NAISSANCE DU RHÔNE - Construire une région alpine : laquelle et pourquoi ?

Ce qu’on appelle « région de montagne » est une construction sociale. Qui en fait partie ? quelles sont les formes de gouvernance ? quelles sont les mesures prises pour construire la région ? Les acteurs et les pratiques sont multiples et changeants. La région alpine n’échappe pas à la règle. Après plusieurs initiatives correspondant à différentes définitions territoriales, les états alpins ont décidé de développer une stratégie macrorégionale. Selon les chercheurs, la réussite de cette stratégie passe par la coexistence des « deux Alpes ». L’une avec une délimitation géographique restreinte, l’autre englobant les métropoles. Une gouvernance à plusieurs niveaux et l’implication des acteurs régionaux seront aussi nécessaires.

Le contexte

Plusieurs initiatives pour plusieurs régions alpines

Au cours des trois dernières décennies, les régions de montagne ont suscité un fort intérêt en tant que cadre et référent de l’action collective. La Convention alpine, signée en 1991 et à laquelle l’Union européenne et huit autres pays ont adhéré, est à l’origine de nombreux processus d’institutionnalisation à échelle transfrontalière. Au moment de l’adoption de l’Agenda 21 en 1992, dont un chapitre est consacré au développement durable dans les régions de montagne, plusieurs pays en Europe de l’ouest (notamment la Suisse et la France) avaient déjà élaboré des politiques spécifiques pour ces régions.
En ce qui concerne les Alpes, outre la Convention alpine, le programme INTERREG espace alpin et le Réseau des régions alpines ont œuvré à leur développement. Si la Convention alpine adopte une délimitation géographique restreinte, INTERREG inclut les métropoles. Inspirées par des initiatives similaires en Europe, les régions alpines - Bavière, Rhône-Alpes, cantons alpins suisses -, souhaitent désormais développer une stratégie macrorégionale, visant non seulement la préservation des écosystèmes mais aussi l’innovation et la croissance à l’échelle des Alpes.

La recherche

Définir ce qui constitue une région

Toute région résulte d’un système d’acteurs et d’institutions qui circonscrivent une entité spatiale de par leurs intentions ou leurs pratiques. Elle est le produit contingent, jamais complètement stabilisé, des croyances, des intentions et des activités humaines. Autrement dit, une région de montagne est une construction sociale. Dans cette perspective, plusieurs questions se posent : qui participe à la construction (et qui est exclu) ? Quelles sont les modalités de participation et comment sont-elles créées, appliquées et modifiées ? Quels sont les outils et pratiques matérielles et symboliques mobilisés pour construire une région de montagne ? Quelles formes d’institutions et de gouvernance peut-on observer et dans quels buts ces institutions sont-elles créées ?
La définition d’une stratégie macro-régionale alpine passe elle aussi par la clarification de ces questions. Aux chercheurs de définir ce qu’on entend par « Alpes », quelles sont les particularités et les enjeux de cette région.

Impliquer les parties prenantes

Les méthodes de recherche comprennent des analyses de textes, des entretiens, une observation participante, ou une implication directe dans les processus de construction. Dans le cas de la région alpine comme souvent dans les recherches appliquées, le mode de recherche a été développé en collaboration avec les parties prenantes.

Les résultats

Un espace faiblement peuplé mais entouré de métropoles

Les processus de construction des régions de montagne sont complexes et divers. Ainsi, il n’y a pas une seule, mais plusieurs régions alpines. La carte des villes et de leurs zones de migrations pendulaires potentielles permet de mieux comprendre ce qui fait la spécificité des Alpes : Il s’agit d’un espace entouré de métropoles européennes de premier ordre, mais particulièrement faiblement doté en centres urbains en son cœur (carte 1). Une grande partie du cœur des Alpes est constitué d’espaces ruraux autour desquels le nombre total d’habitants accessibles en moins de 45 minutes est inférieur à 300,000 (carte 2). Cela pose des défis en termes d’organisation des services de proximité. De plus, les bassins d’emplois tendent à être insuffisamment diversifiés, ce qui les rend vulnérables à des chocs externes tels que les crises économiques.

« Deux Alpes », avec ou sans les métropoles

On voit ainsi émerger « deux Alpes ». La première relève d’un point de vue paysager et biogéographique. Les Alpes sont un massif montagneux dont les territoires partagent des enjeux topographiques, climatiques et écosystémiques. C’est la région à laquelle se réfère la Convention alpine. La deuxième délimitation des Alpes, utilisée par le programme INTERREG Espace alpin, englobe les métropoles des piedmonts. Cette délimitation permet de prendre en compte le rôle moteur des grandes villes dans le développement de l’ensemble des Alpes.

les Recommandations

Faire coexister les «deux Alpes»

Un objectif pour une stratégie alpine serait de mieux faire coexister ces « deux Alpes ». On est donc amené à proposer une réflexion sur la mise en œuvre d’une gouvernance multi-niveaux équilibrée, tenant compte des intérêts parfois divergents d’acteurs divers qui se réclament des Alpes et s’identifient à elles.

Impliquer les acteurs

Faire vivre des normes globales telles que le développement durable à l’échelle des Alpes suppose que les acteurs régionaux, dans toute leur diversité, soient impliqués. Il faut organiser des dialogues sur les objectifs et les modalités de mise en œuvre, et créer les cadres d’une action collective équilibrée et efficace.