Les enjeux de la recherche sur la biodiversité

Évaluer les services rendus par la biodiversité à l’espèce humaine.

Depuis une quarantaine d’années, l’érosion de la biodiversité sur notre planète s’est considérablement accrue. Quant aux tentatives pour enrayer ces pertes, elles se sont soldées par des échecs. Aussi l’orientation des recherches en matière de biodiversité a-t-elle évolué, avec le soutien de conventions impliquant états et scientifiques. Initialement centrées sur des questions d’inventaire, les recherches sur la biodiversité tendent désormais à évaluer les services rendus aux êtres humains. Cette approche anthropocentrique, dite des « services écosystémiques », devrait contribuer à convaincre le grand public et les décideurs de la nécessité d’agir.

Les recherches entreprises à l’Université de Genève portent à la fois sur la biodiversité, les écosystèmes et les services rendus à la société en se basant sur des observations de terrain, des études en laboratoire et la modélisation statistique et spatiale.

Malgré une relation de dépendance entre les hommes et les espèces animales et végétales qui les entourent, ainsi que l’inventaire scientifique de ces dernières depuis plus de deux siècles, notre connaissance de la diversité biologique demeure très lacunaire. On estime en effet que près de neuf millions d’espèces (sans compter la diversité microbienne) peuplent la Terre, mais nous n’en connaissons probablement qu’environ 20%.

Par ailleurs, la complexité et le fonctionnement des écosystèmes sont eux aussi encore très mal compris. Un lien étroit existe entre la diversité biologique d’un écosystème et son fonctionnement. Cependant, nous demeurons incapables de prédire les effets des modifications massives de la biodiversité, accentuées par les changements globaux, sur le fonctionnement des écosystèmes et sur les services vitaux qu’ils rendent à l’espèce humaine. Diminuent-ils de manière linéaire en même temps que la biodiversité, ou de manière exponentielle, ou même de manière définitive au-delà d’une valeur limite inconnue ?



Menaces sur la biodiversité

(paragraphe déplacé)
Mal connue, la biodiversité est aussi mise en péril par des menaces d’origine humaine : destruction des habitats, fragmentation du territoire, changement climatique, espèces invasives, surexploitation des ressources, pollution des écosystèmes. Ces menaces sont les principales causes de l’érosion massive que nous constatons depuis une quarantaine d’années et qui est estimée à un taux 1’000 fois supérieur au taux naturel.



Le concept de « services écosystémiques » ou la biodiversité utile

Ce constat est d’autant plus alarmant que les tentatives pour enrayer la perte globale de biodiversité se sont révélées être des échecs. Un espoir d’inverser la tendance repose sur une conception novatrice de la biodiversité, dite des « services écosystémiques ». Ce concept propose une vision anthropocentrique de l’importance de la biodiversité, mesurée par les services qu’elle rend à l’espèce humaine. Ces services consistent en bien matériels – eau, bois, nourriture… - et culturels, utiles au maintien de relations humaines harmonieuses. Ils comprennent aussi la régulation des processus naturels, telle la formation des sols propices à l’agriculture, et le soutien des cycles naturels, susceptibles par exemple de réguler les espèces invasives ou la propagation de maladies.

La valeur réelle de la biodiversité va ainsi bien au-delà des aspects biologiques et devrait être prise en compte dans les décisions politiques et économiques. Il est assez facile de démontrer que la non-prise en considération de la biodiversité va coûter beaucoup plus cher à l’économie que le contraire, et que le bien-être de nos sociétés est en jeu. Si les poissons disparaissaient des océans, les conséquences pour l’être humain seraient incalculables…

Présentée dès 2005 par les Nations Unies, le concept de « services écosystémiques » est à l’origine de la création de la Plate-forme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) en 2012.



Recherches sur la biodiversité : des enjeux techniques et sociaux

La recherche sur la biodiversité, les écosystèmes et leurs services met les chercheurs au défi d’appréhender la très grande complexité de ce domaine. Communiquer les résultats sous forme d’informations convaincantes et compréhensibles par le grand public et les décideurs représente un autre enjeu de taille.

Les questions

  • Biodiversité: Qu’est-ce que c’est, où la trouve-t-on, pourquoi est-ce important?
  • Comment pouvons-nous inventorier correctement la biodiversité dans l’espace et dans le temps ?
  • Quels sont les origines de la biodiversité, et quel sont les processus naturels et les pressions évolutives qui la maintienne ?
  • Quel est le lien entre biodiversité, fonctionnement des écosystèmes et services écosystémique ?
  • Pourquoi devons-nous nous préoccuper de la perte de biodiversité?
  • Quelles sont les tendances actuelles et les facteurs importants?
  • Quel est le futur de la biodiversité et des services qu’elle rend selon divers scénarios de changements futurs?
  • Quelles options pourraient permettre de réduire la perte de biodiversité tout en augmentant la qualité de vie des humains?
  • Quelles sont les espoirs de réduire la perte de la biodiversité jusqu’en 2020 et au delà?



(Variante : résumé des questions
« Les questions qui se posent aux chercheurs ont trait à la nature de la biodiversité (origine, inventaire, processus qui la régissent) et aux liens entretenus avec les écosystèmes. Les recherches portent aussi sur les conséquences de la perte de biodiversité et les actions à entreprendre pour enrayer cette perte.)



Des outils analytiques indispensables

Pour répondre à ces questionnements, les chercheurs de l’Université de Genève étudient la diversité et les écosystèmes sur le terrain, explorent leur fonctionnement en laboratoire et modélisent leurs caractéristiques de l’échelle locale à l’échelle globale.

Le laboratoire d’écologie aquatique étudie les changements des communautés de plantes et d’invertébrés en tant que sentinelle des changements induits par les activités humaines dans les lacs, étangs, et cours d’eau.

Le laboratoire d’écologie microbienne utilise une combinaison d’expériences de laboratoire, d’observations de terrain automatisées et d’analyses de séries temporelles pour comprendre les mécanismes qui contrôlent les origines et le maintien de la diversité microbienne, et leur rôle dans le fonctionnement des écosystèmes lacustres et des services rendus.

Le laboratoire d’analyses spatiales développe des méthodes basées sur les systèmes d’information géographique, la télédétection et la modélisation statistique pour cartographier et prédire la distribution des espèces et des écosystèmes, afin d’aider aux prises de décisions concernant la conservation de la biodiversité, telles que la création de réseaux de réserves, la gestion des espèces rares et invasives, et l’impact des changements globaux sur les espèces et sur les services écosystèmiques.



Biodiversité : dates et acteurs clefs

1992 : Création de la Convention sur la diversité biologique (CDB), adoptée par 193 pays lors du Sommet de la Terre, qui s’est tenu à Rio de Janeiro.

2004 : Un millier de représentants des gouvernements, mais aussi de la société économique et civile, signent le « countdown 2010 », qui les engagent à atteindre des objectifs de préservation de la biodiversité.

2010 : Vu les faibles résultats du « Countdown 2010 », les états signataires de la CDB adoptent, lors de la conférence de Nagoya, un plan stratégique pour la diversité biologique 2011 -2020 ; ce plan compte 20 objectifs dits « objectifs d’Aichi ».

2012 : initiée lors de la conférence de Nagoya, la Plate-forme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) voit le jour. Cette institution est comparable à l’IPCC dans le domaine du climat.



Les objectifs pour la biodiversité d’ici 2020

Au niveau international : les objectifs d’Aichi

  1. s'attaquer aux causes sous-jacentes de la perte de biodiversité, en intégrant ces problèmes aux préoccupations des gouvernements
  2. réduire les pressions directes exercées sur la biodiversité et encourager son utilisation durable
  3. améliorer l’état de la biodiversité en sauvegardant les écosystèmes, les espèces et la diversité génétique
  4. accroître les avantages pour tous de la biodiversité et des écosystèmes
  5. renforcer la mise en œuvre grâce à la planification participative, à la gestion des connaissances et au renforcement des capacités

En Europe

  1. conserver et régénérer la nature
  2. préserver et améliorer les écosystèmes et leurs services
  3. assurer la durabilité de l’agriculture et la sylviculture
  4. garantir une utilisation durable des ressources de pêche
  5. lutter contre les espèces introduites et envahissantes
  6. gérer la crise de la biodiversité au niveau mondial

En Suisse et à Genève

En Suisse, le Conseil fédéral a défini une « Stratégie Biodiversité Suisse», charge aux cantons de l’appliquer.

Cette stratégie vise d’ici 2020 à : Utiliser la biodiversité durablement ; Créer une infrastructure écologique ; Améliorer la situation des espèces prioritaires au niveau national ; Maintenir et développer la diversité génétique ; Réexaminer les incitations financières ; Recenser les services écosystémiques ; Développer et diffuser les connaissances ; Développer la biodiversité dans l‘espace urbain ; Renforcer l‘engagement international ; Surveiller l‘évolution de la biodiversité.


Biodiversité

La Convention sur la diversité biologique définit à son art. 2 la diversité biologique comme étant "la variabilité des organismes vivants de toute origine y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie ; cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces, ainsi que celle des écosystèmes."

Environnement
Désigne tout ce qui entoure une entité spatiale abiotique ou vivante. Depuis la fin des années 60, le terme a pris une acceptation plus spécifique et désigne la composante écologique du cadre de vie de l’homme. De façon sous-jacente le terme d’environnement est associé aux problèmes de dégradation de la biosphère toute entière par suite de l’action de la civilisation technologique sur la totalité des milieux naturels.
Source : Dictionnaire encyclopédique de l’Ecologie et des Sciences de l’Environnement, F. Ramade, Ediscience international, Paris, 1993



Référence

http://www.cbd.int/gbo3/

rapport récent et vidéo

Plan stratégique et objectifs d’Aichi : https://www.cbd.int/doc/strategic-plan/2011-2020/A...

Countdown 2010 : http://www.iucn.org/about/union/secretariat/office.../Countdown-2010

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