Appendice II
Point de vue d’un général
Le général J. F. C. Fuller passe pour l’un des meilleurs critiques militaires de l’époque. Il fut en Angleterre le champion de la guerre mécanique et des engins blindés. Le Figaro du 20 avril 1946 publie les opinions suivantes de cet expert, à rapprocher de ma lettre II :
« La stratégie, le commandement, le courage, la discipline, le ravitaillement des troupes, l’organisation et toutes les qualités morales ou physiques ne comptent plus devant une haute supériorité d’armement. S’il fallait parler chiffres, nous dirions que le facteur armement [p. 124] entre pour 99 pour cent et les autres facteurs pour 1 pour cent dans la victoire.
Mais la conception actuelle de l’armement devient absurde. Dans la bataille “atomique”, le nombre des combattants est réduit à un strict minimum. Ce principe deviendra absolu quand la bombe-fusée atomique aura été mise au point. Alors le soldat ne sera plus que le spectateur effrayé d’une guerre menée par des robots. D’autre part, la victoire appartiendra à celui qui disposera du plus grand nombre de bombes.
Quelle place y aura-t-il dans une guerre de laboratoires pour les tanks, l’artillerie, l’infanterie, pour les fortifications, les voies stratégiques de chemin de fer, pour les académies militaires, les écoles d’officiers et pour les généraux de terre et de l’air, les amiraux ? Aucune. Ne voyez là aucune exagération.
Personne ne saura ce qui se passe au-dessus de sa tête. Personne ne saura qui combat, et contre qui (et pourquoi !) La guerre se poursuivra dans une sorte d’exaltation belliqueuse, jusqu’au moment où le dernier laboratoire sautera.
[p. 125] S’il reste encore des vivants sur terre, une conférence sera très certainement organisée pour décider qui est le vainqueur et qui est le vaincu. »