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L’Europe, c’est d’abord une culture (juillet-août 1973)a

D’autant plus nous connaissons les choses particulières, d’autant plus nous connaissons Dieu.

Spinoza : Éthique

Finalité de l’Europe unie : la liberté, non la puissance

Je pars de ce qui me paraît une évidence majeure : il nous faut « faire l’Europe » afin de rester nous-mêmes, disons, pour aller vite : ni moujiks ni yankees. Une Europe divisée en vingt-huit nations chacune trop petite pour se défendre seule, et chacune acharnée à rester seule, au nom d’une souveraineté de plus en plus mythique — cette Europe divisée n’a pas la moindre chance de résister d’une part à la colonisation idéologique, militaire et policière par l’État russe — voir les pays de l’Est européen —, d’autre part à la colonisation de notre économie et de nos coutumes sociales par certains groupes industriels des États-Unis. De plus, une Europe divisée ne peut jouer aucun rôle à l’échelle mondiale. Elle ne peut que subir l’histoire faite par les autres, les guerres des autres, les compromis des autres.

Mais l’Europe ne pourra jamais se faire que selon la formule fédéraliste, respectueuse des diversités et des autonomies politiques. Une Europe unitaire et uniformisée en vue de la puissance, deux hommes ont essayé de la faire : Napoléon et Hitler ; dans les deux cas, l’expérience séculaire ou millénaire qu’ils prétendaient inaugurer n’a duré qu’une douzaine d’années.

La Suisse fédérale, en regard, approche du viie siècle de sa continuité historique, continuité que l’on peut faire remonter au pacte secret de 1273, unissant trois « communes forestières » ou Waldstätten, sises autour du col du Gothard, à seule fin de sauvegarder leurs vraies diversités, leur autonomie judiciaire, leur droit de vivre à leur manière, autrement dit, leur droit de différer.

Or il se trouve que cette formule fédéraliste, seule pratiquement possible pour l’Europe, est en même temps la seule formule européenne pratiquement acceptable pour les nations qui ont des problèmes régionaux (laquelle n’en a pas ?), pour les ethnies qui se trouvent soit divisées par les frontières de deux ou trois États, comme les Basques et les Catalans, soit dispersées, comme les Juifs, les Gitans, les Arméniens ; et pour tous les mouvements, [p. 389] ordres, compagnonnages, sectes et groupuscules dont l’identité ne coïncide avec aucune frontière et ne s’incline devant aucune majorité.

L’État-nation contre l’Europe

Ici, l’on bute sur l’obstacle majeur à toute union fédérale : l’État national de type jacobin et napoléonien, copié par plus de cent-vingt pays dans le monde entier, l’État-nation à souveraineté théoriquement illimitée, sacro-sainte mais en fait toujours plus illusoire — sauf qu’elle bloque tout.

Mais c’est ici aussi que l’on rejoint la culture.

Car c’est bien la culture — l’École, la presse, les livres — qui nous fait croire depuis plusieurs générations de bons élèves et de maîtres eux-mêmes trop crédules, que l’État national, « Un et indivisible » selon la formule jacobine, centralisé selon la formule napoléonienne, et absolument souverain selon la formule de l’absolutisme, donnée d’abord par Jean Bodin en 1561, représente l’aboutissement nécessaire, inévitable et naturel de toute l’évolution humaine. L’École, surtout secondaire — mais l’Université n’était pas en reste vers 1914 —, l’École apprend depuis un siècle aux jeunes Français, Allemands, Italiens ou Hollandais, contre toute évidence historique, que la France, l’Allemagne, l’Italie ou la Hollande sont immortelles, ce qui suggère qu’elles auraient existé de toute éternité, alors qu’en vérité, pour la plupart, en tant qu’État, et en moyenne, elles n’ont même pas un siècle d’âge. Seules la France, l’Angleterre et l’Espagne comptent, comme État, deux à cinq siècles au plus, selon les options politiques des historiens1.

Mais si l’on peut admettre que l’État français existe réellement depuis Philippe le Bel — « empereur en son royaume » —, il est absolument certain que l’Italie comme État n’a que 112 ans, l’Allemagne 102, la Norvège 70, la Tchécoslovaquie, la Yougoslavie, la Hongrie, la Pologne 53, l’Irlande 50, l’Islande 28, et Malte 11.

L’École nous a raconté que chacun de nos États-nations correspond à une langue, à une ethnie, à un ensemble à la fois économique, historique et géographique, défini par des frontières naturelles. Et nous l’avons cru !

Nous croyons donc que chacun de nos États-nations a sa langue et que ses frontières coïncident avec elle. Nous croyons que les Européens sont trop différents les uns des autres pour s’unir et qu’on ne pourra jamais les fédérer, parce que leurs vingt-huit États-nations ne sauraient céder sans trahir un pouce de leur sacro-sainte souveraineté, et qu’ils sont immortels. Or tout est faux dans cet enseignement, et dans les croyances qui en résultent.

[p. 390] Tout d’abord : il n’y a pas de cultures nationales, si l’on entend par « nations », comme on le fait couramment, les États-nations modernes de l’Europe. La culture européenne n’est pas la somme de vingt-huit cultures nationales, puisqu’elle existait bien avant la formation, récente on vient de le voir, de nos États.

Le mot nation, natio en latin, désignait au Moyen Âge, dans une ville universitaire, les colonies d’étudiants venus d’une même région d’Europe et parlant entre eux la même langue : nation anglaise, nation flamande, nation catalane, nation castillane, c’était un peu comme nos pavillons nationaux dans une cité universitaire, rien de plus. Mais à l’Université même, on ne parlait qu’en latin, et l’on ignorait tout des appartenances « nationales » au sens moderne du mot. C’est ainsi qu’à la Sorbonne, vers 1260 — comme me le faisait observer un jour Étienne Gilson —, pas un seul des grands professeurs n’était français : ils étaient napolitain comme Thomas d’Aquin, pisan comme Bonaventure, souabe comme Albert le Grand, écossais comme Duns Scot, brabançon comme Siger, ou anglais comme Roger Bacon. Tout cela formait une grande culture commune, bien antérieure à l’idée même d’État-nation.

Mais, dira-t-on, le mot « nation » désignait, dès ce temps, ceux qui parlent une même langue ? Oui, mais il n’était pas question de les enfermer pour autant dans les frontières d’un même État. D’ailleurs, il n’est pas vrai que nos stato-nations modernes correspondent à l’aire de diffusion d’une langue. Prenons la France : on parle huit langues à l’intérieur de ses frontières actuelles, le breton, le flamand, l’allemand, le basque, l’occitan, le catalan, l’italien et naturellement le français, imposé comme seule langue officielle par l’édit de Villers-Cotterêts donné par François Ier en 1539. Si la France entendait revendiquer la Wallonie, la Suisse romande et le Val d’Aoste au nom de l’unité linguistique, elle devrait s’amputer, pour le même motif, de près de la moitié de ses territoires actuels.

Prenons la langue allemande : si elle devait coïncider avec un État-nation, il faudrait annexer à la République fédérale outre l’Allemagne de l’Est, la Suisse alémanique, l’Autriche et les Sudètes, les minorités germanophones de la Belgique, du Luxembourg, de l’Alsace, de l’Italie, de la Transylvanie, de la Slovénie, des pays baltes et de la région de la Volga.

Enfin, il y a l’affaire des frontières naturelles, chères à nos maîtres. Cette notion a son origine sous Louis XIV, dans les guerres contre l’Espagne et contre les Allemagnes au-delà du Rhin ; elle a été mise en forme par la Révolution française, et elle a triomphé dans l’enseignement de la géographie au xixe siècle, là encore contre toute évidence, mais au service dévot de l’État-nation. [p. 391] C’est ainsi qu’on nous a inculqué que le Rhin sépare les peuples de ses deux rives, mais que le Rhône les unit — allez savoir pourquoi !

De même, les Pyrénées séparent l’Espagne de la France, voilà qui est clair — à condition qu’un esprit fort (ou un naïf) ne remarque pas que l’on trouve à l’est de cette chaîne les mêmes Catalans sur les deux versants, et à l’ouest les mêmes Basques. Quant aux Alpes, chacun peut vérifier qu’on y parle italien des deux côtés au sud, français des deux côtés à la hauteur des vallées vaudoises et du Val d’Aoste, plus loin l’allemand, puis le ladin, puis l’allemand de nouveau des deux côtés. Et la Suisse est née du Gothard, au cœur des Alpes.

Non, les frontières de nos États n’ont jamais été « naturelles ». Elles sont accidentelles et arbitraires comme les conflits armés dont elles figurent sur nos atlas les cicatrices. Elles sont encore, disait le professeur français Jacques Ancel, « le résultat des viols répétés de la géographie par l’histoire ».

Unité de la culture européenne

En nous présentant l’Europe comme un puzzle de nations en teintes pâles, et la culture de l’Europe comme une addition de prétendues « cultures nationales » bien distinctes et rivales, les manuels de notre enfance non seulement se trouvaient justifier les pires chauvinismes, fauteurs de deux guerres mondiales où l’Europe a failli périr, mais encore ils faussaient notre vision de l’histoire et le sens même de la vie de l’esprit.

La vérité qu’on nous cachait, c’est que la culture de tous nos peuples est foncièrement une, et que cette unité de base permet seule de définir l’Européen. On se rappelle la page fameuse de Paul Valéry sur les trois sources de l’Europe : Athènes, Rome et Jérusalem, ou encore : Aristote, Platon et Euclide, Moïse et saint Paul, César, Trajan et Virgile. On sait à quel point ces trois traditions sont à la fois antinomiques et apparentées par le fait même de leur séculaire « Auseinandersetzung ». Trois exemples : la Réforme rejette la synthèse romano-chrétienne du catholicisme sous l’égide de saint Augustin. Dans son Génie du christianisme, Chateaubriand montre que le secret de la grande littérature européenne réside dans la synthèse de la tradition grecque — les tragiques — et de la tradition biblique — les prophètes. Enfin, si les jacobins de 1791 croient trouver dans la Rome antique les prototypes de l’esprit révolutionnaire, André Siegfried pense au contraire que ce sont « les prophètes d’Israël » qui ont « déposé dans notre esprit cette soif révolutionnaire de la justice qui distingue socialement l’Occident ».

La vérité que nous cachent les façades des États-nations, c’est que l’Europe est d’abord une culture, et que cette culture s’est formée à partir des mêmes [p. 392] influences indo-européennes, gréco-latines, chrétiennes et par là juives2, celtes et germaniques — et plus tard, à un moindre degré, arabes puis slaves — qui nous ont tous affectés, à doses variables, et qui ont éduqué notre vision du réel, que nous le sachions ou non, que nous soyons cultivés ou non. Toutes les grandes écoles d’art, d’architecture, de musique, de philosophie et de doctrine politique ont été paneuropéennes, et non pas nationales : l’art roman et le gothique, le classique, le baroque, le romantisme, le positivisme, le symbolisme, le surréalisme et l’art abstrait, mais aussi la scolastique, la philosophie des lumières, l’existentialisme ou le freudisme, le libéralisme et le marxisme, bref tout ce qui compte dans la vie de la culture et qui a marqué les élites intellectuelles de tous nos pays, puis, à travers elles, formé nos sensibilités.

L’évolution de la musique, de la mystique, de la peinture suit à peu de choses près les mêmes voies au travers de notre continent : de l’Italie à la Flandre et retour, par la Rhénanie et la Bourgogne, et de là d’un côté vers l’Espagne et l’Angleterre, de l’autre vers les Allemagnes. Or ces voies, notons-le, traversent avec une glorieuse indifférence deux bonnes douzaines de nos frontières actuelles. Elles relient des cités, des foyers de création, des maîtres, et non pas des nations au sens moderne.

Les grands courants européens, les grandes écoles d’art et de pensée : c’est l’unité de notre culture commune. Mais qu’en est-il de ses diversités tant vantées, et à juste titre ? Est-il vrai, comme le disent trop souvent d’éloquents ministres à Bruxelles ou à Strasbourg, que ces « précieuses diversités » sont celles de nos nations ?

Je propose là-dessus deux observations faciles à vérifier.

Chacun de nos pays a un nord et un midi, dans chacun l’on trouvera des croyants et des incroyants, des hommes de gauche et des hommes de droite, des romantiques-surréalistes et des classiques plus ou moins conformistes, des progressistes et des conservateurs, des « protestants » et des « catholiques ». Or je mets en fait que dans la plupart des cas, les hommes de gauche (ou de droite) de pays différents se ressembleront davantage et s’entendront mieux entre eux qu’ils ne s’entendent avec les hommes de droite (ou de gauche) de leur propre nation ; que les surréalistes d’un pays s’accorderont mieux avec les surréalistes de l’étranger qu’avec les conformistes de leur propre [p. 393] nation ; et ainsi de suite. Ce ne sont pas nos appartenances nationales qui nous diversifient vraiment, c’est la pluralité des écoles de pensée et des styles de vie qu’on retrouve à divers degrés dans toutes nos nations. Supprimons les frontières nationales, nous n’appauvrirons en rien l’Europe une et diverse, et nous ne risquerons pas un instant de créer ce fameux volapük que dénonçait de Gaulle, non sans démagogie un peu facile.

Seconde observation : la création culturelle en Europe est d’autant plus riche et intense qu’elle est moins centralisée et que ses foyers sont plus nombreux. Au Moyen Âge, ces foyers de création sont les universités, de Bologne à Oxford, de Coimbra à Cracovie et de Tolède à Prague ; à la Renaissance, les cités du Nord de l’Italie, des Flandres, de la Bourgogne et de la Rhénanie. On sait le rôle merveilleusement fécondant de petites villes comme Tubingue, Iéna, Weimar ou Dresde dans l’Allemagne romantique des Hegel, des Schelling, des Hölderlin et des Humboldt, au moment même où Napoléon faisait de la France un désert culturel, en mobilisant à Paris tous les esprits distingués qu’il n’avait pas bannis.

Le grand secret de la vitalité inégalée de notre culture européenne, il est dans cette interaction perpétuelle des grands courants continentaux, qui établissent une unité vivante et dynamique, et des foyers locaux de création, qui sans cesse remettent en question et renouvellent les données communes.

Or dans ce jeu entre les grands courants et les foyers locaux, entre l’unité et la diversité, il faut bien constater que l’échelon national ne joue aucun rôle, est simplement omis, inexistant.

Vers l’Europe des régions

Si maintenant je transpose en termes politiques mon équation culturelle, soit :


Europe de la culture = courants continentaux à partir de foyers locaux

cela va donner :

Europe politique = fédération continentale à partir des régions


L’Europe que nous devons vouloir et qui est la seule que nous puissions espérer, ne sera jamais un laborieux et problématique échafaudage d’accords tarifaires et autres conventions interétatiques qui, sous prétexte de faciliter un peu le passage des frontières en maintiennent et renforcent le principe. Je [p. 394] ne crois pas à une Europe des États-nations souverains, parce qu’on ne peut pas fonder l’union sur l’obstacle par excellence et par définition à toute union. Je l’ai dit souvent : l’Europe des États, rêvée par de Gaulle, ce serait une amicale des misanthropes, chose que l’on peut énoncer mais non pas faire ; car ou bien l’on fait une vraie amicale, mais alors on cesse d’être misanthrope, ou bien l’on reste misanthrope, mais alors il n’y a pas d’amicale.

La fédération européenne s’établira sur la base des régions, et celles-ci ne seront pas des mini-États-nations, prétendant enfermer dans les mêmes frontières toutes les réalités hétéroclites sur lesquelles nos États essaient encore de régner. Définies par les réalités et non plus par des cordons douaniers, les régions seront fonctionnelles : régions d’échanges économiques, régions écologiques, régions ethnoculturelles d’enseignement (aux trois degrés) et de formation professionnelle, etc. — et ces régions fonctionnelles seront d’aires différentes, puisque les échanges commerciaux, par exemple, n’ont aucune raison de coïncider avec un bassin écologique, ou avec une ethnie. Ces régions à géométrie variable se recouperont de diverses manières, sans presque jamais coïncider, comme le font les fonctions qui les définiront ; et leur base territoriale sera tout simplement celle du syndicat intercommunal qui se constituera, de cas en cas, en vue d’exercer en commun telle ou telle fonction.

Pluralité des allégeances

Une telle organisation, qui correspondrait enfin aux nécessités de la vie réelle et non plus aux mythes de la souveraineté absolue des États, impliquerait de toute évidence un statut de la personne et du citoyen absolument contraire au statut des sujets d’un État-nation, et que je nomme : pluralité des allégeances.

Cela veut dire : relever d’une pluralité d’ensembles fonctionnels, qui ne sont pas de même aire territoriale ni de même appartenance politique, sociale, nationale. Un exemple personnel suffira pour l’illustrer : je suis Neuchâtelois de naissance, ce qui veut dire que la communauté et le territoire de l’ancienne principauté indépendante (jusqu’en 1848, date de l’adhésion à la Suisse) sont ma patrie. En tant que citoyen du canton de Neuchâtel, je suis Suisse de nationalité. En tant qu’écrivain, je relève de la francophonie, qui couvre deux tiers de la France, un tiers de la Suisse, la moitié de la Belgique, etc. Ces trois ensembles — patrie, nation, langue — correspondent à trois territoires différents. Du point de vue religieux, je relève du protestantisme, ensemble mondial. (Ce serait pareil si j’étais catholique, ou juif, ou communiste.) Enfin, j’appartiens à une vingtaine de sociétés locales, régionales, continentales [p. 395] et mondiales, et je sais très bien auxquelles je cotise. Cette pluralité d’allégeances ne me pose aucun problème ni théorique ni pratique. Si maintenant un fou venait me dire : toutes tes allégeances doivent désormais relever d’un seul pouvoir central qui les limitera à un seul territoire, je crierais au fou, — et ce fou serait Napoléon, Hitler, ou n’importe lequel de nos États-nations s’il pouvait aller jusqu’au bout de ses ambitions monopolistes.

La pluralité des allégeances est donc la condition du régime fédéraliste tel que je le conçois — seul possible pour l’Europe réelle — et c’est aussi condition de la liberté des personnes dans la communauté politique.

Fédéralisme et Œcuménisme

La pluralité des allégeances implique la reconnaissance d’une grande diversité dans les approches, mais plus encore dans l’appropriation des personnes à la Vérité unique, dont nul n’est maître.

Cette diversité, à la limite, ruine toute Église en tant qu’institution, au même titre que tout État-nation. La véritable orthodoxie, la « voie droite », ne saurait être que la voie personnelle inventée par chaque vocation : ce que l’institution ecclésiastique, tout comme l’État-nation, nomme hérésie.

La solution fédéraliste m’apparaît donc comme la transposition en termes d’aménagement de la cité (i.e. politique) des principes mêmes de l’œcuménisme.

Toutefois, une expérience séculaire montre suffisamment qu’il n’y a rien à attendre à cet égard des gouvernements comme tels, soit ecclésiastiques, soit stato-nationaux.

La fédération européenne ne naîtra pas d’accords au sommet, mais de groupements de communes et d’entreprises, de régions et de leurs échanges, d’associations spontanées et de « Loges invisibles » selon le titre de Jean-Paul, de même que l’Église nouvelle naîtra de groupes assemblés dans ces « chambres hautes » dont parlent les Actes (qui risquent d’être plutôt, demain, les catacombes des réduits antiatomiques !), ou dispersés à travers le monde mais unis par le Saint-Esprit. Ils ont été depuis deux-mille ans le sel de la Terre, l’Europe leur doit le meilleur de son héritage, et leur devra peut-être d’apporter au monde la guérison des maux qu’elle y a causés.