lac léman - Pourquoi la biodiversité des phytoplanctons pourrait augmenter

Ces 30 dernières années, la diversité phytoplanctonique des lacs alpins, dont Le Léman, n’a cessé de croître. Le recul de la teneur en phosphore et le réchauffement climatique ont en effet entraîné une plus grande diversité des habitats, ce qui aurait favorisé la coexistence d’un grand nombre d’espèces occupant des niches écologiques distinctes. Mais selon les chercheurs, cet « effet de niche » ne serait pas seul à expliquer la biodiversité. S’y ajouterait un « effet neutre » : la similarité entre les espèces favoriserait des interactions exemptes de compétition.
Pour vérifier ces hypothèses, des chercheurs de l’Unige et de l’EPFL prévoient la construction d’un laboratoire flottant sur le Léman. Sa technologie innovante permettra des analyses extrêmement fréquentes des interactions ente processus physiques et biologiques.

Le contexte

Le paradoxe du phytoplancton

Comprendre ce qui favorise la diversité du vivant est le thème central de l’écologie. L’étude du phytoplancton est à ce titre particulièrement intéressante. D’une part parce qu’il est à la base de la chaîne alimentaire, et d’autre part en raison de son bref cycle de vie, qui permet d’étudier en une année ce qui prendrait des dizaines d’années avec d’autres plantes.
En 1961, une étude dite du « paradoxe du phytoplancton », attribue la grande diversité des espèces à l’hétérogénéité de l’environnement ; les variations de température, luminosité et teneur en nutriments permettent à des organismes aux besoins différents de coexister dans des niches écologiques différentes.

La problématique

Biodiversité: effet de niche ou effet "neutre"?


Selon de récentes recherches, l’augmentation de la biodiversité planctonique dans le Léman, comme dans d’autres lacs alpins, pourrait être due à la combinaison de deux facteurs. D’une part, la diminution de la teneur en phosphore aurait favorisé le développement de nouvelles espèces. D’autre part, le réchauffement climatique a accru de 20% la stabilité de la colonne d’eau. Du fait d’un brassage des eaux moins important, les caractéristiques des niches (en termes de température, luminosité, teneur en phosphore) varient plus fortement en fonction de la profondeur.
Ces phénomènes pourraient toutefois ne pas être les seuls à expliquer l’augmentation de la biodiversité du plancton. Selon une approche plus novatrice de la biodiversité, la richesse des espèces pourrait aussi s’expliquer par une combinaison des effets de niche et de neutralité. L’effet de niche est communément admis pour expliquer la biodiversité, désignant le fait que les espèces sont suffisamment différentes pour cohabiter en occupant des niches écologiques différentes. Quant à l’effet de neutralité, il explique la coexistence des espèces par leur similarité, qui assure une neutralité des interactions.

La recherche

Un laboratoire flottant sur le Léman

Pour vérifier ces hypothèses, les scientifiques visent une meilleure compréhension des interactions entre processus physico-chimiques des lacs et caractéristiques biologiques du phytoplancton. Une équipe composée de chercheurs de l’Unige et de l’EPFL prévoit à cette fin la construction d’une plate-forme sur le Léman, dans le cadre du projet LÉXPLORE (Léman exploration). Ce laboratoire flottant à la technologie innovante, permettra d’étudier comment le réchauffement climatique influe sur la physique, la chimie et la biologie des lacs alpins.
L’élément central de la plate-forme est un cytomètre en flux, équipé de deux faisceaux laser qui parcourent la surface des particules, ainsi qu’un système avancé d’analyse d’image. Le nombre et la qualité de données ainsi collectées – 54 par particule – est bien supérieur à ce que permettent les techniques traditionnelles.
Le dispositif est complété par des véhicules sous-marins autonomes (AUV), équipés de capteurs de fluorescence en trois dimensions – une verticale et deux horizontales.
Cette technologie, quoique très en vogue dans les environnements marins, n’a encore jamais été utilisée pour des recherches dans des lacs. Elle permettra d’analyser la distribution spatiale des phytoplanctons à différentes échelles temporelles. Ce sont précisément ces données qui permettront d’établir dans quelle mesure la biodiversité des phytoplanctons est le résultat des effets de niche et de neutralité combinés.