Désagréger le complexe de la visualité impériale portugaise

affiche_complexe_visualite_imperiale_portugaise.png

Dama de muito prestígio levada em cadeirinha de luxo,
Carlos Julião, Fundação Biblioteca Nacional (FBN, Brasil)

 

 

Une riposte visuelle des arts africains et afro-brésiliens contemporains

 

Conférence par Carla Francisco,
chercheuse associée à l’Institut des mondes africains (IMAF CNRS IRD)

Lundi 3 avril 2023 | 16h15
Bâtiment des Philosophes, salle 113

 

L’une des formes artistiques les plus prisées de la culture visuelle impériale portugaise était la représentation des fortifications de villes coloniales dans lesquelles des types représentatifs de la population locale étaient apposés au premier plan de l’image. Certaines images, comme les dessins de l’ingénieur Carlo Julião, ingénieur militaire italien à service de l’armée portugaise dans le dernier quart du XVIIIe siècle, proposent dans une seule image les populations coloniales de Goa au Brésil en passant par le Mozambique et l’Angola. L’image retenue est celle d’un empire vaste et multiculturel. L’exemple de la visualité impériale portugaise se fonde sur l’idée d’un empire de l’Orient à l’Occident. Si l'on se contente d'une lecture superficielle, on pourrait croire que ces images mettent en avant la diversité culturelle des populations coloniales de l’empire portugais. Cependant, il est évident, au vu des formes choisies, que ces cultures sont placées sous la tutelle de la culture portugaise, tenue pour modèle à atteindre. L’image d’un empire est souvent la réunion de plusieurs éléments visuels qui créent un récit de légitimation de la domination d’une culture, celle du colonisateur, sur toutes les autres, celles des colonisés. Alors que les éléments visuels peuvent changer avec le temps, le récit visuel colonial se construit néanmoins sur l’arrangement de trois piliers qui forment la visualité impériale : la classification, la séparation et l’esthétique. Ces démarches sont naturalisées et rendues invisibles dans ce récit. On constate néanmoins qu’actuellement beaucoup d’artistes issus de ces sociétés anciennement colonisées reviennent à ces formes artistiques, développées pendant la période coloniale, ayant pour intention de se réapproprier de ces formes artistiques en leur octroyant de nouvelles significations sociales, politiques et artistiques, entre autres. En ce sens, cette communication proposera une analyse de certaines de ces pratiques artistiques africaines et afro-brésiliennes contemporaines, que, dans un jeu dialectique, se proposent de désagréger le complexe de cette visualité impériale par différentes réappropriations, ruptures et renversements de sens.
 

Carla Francisco est docteure en études romanes, chercheuse associée à l’Institut des mondes africains (IMAF CNRS IRD). Elle travaille avec la représentation visuelle et littéraire du personnage noir et le thème de l’esclavage dans la culture visuelle coloniale et post-coloniale. Le chapitre intitulé « La Sucrerie paysagère : les illustrations dans l’Histoire générale des Antilles, de Jean-Baptiste Du Tertre, et l’engenho brésilien de Franz Post (1650-1670) », dans l’oeuvre collective Paysages littéraires. Nature, écologie, écocritique dans les littératures caribéennes, est à paraître en 2023.