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Le Grand Testament de Villon, illustré par Marcel North (juin 1930)a

Marcel North a trouvé un style qui ne ressemble qu’à sa fantaisie : la précision de son trait cerne une poésie ingénue, à la fois drue et délicate comme tout ce qui est vraiment « naïf ». La fleur qui croît en plein cœur de celui qui est mort d’amour, une âme qui s’envole par la bouche, des formes aériennes qui volent dans les Limbes, tout cela prend dans ces gravures une réalité si touchante et si naturelle qu’on ne peut s’y tromper : la grâce de l’enfance anime encore cette imagination, guide encore cette main déjà experte et malicieuse.

Ce que j’aime ici, c’est un ravissant concours d’ingénuité et d’observation ironique, et cette netteté que les primitifs savent allier à la simplification la plus délibérée. Gros évêques et ribaudes, pages farceurs et « mélancoliques » circulent dans ces compositions parmi les allégories barbares d’un ciel bon enfant, et dans ce truculent petit monde, Marcel North et l’escholier François s’entendent comme larrons en foire.

[p. 205] Certes, l’amertume douloureuse de Villon se mue souvent dans la traduction de North en acidité légère de fruit vert, mais on n’ose reprocher à ces images ce qu’elles ont d’un peu grêle : leur jeunesse… Et si la composition s’amuse parfois à boiter — à côté de parfaites réussites — , voici, partout d’adorables inventions de détails qui se cachent dans les coins, bonshommes, fleurettes drôles, et ce violoneux qui tire son archet sur des rayons de soleil… Bravo, Marcel, v’là le printemps !