La centration perceptive et les illusions primaires et secondaires (1953) a 🔗
L’évolution des perceptions avec l’âge permet de distinguer deux sortes d’effets : ceux qui diminuent d’importance avec le développement et correspondent en gros aux effets de champ et ceux qui augmentent de valeur (ou les effets mixtes) et qui soulèvent d’autres problèmes.
Les effets du premier type présentent certaines relations constantes avec l’âge. Par exemple lorsque l’on fait varier l’un des éléments d’une figure en laissant constant celui sur lequel porte la déformation mesurée, les maximum positif et négatif se retrouvent à tout âge pour les mêmes rapports, bien que la valeur absolue de ces maximum diminue en moyenne au cours du développement.
Ces relations constantes semblent obéir à la loi :
P = ± (n (L1 − L2). (L2/Lmax)) / S
[p. 723]où P = la déformation mesurée sur l’une des longueurs de la figure, maintenue constante et choisie comme unité ; L1 = la plus grande de deux longueurs comparées ; L2 = la plus petite de ces deux longueurs ; Lmax la plus grande longueur de la figure ; S = sa surface ; n = le nombre de fois qu’intervient L2 ou L1 si ces longueurs sont représentées à plusieurs exemplaires ; P est + si l’élément constant est L1, et − s’il est L2.
Les maximum calculés au moyen d’une telle formule dans les cas des cercles concentriques (Delbœuf), des rectangles, de l’illusion d’Oppel, des angles, etc., correspondent avec une approximation suffisante aux résultats expérimentaux.
Or, il est aisé de rendre compte de cette relation générale en le concevant comme le produit de la composition des effets de centration sur les divers éléments de la figure, si l’on admet cette seule hypothèse que tout élément centré est par le fait même surestimé proportionnellement à sa longueur. Cette surestimation p explique notamment l’intervention de la différence L1 − L2 car [(L1 + pL1 − (L2 + pL2)] > (L1 − L2).
Sans lier la surestimation p à aucune hypothèse physiologique il est permis de le concevoir comme une fonction probabiliste, exprimable en termes de probabilité simple ou dans le langage de la théorie de l’information.
Mais une telle surestimation est-elle vraiment générale ? Outre certains faits d’observation directe et surtout l’existence d’une « erreur systématique de l’étalon » 1 difficile à interpréter sans cette hypothèse, on peut se livrer aux deux sortes de vérifications suivantes, que nous poursuivons actuellement avec Alb. Morf : 1° Soient deux points fixes A et B, le sujet étant prié de fixer son regard au centre de l’intervalle AB et un point mobile C que le sujet ajuste jusqu’à ce qu’il perçoive AB = BC (l’intervalle BC étant donc perçu en vision indirecte), on observe une surestimation systématique de l’intervalle centré AB.
2° Soient deux droites, dont l’une constante et l’autre variable, se prolongeant l’une l’autre avec un intervalle de quelques cas. En une expérience I l’une des deux est présentée avant l’autre et toutes deux disparaissent ensemble ; en une expérience II elles apparaissent ensemble mais l’une disparaît avant l’autre (présentations de ½ et 1’’ ou 1’’ et ½, etc.). Deux facteurs interviennent alors, qui sont nécessairement indissociables : la durée de centration et l’ordre des centrations (avec, suivant la règle surestimation de l’élément perçu en dernier lieu, c’est-à -dire disparaissant le dernier ou apparaissant en second). Mais, dans l’expérience II les deux facteurs cumulent leurs effets, tandis que dans l’expérience I ceux-ci tendent à se compenser.
Le résultat obtenu jusqu’ici est que, en II, il y a surestimation systématique de l’élément le plus longtemps présenté. En I, cet effet est affaibli mais demeuré systématique pour les temps optimum (½ et 1’’ de présentation chez l’adulte).
En ce qui concerne les illusions de premier type (effets de champ diminuant de valeur avec l’âge), l’ensemble des faits observés paraît donc relativement cohérent.
Quant aux effets de second type, ils sont de natures très diverses : illusion de poids, effets Usnadze, comparaisons verticales (à paraître avec Lambercier) ou verticales-obliques (dont nous avons confié l’étude à H. Wursten), évaluation des grandeurs projectives (avec Lambercier), etc. Les facteurs s’ajoutant aux précédents semblent, en de tels cas, consister en diverses activités perceptives des transports spatiaux ou temporels, d’anticipations, de mise en relation avec des éléments de référence, etc. Leur étude en est encore à ses débuts.