Source et copyright à la fin du texte
Paru in Pédagogies, Revue du Département des sciences de l'éducation de l'Université de Louvain, Actes du colloque du REF " Former des enseignants. Pratiques et recherches ", 1994, n° 10, pp. 11-21.

 

 

 

 

La formation des enseignants
en question (s)

Philippe Perrenoud

Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation
Université de Genève
1995

Sommaire

1. Un fil rouge : la professionnalisation du métier au service d’une pratique réfléchie et de la démocratisation de l’enseignement

2. La question des pratiques de référence, de l’idéalisme et de la transposition didactique en formation professionnelle

3. La question de la nature et de la construction des compétences et des savoirs professionnels

4. La question des praticiens débutants et de l’articulation entre formation initiale et formation continue

5. La question de l’alternance et du rôle du terrain dans la formation initiale

6. La question de l’articulation de la formation continue avec les projets d’établissements, la professionnalisation interactive, l’innovation, l’émergence de cultures de coopération

7. La question des structures de formation initiale et continue et du rôle des universités

8. La question des stratégies de changement

Conclusion

Références

 


Il y a toujours quelque arbitraire et quelque facilité à poser des questions. Ne vaudrait-il pas mieux proposer des réponses ? Ne serait-ce pas plus " constructif " ? Ce serait oublier que, comme le souligne Bourdieu (1967), la culture et le système de pensée d’une époque se définissent par les questions recevables, celles qu’il paraît sensé et légitime de poser. Le consensus sur les réponses n’est pas nécessaire. Les questions sont l’espace commun, elles permettent un débat, qu’elles soient de vraies questions, encore sans réponse, ou qu’elles manifestent des doutes, des paradoxes, des ambivalences, des désaccords.

La façon dont je les formule est issue à la fois d’un trajet théorique, d’une implication pratique et des circonstances. Trajet théorique : lorsqu’on s’intéresse en sociologue à l’inégalité devant l’école, lorsqu’on cherche à comprendre, au-delà des constat et des thèses globales sur la reproduction, comment se fabriquent échec et inégalités au jour le jour, on en vient à étudier le travail scolaire, le métier d’élève (Perrenoud, 1994 a), mais aussi le métier d’enseignant, les pratiques pédagogiques, la façon de traiter les différences entre élèves et les distances inégales entre eux et le curriculum (Perrenoud, 1995). Or, les pratiques s’enracinent dans un habitus personnel et professionnel et renvoient notamment et à la formation des enseignants (Perrenoud, 1994 b).

D’abord observateur des pratiques et des formations, je suis depuis quelques années engagé, avec Mireille Cifali, dans la coordination d’un projet de formation professionnelle des enseignants primaires à l’Université de Genève, en sciences de l’éducation. Les circonstances, enfin, appellent une précaution : nombre de gens, en Europe comme ailleurs, se préoccupent de la formation des enseignants. Ils en parlent à partir de systèmes éducatifs et de systèmes de formation fort différents. Les questions des uns ne sauraient être les questions des autres. Ainsi, alors que certains commencent à débattre de l’universitarisation de la formation des enseignants, d’autres tentent d’en limiter les excès (Perrenoud, 1993). Aussi longtemps que nous ignorons la réalité des autres, notre façon de poser des questions ne peut que susciter quelques malentendus. J’espère qu’en dépit de ce risque, les questions qui suivent permettront un repérage commun des enjeux majeurs.


1. Un fil rouge : la professionnalisation du métier
au service d’une pratique réfléchie et
de la démocratisation de l’enseignement

Sans fil rouge, le débat sur la formation des enseignants ne peut que se perdre dans le dédale des enjeux institutionnels et disciplinaires. Chacun défend alors son territoire, son rapport au savoir, ses intérêts. La marche des institutions se réduit alors à une coexistence plus ou moins pacifique entre des représentations et des stratégies contradictoires. Sans croire naïvement à un consensus, on peut espérer qu’un travail plus intensif sur des visions communes facilitera le changement et le rendra plus cohérent. Ces vues communes peuvent se traduire dans une politique nationale ou régionale, puis dans des projets d’établissement et des plans de formation. En amont, et sans doute à une échelle internationale, il n’est pas inutile que s’expriment quelques idées-forces.

L’une d’elles paraît aujourd’hui avoir pris forme en Europe : inscrire la formation des enseignants dans une stratégie de professionnalisation du métier d’enseignant. Qui dit stratégie dit démarche volontariste et à long terme : la professionnalisation est un processus structurel, une lente transformation du métier, qui s’étale sur des décennies et dépasse les moyens d’un gouvernement, d’un parti ou d’un mouvement de réforme ; il n’y aura professionnalisation du métier d’enseignant que si cette évolution est voulue, portée ou soutenue avec continuité par de nombreux acteurs collectifs, par delà les conjonctures et les alternances politiques. Qui dit stratégie dit aussi que la professionnalisation du métier d’enseignant ne va pas de soi et ne se fera pas " toute seule ", qu’il ne suffit pas d’accompagner ou de hâter un peu un processus inéluctable. Il se peut au contraire que le métier d’enseignant aille vers davantage de dépendance, de " prolétarisation ", que les maîtres soient de plus en plus définis comme les exécutants de directives émanant d’une alliance de l’autorité scolaire traditionnelle et de la noosphère, la sphère des spécialistes qui pensent les pratiques, les didactiques, les technologies éducatives, les manuels et autres moyens d’enseignement, les espaces et les temps scolaires (Bourdoncle, 1991, 1993 b ; Perrenoud, 1994 k).

Mais de quoi parle-t-on au juste ? " Professionnalisation " n’est pas une expression très heureuse en français, parce qu’elle suggère qu’il s’agit de faire " enfin " accéder l’activité d’enseignement au statut de métier. Or enseigner est à l’évidence un métier, sinon depuis des millénaires, du moins depuis un siècle ou deux. Certes, ce métier ne fait que peu à peu l’objet d’une véritable formation professionnelle centrée non sur la maîtrise des contenus, mais sur celle des processus d’enseignement et d’apprentissage (Altet, 1994). Développée pour les enseignants primaires dès la création des Écoles normales, cette formation a été et reste plus légère (dans tous les sens du terme) pour les professeurs du secondaire et encore quasi inexistante pour l’enseignement supérieur. En ce sens, la professionnalisation du métier d’enseignant pourrait signifier simplement l’accentuation de la composante professionnelle de la formation, au delà de la maîtrise des savoirs ou des pratiques à enseigner.

Ces perspectives ne sont pas absentes du débat nord-américain (Carbonneau, 1993 ; Labaree, 1992 ; Lessard, Perron et Bélanger, 1993) sur la professionnalisation du métier d’enseignant, mais ce débat est inintelligible si l’on ignore une distinction, qui n’a pas d’équivalent en français, entre une profession et un métier ordinaire. Dans les pays anglo-saxons, seuls certains métiers sont considérés comme des professions : médecin, avocat, magistrat, expert, chercheur, architecte, ingénieur, journaliste-éditorialiste, par exemple. La liste n’est ni stabilisée et peut être sujette à controverses. Ces exemples correspondent simplement le mieux aux critères que repère Lemosse :

  1. l’exercice d’une profession implique une activité intellectuelle qui engage la responsabilité individuelle de celui qui l’exerce ;
  2. c’est une activité savante, et non de nature routinière, mécanique ou répétitive ;
  3. elle est pourtant pratique, puisqu’elle se définit comme l’exercice d’un art plutôt que purement théorique et spéculative ;
  4. sa technique s’apprend au terme d’une longue formation ;
  5. le groupe qui exerce cette activité est régi par une forte organisation et une grande cohésion interne ;
  6. il s’agit d’une activité de nature altruiste au terme de laquelle un service précieux est rendu à la société (Lemosse, 1989, p. 57).

Ce qui peut conduire à dire, de façon plus synthétique encore, qu’une profession est un métier gouverné par des objectifs (fixés par l’employeur ou un contrat avec un usager) et une éthique (codifiée par la corporation), sans qu’il soit opportun, ni possible, de dicter aux professionnels, dans le détail, leurs procédures et leurs décisions. Tout simplement parce qu’ils sont - dans ce sens fort - les mieux placés pour savoir " ce qu’ils ont à faire " et comment le faire au mieux. Cela ne signifie pas que tous les professionnels sont constamment à la hauteur de cette exigence. Le degré de professionnalisation d’un métier n’est pas un brevet de qualité délivré sans examen à chaque praticien. C’est plutôt une caractéristique structurelle, qui reconnaît au professionnel une autonomie statutaire, fondée sur une confiance dans ses compétences et son éthique, en contrepartie de laquelle il assume la responsabilité de ses décisions et de ses actes, non seulement moralement, mais en droit civil et pénal.

Si l’on suit cette conception anglo-saxonne, on constate que le métier d’enseignant est au milieu du gué, qu’on peut le décrire comme une semi-profession, caractérisée par une semi-autonomie et une semi-responsabilité. Pour évoluer vers davantage de professionnalisation de leur métier, il faudrait évidemment que les enseignants acceptent davantage de risques, se protègent moins derrière " le système ", les programmes, les directives. Encore conviendrait-il qu’ils en aient les moyens, et notamment les compétences, et le revenu qu’on associe aux professions à part entière. Et aussi qu’on leur donne, en contrepartie d’une plus forte responsabilité personnelle, le droit de choisir leurs stratégies didactiques, leurs démarches et modalités d’évaluation, leur façon de grouper les élèves et d’organiser le cursus et les dispositifs d’enseignement-apprentissage. Ce qui passe par une transformation du fonctionnement des établissements et la professionnalisation parallèle des autres métiers de l’enseignement : inspecteurs, chefs d’établissement, formateurs…

La formation n’est certainement pas le seul vecteur de professionnalisation du métier d’enseignant. J’ai indiqué ailleurs qu’il fallait toucher simultanément :

Il reste que la formation, initiale et continue, est l’un des leviers qui permettent d’élever le niveau de compétence. C’est évidemment leur but dans toute hypothèse quant au processus de professionnalisation du métier d’enseignant. Ce qui change dans cette perspective, c’est que la formation contribue non seulement à accroître les savoir et savoir-faire des enseignants, mais à transformer leur identité, leur rapport au savoir, à l’apprentissage, aux programmes, leur vision de la coopération et de l’autorité, leur sens éthique, bref à faire émerger ce métier nouveau pour lequel plaide Philippe Meirieu (1990).

Les questions qui suivent sont posées dans cette optique.


2. La question des pratiques de référence,
de l’idéalisme et de la transposition didactique
en formation professionnelle

Lorsqu’on forme à un métier semi-professionnalisé, on ne sait pas très bien qui définit les pratiques de référence. Qu’est-ce qu’enseigner aujourd’hui ? Quelle évolution des pratiques peut-on prévoir au cours des décennies à venir ? A qui appartient-il de répondre à ces questions ? Aux gens de métier et aux associations d’enseignants ? Aux formateurs ? Aux chercheurs et autres experts ? Aux pouvoirs organisateurs ? Au corps d’inspection ? Aux chefs d’établissement ? Aux usagers ? Aux futurs employeurs des élèves ? Au gouvernement ? A l’opinion publique ?

Dans une société pluraliste et développée, chacun se mêle d’éducation et nul n’a le monopole de la réponse. On peut simplement souhaiter que les gens de métier prennent de plus en plus de poids dans sa définition, mais s’éloignent en même temps d’une vision purement syndicale : définir le métier n’est pas seulement défendre les revenus et les conditions de travail, l’emploi et le statut. C’est d’abord penser les pratiques qui sont au coeur du travail quotidien et les compétences qu’elles supposent ; c’est aussi anticiper et préparer les évolutions nécessaires, entre réalisme conservateur et utopie béate (Perrenoud, 1994 b). Aujourd’hui, les enseignants se rassemblent dans la défense de leurs intérêts, mais se divisent sur la nature du métier et de ses transformations et souvent se taisent pour masquer ces divisions, dont ils pressentent qu’elles ne servent pas leur image publique. Ils laissent donc la parole aux experts de la noosphère et aux formateurs spécialisés en didactique des disciplines ou en sciences humaines et sociales, nouveaux venus qui ont besoin de prendre leur place et d’affermir leur pouvoir symbolique. Ou aux chefs d’établissement et autres personnels de direction, d’inspection et d’encadrement, qui eux aussi sont en mutation et visent la professionnalisation de leurs métiers respectifs. Ou encore aux media qui scrutent la condition enseignante, de Tant qu’il y aura des profs à Une vie de prof. Dans ce concert discordant de voix et de silences, les institutions de formation des enseignants font ce qu’elles peuvent, usent de leur autonomie relative pour faire des plans de formation compatible avec les moyens et les formateurs dont elles disposent.

Il nous manque une méthode pour expliciter et confronter des représentations du métier et de son avenir, et plus encore un langage commun pour parler des savoirs et des compétences des enseignants. Le poids donné à la maîtrise des savoirs savants interdit encore, parfois, de reconnaître et de nommer les savoirs et savoir-faire proprement pédagogiques et didactiques. Dons personnels ou fruits de l’expérience, ce sont encore des non dits à certains niveaux de l’enseignement. Même lorsqu’on en parle plus ouvertement, on met l’accent sur des savoirs savants - psychologie et autres sciences sociales et humaines, didactiques de disciplines - et on ne sait pas dire grand chose des savoirs professionnels, des savoirs d’expérience, et moins encore compétences précises qu’on mobilise dans une classe. Dans les plans de formation, les objectifs visés restent souvent assez vagues et le cursus reste ordonné à une logique des contenus à couvrir, des savoirs à transmettre davantage que des compétences à construire.

C’est sans doute parce que nous n’avons pas encore un cadre de référence explicite et partagé pour penser les objectifs de formation et la transposition didactique à partir d’une pratique professionnelle. Certes, on voit fleurir des " référentiels de compétences ". On peut débattre à l’infini de leur structuration et des items qui les composent sans se demander à partir de quelles informations, de quelles représentations des pratiques quotidiennes et des compétences sous-jacentes chacun réfléchit. Presque tous les formateurs pensent savoir de quoi le métier est fait et se distinguent surtout sur le plan des orientations épistémologiques, idéologiques ou méthodologiques : approches didactiques ou psychopédagogiques, méthodes traditionnelle ou méthodes actives, évaluation normative ou formative, usage ou mépris des technologies nouvelles, etc. Ces débats peuvent laisser dans l’ombre ou dans l’implicite des pans entiers du métier : le traitements des différences, la part des angoisses des uns et des autres (parents, élèves, enseignants), les phénomène de pouvoir, de déviance, de violence, la communication, la " gestion des conflits ", les relations intersubjectives complexes (amour, haine, séduction, jalousie, identification, etc.), les phénomènes de groupe, la confrontation des cultures, des valeurs et des rapports au savoir, la façon de faire face au flou et à l’ambiguïté, de vivre dans une constante incertitude quant aux résultats réels de son action, de décider quand on ne peut rien décider…

Je plaide donc pour un travail plus méthodique de description des pratiques pédagogiques dans toutes leurs dimensions, d’anticipation de leur évolution prévisible, de choix entre le souhaitable et le possible, d’explicitation des savoirs et des compétences mobilisées ou mobilisables, de définition des objectifs de formation et de transposition didactique sur cette base (Paquay, 1994 ; Perrenoud, 1994 b, 1994 i).


3. La question de la nature et de la construction
des compétences et des savoirs professionnels

Pour ceux qui se sont engagés dans un tel travail, les questions restent nombreuses sur le fond, mais surtout sur les règle du jeu qui permettraient une confrontation de l’ensemble des intéressés. En effet :

A supposer qu’on se mette provisoirement d’accord sur la nature des compétences et qu’on en dresse la liste, d’autres problèmes surgissent :

Ces questions renvoient à l’état incertain des sciences de l’éducation et des didactiques aussi bien qu’à la diversité des idéologies dans le champ des formations professionnelles de haut niveau.


4. La question des praticiens débutants et de
l’articulation entre formation initiale
et formation continue

Chacun s’accorde aujourd’hui à dire que la formation initiale n’est qu’un début, que la formation continue doit la prolonger et accompagner les enseignants tout au long de leur carrière. Mais quel rapport imagine-t-on au juste entre les deux ?

La conception la plus courante de la formation continue insiste sur sa fonction de mise à jour (" aggiornamento ", dit-on en italien) des connaissances et compétences acquises. Sans doute est-ce une vision correcte dans un métier dont le degré de professionnalisation est stable : il s’agit de moderniser régulièrement ses outils de travail, pour tenir compte du développement des savoirs et des technologies.

Si la formation des enseignants doit contribuer à la professionnalisation de leur métier, ce n’est pas suffisant, puisque l’identité professionnelle, le niveau de qualification, d’autonomie et de responsabilité doivent eux-mêmes évoluer. Il importe donc de travailler ouvertement dans ces registres, de prévoir des modules de formation centrés sur la personne de l’enseignant, le travail d’équipe, les problèmes éthiques, les transformations identitaires, le rapport au savoir et non seulement des modules techniques ou didactiques. Il serait encore plus satisfaisant d’intégrer ces dimensions générales aux modules qui traitent de la construction des épreuves, de la didactique de telle notion ou de l’usage de l’ordinateur en classe. Car c’est dans la façon de s’approprier ces connaissances et ces outils, dans la capacité de reconstruire en conséquence une gestion de classe et un contrat didactique, que se joue la professionnalisation.

Il reste à clarifier ce qu’il faut viser en formation initiale ? Qu’est-ce qu’un " bon débutant " ? Sans doute faut-il considérer deux aspects parfois peu conciliables :

Un bon débutant (Perrenoud, 1994 j) n’est pas un bon remplaçant ! Il ne suffit pas qu’il " s’en tire " sans faire de dégâts. On pourrait viser une voie médiane, rejeter à la fois une expérience tellement déstabilisante qu’elle éloigne du métier et une expérience tellement cadrée qu’elle invite à ne plus changer une fois dominés les problèmes immédiats et dépassées les premières paniques, surcharges et autres crises des commencements. D’où l’importance d’une analyse et d’une connaissance aussi bien de ce qui se joue dans " la première classe " (Baillauquès et Breuse, 1993 ; Baillauquès et Louvet, 1990) que des régularités observées dans le cycle de vie professionnel des enseignants (Huberman, 1989).


5. La question de l’alternance et du rôle du terrain
dans la formation initiale

La formation en alternance est à la mode. Mais qu’entend-on au juste par là ? L’alternance peut se borner à la juxtaposition de moments de cours et de moments de stages. Elle peut devenir une forte articulation, non seulement entre des lieux de formation, mais entre des postures : agir, réfléchir dans l’action, réfléchir sur l’action ; planifier ou anticiper l’expérience à la lumière des savoirs disponibles, l’analyser sur le vif ou après coup, pour comprendre ce qui s’est passé, introduire des régulations et acquérir de nouveaux schèmes, élargir ses compétences, diversifier ses modes d’action ou de représentation.

Il ne suffit donc pas d’incorporer des stages au cursus de formation pour prétendre réaliser une véritable alternance. La proportion du temps de formation accordée au travail sur le terrain et sa position dans le cursus en disent souvent long sur la conception sous-jacente de l’alternance : si les stages représentent le 10-15 % du temps de formation et sont concentrées en fin de cursus, on sait à quoi s’en tenir ; il s’agit d’un " bain de pratique " avant de faire le grand saut vers la première classe. C’est mieux que rien, sans doute, mais on reste dans une alternance pauvre et tardive.

L’examen des plans de formation est un autre indice : lorsque les stages se présentent comme des modules indépendants, sans identité thématique, caractérisés simplement par leur durée, leur étalement (stages filés ou groupés), le degré d’implication du stagiaire (observation, pratique accompagnée, responsabilité), on comprend que leur lien soit ténu avec les autres modules de formation. On trouve alors, dans le meilleur des cas, un séminaire d’accompagnement (analyse de la pratique, supervision) ou un module d’introduction aux stages, on donne aux étudiants des interlocuteurs (responsables de la formation pratique, superviseurs, conseillers pédagogiques) qui les aident à préciser leur attentes et à donner du sens à leur stage. Division du travail qui dispense l’ensemble des autres formateurs de se sentir responsables des temps de terrain et libres de les vivre souvent comme des moments où les étudiants leur échappent, " partis en stages ".

L’articulation se renforce quant les unités de formation comprennent en leur sein, sous la responsabilité des mêmes formateurs, des temps de terrain et des temps de formation dans le cadre de séminaires fortement centrés sur ce que les étudiants vont faire ou feront dans les classes (Perrenoud, 1994 f). Les maîtres de stages deviennent à ce moment de vrais " formateurs de terrain ", qu’un réseau relie aux formateurs du centre en charge d’une unité spécifique. Il devient alors possible de les impliquer dans un contrat didactique complexe, et de leur demander de participer à la construction des compétences autrement que sur le mode de l’exemplarité de leur pratique ou de la correction des essais du stagiaires. On peut, dans ce cadre, inviter le formateur de terrain à :

J’ai développé ces idées ailleurs (Perrenoud, 1994 d). Le rôle du terrain dans la formation des enseignants est désormais un champ de travail en plein développement (Clerc & Dupuis, 1994). Cependant, ces thèmes mobilisent encore peu de monde, une partie des formateurs ne se sentent pas fortement concernés et laissent aux directions des institutions de formation initiale, aux responsables des stages, aux animateurs des séminaires d’accompagnement ou d’analyse de la pratique, le souci de l’information, de la formation, de l’association des formateurs de terrain à l’ensemble du cursus.

Dernier point : la problématique de l’alternance et des stages escamote trop souvent un débat qui devrait porter sur la démarche clinique de formation et l’écrit professionnel (Cifali, 1991 ; 1994), sur le mode de construction des compétences dans un va-et-vient entre théorie et pratique (Perrenoud, 1994 b, 1994 f), sur les savoirs d’expérience (Tardif, 1993 a et b), sur les connaissances-en-acte et l’habitus (Vergnaud, 1990 ; Perrenoud, 1994 h), sur l’apprentissage de la pratique réfléchie par la pratique réfléchie en formation (Schön, 1987, 1991 ; Saint-Arnaud, 1992).


6. La question de l’articulation de la formation
continue avec les projets d’établissements, la professionnalisation interactive, l’innovation, l’émergence de cultures de coopération

Plutôt que de faire venir les enseignants dans les centres de formation, la tendance - qui se développe - est que les formateurs aillent travailler dans les écoles et les classes, avec les enseignants, les équipes, les responsables, en faisant de la formation un apport intégré à la réussite de l’action. Il y a donc à interroger l’idée même d’une formation, en particulier d’une formation continue, comme pratique distincte de l’innovation, de la démarche de projet ou de la supervision professionnelle.

Pour que se développent de nouvelles pratiques de formation continue, il importe que la culture commune des formateurs et des responsables de formation s’enrichisse dans le domaine de la professionnalisation interactive et des cultures professionnelles (Gather Thurler, 1992 ; 1994 a et b), qu’elle donne aussi davantage de clés pour comprendre le fonctionnement des équipes et des réseaux, les dynamiques des projets d’établissements, les ressorts du renouveau, de l’innovation, de la modernisation des systèmes éducatifs.

Ce qui suppose une diversification des rôles et des modes d’intervention en formation continue, donc aussi des profils et des identités des formateurs (Perrenoud, 1994 c).


7. La question des structures de formation initiale et continue
et du rôle des universités

Les systèmes de formation des enseignants diffèrent d’un pays ou d’une région à l’autre. Presque partout, il y des différences entre enseignants du primaire, du secondaire, du professionnel, du supérieur, différences de statuts ou de revenus, de niveau et de type de formation. Il serait donc vain d’espérer dégager une structure optimale valable dans tous les contextes. Chaque système suit sa propre histoire, mais il peut s’inspirer, par moments, de ce que font les autres.

Parmi les tendances à l’œuvre, on peut discerner :

Chacun de ces points mériterait un long débat. C’est ainsi que le partenariat peut exclure les praticiens et ne reconnaître comme interlocuteurs des instituts de formation que le corps d’inspecteurs, les chefs d’établissement ou les associations. Quant au rapprochement avec les universités, rien n’assure d’avance qu’il donnera une véritable place aux sciences de l’éducation, et plus globalement aux sciences humaines et sociales. Dans les IUFM français, les universités interviennent d’abord pour consolider la maîtrise savante des savoirs à enseigner.

L’enseignement secondaire pose un problème supplémentaire de structure : s’il faut maîtriser les contenus à enseigner au niveau d’un second cycle universitaire de lettres, sciences, mathématiques, etc., comment donner une place importante à la formation professionnelle sans allonger les études ? Comment éviter qu’un professeur du second degré achève sa double formation à bac + 7 ou 8 ? La seule voie d’avenir me semble, tracées par certains systèmes, paraît être de rechercher des accords entres Facultés pour des formations mixtes, l’étudiant suivant par exemple, en parallèle, durant le second cycle universitaire, une formation en mathématique et une formation en pédagogie et en didactique des mathématiques.


8. La question des stratégies de changement

Chaque pays, chaque système est confronté à une partie de ces questions, mais dans sa logique, en fonction de son histoire, des rapports de force, des mentalités, des situations budgétaires et politiques, de l’état des institutions de formation.

Sans enfermer quiconque dans le modèle des autres, il importe au moins de se parler, de s’informer mutuellement des problèmes et des solutions, de réfléchir ensemble sur des questions analogues. On peut dans cet esprit insister sur quelques stratégies de changement :

Tout cela ne garantit pas l’innovation, mais lui donne de meilleures chances de surgir et de se stabiliser.


Conclusion

Comment ne pas se noyer dans la complexité et la diversité des chantiers ? Sans espérer donner une véritable réponse, j’insisterai, pour conclure, sur quelques attitudes favorables :

  1. Voir à long terme, garder le cap, ne pas se laisser détourner de l’essentiel par les péripéties politico-budgétaires.
  2. Se souvenir que les institutions, les curricula et les budgets ne sont que des outils, qui sont changeables à moyen terme.
  3. Travailler intensivement sur les représentations et leur confrontation, sur l’état des lieux et la structuration des questions et des objectifs.
  4. Multiplier les expériences aux marges, surtout lorsque le système est difficile à ébranler.
  5. Faire vivre des réseaux qui, comme le REF (réseau éducation - formation) n’ont d’autre but que de faire circuler et se confronter des idées.

Références

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