Méthodes et problèmes

Le mode dramatique

Éric Eigenmann, © 2003
Dpt de Français moderne – Université de Genève

I.1. Qu'est-ce que le théâtre?

I.1.1. Art du spectacle et genre littéraire

Les rapports entre texte et théâtre dépendent évidemment des acceptions du mot théâtre, multiples, dont on retiendra les cinq suivantes:

Le théâtre (1) désigne un art du spectacle, art combinatoire impliquant diverses techniques d'expression corporelles et vocales, mais aussi plus largement visuelles et auditives, qui élabore une forme de représentation dans l'espace pouvant procéder d'un texte de théâtre (au sens 2) ou donner lieu à son écriture; c'est plus globalement l'événement socio-culturel qui réunit pour l'occasion, en un même espace et au même moment, les acteurs et les spectateurs de cette représentation.

Le théâtre (2), c'est aussi un genre littéraire qualifié de dramatique, qui forme avec l'épique et le lyrique (le récit et la poésie) la fameuse triade romantique des genres, elle-même issue de l'alternative poétique (narratif / dramatique) décrite par Platon et Aristote. Lui appartiennent des textes ou écrits littéraires dotés de certaines caractéristiques liées à la représentation théâtrale, qui les font en général reconnaître d'un coup d'oeil (voir infra, 1.4) et opèrent un classement dans l'œuvre d'un auteur: le théâtre de Victor Hugo par opposition à ses romans et à sa poésie.

Cette première ambivalence appelle la remarque suivante, formulée par Jerzy Grotowski: En France, les pièces publiées en livres sont désignées sous le titre de Théâtre – une erreur à mon sens, parce que ce n'est pas du théâtre, mais de la littérature dramatique (Grotowski, 1969, p. 53-54). L'anglais dispose en revanche de deux termes, theatre et drama. Si le français confère au mot drame des sens qui excluent de suivre la langue de Shakespeare (dont celui retenu dans [L'œuvre dramatique]), il est néanmoins possible de s'en inspirer pour les adjectifs en réservant dramatique au texte et théâtral à la scène, conformément d'ailleurs à l'usage qu'Aristote fait du premier et à l'étymologie grecque du second, rappelée plus bas.

Edition: Ambroise Barras, 2003-2004