Expo "Traverser les frontières"

Diapositive1.jpg

 


 

Il est impossible de parler des migrations d’êtres humains sans évoquer les frontières, et ce que veut dire, vraiment, "traverser" la frontière. La relation est intime, la frontière est un obstacle dangereux auquel se heurte le migrant, irrégulier ou non, au cours de son voyage.

La frontière s’inscrit en contraste dans le paysage: soit elle se dresse en barrière épaisse, soit elle feint la disparition. Elle donne l’illusion d’un monde parfaitement organisé en régions ou en pays. Les frontières regroupent pourtant les êtres humains autant qu’elles les séparent. Elles se meuvent dans le temps et dans l’espace quand l’histoire bouscule la géographie.

Les frontières sont ambivalentes et paradoxales: elles organisent le monde, et protègent les sociétés, mais les traverser est une expérience traumatisante pour une grande partie de l’humanité.

L’esquisse préfigure la carte, elle permet d’exprimer plus librement et plus subjectivement le caractère fluctuant ou arbitraire de ces lignes de partage (et la diversité de leur statut) où de ces mouvements d’êtres humains qui parcourent en tous sens une planète riche et diversifiée.   

La cartographie part ainsi à la rencontre de l’art.

Derrière chaque carte, il y a une intention. La carte naît d’une idée, elle est une construction mentale avant d’exister sur le papier. L’esquisse montre l’humeur et les hésitations du cartographe qui y note en désordre les idées qui vont constituer la trame de l’histoire qu’il raconte. Elle se conçoit et s’organise comme on assemble un jeu de construction: chaque pièce est en contact avec toutes les autres. Changer la place d’une de ces pièces revient à recomposer le paysage.

L’esquisse est une "œuvre de transition" malléable, elle est le lieu d’expérimentations graphiques, un révélateur plus authentique, plus fidèle à la pensée du cartographe que l’ordinateur, qui pervertit, et fige froidement des situations souvent fort mouvantes. Les mouvements, les formes, les couleurs s’y expriment avec plus de vie. On peut renforcer les traits, jouer sur les contrastes, insister sur le caractère aléatoire de la géographie du monde. C’est ce qui en fait une émotion artistique autant que politique.

Philippe Rekacewicz, visionscarto.net

top