, impliquant de multiples acteurs collectifs et individuels. Certes, un métier est en partie ce qu’en font ceux qui l’exercent, en fonction d’une image idéale de leur place, de leur rôle et d’eux-mêmes. Certains ont les moyens d’infléchir leur rôle dans un sens qui s’écarte des pratiques courantes et anticipe sur l’avenir du métier. L’évolution progressive des pratiques des enseignants en place peut contribuer à la professionnalisation du métier. Mais cette évolution elle-même est commandée par un statut, une formation, une identité collective. Le métier d’enseignant n’est pas défini seulement par ceux qui le pratiquent, mais aussi par les institutions et les acteurs qui rendent cette pratique possible et légitime : l’État, qui donne des bases légales à l’éducation et souvent un statut au métier et aux diplômes qui en ouvrent l’accès ; les pouvoirs organisateurs &endash; privés ou publics, nationaux, régionaux ou locaux &endash; qui gèrent les écoles, engagent et emploient les enseignants, fixent leur cahier des charges ; les instituts de formation des maîtres, qui définissent et certifient leurs compétences professionnelles ; les sciences humaines, qui donnent du métier une image plus ou moins réaliste ; les directeurs d’établissements et les inspecteurs scolaires, qui conseillent ou contrôlent les maîtres ; les entreprises et administrations, qui demandent aux enseignants et à l’école de former des travailleurs qualifiés ; les communautés locales dans lesquelles l’école s’insère ; les élèves et familles, qui ont à l’égard de l’école et des enseignants de multiples attentes ; l’opinion publique et la classe politique, qui décident en fin de compte de la place des enseignants dans la hiérarchie des métiers.

Chaque maître est par ailleurs dépendant de ses collègues : ceux qu’il côtoie tous les jours sans beaucoup d’échanges professionnels, ceux avec lesquels il travaille éventuellement en équipe ; ceux qui font partie du même établissement ; ou encore ceux qui militent dans les associations qui orientent la profession elle-même, son éthique, ses revendications statutaires et salariales.

Cela ne signifie pas que les enseignants sont dans une situation de pure dépendance : ce sont des acteurs qui peuvent, individuellement ou collectivement, œuvrer aux transformations de leur propre métier. Par ailleurs, l’évolution progressive des représentations et des pratiques individuelles peut préparer des transformations structurelles : plus les enseignants décident d’investir dans la formation continue, la pratique réflexive (Schön, 1983, 1987), le travail en équipe, la coopération dans le cadre d’un projet d’établissement, l’innovation, la recherche de solutions originales, le partenariat avec les usagers, plus ils rendent possible une redéfinition progressive du métier dans le sens d’une plus grande professionnalisation. Mais on a tort de parler de " professionnalisation des enseignants ". Ce raccourci est porteur de confusions, car il laisse entendre que la professionnalisation est une aventure personnelle et qu’il suffit pour la favoriser de multiplier les formations continues ou les projets d’établissements.

L’analyse des savoirs professionnels le montrera : la professionnalisation du métier ne se limite pas à un élargissement des connaissances et des savoir-faire des enseignants en fonction. Elle passe par une redéfinition assez radicale de la nature des compétences qui sont au fondement d’une pratique pédagogique efficace.


II. Les compétences professionnelles exigent
beaucoup plus que des savoirs !

Le débat fait rage quant à la nature des savoirs professionnels : savoirs savants, appris dans les Universités ou les hautes écoles ? Ou savoirs construits au gré de l’expérience ? Il importe de mieux comprendre l’articulation de divers types de savoirs dans une pratique professionnelle, et il n’est pas inutile de proposer des classifications des savoirs. Mais auparavant, arrêtons-nous à l’essentiel : cerner la place des savoirs, quels qu’ils soient, dans l’ensemble des compétences d’un professionnel. Je résiste en effet résolument à la tentative d’étendre la notion de savoir de sorte à couvrir toutes les ressources cognitives que mobilise un praticien. Cet impérialisme des savoirs s’explique sans doute par le fait que les Universités prennent une part croissante à la formation des professionnels. Or, la gent académique se sent plus à l’aise dans le monde des savoirs. La référence aux compétences la rapproche dangereusement des écoles de métiers. En appelant savoirs ou connaissances toutes les ressources cognitives d’un praticien, on réalise un tour de force : former des professionnels sans cesser, apparemment, de transmettre des savoirs, donc sans mettre en danger l’identité principale de l’Université.

Contre cette tentation, je crois au contraire qu’il est temps d’affronter le problème des compétences, qui englobent les savoirs, mais ne s’y enferment pas ! Au contraire des connaissances, qui sont des représentations organisées de la réalité ou de la façon de la transformer, les compétences sont des capacités d’action. Manifester des compétences professionnelles, c’est, de façon générale, face à une situation complexe, être capable :

  1. d’identifier les obstacles à surmonter ou les problèmes à résoudre pour réaliser un projet ou satisfaire un besoin ;
  2. d’envisager diverses stratégies réalistes (du point de vue du temps, des ressources, des informations disponibles) ;
  3. de choisir la moins mauvaise stratégie, en pesant les chances et les risques.
  4. de planifier et de mettre en œuvre la stratégie adoptée, au besoin en mobilisant d’autres acteurs et en procédant par étapes ;
  5. de piloter cette mise en œuvre au gré des événements, en affinant ou modulant la stratégie prévue ;
  6. au besoin, de réévaluer la situation et de changer radicalement de stratégie ;
  7. de respecter, tout au long du processus, certains principes de droit ou d’éthique dont l’application n’est jamais simple (équité, respect des libertés, de la sphère intime, etc.) ;
  8. de maîtriser ses émotions, ses humeurs, ses valeurs, ses sympathies ou ses inimitiés, chaque fois qu’elles interfèrent avec l’efficacité ou l’éthique ;
  9. de coopérer avec d’autres professionnels chaque fois que c’est nécessaire, ou simplement plus efficace ou équitable ;
  10. en cours ou à l’issue de l’action, de tirer certains enseignements pour une autre fois, de documenter les opérations et les décisions pour en conserver des traces utilisables à des fins soit de justification, soit de partage, soit de réemploi.

Toute action finalisée, tout métier, mobilisent certaines compétences du même ordre. Le professionnel est simplement confronté à des problèmes tels qu’il ne saurait s’en tenir à des routines, puiser toutes les solutions dans un répertoire établi par d’autres. Dans une profession, la complexité, la diversité, la mobilité des situations et des décisions qu’elles appellent excluent une séparation poussée entre conception et exécution de l’action. Le professionnel est à tour de rôles, concepteur-analyste et exécutant-opérateur, parce qu’une division du travail compromettrait la rapidité, la cohérence, la qualité, la rigueur éthique ou l’efficacité de sa tâche. Cela n’empêche évidemment pas la délégation de travaux de préparation, de documentation, de mise en forme, de surveillance, d’assistance ou de suivi à divers collaborateurs moins qualifiés.

Une telle conceptualisation de l’action d’un professionnel pêche bien sûr par excès de rationalisme et de simplisme. Les diverses phases ne sont pas toujours distinctes, ni les opérations explicites. Souvent, la décision est prise dans l’urgence, le stress, l’incertitude, parfois dans des conditions de fatigue ou d’angoisse qui empêchent de raisonner tranquillement et sûrement. Face à l’abondance des tâches, aux conséquences des erreurs possibles, le chirurgien, le manager, le thérapeute ou le juge ne sont pas toujours en mesure de suivre les règles de l’art et de peser longuement le pour et le contre. Les fonctionnements effectifs sont influencés par les passions, les émotions, les partis pris, mais aussi englués dans des routines et prisonniers de normes dont la raison d’être s’est parfois diluée au fil du temps. La professionnalisation se définit par sa rationalité globale plutôt que par la conformité de chaque geste à un modèle. Elle se fonde sur une évidence : une action intuitive, improvisée, hétérodoxe du point de vue des standards de la profession, peut être plus efficace qu’une action raisonnable et conforme aux " règles de l’art ". Du professionnel, on accepte la part d’irrationalité inhérente à toute action humaine complexe, on l’exige chaque fois qu’il y a conflit entre l’efficacité et le respect des procédures établies. Le professionnel doit savoir jouer avec les règles, au besoin les enfreindre ou les redéfinir, y compris les règles techniques et les certitudes théoriques. En ce sens, on lui demande un rapport aux savoirs théoriques qui ne soit pas révérencieux et dépendant, mais au contraire critique, pragmatique, voire opportuniste.

On sait qu’un ordinateur peut vaincre d’excellents joueurs d’échecs parce qu’il est capable de mémoriser un nombre impressionnant de stratégies classiques observées dans d’autres parties ou de calculer des stratégies efficaces à partir d’algorithmes inspirés par les façons de raisonner de grands joueurs ; sa puissance de traitement lui permet de confronter de multiples stratégies recensées à la situation présente du jeu, d’identifier les plus pertinentes, de calculer les risques et les avantages de chacune et de retenir la plus adéquate. Pour vaincre des joueurs de très haut niveau, il faut cependant davantage : parvenir à programmer l’ordinateur pour qu’il simule l’intuition, l’insight ou les raccourcis fulgurants qui permettent aux champions de trouver une stratégie gagnante sans inventorier et comparer toutes les stratégies possibles. Autrement dit des fonctionnements heuristiques lorsque la logique et le calcul sont trop lents et ne peuvent venir à bout de la masse des données et des possibilités, et des fonctionnements créatifs lorsque la situation est inédite.

De tels fonctionnements supposent des compétences qui débordent largement ce qu’on peut appeler des savoirs, même au sens le plus large, qu’ils soient savants ou de sens commun, déclaratifs ou procéduraux, individuels ou partagés, explicatifs ou normatifs. Pas plus qu’on ne peut concevoir le professionnel comme simple praticien suivant une routine, sans trop penser à ce qu’il fait, on ne peut l’imaginer comme simple détenteur de savoirs qu’il lui suffirait de mettre en œuvre dans l’action. Ou plutôt : on ne peut faire comme si cette mise en œuvre allait de soi, alors qu’elle est éminemment problématique et exige, justement, d’autres ressources. Sans cette capacité de mobilisation et d’actualisation des savoirs, il n’y a pas de compétences, mais seulement des connaissances.

En intelligence artificielle, lorsqu’on développe un système expert, on combine deux composantes : d’une part une base de connaissances &endash; factuelles, théoriques, procédurales &endash;, d’autre part un " moteur d’inférence ", autrement dit un ensemble de schèmes capables d’identifier les connaissances pertinentes pour faire face à une situation concrète et de les utiliser. Ces schèmes sont au coeur des compétences professionnelles de l’expert ou du professionnel ; sans eux, ses connaissances, aussi fondées et étendues soient-elles, ne sont bonnes qu’à passer des examens qui ne testent que l’érudition !

Ce sont en partie d’autres savoirs &endash; méthodologiques ou procéduraux &endash; qui permettent de mobiliser des savoirs théoriques ou des informations factuelles. Mais en dernière instance, pour mettre en œuvre méthodes et procédures, on recourt à des ressources cognitives qui ne sont pas des savoirs, ni même des métaconnaissances, mais des schèmes de pensée, autrement dit des schèmes de raisonnement, d’interprétation, de création d’hypothèses, d’évaluation, d’anticipation, de décision. Ces schèmes permettent d’identifier les savoirs pertinents, de les trier, combiner, interpréter, extrapoler, différencier pour faire face à une situation singulière.


III. Savoirs et schèmes

Certains tentent de se passer de la notion de schèmes en prêtant aux praticiens des connaissances procédurales (appelées encore techniques, méthodologiques, pratiques ou stratégiques ; cf. Van der Maren, 1993). La distinction entre connaissances ou savoirs déclaratifs et connaissances ou savoirs procéduraux est utile, mais n’en surestimons pas la portée : les premiers décrivent ou expliquent des phénomènes naturels ou psychosociaux du point de vue d’un observateur non engagé, qui veut seulement répondre à la question Comment ça marche ? Les connaissances procédurales répondent à une autre interrogation : Comment faire pour… ? et proposent donc une marche à suivre à un acteur poursuivant un but. Dans la forme de l’énoncé, une connaissance procédurale adopte un point de vue explicitement pragmatique. Mais dans sa substance, elle ne fait que reformuler, au profit d’un sujet auquel on prête un projet d’action, des connaissances déclaratives portant sur la causalité. Le physicien explique qu’au niveau de la mer, l’eau portée à 100° Celsius se transforme en vapeur : connaissance déclarative. Au praticien on dira que pour porter de l’eau à ébullition, il faut la chauffer à 100° Celsius : connaissance procédurale… Certes, des nuances s’imposent : certaines connaissances déclaratives ne donnent lieu à aucune traduction procédurale, du moins dans l’immédiat. Savoir que la Terre tourne autour du Soleil n’a conduit que plusieurs siècles plus tard à des techniques astronautiques. Par ailleurs, nombre de connaissances procédurales ne reposent pas explicitement sur des connaissances déclaratives. Elle y figurent en creux et sans qu’il y ait toujours claire compréhension des mécanismes à l’œuvre. En expliquant comment faire pousser du gazon, prendre une mayonnaise, démarrer une voiture ou calmer un enfant, on suppose des régularités causales sans être en mesure ou sans éprouver le besoin de les formuler sous forme d’une théorie falsifiable. Il n’y a donc pas stricte correspondance terme à terme, dans une communauté et à une époque donnée, entre les processus faisant l’objet de connaissances déclaratives et les manières de faire codifiées sous forme de connaissances procédurales. Ce qui est cohérent : la posture pragmatique conduit à vouloir maîtriser des causalités multiples et hétérogènes sans attendre qu’une théorie savante explicite chacune d’elles ou sans avoir intérêt à comprendre en détail " pourquoi ça marche ".

Les connaissances procédurales, aussi orientées soient-elles vers l’action, ne sont que des représentations ; elles n’ont d’influence sur l’action que mises en œuvre par un sujet capable de les coordonner, de les différencier, de les adapter, de les interpréter, de les appliquer à une situation singulière, au bon moment et de façon pertinente. Comme le rappelle Bourdieu :

Toute tentative pour fonder une pratique sur l’obéissance à une règle explicitement formulée, que ce soit dans le domaine de l’art, de la morale, de la politique, de la médecine ou même de la science (que l’on pense aux règles de la méthode), se heurte à la question des règles définissant la manière et le moment opportun &endash; kairos, comme disaient les Sophistes &endash; d’appliquer les règles ou, comme on dit si bien, de mettre en pratique un répertoire de recettes ou de techniques, bref de l’art de l’exécution par où se réintroduit inévitablement l’habitus (Bourdieu, 1972, pp. 199-200).

Certes, ces dernières opérations peuvent être elles aussi progressivement codifiées sous forme de connaissances procédurales. Mais on ne fait que déplacer la limite et donc le problème : pour tirer parti des connaissances du moment, on fait toujours appel à autre chose, des schèmes opératoires ou plus globalement des schèmes de perception, d’évaluation, de décision ou d’action qui ne sont pas assimilables à des connaissances procédurales, tout simplement parce que ce ne sont pas des représentations, qu’ils existent à l’état pratique !

Le schème comme grammaire génératrice

On pourrait en parler comme de " savoir-faire ", définis précisément comme capacités de mobiliser des savoirs en situation. Mais le terme est ambigu, car on l’utilise souvent comme équivalent de connaissance procédurale, autrement dit comme un " savoir comment faire ", un " savoir sur le faire ", sur la bonne façon de faire. Pour éviter toute ambiguïté, je parlerai ici d’habitus, à la manière de Bourdieu, ou de schèmes, à la manière de Piaget. Ces expressions sont plus abstraites et véhiculent donc moins d’images toutes faites. Elles présentent surtout l’avantage de lever la confusion : un schème de pensée n’est pas un savoir sur la manière de faire, ce n’est pas une représentation. On peut certes, dans la mesure où l’être humain est capable de théoriser ses propres opérations mentales, se représenter un schème de pensée, essayer de décrire, voire de prescrire, une manière de raisonner, d’inférer, d’imaginer, d’anticiper. On peut donc élaborer des schémas qui prétendent codifier les schèmes et peuvent contribuer à les conserver, les faire évoluer, les transmettre. Les savoirs procéduraux s’alimentent d’ailleurs aussi à cette seconde source : au côté de la transposition pragmatique de savoirs déclaratifs, qu’ils soient savants ou de sens commun, il y a la prise de conscience et la codification de schèmes de perception, de pensée ou d’action existant à l’état pratique, à l’insu, du moins à l’origine, de celui qui les fait fonctionner. Ainsi, la construction d’un système expert, en intelligence artificielle, ne se limite-t-elle pas à dériver des connaissances théoriques disponibles certaines règles d’action ; elle cherche, à travers entretiens et observations directes, à reconstituer les schèmes que mettent en œuvre des experts confirmés, par exemple dans le domaine du diagnostic radiologique, de la prospection pétrolière ou des phénomènes monétaires.

Que certains schèmes soient peu à peu codifiés sous forme de connaissances procédurales et deviennent transmissibles, au moins en partie, par voie discursive, ne change rien à leur nature : les schèmes, en tant que tels, ne sont pas d’ordre représentatif ou figuratif, ils fonctionnent et se conservent à l’état pratique, en reliant des situations analogues :

Les actions, en effet, ne se succèdent pas au hasard, mais se répètent et s’appliquent de façon semblable aux situations comparables. Plus précisément, elles se reproduisent telles quelles si, aux mêmes intérêts, correspondent des situations analogues, mais se différencient ou se combinent de façon nouvelle si les besoins ou les situations changent. Nous appellerons schèmes d’action ce qui, dans une action, est ainsi transposable, généralisable ou différenciable d’une situation à la suivante, autrement dit ce qu’il y a de commun aux diverses répétitions ou applications de la même action.

Par exemple, nous parlerons d’un " schème " de réunion pour des conduites comme celle d’un bébé qui entasse des plots, d’un enfant plus âgé qui assemble des objets en cherchant à les classer et nous retrouverons ce schème en des formes innombrables jusqu’en des opérations logiques telles que la réunion de deux classes (les " pères " plus les " mères " = tous les " parents ", etc.). De même on reconnaîtra les schèmes d’ordre dans les conduites les plus disparates, comme d’utiliser certains moyens " avant " d’atteindre le but, de ranger des plots par ordre de grandeur, de construire une série mathématique, etc. D’autres schèmes d’action sont beaucoup moins généraux et n’aboutissent pas à des opérations intériorisées aussi abstraites : par exemple les schèmes de balancer un objet suspendu, de tirer un véhicule, de viser un objectif, etc. (Piaget, 1973, pp. 23-24).

Vergnaud exprime la même idée de façon plus dense :

Appelons " schème " l’organisation invariante de la conduite pour une classe de situations donnée. C’est dans les schèmes qu’il faut rechercher les connaissances-en-acte du sujet, c’est à dire les éléments cognitifs qui permettent à l’action du sujet d’être opératoire (Vergnaud, 1990, p. 136).

Le schème est donc la structure de l’action &endash; mentale ou matérielle, l’invariant, le canevas qui se conserve d’une situation singulière à une autre, et s’investit, avec plus ou moins d’ajustements, dans des situations analogues. Vergnaud éclaire le fonctionnement des schèmes en distinguant deux classes de situations :

1. des classes de situations pour lesquelles le sujet dispose dans son répertoire, à un moment donné de son développement et sous certaines circonstances, des compétences nécessaires au traitement immédiat de la situation ;

2. des classes de situations pour lesquelles le sujet ne dispose pas de toutes les compétences nécessaires, ce qui l’oblige à un temps de réflexion et d’exploration, à des hésitations, à des tentatives avortées, et le conduit éventuellement à la réussite, éventuellement à l’échec.

Le concept de " schème " est intéressant pour l’une et l’autre classe de situations, mais il ne fonctionne pas de la même manière dans les deux cas. Dans le premier cas, on va observer pour une même classe de situations, des conduites largement automatisées, organisées par un schème unique ; dans le second cas, on va observer l’amorçage successif de plusieurs schèmes, qui peuvent entrer en compétition et qui, pour aboutir à la solution recherchée, doivent être accommodés, décombinés et recombinés ; ce processus s’accompagne nécessairement de découvertes (Vergnaud, 1990, p. 136).

Plus on s’approche d’une profession à part entière, plus s’accroît la part des situations de deuxième type. Le professionnel accepte de ne pas savoir immédiatement faire face à toutes les situations, donc de réfléchir et de chercher. On voit bien que réflexion et recherche font à leur tour appel non seulement à des connaissances, mais à des schèmes opératoires de plus haut niveau, ceux qui permettent de contrôler l’accommodation, la différenciation, la coordination aussi bien des schèmes d’action que des représentations disponibles.

La notion d’habitus

La notion d’habitus est souvent associée à la théorie de la reproduction (Bourdieu et Passeron, 1970). Reprise de Saint Thomas (Héran, 1987), elle peut être dissociée de toute théorie particulière des structures sociales (Perrenoud, 1976). Dans cet esprit, l’habitus est simplement l’ensemble des schèmes dont dispose un acteur. Bourdieu en parle comme d’un " petit lot de schèmes permettant d’engendrer une infinité de pratiques adaptées à des situations toujours renouvelées, sans jamais se constituer en principes explicites " (Bourdieu, 1972, p. 209), ou encore comme d’un " système de dispositions durables et transposables qui, intégrant toutes les expériences passées, fonctionne à chaque moment comme une matrice de perceptions, d’appréciations et d’actions, et rend possible l’accomplissement de tâches infiniment différenciées, grâce aux transferts analogiques de schèmes permettant de résoudre les problèmes de même forme " (Bourdieu, 1972 p. 178-179).

Le concept d’habitus présente simplement l’avantage de désigner l’ensemble des schèmes dont dispose un sujet à un moment donné de sa vie et donc de poser le problème de la cohérence systémique de cet ensemble aussi bien que la question des dynamiques globales qui affectent ses transformations. Alors que la psychologie cognitive s’intéresse souvent de façon pointue à la genèse, à la structure et à la mise en œuvre de schèmes particuliers, l’approche anthropologique met l’accent sur l’ensemble des schèmes dont dispose un acteur pour faire face aux situations de la vie.

Les deux démarches convergent pour affirmer que les ressources cognitives d’un sujet ou d’un acteur ne se limitent pas à ce qu’on appelle généralement des savoirs ou des connaissances, aussi procéduraux ou pratiques soient-ils, mais qu’il faut faire une part décisive à d’autres outils cognitifs, qui ne sont pas de l’ordre des représentations, mais des opérations. On pourrait certes, au risque d’accroître encore la confusion, tenter d’élargir la notion de savoir ou de connaissance de sorte à englober l’habitus et l’ensemble des schèmes opératoires. Il semble plus sage de penser les compétences, donc l’exercice des métiers et des professions, comme la mobilisation de ressources cognitives d’ordres différents : d’une part des savoirs, d’autre part un habitus. Ce qui ne dispense pas, bien au contraire, de penser l’unité et la diversité des savoirs. Mais ce qui oblige à ne pas concevoir la professionnalisation essentiellement en termes de savoirs professionnels. Entre un métier et une profession, les différences ne tiennent pas seulement aux savoirs en jeu ; elles tiennent aussi à la façon dont l’habitus permet de mobiliser des savoirs en situation.

En résumé : dans l’espèce humaine, les schèmes de haut niveau sont appris, au sens où ils se développent au gré de la formation puis de la pratique du professionnel. Mais on ne saurait, sans abus de langage, les considérer comme des savoirs, sauf à assimiler toute ressource intellectuelle à un savoir. L’insistance sur les savoirs professionnels risque de masquer l’essentiel : la nature et l’importance des schèmes qui les rendent utilisables en situation concrète. Tentons d’approfondir un peu l’articulation des uns et des autres, et notamment de montrer que la référence à des savoirs procéduraux, artisans, techniques, stratégiques ou encore à des savoirs construits au gré de l’expérience, ne dispense absolument pas de construire une théorie de l’habitus comme système de schèmes permettant au professionnel de mobiliser ses connaissances et d’autres informations en situation.

On peut imaginer qu’un individu intelligent sache autant de biologie, d’anatomie, de physiologie et de pathologie qu’un médecin sans être pour autant capable de poser un diagnostic ou une indication thérapeutique un peu sophistiquée. Même en s’appropriant les savoirs procéduraux disponibles, il ne serait pas capable de traiter des patients aussi vite et sûrement qu’un praticien rompu à la clinique. Précisément parce que cette clinique a développé des schèmes de pensée, de décision et d’action permettant d’orchestrer en temps réel l’ensemble des informations (sur l’état du patient, les moyens disponibles, les échéances), des savoirs théoriques et des savoirs procéduraux pertinents. Sans doute, s’il était confronté régulièrement à des patients sans autre recours que les savoirs théoriques et procéduraux trouvés dans des livres, notre érudit inefficace deviendrait-il, peu à peu, un praticien efficace. Tout simplement parce qu’il aurait construit, par un cheminement personnel et sans doute plus lent et laborieux, des schèmes de pensée et de décision proches de ceux que la formation clinique des médecins leur donne avec plus ou moins de bonheur.


IV. Savoirs savants et savoirs de sens commun
sont tous, à leur manière, des savoirs d’expérience

Les typologies et les terminologies prolifèrent, mais, comme le note Raymond (1993), ne nous aident guère à saisir la nature même des savoirs. Avant de les distinguer en fonction de leur source, de leur statut, de leur légitimité, de leur degré de partage, de leur mode de validation, de leur caractère privé ou public, de leur mode de codification, de leur degré d’explicitation, de leur efficacité, ou de tout autre critère, mieux vaudrait répondre à une question simple : qu’est-ce qu’un savoir ? Un ensemble de connaissances acquises par l’apprentissage ou l’expérience, nous dit le dictionnaire, qui précise qu’une connaissance est une idée exacte d’une réalité, de sa situation, de son sens, de ses caractères, de son fonctionnement (Hachette de la Langue française). Dans l’usage, savoir et connaissance sont souvent interchangeables. On peut certes tenter de définir un savoir comme un ensemble de connaissances présentant une certaine unité en vertu de leurs sources ou de leur objet. Mais l’essentiel, pour notre propos, c’est que savoirs ou connaissances sont des représentations du réel.

Le dictionnaire parle d’idées " exactes ". Il serait plus prudent, d’un point de vue sociologique, de dire que les connaissances sont des représentations qui prétendent à l’exactitude, ou qu’on tient pour exactes. Avec un peu de recul historique ou comparatif, on s’aperçoit que les connaissances tenues pour acquises par la majorité des contemporains varient d’une société ou d’une époque à une autre. Très rares sont d’ailleurs les connaissances dont la validité fait l’objet d’une totale unanimité. Autour des connaissances largement tenues pour fondées, il faut donc faire la part de connaissances controversées, mises en doute, en voie d’être rectifiées ou abandonnées ou au contraire à peine émergentes, pas encore confirmées. Une société est un champ de force dans lequel s’affrontent des représentations contradictoires qui toutes prétendent au statut de connaissances vraies. Comme institution prétendant produire des savoirs valides, fondés sur une méthode rationnelle et expérimentale, même la science moderne n’échappe pas à la controverse. Nous reviendrons sur ce point à propos des savoirs savants. Seule nous importe pour l’instant la conception des connaissances ou des savoirs comme représentations qui prétendent à la vérité, à l’objectivité, à l’exactitude, sans nous prononcer sur cette prétention.

Les êtres humains agissent rarement sans représentations, mais ils n’agissent jamais avec des représentations seulement. Ces dernières ne forment qu’une mémoire, un stock d’informations et de théories, savantes ou naïves ; il faut des schèmes opératoires pour s’en servir, que ce soit pour restructurer, valider, différencier, étendre les connaissances, pour les communiquer à autrui ou pour les mettre en œuvre dans des situations concrètes.

La figure emblématique du professionnel &endash; médecin, ingénieur, avocat &endash; suggère qu’il fait essentiellement appel à des savoirs savants. L’analyse des pratiques montre qu’il utilise aussi d’autres savoirs, que beaucoup ont convenu d’appeler " savoirs d’expérience ", parce qu’à la différence des savoirs savants, ils se construisent au gré de l’expérience plutôt que d’une formation.

Je vais tenter de montrer que cette référence à l’expérience est dangereuse, si elle n’est pas spécifiée, car elle suggère que les autres savoirs ne sont, eux, issus d’aucune expérience, ce qui est absurde. La véritable distinction est entre savoirs savants et savoirs de sens commun. Les uns et les autres s’enracinent dans l’expérience humaine, mais différemment. Je ne méconnais nullement l’intérêt des travaux sur les savoirs issus de l’expérience personnelle (notamment ceux de Tardif, Elbaz, Raymond, etc.). Il est tentant, mais fallacieux, de parler en abrégé de " savoirs d’expérience ". Parce qu’on suggère de la sorte qu’ils s’opposent à des savoirs moins réalistes, qui tourneraient le dos à l’expérience, alors que toute la démarche scientifique est au contraire expérimentale, en un sens large. Et aussi parce que cette expression est une forme implicite de valorisation &endash; l’expérience des anciens, forme de sagesse &endash; alors que l’on peut apprendre fort peu de l’expérience, s’en servir aussi bien pour conforter des préjugés et des théories paresseuses que pour identifier des causalités subtiles ou maîtriser des phénomènes complexes.

Je ne propose pas non plus d’opposer les savoirs savants aux savoirs professionnels. Ces derniers se définissent à mon sens par leur usage plutôt que par leur statut ou leur origine. Certains sont savants, d’autres de sens commun, ou se trouvent à mi-chemin.

Les savoirs savants

Dans notre société, les savoirs savants sont souvent assimilés à des savoirs scientifiques. C’est une simplification inacceptable. Même l’Université, qui est incontestablement le lieu par excellence de production et de transmission de savoirs savants, ne se limite pas aux savoirs scientifiques : en lettres, en droit, en théologie, et dans une moindre mesure dans d’autres Facultés, nombre de savoirs savants ne sont pas fondés sur la méthode scientifique, mais sur diverses formes d’érudition, sur des procédés de systématisation, de formalisation, d’accumulation, de confrontation, d’organisation, de classification de connaissances spécialisées de haut niveau, mais qui ne viennent ni du laboratoire, ni de l’observation sur le terrain. Certes, aujourd’hui, la philosophie, la critique littéraire, le droit, l’esthétique ne peuvent ignorer les acquis des sciences, en particulier des sciences humaines, mais les savoirs propres à ces disciplines vont au delà de leurs éventuelles bases scientifiques. Ils portent en partie sur des systèmes de valeurs ou de normes éthiques, esthétiques, juridiques, tentant des les organiser, d’en expliciter les fondements et les implications. On pourrait être tenté de parler de savoirs " axiologiques " ou " normatifs ". Mais cela désigne leur objet plus que leur nature : les universitaires professant en droit, lettres ou théologie ont en général un rapport critique, différencié, comparatiste, parfois relativiste aux valeurs et aux normes, même s’ils ne se bornent pas à les étudier comme des " choses ", à la manière de la sociologie du droit ou de l’art. Dans certaines Facultés orientées vers l’action &endash; médecine, architecture, écoles d’ingénieurs, droit, administration publique, business schools &endash; on trouve des mélanges de connaissances scientifiques &endash; portant sur des processus dûment étudiés empiriquement &endash; et de connaissances portant sur des systèmes de valeurs et de normes relatives à la santé, à l’éducation, à la construction, à la ville, aux technologies, aux affaires, à la conduite des affaires publiques, etc. Les savoirs universitaires sont donc loin d’être homogènes, ils ne sont pas tous fondés sur les méthodes d’observation empirique du réel et de validation des hypothèses, caractéristiques de la démarche scientifique. Et leur rapport aux valeurs et à l’action sont divers, de la plus grande extériorité à la plus grande imbrication.

On ne peut en outre limiter les savoirs savants aux savoirs universitaires, si l’on entend par là les savoirs produits ou transmis dans les Facultés et les instituts de recherche fondamentale. D’autres institutions &endash; centres de recherche appliquée, fondations, associations, hautes écoles professionnelles, armées, entreprises, administrations &endash; participent à la production de savoirs savants, scientifiques ou non. Là, les imbrications entre pratiques, valeurs, idéologies et savoirs savants sont encore plus fortes.

Les savoirs et l’expérience

Il est tout à fait injustifié d’opposer radicalement savoirs savants et savoirs d’expérience, pour une double raison :

Peut-on au moins distinguer savoirs savants et savoirs de sens commun en fonction de leur objet, de la nature de l’expérience dans laquelle ils s’enracinent ? Oui, s’il s’agit d’opposer l’expérience quotidienne, largement intuitive et spontanée des praticiens, et l’expérience planifiée des chercheurs. Mais cela ne renvoie pas à des sphères totalement distinctes du réel. Certains domaines ou certains niveaux de la réalité échappent certes à toute expérience quotidienne, notamment parce qu’ils ne sont accessibles que grâce à une construction théorique et à des dispositifs expérimentaux propres aux sciences, dans l’ordre de l’infiniment petit, de l’infiniment grand ou du caché. À l’inverse, certaines zones de la réalité ne font pas encore l’objet de savoirs savants, parce que leur statut n’est pas établi &endash; les phénomènes dits paranormaux, par exemple &endash; ou parce que le développement des savoirs savants se fait par avancées anarchiques dans diverses directions. Mais les zones de recouvrement sont de plus en plus larges, nombre de facettes de la réalité font simultanément l’objet de représentations savantes et de représentations communes, en rapport d’ignorance mutuelle, d’opposition ou de complémentarité, selon les cas. À la fois parce que la vulgarisation scientifique et l’instruction popularisent une version simplifiée des savoirs savants et parce que ces derniers se saisissent peu à peu de tous les fragments de la réalité, jusqu’aux plus dérisoires ou incertains.

Le rapport à l’action n’est guère plus discriminant. Sans doute, la plupart des savoirs de sens commun sont-ils plutôt orientés par des intérêts, mais ils s’investissent dans la construction de l’identité personnelle ou du sens de la vie aussi bien que dans le pilotage de l’action. Quant aux savoirs savants, ils prétendent de plus en plus, dans tous les secteurs, guider l’action rationnelle. Il s’ensuit qu’il serait absurde de considérer tous les savoirs savants comme déclaratifs ou fondamentaux, ou tous les savoirs de sens commun comme appliqués, procéduraux ou pragmatiques.

Légitimité, codification, publicité

Les savoirs savants ne s’opposent clairement aux savoirs de sens commun, en fin de compte, ni sous l’angle de l’expérience, ni par leur objet, ni par leur rapport à l’action. La distinction la plus pertinente concerne leur légitimité, leur degré de codification et de formalisation, leur publicité.

Les savoirs savants sont des savoirs produits par des institutions ou des personnes reconnues comme savantes : on leur prête des capacités particulières de produire et de mettre en forme des théories. Dans nos sociétés, les institutions scientifiques &endash; surtout lorsqu’elles se réclament des sciences naturelles &endash; sont devenues intouchables. Nul ne peut prétendre savoir mieux que l’Académie, la Faculté, les chercheurs de l’Institut ou les professeurs du Collège de France… Les savoirs savants apparaissent donc plus légitimes que les savoirs de sens commun, en dépit des combats, ici ou là, pour revaloriser les seconds. Ce qui n’empêche pas, en sourdine, le scepticisme, la dérision, la mise à l’écart, là où les rapports de force s’inversent au profit des praticiens ou des acteurs ordinaires. La satisfaction d’avoir de temps en temps raison contre les hommes de science, de savoir mieux que les savants, de se gausser de leur naïveté, n’est que l’envers de leur domination. Les producteurs des savoirs savants trouvent évidemment qu’ils sont pleinement légitimes : leur formation, leurs technologies, leurs méthodes rigoureuses, leurs procédures de validation et de débat leur paraissent garantir des connaissances fiables. L’historien des sciences et le sociologue de la connaissance seront plus prudents : la communauté scientifique, la " cité savante " est aujourd’hui un État dans l’État, qui a largement les moyens d’empêcher toute critique externe. La légitimité est simplement un fait, qu’elle soit ou non fondée.

Les savoirs savants sont également plus codifiés que les savoirs de sens commun, en raison de leurs procédures de production, de validation, de transmission, qui privilégient l’explicitation, la formalisation, l’écrit, en raison aussi d’une division du travail poussée et d’une organisation à vaste échelle. Alors que les producteurs de savoirs savants font partie d’un réseau désormais planétaire, les producteurs de savoirs de sens commun sont en général soit des solitaires, soit des membres de réseaux locaux et peu organisés.

La visibilité des savoirs savants tient notamment au fait qu’ils sont élaborés, conservés et transmis dans des institutions de formation qui prétendent participer à leur production, voire en détenir le monopole, et les mettre en forme pour les rendre enseignables et évaluables, ce que Verret (1975) a nommé transposition didactique, concept repris par Chevallard (1985), puis bien d’autres. Verret montre que certains savoirs savants &endash; théologiques ou stratégiques &endash; restent peu codifiés parce que se sont des instruments du pouvoir. Dans les sociétés développées cependant, la plupart des savoirs savants sont publics. Cela ne veut pas dire que chacun peut y accéder librement. Ils sont, de fait, maîtrisés par une minorité, qui se prend et qu’on prend souvent pour une élite. Ils sont l’apanage de communautés savantes ou professionnelles qui ont vocation à les construire, les transmettre ou les utiliser sans que le commun des mortels puissent ou veulent y accéder facilement. Les communautés savantes s’efforcent en général de contrôler l’accès le plus qualifié aux savoirs et même leur vulgarisation. La publicité de ces savoirs représente un risque, mais il est limité en raison des procédures de sélection sociale et scolaire qui en commandent l’appropriation. Cette publicité est par ailleurs une source de visibilité, donc de légitimité, d’influence, de financement.

Aujourd’hui, la coexistence pacifique devient difficile entre savoirs savants et savoirs de sens commun. Ces derniers sont en sursis, parce que les savoirs savants visent soit à les remplacer, soit à les encadrer, soit encore à les théoriser.


V. Les savoirs de sens commun
cernés par les savoirs savants

Dans les sociétés occidentales, le statut privilégié des savoirs savants ne garantit pas qu’ils suffisent pour comprendre le monde et agir, ni même qu’ils soient plus efficaces que les savoirs de sens commun issus de l’expérience personnelle ou collective des praticiens. Aucun métier ne peut aujourd’hui feindre d’ignorer les savoirs savants, ni même les prendre de haut, sous peine de perdre du crédit aux yeux d’un public ébloui par la science. Mais les apparences sont trompeuses : tel métier qui met en devanture le haut niveau de qualification de ses membres, et donc la part cruciale des savoirs savants dans leur formation, mobilise en pratique des savoirs " moins savants ", moins visibles, parce que moins légitimes, moins présentables, moins partagés. On peut les appeler des savoirs de sens commun, au même titre qu’on parle du " sens commun ".

Les savoirs de sens commun ont sans doute encore de beaux jours devant eux en l’état actuel des sciences et plus globalement des savoirs savants. Nul ne nie les limites actuelles des savoirs savants, leur incapacité à régir l’ensemble des pratiques humaines. Mais les choses évoluent assez vite. Il est inutile de souligner l’emprise des sciences physico-chimiques sur la vie quotidienne et les métiers, à travers les technologies mais aussi des modèles de rationalité technique. Le champ de la santé et du corps &endash; sexualité, procréation, alimentation, vieillissement, fitness, drogues, hygiène, etc. &endash; est devenu l’objet de discours savants envahissants, qui s’étendent à grande vitesse à la vie intérieure et aux relations humaines. Quant aux organisations et aux sociétés, leur gestion fait appel de plus en plus à des savoirs savants constitués : économie politique, planification, politiques publiques, gestion d’entreprise, etc. L’éducation ne fait exception ni au plan des systèmes, ni au plan de la relation éducative. Aujourd’hui, les savoirs de sens commun sont en sursis, leur légitimité est provisoire, menacée par l’entreprise impérialiste, expansionniste des savoirs savants.

Le rétrécissement des zones d’ombre des savoirs scientifiques

Les savoirs scientifiques, même dans les disciplines les plus avancées, sont par définition des savoirs inachevés et révisables. Ce qui signifie qu’ils laissent, en éclairant la réalité &endash; physique, biologique, linguistique, économique, etc. &endash; de larges zones d’ombre, qu’aucune théorie ne couvre, ou des zones de clair-obscur, à peine défrichées ; ou encore des zones dans lesquelles des théories fort contradictoires s’affrontent, chacun choisissant son camp, comme dans une guerre de religions.

L’existence de telles zones est normale. Parfois, les sciences auraient les moyens théoriques, méthodologiques, techniques de les investir, mais l’enjeu &endash; épistémologique, politique ou économique &endash; n’est pas assez grand pour mobiliser les ressources requises pour faire avancer la recherche. Il arrive aussi qu’en dépit des efforts, la réalité résiste, que les sciences piétinent, en quête du paradigme, de la méthode, voire des instruments &endash; par exemple le microscope électronique ou les sondes spatiales &endash; qui permettront de dépasser les spéculations. Il arrive aussi que certains niveaux ou certaines dimensions de la réalité ne soient pas accessibles encore à l’approche scientifique, parce que le développement de la théorie ne permet pas de penser, par exemple, la double hélice en biologie, la relativité en physique ou l’inconscient en psychologie. Jacob (1970) a comparé l’essor de la biologie moderne à l’ouverture de poupées russes : ce n’est que de proche en proche qu’on aperçoit la suivante, sans savoir combien elle en contient à son tour, ni à quoi elles vont ressembler. Sans doute faut-il faire également la part des tabous qui, à une époque donnée, inhibent un effort théoriquement possible, mais socialement inacceptable, établissant par exemple que la Terre tourne autour du Soleil ou que les enfants ont une sexualité. Enfin, en raison de la division du travail scientifique et du découpage provisoire du réel qui l’accompagne, certains phénomènes tombent dans un no man’s land : on se sait pas de quelles disciplines ils relèvent, ce qui peut, selon les conjonctures, donner lieu à des avancées interdisciplinaires, à de stériles conflits territoriaux, ou encore à des zones durablement laissées à l’abandon.

Pour ces diverses raisons et bien d’autres, il y a, à un moment donné de l’histoire, des pans entiers de la réalité que cherchent à maîtriser les professionnels qui ne font l’objet d’aucun savoir théorique fondé. Même si le médecin ou l’ingénieur sont aujourd’hui mieux lotis que l’enseignant, ils se heurtent tôt ou tard aux limites de la connaissance fondamentale. Dans tous les métiers, mêmes les plus professionnalisés, il faut donc plus ou moins régulièrement, s’aventurer au delà de ce que les sciences du moment permettent de comprendre ou de prévoir avec une certaine sécurité. Lorsque les théories savantes sont muettes, il faut néanmoins agir. Lorsqu’elles existent, mais apparaissent très fragiles, mobiles ou controversées, comment leur faire confiance ? Pourquoi ne pas s’en remettre aux savoirs de sens commun ?

Par ailleurs, même lorsque les théories semblent fiables et viables, leur application à des cas concrets passe par un important travail de mise en œuvre, qui s’incarne soit dans des instruments et des technologies, soit dans des algorithmes de raisonnement et de calcul, des procédures de construction, de prévision, d’estimation des risques, etc. Ce travail devient rentable lorsqu’il se fonde sur des connaissances fondamentales suffisamment stables et riches pour que le moindre progrès théorique n’invalide pas les savoirs appliqués ou les technologies : si la physique pouvait d’un jour à l’autre remettre en cause les fondements théoriques de la mesure de la température, de la pression ou des champs magnétiques, qui investirait dans la conception et la fabrication d’instruments sophistiqués ? Les métiers de l’humain sont en ce sens doublement particuliers : les technologies et les instruments n’y sont que des appoints. Quant aux procédures de travail, l’état des théories ne leur offre que des fondements instables, controversés et lacunaires.

À cet égard, les inégalités entre les divers métiers sont de taille. Que cela ne conduise pas toutefois à masquer les parentés : aucune profession, aussi solidaire soit-elle des sciences fondamentales, aussi étayée soit-elle par des technologies ou une science appliquée, n’a jamais espéré pouvoir déduire chaque décision particulière de lois scientifiques universelles.

Des savoirs procéduraux de plus en plus savants

Les savoirs savants, en particulier les savoirs universitaires, ne se sont jamais bornés à décrire le monde. Les Facultés de l’Université médiévale préparaient déjà à la pratique de la médecine, du droit, de la science, de l’enseignement. Ces formations nous paraissent aujourd’hui bien livresques, on se moque de la médecine de Molière ou d’une pédagogie purement discursive et érudite, dont la leçon d’agrégation française est une survivance insolite. Il reste que la vocation de l’Université sera, à l’avenir, de transmettre d’emblée des savoirs procéduraux sous-tendant des pratiques reconnues aujourd’hui, plus ou moins explicitement, comme professionnelles.

Au fil des siècles, la valorisation de la gratuité du savoir, de la culture générale, de la recherche fondamentale a parfois masqué le fait que nombre d’institutions universitaires ont, dès leur création, préparé à des professions, dispensé des savoirs procéduraux et, plus tardivement, créé les conditions de formation d’un habitus professionnel. En Amérique du Nord et dans une partie de l’Europe, les formations universitaires se sont diversifiées et préparent aussi au travail social, aux soins infirmiers, à l’enseignement. Dans ces semi-professions, la part des connaissances procédurales est encore plus grande et les connaissances théoriques déclaratives sont mobilisées avant tout pour les soutenir.

Dans le même temps, les écoles professionnelles se sont éloignées du modèle médiéval de formation pratique par compagnonnage et sont devenues de plus en plus des lieux de transmission de savoirs théoriques et procéduraux prétendant au statut de savoirs savants, sinon universitaires.

Il est donc tout à fait fallacieux d’imaginer d’une part un monde savant enfermé dans la théorie et un monde professionnel confronté aux dures conditions de la pratique. Les savoirs procéduraux fondés sur des sciences ou d’autres savoirs savants jettent depuis longtemps un pont entre ces mondes.

Des savoirs en sursis

Tout cela ne signifie pas qu’entre l’application déductive de savoirs savants (déclaratifs ou procéduraux) et l’improvisation en situation, totalement fondée sur l’intuition et la subjectivité, il n’y ait rien. Au contraire, tous les métiers développent des savoirs qui, au moins pour un temps, ne sont pas basés sur des connaissances savantes, encore moins scientifiques, mais sur un constat pragmatique : ça marche !

Il faudrait à ce propos apporter mille nuances. Lorsque les sciences progressent, elles expliquent parfois l’efficacité de savoirs d’expérience très anciens. Mais il arrive aussi qu’elles montrent que certains rites ou certaines techniques n’avaient d’autre effet que d’entraîner la conviction des acteurs. Ce qui peut suffire à guérir certaines maladies psychosomatiques, mais pas à faire pleuvoir ! S’il est facile de discréditer la magie des sociétés sans écriture, on adopte une attitude plus prudente à propos des théories qui, aujourd’hui, divisent notre société : phénomènes paranormaux, " mémoire de l’eau " et effets des médecines douces, vie extraterrestre, OVNI, genèse de la vie, limites de l’univers. On peut imaginer que le progrès de la science fondera certaines hypothèses et démentira définitivement les autres. Ces connaissances deviendront, selon l’évolution de la recherche, des intuitions géniales ou des impostures enfin démontrées.

Dans les sociétés contemporaines, les savoirs de sens commun manifestement efficaces sont perçus par les chercheurs comme des anticipations heureuses de ce que la science expliquera un jour. S’ils n’ont pas une évidente efficacité, ils sont au contraire traités comme des savoirs douteux, éloignés de l’orthodoxie, en butte aux sarcasmes des chercheurs. À terme, les sciences prétendent rendre compte de toute la réalité. Les savoirs communs sont en sursis : ils valent aussi longtemps qu’une théorie élaborée et validée selon les canons de la méthode ne les a pas remplacés.

C’est du moins ce qu’il faut conclure si l’on s’intéresse aux savoirs de portée générale. Il subsiste et il subsistera des savoirs locaux qui n’ont aucune raison d’entrer en conflit avec les savoirs savants, parce qu’ils ne se situent pas au même niveau d’ambition. Il arrive qu’un automobiliste soit le seul à savoir faire démarrer sa voiture : le moteur cale dès qu’un autre conducteur prend sa place : il détient un savoir particulier, de même qu’un enseignant qui sait calmer ses élèves, un agriculteur qui prévoit la météo dans sa vallée ou un cuisinier qui réussit une préparation complexe dans sa cuisine. Il ne s’agit pas nécessairement de " coups de main ", de savoir-faire purement pratiques. Il existe des théories subjectives, des savoirs locaux, qui prennent en compte de nombreux paramètres singuliers. Les praticiens savent en partie pourquoi ils font ce qu’ils font et pourquoi ça marche ici et maintenant.

À long terme, les savoirs généraux analyseront un nombre croissant de paramètres et permettront de les mesurer et de les intégrer à un modèle plus ou moins formalisé. C’est une question de temps, mais aussi de moyens. S’il est rentable d’identifier tous les paramètres qui influencent les conditions de vol d’un avion de ligne, il l’est moins de prendre en compte la qualité de l’eau d’un potier ou le microclimat d’un horticulteur particulier…

Les savoirs de sens commun saisis par les savoirs savants

L’asymétrie se renforce lorsque les chercheurs prennent les savoirs de sens commun pour objets ou pour source d’inspiration. On peut distinguer quatre courants :

  1. Les sciences humaines ont vocation à théoriser les pratiques des individus et des groupes, donc aussi leurs représentations, leurs idéologies, leurs savoirs. Les psychologues sociaux, les politologues, les sociologues, les anthropologues, les psychanalystes étudient des sujets ou des acteurs aux prises avec la réalité et tentent de montrer comment ils s’en construisent une représentation, lui donnent du sens, anticipent les événements et tentent de les maîtriser en mobilisant des savoirs de sens commun (appelés parfois " théories subjectives " " prénotions ", " sociologies spontanées ", etc.) ou des savoirs savants plus ou moins bien assimilés.
  2. Les disciplines plus orientées vers l’action &endash; prospection de ressources rares, diagnostic, négociation, pilotage, traduction, maîtrise de mécanismes complexes, par exemple &endash; tentent de reconstituer le savoir intuitif de praticiens experts, de l’expliciter, de le mettre sous forme de connaissances procédurales, notamment pour fonder des systèmes d’intelligence artificielle ou pour élaborer des programmes de formation pratique.
  3. De façon moins avouée, les sciences humaines et parfois les sciences physiques s’inspirent de savoirs de sens commun manifestement efficaces pour construire des hypothèses ou des concepts, ou pour alimenter une problématique de recherche.
  4. Enfin, certains chercheurs tentent de fonder une épistémologie de la connaissance des praticiens et de rapprocher de la démarche scientifique le processus de construction de certains savoirs de sens commun.

VI. La connaissance dans l’action

Dans les professions à part entière, on a reconnu depuis longtemps que la maîtrise de savoirs savants, aussi étendus et tournés vers l’action soient-ils, ne suffisaient pas à garantir les compétences, qu’il fallait faire la part de l’habitus &endash; qu’on nomme coup de main, art, manière, vista, intelligence &endash; et de savoirs " non savants ", même s’ils sont spécialisés, construits par chacun sur le tas ou transmis par le milieu professionnel, etc. Que cette part se rétrécisse au gré du développement des savoirs savants, déclaratifs ou procéduraux, n’empêche pas qu’hic et nunc, elle fait la différence entre un professionnel efficace et un autre. À la fin du XXe siècle, l’évolution des savoirs savants eux-mêmes les conduit à prendre la mesure de leurs limites &endash; provisoires ou durables &endash; et à reconnaître de plus en plus clairement que les compétences des professionnels ne se résument pas à l’application de savoirs théoriques, même enrichis d’un certain " know-how " ou de savoirs communs acquis sur le tas.

Ce qui a longtemps été renvoyé au non-dit de l’expérience individuelle ou à l’implicite du sens commun devient objet de réflexion, acquiert peu à peu un statut, notamment durant la formation. Plutôt que de faire aveuglément confiance à l’expérience, aux essais et erreurs tout au long d’une carrière, les formateurs tentent de l’organiser, de rendre l’expérience plus dense et plus instructive, moins erratique, et de relier les leçons de l’expérience et les savoirs de sens commun aux savoirs savants, plutôt que de prendre leur parti d’un cloisonnement &endash; dans l’esprit du professionnel &endash; entre " ce qu’il a appris en Faculté " et " ce qu’il a appris sur le terrain ".

En formation initiale, à travers la clinique, le laboratoire, les travaux pratiques, les études de cas et les simulations, les enquêtes de terrain, divers types de stages, on tente dans le meilleur des cas : 1. de former un habitus professionnel par la confrontation à des cas concrets ; 2. de développer de la même manière les premiers savoirs de sens commun ; 3. d’articuler ces savoirs aux connaissances déclaratives et procédurales savantes ; 4. de stimuler une réflexion sur la pratique. En formation continue, ce dernier point prend une importance croissante aux côtés de la mise à jour des connaissances savantes générales et de la familiarisation avec les technologies nouvelles.

Se développe également une épistémologie spécifique des savoirs des praticiens, novices ou experts, et de la connaissance dans l’action. Les travaux de Schön et Argyris ont ouvert la voie. Ils se centrent sur les processus de réflexion dans et sur l’action. La réflexion dans l’action est sans doute le propre de toute action complexe, qui, pour être " pilotée en temps réel ", demande une analyse constante d’une situation évolutive et des possibilités qui s’offrent à chaque instant. Le chirurgien en train d’opérer, le chef d’orchestre, le skipper en pleine régate, l’avocat engagé dans une plaidoirie, l’animateur d’un débat ne cessent de réfléchir aussi vite qu’ils le peuvent pour comprendre ce qui se passe, anticiper au mieux, réorienter leur action au gré des événements. Cette réflexion mobilise des savoirs, mais elle est surtout la manifestation de l’habitus du professionnel, de l’artiste ou du sportif. De cette réflexion dans l’action, on ne passe pas ipso facto à une réflexion sur l’action, du moins pas constamment et méthodiquement.

En proposant de connaître par l’action, St-Arnaud (1992), s’appuyant sur Schön et Argyris, tente de codifier la méthodologie d’une " science-action ", d’une démarche systématisant la prise de conscience et la mise à distance de ses propres fonctionnements, donc de son habitus. Il s’agit en quelque sorte d’instrumenter, d’intensifier et de rendre plus rigoureux, et en ce sens plus " scientifique ", le processus d’élaboration d’un savoir fondé sur l’analyse de l’expérience personnelle ou collective plutôt que sur des démarches expérimentales classiques. Les travaux français sur la prise de conscience et l’explicitation vont dans le même sens (Faingold, 1993 ; Vermersch, 1990, 1993), comme les travaux sur la démarche clinique de formation des enseignants (Cifali, 1991 b, 1994 ; Cifali & Hofstetter, 1991) ou sur la formation par études de cas (Valli, 1992), qui devient le modèle dominant de formation dans certaines Facultés de médecine, certaines écoles d’ingénieurs ou certaines business schools. On se trouve donc devant un courant diversifié, inspiré par la psychanalyse, la sociologie et l’anthropologie, la psychologie sociale, les travaux sur la métacognition, mais aussi par les réflexions de formateurs et de professionnels sur la formation et la pratique dans les métiers complexes. Il se dessine depuis une dizaine d’années une approche du praticien réflexif comme constructeur actif, méthodique et lucide de sa propre théorie de l’action, autrement dit de lui-même comme sujet et acteur, aussi bien que des situations et des systèmes auxquels il est confronté.


VII. Ce qui sépare l’enseignement
d’une profession à part entière

On vient de le voir, les professions à part entière :

Alors, qu’est-ce qui sépare l’enseignement d’une profession à part entière ? Rien, dirons certains, sur le plan des compétences et des savoirs, en affirmant que ce sont d’autres critères qui font la différence, par exemple la dépendance à l’égard de l’État, le poids de la hiérarchie ou le peu d’autonomie professionnelle laissée ouvertement aux professeurs. Mais ce serait un peu court : la nature des compétences, des savoirs et du rapport au savoir est au coeur du processus de professionnalisation. Si l’enseignement reste une semi-profession, c’est en raison de la nature semi-professionnelle des compétences et des savoirs. Du moins est-ce la thèse que je vais tenter de soutenir, selon trois axes :

  1. Les limites des savoirs savants.
  2. La faiblesse des dispositifs de formation d’un habitus professionnel.
  3. Le statut ambigu des savoirs de sens commun.

Des savoirs savants encore fragiles

Aucune profession, on l’a dit, ne dispose de savoirs savants couvrant toutes les dimensions de sa pratique. Les zones d’ombre sont plus larges dans les métiers de l’humain, car les acquis des sciences de référence sont encore fragiles : les paradigmes théoriques ne sont pas stables, les controverses proprement scientifiques sont fortement parasitées par des enjeux idéologiques, les moyens manquent pour développer la recherche dans tous les domaines qui relèvent du secteur public et échappent donc au marché. On investit plus dans la mise au point de médicaments anxiolytiques que dans la recherche sur les pratiques éducatives qui engendrent le mal au ventre des enfants, leur peur d’aller à l’école et d’être jugé…

Les sciences de l’éducation, dans l’ensemble des sciences humaines, ne sont pas les mieux loties, pour diverses raisons :

Les enseignants ne peuvent donc puiser dans les sciences de l’éducation des ressources équivalentes à celles que médecins ou ingénieurs trouvent dans les disciplines scientifiques plus avancées. Cela ne conduit pas à tourner le dos aux théories, mais à reconnaître leurs limites en travaillant à des dépasser. Les travaux actuels dans les didactiques des disciplines aussi bien que sur les aspects transversaux du métier &endash; gestion de classe, processus d’apprentissage, relations intersubjectives, sociologie du métier d’élève, différenciation de l’enseignement, évaluation, travail d’équipe par exemple &endash; sont fort prometteurs.

Quant aux savoirs savants non scientifiques, d’ordre philosophique ou éthique, ils sont faiblement élaborés, en l’absence notamment d’une forte auto-organisation de la profession : les finalités et la moralité de l’action éducative paraissent l’affaire de l’État ou du pouvoir organisateur d’une part, de chaque enseignant seul dans sa classe d’autre part. Entre ces deux niveaux, il y a peu de liens.

À la recherche d’une clinique pédagogique

En éducation, une partie des enseignants prétendent encore qu’il suffit de maîtriser les contenus pour les enseigner. L’ouvrage polémique de Milner a redonné de la force à cette thèse très ancienne et encore largement partagée, en raillant le " roman " pédagogique ou sociologique, en plaidant pour une maxime parodiant Boileau " Ce qui s’énonce clairement se comprend aisément et les connaissances émigrent dans l’esprit des étudiants ".

Même lorsqu’on admet que les compétences exigent plus que la maîtrise de savoirs savants ou de sens commun, elles sont, dans le champ de l’éducation :

Cette faible prise en compte des compétences de terrain est évidemment solidaire de la valorisation du savoir à enseigner &endash; de LA culture &endash; et d’une confusion entre les savoirs savants qui se trouvent transposés dans les programmes &endash; mathématique, sciences, littérature, etc. &endash; et les savoirs savants qui sous-tendent la communication pédagogique, la gestion de classe, etc.

Tout cela explique peut-être le peu d’investissement dans la formation de compétences de haut niveau à travers l’équivalent de la clinique pour les médecins ou les psychologues. Il ne suffit pas de prévoir des leçons-types et des stages pour que les compétences se construisent. Entre la modélisation des écoles normales et la formation pratique plus moderne donnée dans les universités qui forment des enseignants, la part de l’orthodoxie s’est amenuisée. Cela ne signifie pas que la construction des compétences soit plus convaincante. Il ne suffit pas d’autoriser la diversité des pratiques pour les rendre efficaces.

Bien entendu, ces propos sont un peu sévères si on a pour seule ambition de mettre dans les écoles des enseignants qui savent donner un cours, avancer dans le programme et permettre à la moitié de leur classe de progresser. Si l’on veut qu’ils favorisent l’apprentissage de ceux qui ont de vraies difficultés, on peut être moins optimiste : la formation professionnelle des enseignants d’aujourd’hui ne les prépare guère à lutter contre l’échec scolaire, à individualiser les parcours, à différencier leurs interventions, à saisir la dynamique et la trajectoire particulière de chaque apprenant. La professionnalisation du métier d’enseignant n’est pas une fin en soi, ni une façon de le revaloriser sans contrepartie. Les sociétés développées n’en assumeront le coût que dans le cadre d’une politique de l’éducation plus ambitieuse (Perrenoud, 1993 d, 1994).

Apprendre à théoriser sa pratique

Dans les écoles, on s’accorde pour ironiser sur les prétentions d’une partie des sciences de l’éducation à régir les pratiques. La théorie a mauvaise presse. J’aimerais bien le voir face à mes élèves, dit volontiers le praticien agacé par les Il n’y a qu’à… des doctes théoriciens de l’école active, des pédagogies du projet, des chantres de la communication ou de la différenciation.

Mais, contrairement à d’autres milieux professionnels, le corps enseignant n’oppose pas aux savoirs savants d’autres savoirs déclaratifs ou procéduraux explicites, valorisés, partagés. L’individualisme dominant reconnaît que tout bon enseignant mobilise des savoirs qu’il n’a pas tous acquis à l’École normale ou à l’Université. Quant à en préciser la nature et les fondements… c’est l’affaire de chacun. La profession ne tient aucun discours substantiel sur ce que les enseignants savent, par exemple, de l’enfant et de l’adolescent, des savoirs scolaires et de leur transposition didactique, de la gestion de classe, de la relation intersubjective, des dynamiques de groupes, du traitement des différences, de la négociation et du contrat.

Paradoxalement, ce sont les sciences humaines &endash; du moins certains courants &endash; qui tentent de montrer la complexité du métier d’enseignant et de souligner la diversité et la rareté des compétences et des savoirs de sens commun qu’exige son exercice efficace. Le corps enseignant s’est au contraire efforcé longtemps, et ce n’est pas fini, de banaliser les savoirs professionnels construits au gré de l’expérience, de les valoriser timidement, pour ne pas avoir l’air de se prendre pour un théoricien ou un futur directeur ou inspecteur.

Combattants solitaires (Hargreaves, 1992 ; Huberman, 1990 ; Gather Thurler, 1992, 1993 a, b, c), les enseignants ne se parlent guère de ce qu’ils savent faire. Mieux, ils le cachent. Le milieu professionnel n’a développé aucun langage différencié pour parler des élèves, des situations didactiques, des processus d’enseignement, des configurations relationnelles. Dans les milieux artisanaux ou artistiques, dans les sociétés sans écriture, la culture propose une abondance de notions et de mots pour décrire les facettes de la réalité et des pratiques. Rien de tel dans l’enseignement. Un profane peut parfaitement suivre une discussion de salle des maîtres, à quelques sigles et idiomatismes près !

Le savoir des enseignants est peu partagé, ils n’ont pas de langage commun pour parler de leur typologie d’élèves ou d’erreurs, leur mode d’organisation du temps ou de l’espace, leurs réactions au désordre, à l’angoisse ou au conflit, leurs stratégies pour faire face à l’imprévu, au temps qui passe, à la déprime, au doute. C’est chacun pour soi, non seulement pour sa pratique, mais &endash; et ce n’est qu’à demi " logique " &endash; pour la théorie de sa pratique. S’il n’a pas " les mots pour le dire ", chacun reste enfermé dans son expérience. Cela ne veut pas dire qu’il ne construit aucun savoir, mais que ces savoirs ne sont pas socialisés, qu’il ne se confrontent à aucun autre, ne s’enrichissent pas de l’histoire des autres.

Bien entendu, ce n’est pas le désert absolu, même dans une école très individualiste, certaines équipes pédagogiques ou établissements novateurs sont allés beaucoup plus loin dans l’élaboration d’une culture de coopération (Gather Thurler, 1993 c), y compris pour parler de ses pratiques en classe. Mais ce n’est pas la condition générale. Dans ce métier, chacun a des savoirs, on lui en fait crédit, mais on en ignore le contenu exact. Ce qu’on partage le plus couramment, ce sont des outils (moyens d’enseignement et d’évaluation, documentation), des recettes (savoirs procéduraux sans attaches théoriques), des normes ou des orthodoxies plus ou moins masquées sous les dehors d’une rationalité technique.

Paradoxalement, c’est l’intérêt de certains anthropologues, sociologues, psychanalystes ou linguistes pour les savoirs issus de l’expérience et la façon dont les praticiens les élaborent, les enrichissent et les communiquent qui encourage une partie de ces derniers à donner un statut et une valeur à ces savoirs " privés ". Les travaux autour des théories subjectives, des réflexions dans et sur la pratique, des savoirs d’expérience ou du teacher’s thinking vont dans ce sens. Il s’agit d’une part de donner un statut aux connaissances et à la pensée étroitement liées à l’action et à des situations singulières, d’autre part de développer des méthodes et des schèmes d’analyse, voire des épistémologies propres à ces savoirs et modes de pensée.

Ces courants sont très neufs et restent marginaux par rapport aux attitudes plus classiques de la pédagogie expérimentale, des sciences humaines positivistes ou des didactiques des disciplines, qui souvent se rejoignent sur un point : ce qu’un enseignant peu faire de mieux, c’est d’oublier ses savoirs de sens commun et intuitifs pour écouter la voix de la science. On est donc, en éducation, très loin d’une pratique de la réflexion sur la pratique…


VIII. Tout, tout de suite ?

Que faire face à cet état semi-professionnalisé des compétences et des savoirs ? D’abord refuser le wishful thinking, ne pas faire comme si l’évocation rituelle de la professionnalisation allait la précipiter.

Refuser aussi la rationalisation illusoire des pratiques au nom d’une pédagogie scientifique ou d’une ingénierie didactique encore dans les limbes.

Les transformations du métier d’enseignant dans le sens de la professionnalisation sont lentes et incertaines, sujettes à des coups d’arrêt et à des régressions. Elles ne se décrètent pas, même si on peut suivre une politique qui les favorise. Du scénario pour un métier nouveau (Meirieu, 1990) à sa réalisation, le chemin est long, et semé d’obstacles.

Alors que faire ? Travailler en formation des maîtres selon les trois axes proposés plus haut :

  1. Réorganiser, thématiser les savoirs savants en fonction des contraintes et des exigences de la pratique ; accepter des savoirs théoriques et procéduraux ouverts, qui proposent des questions et des hypothèses à défaut de certitudes, des grilles de lecture de l’expérience et des canevas pour l’action à défaut de stratégies infaillibles. Développer encore le caractère interdisciplinaire des sciences de l’éducation, mettre l’accent sur l’analyse systémique et la confrontation à la complexité.
  2. Identifier de mieux en mieux les compétences effectives des enseignants experts ou novices, analyser l’habitus professionnel dans toutes ses composantes. Comparer systématiquement avec d’autres métiers de l’humain, d’autres métiers complexes.
  3. Théoriser et mettre en valeur les savoirs issus de l’expérience, les faire circuler, les confronter entre eux, les mettre en relation avec les savoirs savants. Oeuvrer à une épistémologie de la réflexion dans l’action et des savoirs qui en sont issus.

Tout cela prendra du temps et ne saurait se faire au mépris de la réalité des pratiques, des personnes, des organisations, des politiques de l’éducation, de l’état des savoirs, des enjeux de pouvoir et de territoire des acteurs. C’est pourquoi on ne peut raisonner seulement en termes de contenus ou de démarches de formation des maîtres, sans prendre en compte la culture et le fonctionnement des institutions de formation aussi bien que des établissements.


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