Genèse 22, 1-14

Le texte de la ligature d'Isaaq est un grand classique abondamment commenté à la fois par les textes rabbiniques et par le Nouveau Testament (Hébreux 11,17-19; Jc 2,21-23). Pourquoi Abraham accepte-t-il de sacrifier son fils ? La réponse à cette question est un défi pour l'exégète, tant il est vrai qu'en lisant attentivement Genèse 22 la réponse n'est pas explicitement présente.

Nous travaillerons ce texte de manière un peu différente des textes précédents. 

Vous disposez de trois outils:

le texte hébreu, une traduction de ce texte et des notes expliquant les principales difficultés posées par ce passage.

1) Le texte hébreu de Genèse 22.




2) Traduction de la TOB.
1 Or, après ces événements, Dieu mit Abraham à l'épreuve et lui dit: "Abraham"; il répondit: "Me voici".

2 Il reprit: "Prends ton fils, ton unique, Isaac, que tu aimes. Pars pour le pays de Moriyya et là, tu l'offriras en holocauste sur celle des montagnes que je t'indiquerai".

3 Abraham se leva de bon matin, sangla son âne, prit avec lui 2 de ses jeunes gens et son fils Isaac. Il fendit les bûches pour l'holocauste. Il partit pour le lieu que Dieu lui avait indiqué.

4 Le 3ème jour, il leva les yeux et vit de loin ce lieu.

5 Abraham dit aux jeunes gens: "Demeurez ici, vous, avec l'âne; moi et le jeune homme, nous irons là-bas pour nous prosterner; puis nous reviendrons vers vous".

6 Abraham prit les bûches pour l'holocauste et en chargea son fils Isaac; il prit en main la pierre à feu et le couteau, et tous 2 s'en allèrent ensemble.

7 Isaac parla à son père Abraham: "Mon père", dit-il, et Abraham répondit: "Me voici, mon fils". Il reprit: "Voici le feu et les bûches; où est l'agneau pour l'holocauste"?

8 Abraham répondit: "Dieu saura voir l'agneau pour l'holocauste, mon fils". Tous 2 continuèrent à aller ensemble.

9 Lorsqu'ils furent arrivés au lieu que Dieu lui avait indiqué, Abraham y éleva un autel et disposa les bûches. Il lia son fils Isaac et le mit sur l'autel au-dessus des bûches.

10 Abraham tendit la main, il prit le couteau pour immoler son fils.

11 Alors l'ange du SEIGNEUR l'appela du ciel et cria: "Abraham! Abraham"! Il répondit: "Me voici".

12 Il reprit: "N'étends pas la main sur le jeune homme. Ne lui fais rien, car maintenant je sais que tu crains Dieu, toi qui n'as pas épargné ton fils unique pour moi".

13 Abraham leva les yeux, il regarda, et voici qu'un bélier était pris par les cornes dans un fourré. Il alla le prendre pour l'offrir en holocauste à la place de son fils.

14 Abraham nomma ce lieu "le SEIGNEUR voit"; aussi dit-on aujourd'hui: "C'est sur la montagne que le SEIGNEUR est vu".



3) Notes relatives au texte.
Le vocabulaire doit être cherché dans le vocabulaire de base ou dans votre dictionnaire. Les renvois à la grammaire vous seront utiles seulement si les formes vous posent des problèmes.

Verset 1

Voir la grammaire sur les verbes  .

Traduire histoire, événement.

mettre à l'épreuve. De quel mode s'agit-il ? Solution 1.

Voir la grammaire des prépositions avec suffixes.

Voir la grammaire des prépositions avec suffixes.

Verset 2

(prendre), voir la grammaire sur les verbes  (deuxième partie de cette leçon). Ce verbe se comporte comme un  .

Cette particule d'insistance est très souvent présente après les impératifs ou les jussifs.

(celui qui est) unique.

Observez la série de  (complément d'objet), ils introduisent des définitions différentes du même personnage.

(aller), voir la grammaire sur les verbes  (deuxième partie de cette leçon). Ce verbe se comporte comme un  suffixe 2msg + préposition  , permet d'insister sur l'ordre va-toi !

Certains noms propres peuvent, comme ici, prendre un article. Autre cas, le Jourdain  .

Analyser cette forme. Solution 2.

Le aleph de la racine s'assimile au aleph de la préformante.

Verset 3

Analyser cette forme. Solution 3.

sangler, seller. Si vous ne comprenez pas pourquoi la voyelle de la préformante est patah au lieu de hiræq, relire la grammaire sur le verbe à première gutturale.

, voir la grammaire sur les verbes    (deuxième partie de cette leçon). 

Attention aux deux significations de  .

Analyser cette forme. Solution 4.

Règle concernant les  . (rappel) 

La vocalisation du Qal CP est â-u (ou o) . Au narratif, la vocalisation u ou o est réduite  (le deuxième qâmæs est hâtûph).

Qal narratif, racine  (aller), voir la grammaire sur les verbes  (deuxième partie de cette leçon).

Verset 4

Théorie concernant les nombres.

Qal narratif 3msg. Verbe  (observez le redoublement du sin). Le aleph final explique le qâmæs.

Forme apocopée de la racine  Qal. Grammaire sur les verbes  .

Verset 5

Analyser cette forme . Solution 5.

même principe que  du verset 2

Analyser cette forme. Solution 6.

peut signifier .

Le hishtafel. 

Cette forme est très particulière. Nous savons par la langue d'ougarit qu'il existe en hébreu un mode hishtafel (préfixe  Ce mode n'est attesté que pour la racine  (pour plus de précision cf. Lettinga 41q et 57w). Cette forme doit être analysée comme un Hishtafel CP 1pl. Ce verbe signifie se prosterner. 

Qal CP 1pl + he cohortatif.

Verset 6

voir verset 3

Le feu, ici la pierre à feu.

sorte de couteau.

voir verset 3.

Verset 7

Remarquez la voyelle de liaison entre le  (singulier) et le suffixe 3msg. Il s'agit d'une particularité de .

où ?

une tête de petit bétail.

Verset 8

Pas de difficulté. La fin du verset reprend la fin du verset 6.

Verset 9

Quelle est la racine ? Solution 7.

Quelle est la racine ? Solution 8.

arranger

lier, attacher. Le fait que l'on parle du récit de la ligature d'Isaaq vient de ce terme.

Voir verset 6.

Verset 10

voir verset 3

sorte de couteau.

immoler

Verset 12

Négation exprimant une volonté. S'utilise généralement pour nier le jussif.

Quel est la racine ? Solution 9.

Quoique ce soit

craignant

L'expression signifie "je sais que craignant Dieu toi", c'est à dire "je sais que tu crains Dieu".

préserver, refuser

Voir la grammaire des prépositions avec suffixes.

Verset 13

Voir verset 4.

Voir verset 4.

Analyser cette forme. Solution 10.

buisson.

corne.

verset 3.

voir verset 3

Verset 14

Nifal CP 3msg (forme forte: ). L'impossibilité de redoubler la première gutturale est compensée par l'allongement du i en é. Traduire: "il est dit" ou "on dit".

Même analyse que ci-dessus. traduire il apparaît.


Solution 1: Il s'agit d'un Piel CA, comme en témoigne le redoublement de la deuxième radicale. La vocalisation qamæs (forme forte:  ) s'explique par la grammaire sur les verbes 



Solution 2: Racine  Qal monter, Hifil faire monter. Il s'agit d'un Hifil Impératif avec un suffixe 3msg. Fais-le monter signifie qu'il faut le sacrifier (la fumée de l'holocauste monte vers le ciel). Observez que le terme holocauste (deux mots après) vient de la même étymologie.


Solution 3: Hifil (cf. la vocalisation patah de la préformante, le dâgesh est doux, il n'indique donc pas un redoublement). Le hif CP  au narratif.


Solution 4: Piel narratif 3msg.  signifie fendre.


Solution 5: impératif m pl. Qal.


Solution 6: Racine  CP 1pl. (grammaire sur les verbes  ). Le he final est un he cohortatif. Voir les quelques particularités de la CP.


Solution 7 Ici Qal, narratif. 


Solution 8:  Ici Qal, narratif, forme apocopée.


Solution 9:  Ici Qal, jussif, forme apocopée. La première gutturale explique le patah sous la préformante. 


Solution 10: La racine est  (Qal, tenir; Nifal être tenu). Il s'agit d'un verbe à première gutturale. Il s'agit d'un Nifal CA 3msg. La première gutturale influence la vocalisation du préfixe du nifal (ff.  ).

© Jean-Daniel Macchi / Université de Genève