L’Équilibration des structures cognitives : problème central du développement ()
Chapitre IV.
Les structures logico-mathématiques
a
🔗
$ 19. La conservation des quantités.🔗
— L’équilibration des notions de conservation donne lieu à des problèmes complexes, traités trop sommairement en notre essai de 1957 (Logique et équilibre) comme s’il ne s’agissait que de probabilités de rencontre entre le sujet et les propriétés de l’objet, alors qu’il intervient des régulations compensatrices conduisant en particulier à la mise en correspondance des aspects positifs et négatifs des transformations.
1° Pour ce qui est de l’exemple de la boulette d’argile allongée en boudin, rappelons les niveaux observés, que nous traduirons en termes d’observables et de coordinations inférencielles :
[###]Niveau I. — Non-conservation, le sujet ne se centrant en général que sur la longueur du boudin. On a alors l’Obs. S = action d’allonger à sens unique. D’où l’Obs. O = augmentation de la longueur, sans considération des autres dimensions.
Coord. S et O = accroissement de la quantité, celle-ci ne pouvant encore être évaluée que de façon ordinale par simple comparaison des états initiaux et finals et l’action elle-même se réduisant à la production d’un changement qualitatif d’état (par opposition aux transformations continues).
Niveau de transition II. — L’Obs. S demeure centré sur les étirements, mais progressif (de façon plus ou moins continue ou discontinue), ce qui conduit tôt ou tard le sujet, par contrastes ou observation suivie, à découvrir deux sortes d’Obs. O : l’allongement et l’amincissement.
Les Coord. inférentielles S et O demeurent alors en équilibre instable : accroissement de quantité, tant qu’il y a centration sur l’allongement, et diminution de substance lorsque c’est l’amincissement qui est remarqué.
Niveau III. — Les Obs. S se différencient en ce sens que l’action d’étirer devient solidaire de celle d’amincir : c’est ainsi que dans nos recherches avec B. Inhelder sur l’image mentale (1), nous avons trouvé vers 6 ans un niveau intermédiaire où les sujets, sans atteindre la conservation, en arrivent à prévoir correctement le fait qu’en allongeant le boudin on le rendra « long et mince » (cf. le cas de Bel, 6 ;1, p. 326). Il va de soi que cette nouveauté concerne alors les Obs. O autant que les Obs. S. Il semble même très probable que l’idée d’une solidarité entre l’étirement et l’amincissement du boudin ne peut se constituer qu’en fonction des résultats observés sur l’objet, puisque rien n’oblige le sujet qui allonge celui-ci à prendre conscience du fait qu’il l’amincit également, l’action motrice ne se différenciant pas, du point de vue simplement tactilo-kinesthésique, en deux moments successifs ni même (si l’attention n’est pas centrée d’avance sur cette possibilité) en deux aspect distincts : c’est donc vraisemblablement l’Obs. O de l’amincissement (occasionnellement remarqué au niveau de transition II) qui agit en retour sur l’Obs. S.
Cette mise en relation des Obs. O et des Obs. S donne alors naissance à des Coord. S et O d’un certain intérêt du point de vue de l’équilibration qui, au niveau IV, aboutira à la conservation. Ce qui est nouveau, par rapport au niveau II est, en effet, que les allongements et les amincissements ne sont plus conçus comme des modifications successives ou alternantes, sans relations entre elles, mais bien comme des effets solidaires provenant simultanément d’une seule et même action. D’autre part, et en partie pour cette raison, cette action n’est plus à sens unique et, sans qu’il s’agisse encore de réversibilité, les sujets anticipent souvent d’eux-mêmes un retour empirique possible au point de départ (renversabilité sans conservation au cours des deux changements). Par contre, ce qui manque encore, à ce niveau III, est la compréhension du fait que cette solidarité entre une augmentation et une diminution exprime une compensation quantitative : il ne s’agit toujours que du concept de deux variations qualitatives, de directions distinctes mais ne s’annulant pas l’une l’autre. Néanmoins le progrès marqué par cette solidarité qualitative est que l’accent des Coord. S et O est déplacé : le sujet ne se borne plus à une comparaison statique entre un état initial et un état final, avec inférence faussement évidente de non-conservation, mais il y a début de compréhension de la transformation comme telle, puisque celle-ci apparaît même comme double ou bipolaire. De plus l’intuition inférentielle d’une renversabilité de certaines des actions en jeu renforce ce caractère naissant de transformation et permet même au sujet, dans les cas de faibles variations, d’entrevoir une conservation possible, quoique encore sans justification.
Niveau IV. Pour ce qui est des Obs. S et O, le fait remarquable est que l’allongement et l’amincissement sont prévus d’emblée comme effets de l’action d’étirer (« Ce sera plus long et puis pas gros », dit par exemple Gau
(1) PIAGET et INHELDER, L’image mentale chez l’enfant, Paris, P.U.F.
à 7 ;11, loc. cit., p. 321) : cela implique donc que les Coord. S et O du niveau précédent (solidarité entre les deux transformations) ont modifié ces observables en introduisant entre eux un début de liaison nécessaire, sans quoi leur lecture demeurerait tributaire d’une simple généralisation inductive avec les incertitudes qu’elle comporte. La preuve que cette nécessité inférentielle l’emporte à ce niveau IV est qu’alors les deux transformations d’allongement et d’amincissement (ou, pour le changement de la boulette en galette, d’élargissement du diamètre et d’aplatissement en hauteur) sont, immédiatement aussi (soit implicitement soit même explicitement), conçues comme se compensant quantitativement, bien que le sujet ne se livre à aucune mesure ni à aucun essai de vérification empirique. C’est ce caractère d’inférence nécessaire (et valablement nécessaire) des Coord. S et O, dépassant largement la frontière des observables, qui conduit à la conservation de la quantité de matière, sans encore d’invariance du poids ni du volume, ce premier invariant ne comportant donc pas de signification perceptive ou observable.
2° Toute la construction de la conservation, des niveaux I à IV, est donc dominée par un processus général : après n’avoir réagi que par des comparaisons prédicatives et en ce sens statiques, entre l’état initial et l’état final, le sujet en vient à des inférences portant sur les transformations comme telles avec évaluations relationnelles. Il est donc évident que ce passage des états à la transformation avec conservation est l’œuvre de régulations, dont les feedback obligent à des rétroactions qui déplacent les centrations de la pensée sur les modifications de l’objet en leur continuité. Mais en quoi consistent ces régulations ?
On peut distinguer trois aspects en leurs aboutissements, ce qui permettra ensuite de chercher à dégager leur mécanisme. Le premier de ces achèvements constitue ce que nous pouvons appeler « commutabilité » et consiste à comprendre que ce qui est ajouté d’un côté de l’objet, par exemple à l’extrémité du boudin qui s’est accru par allongement, correspond nécessairement à ce qui a été enlevé d’un autre. Or, aux niveaux de départ le sujet, centré sur le résultat ou la téléonomie de l’action d’étirer, ne tient compte que de l’addition finale sans se soucier de la soustraction correspondante initiale, ce qui est conforme à la loi générale (raison des déséquilibres du début) du primat des éléments positifs sur les négations. Avec la commutabilité, au contraire, cette sorte de création ex nihilo, qu’invoque implicitement le sujet en admettant l’augmentation de la quantité totale, se réduit à un simple déplacement d’une
[###]partie de l’objet, avec identité de ce qui est ainsi déplacé (enlevé en un point pour être rajouté ailleurs), d’où une sorte de commutativité généralisée : conservation de la somme des parties malgré leur changement de position. C’est ce qu’exprime le sujet au moyen du premier des arguments que l’on obtient toujours comme justification de la conservation : « On n’a rien ôté et rien ajouté », « On n’a fait qu’allonger » (sans ajouter), « c’est la même quantité de pâte », etc.
Le second aspect du résultat des régulations est une forme de vicariance. Une classe B peut être subdivisée en une classe de départ A1 et en sa complémentaire A’1. Mais on peut tout aussi bien partir d’une autre sous-classe, et d’un rang quelconque A2 dont la complémentaire sous B sera A’2. On a alors A + A’1 = A2 + A’2 = B, quoique A1 fasse partie de A’2 et A2 de A’1. La compréhension de la vicariance revient alors à admettre que, quelles que soient les répartitions, et indépendamment de leurs dispositions spatiales, on retrouve le même tout. La différence avec la commutabilité est que celle-ci se centre sur l’identité des morceaux déplacés ou restant en place et en infère l’invariance de leur somme, tandis que la vicariance revient à affirmer cette constance de la somme quelles que soient les partitions possibles et leur distribution spatiale. On peut donc dire aussi bien que la commutabilité entraîne la vicariance que réciproquement, et, lorsque l’enfant utilise le second de ses arguments courants « on peut refaire la boulette avec le boudin, donc c’est la même quantité », cette réversibilité peut s’appuyer sur la vicariance comme sur la commutabilité. La différence entre ce raisonnement et les simples retours empiriques aux points de départ, mais sans conservation, est en effet qu’il affirme l’équivalence, quant au tout B, des diverses répartitions possibles des morceaux en passant aussi bien du boudin à la boulette que l’inverse. Mais il est à noter que la vicariance, elle aussi, comporte des négations partielles, car une partie quelconque ne joue son rôle opératoire, dans la composition, qu’en étant sans discontinuer conçue comme étant égale au tout « moins les autres parties » (A = B — A’, etc.), sinon le tout variera en sa somme selon la disposition des parties (ce qui est fréquent dans les non-conservations de surface, etc.).
Le troisième résultat des régulations est la compensation
[###]bien connue (parce que employée comme troisième argument par l’enfant) des variations de sens contraire des dimensions en jeu : quand la longueur augmente le diamètre du boudin diminue, etc.
Notons encore que si la commutabilité et la vicariance supposent sous leur forme achevée des raisonnements en « extension » (somme des classes ou des sous-classes, ou, sous forme infralogique, des morceaux) la compensation des relations, en plus ou en moins, demeure relative à la « compréhension » et ne relève que d’une correspondance (ou multiplication) sériale entre longueurs croissantes et diamètres décroissants aboutissant à des « corrélats » au sens de Spearman. On sait assez, en effet, que cette compensation des relations est antérieure à toute mesure ou quantification autre qu’ordinale ou sériale, d’où l’un de ses intérêts (voir ses débuts au niveau III).
3° Quant au mécanisme des régulations en jeu, il ne s’agit pas d’un réglage d’actions orientées vers un but matériel, car la transformation d’une boulette en boudin ne présente aucune difficulté et est réussie à tout âge. Les régulations ne portent que sur la lecture des observables et sur les coordinations inférentielles, les seules perturbations en jeu résultant des contradictions ou déséquilibres entre les observables ou des démentis imposés par les faits aux coordinations naissantes. Au point de départ (niveau I) il n’y a aucun problème : l’enfant procède à un allongement à la boulette et en conclut à une augmentation de quantité sans remarquer la diminution du diamètre, ce qui constitue donc une sorte de création de matière. La première perturbation surgit ensuite par contraste entre cet Obs. O et un nouvel Obs. S lorsqu’il s’aperçoit du fait que cet allongement procède en réalité par étirements successifs, ce qui tend à substituer la notion d’un déplacement à celle d’un accroissement absolu. Mais comme à ces niveaux le déplacement d’un mobile n’exclut pas son allongement, l’inférence (rétrospective ou anticipatrice) reste celle d’une augmentation de quantité. Une perturbation plus grave est alors engendrée par le nouvel Obs. O selon lequel le boudin s’amincit en même temps qu’il s’allonge. Ce que les corrections ou régulations conceptuelles se trouvent alors chargées de coordonner sont les deux données de fait d’un accroissement de longueur, résultant de déplace-
[###]ments de pâte, et d’autre part solidaire d’un amincissement du boudin : c’est cette double exigence qui conduit dans la suite à faire correspondre aux parties ajoutées (+) à l’extrémité du boudin ce qui est enlevé — à la boulette initiale, et aux augmentations de longueur (+) des diminutions de diamètre (— ).
Ces compensations progressives, de nature régulatoire ou incomplètes avant de devenir opératoires et entières, aboutissent au niveau IV à la commutabilité ou à la vicariance, et aux correspondances inverses de relations. La première question à discuter est alors de savoir si les compensations en extension des aspects positifs et négatifs dont il vient d’être question finissent par se compléter grâce au processus de la commutabilité ou grâce à celui de la vicariance, l’un tirant la conservation du tout de l’identité des morceaux, du point où ils sont enlevés jusqu’à celui où ils sont transportés, et l’autre la fondant sur le fait qu’une nouvelle répartition conserve l’égalité de la somme des parties complémentaires. En fait, dans le cas particulier où la vicariance n’est pas statique (répartition différente des sous-ensembles sans déplacements dans l’espace), mais porte sur des changements de positions spatiales, les deux mécanismes se complètent, l’un partant de la conservation des éléments au cours de leurs déplacements et l’autre de celle de leur réunion selon les différentes répartitions. Il en est de même quant à la nature des négations, celle qui caractérise la commutabilité consistant en une soustraction de départ permettant l’addition à l’arrivée du trajet, tandis que dans la vicariance la négation exprime la différence entre une partie et les autres : d’un tel point de vue les deux procédures sont également toutes deux nécessaires.
Mais il s’y ajoute les caractères positifs et négatifs concernant les formes successives de l’objet, car les parties ou « morceaux » déplacés par l’action d’étirement ne sont naturellement pas discontinus, et, lorsque le sujet en arrive à comprendre la compensation entre ceux qu’il enlève d’un côté pour les ajouter de l’autre, il ne s’agit que de ce qui est poussé ou tiré par les doigts, mais au sein d’un tout continu : c’est ainsi à la forme d’ensemble, donc à l’amincissement corrélatif de l’allongement, que ces déplacements sont reconnus car ses modifications elles aussi conduisent à la conclusion que les (+) compensent les (— ) selon les dimensions. En effet, après avoir constaté l’amincisse-
[###]ment du boudin de façon sporadique et instable, le sujet en vient au niveau III à comprendre la solidarité constante et régulière des allongements et des amincissements. C’est alors que cette solidarité en « compréhension » (par correspondance sériale inverse des variations en positif et en négatif) devient le complément nécessaire, sinon la raison elle-même des compensations en extension.
Le problème général est alors de comprendre la nécessité finale à laquelle aboutissent ces diverses compensations dans l’esprit du sujet, bien que les morceaux déplacés ne soient pas isolables ni les variations de forme mesurables. Or, d’une part, la nécessité inférentielle est l’indice de la fermeture d’une structure opératoire et, d’autre part, la conservation du tout est l’invariant commun des « groupements », dont les opérations essentielles comportent précisément l’identité (± 0) et la réversibilité (1) T. T— 1 = 0, c’est-à -dire la compensation complète des négations et des affirmations. Si ce qui précède est exact, la commutabilité, la vicariance et la compensation des relations en (+) et en (— ), qui sont trois expressions ou dérivés de groupements, ne constituent alors pas des faits premiers, mais bien les résultantes de mécanismes régulateurs qui aboutissent à ces structures. Il est, en effet, frappant de constater comment la principale des perturbations provoquant les régulations, c’est-à -dire la découverte de l’amincissement du boudin, évolue selon les trois étapes décrites au § 13. Au niveau I elle est simplement ignorée par une sorte de répression de cet observable, pourtant bien perceptible, ce qui est une conduite de type α. Après les fluctuations du niveau II, l’amincissement devient au niveau III solidaire de l’étirement, et constitue donc, non plus une perturbation, mais une variation intégrée au système, ce qui est une conduite de type β. Enfin au niveau IV cette variation devient déductiblement nécessaire, en connexion avec l’ensemble du système et avec ses opérations inverses (conduite γ) qui assurent une correspondance exacte entre les négations et les affirmations, mais au terme d’une longue équilibration par régulations dont la réversibilité constitue donc l’aboutissement et non pas le moteur.
(1) Rappelons que si T est une opération directe, T— 1 est son inverse.
$ 20. Les classifications et la quantification de l’inclusion.🔗
— En une interprétation de l’équilibration où la raison des déséquilibres initiaux est attribuée au primat systématique des affirmations ou des éléments positifs des systèmes cognitifs et à la carence corrélative des négations, alors que l’équilibre progressif exige leur symétrie et leur correspondance nécessaires, il est utile de revenir brièvement sur les questions, déjà tant de fois traitées, de la classification et des difficultés de l’inclusion. En effet, si tous les problèmes de classification se réduisent à des questions de coordination entre les ressemblances et les différences, il est non moins clair que les différences consistent en négations virtuelles ou tout au moins les impliquent : il est alors intéressant de chercher si les régulations en jeu et les compensations progressives qu’elles tendent à établir vont se centrer sur cette construction des négations et sous quelles formes successives.
1° Commençons, pour mémoire, par rappeler les quatre niveaux principaux du développement des classifications (1) :
Niveau I. — Lors de consignes telles que « mettre ensemble ce qui est pareil », l’enfant commence par poser un objet et le faire suivre d’un autre analogue en le situant à côté du premier. Après quoi, continuant à procéder de proche en proche (dans le temps), sans schème anticipateur, et par juxtaposition (dans l’espace), il en arrive à changer de liaisons (par exemple en passant de la forme à la couleur) ou à les remplacer par des convenances quelconques (par exemple un triangle posé sur un carré comme s’il s’agissait d’une maison), et le résultat est un assemblage présentant en sa totalité une forme spatiale définie : alignements, colonnes, figures à deux dimensions (rectangles, etc.). Nous parlerons à ce sujet de « collections figurales », et les deux caractères en sont les suivants : la « compréhension » est due à des assimilations de proche en proche tandis que l’« extension », faute de représentation anticipatrice embrassant simultanément les éléments de la collection, confère à celle-ci une forme géométrique progressivement élaborée. On reconnaît dans ces réactions un niveau analogue au premier de ceux de la sériation, où les éléments ne sont pas encore ordonnés par leur grandeur, mais simplement juxtaposés en une suite de bâtonnets dressés et plus ou moins parallèles.
Niveau II. — Aux couples et trios non coordonnés entre eux qui caractériseront (§ 21) le second niveau de la sériation (avec absence d’une structure sériale d’ensemble, mais une juxtaposition de petites séries élémentaires),
(1) Dans INHELDER et PlAGET, La genèse des structures logiques élémentaires, nous n’en distinguons que trois principaux, le présent niveau II n’étant alors présenté que comme le début du grand stade, appelé ici III.
correspond ici un niveau de transition, moins bien défini mais marquant également le début de ce que sera le stade III (ici des collections non figurales et hiérarchisées, correspondant à la sériation complète mais empirique du § 21). Les formes inférieures appartenant à ce niveau consistent à partir de collections figurales, mais à les dissocier ensuite en alignements superposés (ou obliques et parallèles, etc.) comprenant chacun des éléments analogues, distincts de ceux des autres sous-collections. Les formes supérieures consistent à faire d’emblée de petites collections non figurales, mais juxtaposées, sans critère unique et avec ou sans résidu hétérogène. Une forme intermédiaire entre les niveaux II et III atteint le critère unique de classement (couleur ou forme, etc.), mais sans encore de hiérarchies.
Niveau III. Le sujet construit d’emblée des collections non figurales, avec cette fois subdivision de ces collections en sous-collections, et cette hiérarchie naissante peut donner l’impression d’une classification opératoire, comme les sériations empiriques de niveau III évoquent les sériations achevées. Mais de même que ces sériations de type III ne s’accompagnent pas encore de transitivité, de même les sujets de ce même stade III ne réussissent pas à quantifier l’inclusion et, pour une classe B formée de B = A + A’, ne parviennent pas à comprendre qu’il y a nécessairement plus d’éléments individuels en B qu’en A : en effet, si B est subdivisé en A et en A’, la sous-classe A n’est alors comparée par eux qu’à A’ et non plus au tout disjoint B.
Niveau IV. — La classification est dorénavant formée de classes proprement logiques subdivisées en sous-classes et avec quantification des inclusions. Il s’y ajoute la mobilité dans les changements possibles de critères (shifting) et la facilité à construire des systèmes multiplicatifs (tables à double entrée, etc.).
2° L’intérêt du premier de ces niveaux est que le sujet ne recherche exclusivement que des ressemblances et néglige toute différence. On dira que c’est précisément là ce qui est imposé par la consigne : mettre ensemble ce qui est « pareil », etc. Mais il est clair, et les réactions spontanées des stades ultérieurs le montrent assez, qu’une telle directive implique logiquement « ne pas mettre ensemble (= dans le même paquet) ce qui n’est pas pareil » et on le précise souvent : or, tout au contraire, le sujet en reste à une seule collection et s’arrange, pour chaque nouvel élément, à lui trouver un rapport positif avec le précédent sans plus s’occuper des termes antérieurs. C’est ici qu’intervient un second facteur : l’incapacité d’anticiper la collection en son extension en tant que celle-ci serait déterminée par certaines qualités communes à tous ses éléments, ce qui signifierait du même coup l’élimination de ceux ne possédant pas ces copropriétés. Or, le sujet s’en tire en attribuant dès le
[###]départ ou en cours de route une figure d’ensemble aux objets, ce qui est à nouveau fondé exclusivement sur des rapports de ressemblance, mais s’appliquant à la totalité spatiale et ne concernant plus les éléments, sinon en tant seulement que « morceaux » (au sens infralogique ou « méréologique ») de ce tout continu et non pas de parties discrètes d’une classe. Du fait que l’assimilation constitue le facteur fondamental de l’élaboration des concepts (ainsi qu’elle l’était déjà des schèmes sensori-moteurs), on peut donc considérer les différences entre éléments comme des perturbations, qui sont alors annulées ou négligées à ce niveau I, conformément à la règle des conduites α.
Mais ces perturbations commencent à agir à partir du niveau II : la régulation compensatrice consiste en ce cas à renforcer les ressemblances, en ne mettant plus tous les éléments dans la même totalité (ce qui revenait, en fait, à ne respecter les ressemblances qu’entre un élément et le ou les précédents immédiats ou à conférer au tout une signification d’ensemble), mais en réunissant les objets réellement analogues et alors par petites collections ou par régions séparées à partir du conglomérat spatial. Ces solutions atteignent ainsi un début d’équilibre entre les ressemblances et les différences puisque ces petites collections sont composées d’éléments, d’une part semblables entre eux à l’intérieur de chacune et, d’autre part, différents de ceux qui sont situés dans les autres. Mais ce qui manque en ce cas est une classe totale, qui comprendrait ces collections à titre de sous-classes avec leurs caractères particuliers subordonnés à des qualités communes.
3° C’est cet équilibre des ressemblances et différences qui est atteint au niveau III, du fait que les régulations conduisant de II à III compensent les différences qui subsistent entre les petites collections et dégagent les propriétés communes susceptibles de les réunir en une classe totale. Les collections non figurales et hiérarchisées résultant de cet équilibre partiel donnent alors, comme déjà dit, une fausse impression de classification opératoire, mais le fait fondamental qui les en sépare encore est qu’il s’agit là seulement de ressemblances et de différences et que ces dernières peuvent toujours être conçues et formulées sous les espaces de jugements affirmatifs : ce qui manque donc à ces systèmes est l’abstraction des négations dont
[###]on peut même dire qu’elles ne sont en ce cas pas comprises. En effet, pour une classe A incluse en B, le sujet de ce niveau III voit bien que si tous les A sont des B, il existe des A’ qui sont également des B mais qui sont « différents » des A. Il arrivera sans doute, au plan du langage, à dire que les A’ ne sont alors pas des A, mais cela reste verbal et, au plan des opérations, il comprend si peu les relations entre classes et sous-classes B = A + A’ où A = les B non-A’ et A’ = les B non-A qu’il n’arrive pas à dégager cette évidence selon laquelle il y a nécessairement plus d’éléments dans le tout B que dans la sous-classe A. Autrement dit, faute de négation et de l’opération inverse qu’est la soustraction, il ne parvient pas à quantifier l’inclusion et lorsqu’on lui fait comparer A et B il se borne à une comparaison de A et de A’, comme si la différence entre le tout et la partie se réduisait à celle des parties entre elles ou comme si un tout B subdivisé en parties n’existait plus à titre de totalité et se réduisait à ce qu’il en reste (A’) une fois mis à part les A en vue de la mise en relation.
Or, cette difficulté de quantifier l’inclusion sous la forme B > A est bien due à un problème de négation et non pas de dénombrement, puisque la comparaison numérique des A et des B est facile par correspondance. Le problème central pour le sujet est de comprendre que si le tout B et la partie A sont à la fois différents et ressemblants, la ressemblance l’emporte sous la forme affirmative « tous les A sont des B », tandis que la différence devrait se traduire sous la forme négative « tous les B ne sont pas des A, donc B > A, ce à quoi échoue l’enfant de ce niveau. Citons à cet égard les jolies contre-épreuves imaginées par B. Inhelder, H. Sinclair et M. Bovet dans leur ouvrage Apprentissage et structures de la connaissance : elles ont par exemple demandé aux sujets d’augmenter la valeur numérique de la sous-classe A en laissant B constant. Or, au niveau III, les sujets, ou bien ajoutent un même nombre d’éléments à A et à A’ (d’où accroissement de B contraire à la consigne), ou bien trouvent l’astuce de supprimer les A’ et d’augmenter ainsi les A : dans les deux cas cela revient à éviter une soustraction partielle en A’. Seuls les sujets du niveau opératoire (IV) comprennent qu’il faut diminuer A’ de n si l’on ajoute n à A, donc admettent que pour un même tout une addition en A implique une soustraction en A’ et réciproquement.
[p. 126]Au niveau IV, enfin, les différences et les ressemblances sont équilibrées de façon complète, en ce sens que les premières sont comprises comme des négations partielles, en tant que les A’ deviennent des « B non-A » et réciproquement. Cette évolution des niveaux I à IV, qui dure de 3-4 à 7-8 ans, montre ainsi de la façon la plus claire en quoi l’équilibration majorante constitue une compensation graduelle des caractères positifs et des négations : le déséquilibre de départ est dû à un primat systématique des ressemblances, tandis que les perturbations, représentées en ce cas par les différences, sont simplement négligées ou refoulées (conduite ∞). Dans la suite, les négations perturbatrices sont intégrées au système (conduites β) mais sous la forme restrictive de simples différences, sans que celles-ci se traduisent par d’authentiques opérations inverses. Enfin, au dernier niveau γ les différences conduisent aux négations partielles (A’ = B − A) et la comparaison devient rigoureuse sous la forme des correspondances nécessaires entre opérations directes et inverses.
$ 21. La sériation et la transitivité.🔗
— Encore plus souvent traitée jusqu’ici que la précédente, cette question de l’ordre sérial exige cependant un réexamen du point de vue de l’équilibration, d’abord parce que insuffisamment analysée dans notre essai sur l’équilibre cognitif de 1957 (p. 89 à 92), mais surtout parce que en cet exemple la compensation des propriétés positives et des négations, qui domine tout le problème de l’équilibration majorante, se présente sous un jour très spécifique. En effet, la situation de la sériation est à cet égard tout autre que celle de la classification. En cette dernière une sous-classe A constitue, en plus de ses caractères positifs, la complémentaire, c’est-à -dire la négative, de la sous-classe A’ sous la classe totale B : si B = A + A’, alors A = B.non-A’ et A’ = B.non-A. Au contraire, si l’on fait sérier par le sujet une dizaine de réglettes de grandeurs différentes, il doit admettre simultanément : 1) que « grand » signifie « non petit » et réciproquement, mais 2) que « plus grand » équivaut à « moins petit » et 3) qu’un même terme B peut donc être qualifié de ± grand ou petit selon qu’il est comparé à A ou à C (si A < B < C) au lieu d’être caractérisé de façon absolue par son appartenance à une classe K ou K’ (= non-K). En d’autres termes, il ne
[p. 127]s’agira plus de considérer des ressemblances et des différences en tant que catégories opposées, mais bien des ressemblances plus ou moins grandes qui sont par cela même des différences moins ou plus petites.
[p. 128]1° Rappelons d’abord les cinq niveaux suivants (pour 10 éléments à sérier en ordre croissant) :
Niveau I. — Mise en place de quelques réglettes plus ou moins parallèles et verticales, mais sans aucune ordination proprement dite.
Niveau IIA. — Le sujet parvient à construire des couples juxtaposés, formés en chaque cas d’un petit et d’un grand élément, tels que D < F, A < H, etc., mais sans réussir à les relier par des connexions intercouples. En IIB, il procède de même mais par trios (un « petit », un « moyen » et un « grand »), incoordonnés entre eux.
Niveau de transition II-III. — Le sujet en arrive à obtenir un escalier correct pour ce qui est des sommets des baguettes, mais sans s’occuper des bases. Ou bien il construit une figure en forme de toit (montée puis descente de la ligne des sommets), avec éventuellement une ligne horizontale des bases. Ou bien, enfin, il réussit même une série de 4-5 éléments, mais reste bloqué pour la suite.
Notons que, dès ce niveau II-III, le sujet est souvent capable de dessiner d’avance (55 % des sujets à 5 ans) la série telle qu’il se propose de la constuire, tout en échouant lors de la construction. Rappelons en outre que la copie (par le dessin) de 10 éléments déjà sériés reproduit les mêmes stades que I-III, avec reproduction correcte dès 5 ans.
Niveau III. — La série entière est enfin obtenue, mais par une méthode empirique de tâtonnements, c’est-à -dire avec erreurs locales et corrections après coup. Par contre, le sujet ne domine pas encore le problème de la transitivité : si on lui montre X < Y, Y < Z (en cachant X) il ne conclut pas que l’on aura alors nécessairement X < Z. En outre, si, une fois sériés les 10 éléments initiaux, on donne au sujet une ou deux réglettes supplémentaires à intercaler, il n’y parvient pas d’emblée et préfère recommencer la construction entière avec l’ensemble des éléments anciens et nouveaux. De plus si, en présence des 10 éléments de base mélangés, l’expérimentateur demande au sujet de les lui donner un à un, dans l’ordre sérial, de manière à les poser successivement dans cet ordre mais derrière un écran, l’épreuve est manquée.
Niveau IV. — La transitivité est acquise et les deux épreuves supplémentaires réussies. En outre, le sujet débute en général (ou y parvient rapidement) par une méthode à la fois systématique et exhaustive qui consiste à chercher d’abord le plus petit de tous les éléments, puis le plus petit des restants, etc. : ce procédé suppose donc la compréhension du fait qu’un élément quelconque E est à la fois plus grand que les précédents (E > D, C, B, A) et plus petit que les suivants (E < F, G, etc.) et implique ainsi à la fois la réversibilité (> et <) et la transitivité.
2° Le niveau I est intéressant en ce que, à l’instar des classifications, le sujet commence par négliger les différences, et cela malgré la consigne qui cependant insiste sur la gradation du plus petit au plus grand. Dès le niveau II, la différence est par contre acceptée mais, ici encore comme pour les classifications, sous une forme étrangère à toute négation et qui exprime simplement une autre propriété positive : aux « petits » éléments s’opposent ainsi les « grands », mais cela consiste sans plus à admettre deux prédicats distincts. Pour ce qui est de la sériation, cela revient donc à ignorer les relations « plus » et « moins », d’où cette conséquence qu’un même élément, tel que par exemple B, ne saurait comporter deux différences à la fois, lorsque les 10 réglettes sont considérées comme une classe totale, elle est alors répartie en deux sous-ensembles, celui de tous les petits et celui de tous les grands. Lorsque, au contraire, chaque élément est considéré individuellement, il peut en ce cas être opposé à un autre, mais non pas à deux simultanément tels que B à A et à C, et cela d’autant moins que B > A et B < C (quand les relations > et < apparaîtront, comme au niveau de transition II-III) sembleront incompatibles. Il en résulte cette réaction fondamentale que les réglettes ne sauraient être arrangées que par couple, un petit-un grand, etc., mais sans relations entre les couples puisque cela supposerait des comparaisons doubles.
Ces divers couples une fois juxtaposés, la perturbation qui intervient alors est due au désordre qui en résulte, les couples n’étant pas semblables entre eux et mélangeant dans la suite obtenue des grandeurs perceptivement très distinctes : d’où la correction consistant à reconnaître une nouvelle différence, les « moyens », n’appartenant ni aux petits ni aux grands mais constituant une troisième catégorie, comme le seraient des carrés entre des ronds et des triangles (1).
Le progrès est alors une répartition du tout en trois classes petits, moyens et grands, ou une juxtaposition de trios non coordonnés entre eux. Il est à remarquer cependant que l’ordre demandé par la consigne commence à se manifester par le fait
(1) Nous avons cru à tort, en 1957, qu’ils constituaient un début de liaison entre les relations < et >, mais les études faites depuis sur la mémoire des sériations et leur expression linguistique (H. Sinclair) montrent le caractère encore prédicatif et prérelatif des « moyens ».
que les trios successifs sont orientés intérieurement de façon régulière : petit, moyen, grand, etc., mais ce qui demeure surtout perceptif, puisqu’il n’y a pas d’autre relation entre les trios.
3° Le désordre qui subsistait ainsi donne ensuite lieu à des essais de compensations dans le sens de ces ressemblances, d’où des compromis faisant transition avec le niveau III et consistant, soit à construire un escalier en fonction de la ligne des sommets, mais en négligeant les bases des réglettes, soit à prolonger les trios en petites séries de 4 ou 5 éléments. On voit se produire alors, dans la conception des relations en « compréhension », la formation de « prérelations » intéressantes, que H. Sinclair a nommées « étiquetage » et qui restent voisines des jugements prédicatifs : « tout petit », « un peu petit », « petit moyen », « moyen », « grand », etc.
Les corrections et régulations que comporte cette élaboration trouvent leur apogée au niveau III, avec la construction de séries complètes, mais construites empiriquement par tâtonnements et erreurs momentanées multiples. De notre point de vue actuel, c’est là le stade le plus significatif, car si ces essais aboutissent bien à cette synthèse des ressemblances et des différences que constitue une sériation régulière, il n’y a pas encore compréhension de la compensation des propriétés positives et des négations, autrement dit de la correspondance nécessaire des « plus » et des « moins ». Certes, lors de ses corrections locales, le sujet est déjà conduit à tenir compte alternativement des relations > et <, ce qui rend en partie relatifs les prédicats « petit », « moyen » et « grand » ; mais la série construite demeure à sens unique et le sujet ne reconnaît pas encore la double propriété, pour un terme intermédiaire, d’être à la fois « plus grand » que le précédent et « plus petit » que le suivant : comme l’a montré H. Sinclair, quand on lui fait décrire la série achevée dans les deux sens de parcours, il est gêné parce que, par exemple, l’avant-dernier élément qui était « encore plus grand », dans le sens ascendant, devient « plus petit » dans le sens descendant. Cependant les termes comparatifs « plus grand » et « plus petit » sont donc déjà acquis.
Par contre une recherche récente, avec D. Liambey et I. Papandropoulou, a montré que jusqu’à environ 7 ans les
[p. 130]sujets, constatant que n éléments sont plus grands que le premier, ne peuvent encore en conclure qu’il y en a autant de plus petits que le dernier.
4° Enfin au niveau IV les régulations précédentes aboutissent à l’état d’opérations réversibles, ce qui signifie entre autres que les ressemblances et différences acquièrent la valeur de relations quantifiables en termes positifs et négatifs, les « plus » et les « moins » se compensant exactement. Cette compensation finalement complète se reconnaît en extension à l’égalité du nombre des > en un sens et des < selon l’autre direction et, en compréhension, à l’équivalence des relations « plus petit » et « moins grand » ou inversement. Mais elle se reconnaît surtout à deux nouveautés du stade. La première est celle du mode de construction de la série, sans tâtonnements et, comme on l’a vu (sous 1°) par combinaison de E > D, C, B, A et de E < F, G, etc., ou encore du mode d’intercalation immédiate d’éléments surajoutés. La seconde, d’une grande importance, est la construction de la transitivité : or, celle-ci résulte directement des mécanismes formateurs de la compensation des (+) et des (— ), car si (+) + (— ) = 0, de même (+) + (+) = (++) et (— ) + (— ) = (— — ) d’où (A < B) + (B < C) = A ≪ C expression dans laquelle le symbole ≪ exprime la réunion de deux relations données < et <. En effet, ces mécanismes formateurs sont ceux de la composition réversible, d’où le retour de C à A, mais ce n’est là qu’une autre manière d’exprimer la compensation des (+) et des (— ), car si l’on appelle a la relation (A < B) et a’ la relation (B < C) on a a + a’ = b et b — a’ = a.
Au total toute l’évolution de la sériation est dominée par deux sortes de compensations progressives à partir de déséquilibres initiaux : entre les ressemblances et les différences, d’une part, et entre les caractères positifs et leur négation, d’autre part. Au niveau I ni les différences ne sont retenues, ni le (+) et le (— ) ne sont considérés, par une double élimination des facteurs perturbateurs (conduites ∞). Aux niveaux II et III il y a intégration des différences (conduites β) mais non pas encore des relations entre les (+) et les (— ). Au niveau IV (γ) enfin, ce qui était perturbateur est entièrement intériorisé sous forme des opérations directes et inverses de la structure devenue
[p. 131]opératoire : il y a donc compréhension des équivalences entre des grandeurs plus ou moins différentes et moins ou plus semblables et la composition possible de ces relations, d’où la transitivité.
Il semble ainsi justifié de considérer cette équilibration graduelle, entre les perturbations (progressivement intériorisées) et les réactions compensatrices, comme ne pouvant pas être déduite analytiquement des caractères du stade final : celui-ci constitue donc bien le produit psychogénétique d’un processus formateur qui ne contenait pas d’avance les opérations terminales, mais seulement un mécanisme très général de réactions compensatrices par rapport à des perturbations s’opposant aux actions successives, à partir des plus simples et par conséquent des plus probables (mais non pas des plus logiques). La logique opératoire apparaît ici une fois de plus comme le résultat extemporané (par abstraction des facteurs spatio-temporel et dynamiques) d’une équilibration psychogénétique, donc temporelle, et non pas comme sa source.
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