À propos de l'exposition

Invisibles…

Invisibles, forcément, les parcours de vie des mineur·es qui ont fait l’objet d’une intervention des services de protection de l’enfance et de la jeunesse. Pourquoi ? Tout d’abord parce qu’il s’agit d’un terrain professionnel qui se laisse peu souvent saisir par les feux de l’actualité. À la différence d’autres acteurs et actrices de l’éducation mieux connu·es du public qui y est confronté (le monde scolaire, par exemple), peu de familles sont concernées directement par une intervention de cette nature. Ce milieu professionnel est donc habitué à œuvrer à bas bruit.

Une discrétion commandée en outre par le respect de la sphère privée des personnes concernées par cette action, et par le caractère souvent délicat, voire douloureux des réalités rencontrées…

Et pourtant ces réalités existent. Et depuis toujours : des familles en difficulté, des parents en tension, des enfants en souffrance, des adolescent·es en détresse, des jeunes adultes en révolte.

C’est précisément une page de cette histoire longue que l’on a voulu ici rendre visible : celle qui se tourne avec l’émergence des premières politiques publiques de protection de l’enfance, au début du 20e siècle, et leur affirmation tout au long des décennies qui vont suivre. Et si le contexte est majoritairement romand et genevois, les évolutions et processus s’observent aussi ailleurs, en Suisse ou en Europe.

On a voulu montrer comment ces politiques se sont forgées, quelles ambitions elles ont poursuivi, de quels moyens elles ont pu bénéficier, et comment elles se sont transformées au rythme du contexte changeant qu’elles accompagnent.

On a voulu aussi saisir les moments-clés de ces changements, en proposant un parcours scandé de quatre séquences successives.

On a voulu surtout contraster ce cheminement historique surplombant, celui des structures et des politiques sans cesse remodelées, avec des vies saisies par ces dispositifs.

On a voulu enfin rendre visibles des histoires vraies. Celles de jeunes filles confrontées aux normes de leur époque, pour montrer comment s’est exercée sur elles l’intention de protection et d’éducation.

On a voulu comprendre pourquoi au milieu de temps d’évolutions et de métamorphoses, une chose peut-être n’a pas changé, ou en tout cas pas assez vite : le traitement différencié qui leur a souvent été fait. Plus scrutées, plus disciplinées, plus enfermées. Moins entendues, moins écoutées, moins instruites.

Des histoires vraies, avons-nous dit. Vraies, et pourtant fictives. Car pour faire voir ces parcours sans exposer celles qui les ont vécus, les noms sont transformés, les dates modifiées, les dossiers hybridés. En un certain sens, tout est donc faux de la vie d’Henriette, de Noémie, de Laurine, d’Anaïs. Et pourtant tout est vrai : tous les événements du quotidien de ces héroïnes malgré elles, dérangées car dérangeantes, sont tirés des dossiers des services de protection des mineurs constitués tout au long du siècle.

Dans un même souci d'anonymisation, les extraits audio issus des entretiens avec des professionnel·les de la protection de l'enfance sont lus par d'autres personnes afin qu'ils et elles ne puissent être identifié·es.