Les enjeux de la recherche sur le climat

Évaluer la vitesse et l’amplitude des changements climatiques et leurs impacts sur l’environnement naturel, économique et social

Depuis un quart de siècle, la recherche climatique a fortement progressé, mettant en évidence l’ampleur du changement en cours et la part des activités humaines sur l’évolution du climat ces dernières décennies. Grand public et politiques en ont aussi pris conscience. Désormais, les scientifiques s’attellent à évaluer la vitesse du réchauffement et ses impacts naturels, économiques et sociaux. L’avancée de leurs connaissances est cependant freinée par l’incertitude qui entoure des problématiques fondamentales d’une très grande complexité, identifiées par les scientifiques comme les « grands challenges » de la recherche climatique. Ces défis concernent autant des problématiques physiques – augmentation du niveau des océans, processus cryosphériques, etc. – que liées à la transmission des informations ou encore à l’évolution future de nos sociétés.



A l’Université de Genève, la recherche s’est spécialisée dans les domaines suivants :

  • A l’aide de superordinateurs puissants, la simulation mathématique du climat, particulièrement à l’échelle régionale (Europe, Suisse), afin d’étudier par exemple l’évolution d’extrêmes climatiques dans un monde qui change, en collaboration avec l’Université du Québec et le consortium Ouranos à Montréal
  • Les impacts des extrêmes climatiques sur l’infrastructure bâtie, les forêts, le tourisme, etc.
  • Les liens de causalité entre les aléas climatiques et les catastrophes naturelles, particulièrement en montagne (en collaboration avec le Dendrolab à l’Univesité de Berne)
  • La disponibilité future en eau dans des régions-sources telles que les Alpes, les Andes, ou en Asie Centrale, où la neige et la glace sont un élément essentiel du cycle hydrologique, et les incidences des changements futurs sur de nombreux secteurs tributaires de l’eau. Un grand projet européen, coordonné par l’ISE entre 2008 et 2014 (ACQWA : www.acqwa.ch), s’est penché sur ces problématiques.
  • Les changements de la qualité des eaux des lacs préalpins en fonction d’un changement durable du climat.
  • La réflexion sur la régulation et la gouvernance de l’eau, permettant d’atténuer les risques de conflits d’intérêts entre secteurs économiques touchés par des changements de la disponibilité de la ressource, tant en quantité qu’en termes saisonniers.
  • Information auprès du grand public et des autorités politiques, via des conférences, des interventions dans les médias, ou des évènements ciblés




Les conséquences probables du réchauffement climatique sont désormais bien cernées : appauvrissement de la biodiversité, sécheresses et inondations, davantage de vagues de chaleur et moins de périodes de grand froid, tempêtes extrêmes ; s’y ajoutent des effets indirects comme la hausse du niveau des océans et une augmentation de l’aire de propagation accélérée de maladies, transmises par l’eau et d’autres vecteurs. La progression des connaissances sur ces questions passe par la recherche sur les « grands challenges » du climat. Cela améliorera la valeur prédictive des modèles climatiques, et contribuera de ce fait à améliorer le dialogue entre scientifiques et décideurs. Les négociateurs des états ont en effet besoin d’informations précises pour prendre des décisions. Revue des « grands challenges ».

Augmentation du niveau de la mer
La fourchette de hausse du niveau de la mer reste incertaine, car fortement tributaire de la fonte de la calotte glaciaire du Groenland. Or, la hausse du niveau des eaux entraîne des risques d’inondation permanente pouvant perturber les activités économiques des grandes villes côtière, et une plus grande pénétration du sel dans la nappe phréatique en bordure des côtes, avec des conséquences négatives sur la fertilité du sol et donc pour l’agriculture.

Processus cryosphériques
Le réchauffement climatique entraîne la fonte du permafrost – zones gelées en permanence dans les hautes latitudes et en altitude en région de montagne. Avec pour conséquence une incertitude quant à une augmentation potentielle du carbone dans l’atmosphère, via un relâchement du CO2 et de méthane par la matière organique actuellement gelée dans les sols. Un relâchement du carbone provenant du permafrost pourrait fortement renforcer l’effet de serre au-delà des émissions anthropiques actuelles.

Le rôle des nuages et des aérosols dans le système climatique

Le rôle des nuages dans le système climatique est encore mal compris, car les mesures au sol et par satellites n’ont pas permis de répondre à toutes les questions, et les modèles climatiques n’ont pas encore des grilles de calcul suffisamment fines pour simuler chaque nuage individuel…. Les nuages jouent cependant un rôle majeur dans le réchauffement ou le refroidissement de l'atmosphère. La mesure et la modélisation des précipitations doivent aussi faire l'objet d'une attention particulière, car ces dernières ont une influence non seulement sur les eaux de surface, mais aussi sur le degré d'humidité des sols qui module les températures des basses-couches atmosphérqiues.


Accès à l'eau

Une hausse de deux degrés pourrait avoir de fortes conséquences sur la fonte des eaux polaires et des glaciers de montagne. Avec pour corollaire des variations de la quantité d’eau disponible pour la consommation domestique, l'agriculture ou l'industrie et de possibles conflits d’intérêt entre secteurs économiques touchés, voire même des conflits entre états. Pourtant, des projections à échelle spatiale fine qui faciliteraient la prise de décision à un niveau local sont encore trop rares.


Lien entre changements climatiques et événements extrêmes

Conséquence la plus grave du réchauffement climatique, les événements extrêmes – tempêtes, épisodes de grandes chaleurs ou de grands froids, sécheresse, inondations – surviennent fréquemment dans des zones à forte densité de population. Ces événements sont par conséquent parmi les plus coûteux en vies humaines et en termes économiques. Préciser le rapport de cause à effet entre les changements climatiques et les catastrophes est donc vital, même si l’évolution de la fréquence et de l’intensité des extrêmes dans un climat plus chaud n’est pas encore établie sans ambigüité.


A ces problématiques d’ordre physique s’ajoutent celles liées à l’acquisition des données climatologiques et à la vulgarisation des résultats pour le grand public.

Accès aux données climatologiques

En matière de données climatiques, les efforts devraient converger vers la constitution de bases d'information compatibles. Ces données, souvent payantes, sont en effet conçues en fonction d'objectifs différents et configurées selon des formats différents; de plus, elles portent sur des espaces et des temps très divers, ce qui les rend difficilement utilisables. Par ailleurs, les données satellites devraient être mieux utilisées pour la compréhension des phénomènes atmosphériques, océaniques et cryosphériques.


Information climatique régionale

Une modélisation spatiale et temporelle en haute résolution des phénomènes climatologiques est nécessaire à la prise de décision politique et économique. Nécessaire mais pas suffisante: ces modélisations sont en général trop grossières pour être pertinentes à un niveau régional, où les décisions (aménagement du territoire ; utilisation des ressources, etc.) se prennent sur des échelles de temps allant de quelques mois à plusieurs décennies. Pour faire progresser ces modèles, il y a lieu de d’intégrer continuellement les dernières connaissances en matière de processus physiques et chimiques.



Communication grand public

Malgré l'attention soutenue des médias pour les questions climatiques depuis les années 90, ces derniers ont aussi été instrumentalisés par des lobbys industriels cherchant à nier le lien entre activités humaines et réchauffement climatique. L’aspect positif du climato-scepticisme est que les scientifiques se doivent d’affiner leurs connaissances pour mieux contrer les critiques. Une science plus exacte, en utilisant une terminologie accessible à des non-experts, permet aussi de convaincre le grand public de la réalité de la problématique du climat et de ses impacts, à travers des exemples ou des comparaisons parlantes. Par exemple, une récente étude conduite à l’ISE a illustré le déplacement des régimes climatiques depuis la Méditerranée vers l’Europe du Nord en montrant que, selon les statistiques de températures et de pluviosité, Genève jouit en 2010 du même climat que Toulouse en 1960, ou que Bordeaux en 2010 connait un climat similaire à celui de Lisbonne dans les années 1950. Plus encore, les scientifiques doivent expliquer clairement pourquoi il y a des incertitudes dans leurs projections d’avenir – et pourquoi il est néanmoins possible de prendre des décisions malgré l’incertitude. Enfin, la transmission des connaissances devrait également inclure la question des impacts socio-conomiques attendus, ainsi que les questionnements éthiques et légaux qu'elles entraînent.




Accord des états pour lutter contre le réchauffement climatique

Pour lutter contre ces effets, 160 pays ont signé en 1992 à Rio la convention-cadre sur le changement climatique (CCCC), s’engageant ainsi à réduire l’émission de gaz à effet de serre. En 1997, par la signature du Protocole de Kyoto, ils fixent des objectifs de réduction des émissions de carbone anthropogénique de 5 à 8% à l’échéance 2012. Même si cet accord représente une rare convergence des états par rapport à une problématique environnementale, la mise en œuvre de cet accord s’est avérée très lente et les résultats sont en-deçà des objectifs fixés. Un nouvel accord plus contraignant pour les états pourrait intervenir en décembre 2015, lors de la conférence des parties signataires de la CCCC à Paris (COP-21).




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