Situation de l’Europe en 1966 (1966)
Un changement d’équilibre
L’histoire n’est pas faite seulement de catastrophes, traités, révolutions, avènements, découvertes et morts illustres, mais d’une perpétuelle interaction de facteurs innombrables, dont on peut quelquefois déceler certaines résultantes régionales, sous forme de prises de conscience d’une situation que l’on ressent comme nouvelle. Ainsi de la région européenne en 1966 : elle n’a pas été le théâtre d’événements très spectaculaires, mais d’une sorte de changement d’aplomb dans l’attitude des Européens face au reste du monde et surtout aux « deux Grands ». Cette modification est devenue sensible à l’occasion de certains gestes accomplis par le chef de l’État français, au nom de « l’Europe européenne ». Il est vrai que ces gestes, tout en traduisant bien une évolution générale survenue dans nos pays à l’égard de l’Est d’une part et des USA de l’autre, obéissaient à des motifs d’intérêt national d’abord, et dans cette mesure-là, ne servaient pas nécessairement les buts « européens » qu’on alléguait. Il n’en reste pas moins que l’urgence et la réalité du problème de l’union de l’Europe se sont manifestées plus vivement que jamais en 1966.
D’une part la crise du Marché commun a été finalement résolue au printemps par des accords sur la politique agricole, et l’on a pu annoncer tôt après que les dernières barrières douanières entre les Six cesseraient d’exister dès le 1er juillet 1968. La question d’une union économique générale, appelant des mesures d’union politique, redevenait du même coup très actuelle.
D’autre part, le général de Gaulle a signifié son congé à l’OTAN puis est allé se faire acclamer en URSS, et n’a cessé, avant et après, de recevoir à l’Élysée les ministres des pays de l’Est ; enfin, il a dénoncé la politique américaine au Vietnam dans son discours de Phnom Penh. Il s’est fait ainsi le champion de « l’Europe européenne » aux yeux des États-Unis, sans cesser de figurer aux yeux des partisans européens de l’Europe unie l’obstacle principal à leur Grand Dessein. La portée des gestes qu’on vient de rappeler eût été considérable s’ils avaient été faits au nom de l’Europe entière et pour affirmer son union ; mais faits au nom d’une seule nation et d’une conception politique demeurée [p. 2] foncièrement nationaliste, ils n’étaient pas de nature à faciliter l’union — pourtant seule condition de leur efficacité, dans l’immédiat tout au moins. Pendant que l’OTAN déménageait de Fontainebleau, des Américains s’installaient aux commandes de l’industrie électronique en France. Coïncidence, sans doute, mais symbole frappant des effets réels d’une conception européenne fondée sur la conviction que « la nation reste la seule réalité » : ce qui n’était que trop vrai en 1939, on l’a bien vu, mais qui nous a conduits, après le désastre, à l’ère des grands empires en guerre froide, laissant entre eux comme un vide politique, notre continent divisé. Ainsi le mouvement de bascule qui s’est fait sentir en 1966 ne s’est opéré jusqu’ici que dans notre représentation du monde, non pas dans les réalités de notre action.
Nouveaux motifs d’union
On sait que les premiers efforts d’union avaient été motivés, au lendemain de la guerre, par les nécessités de la reconstruction économique et le désir de lier les ennemis d’hier, France et Allemagne : d’où le Conseil de l’Europe, puis la CECA, conduisant au Marché commun. La situation a beaucoup évolué depuis lors. Aux premiers motifs, qui ont été suivis d’actions largement réussies (puisque l’Europe est désormais pacifiée et rétablie dans sa prospérité) viennent s’en ajouter d’autres de tous ordres, culturels ou politiques, traditionnels ou prospectifs. J’en retiendrai cinq qui sont apparus d’une brûlante actualité au cours de 1966.
1. Sauver l’indépendance politique de l’Europe
« Sans Europe unie, Américains et Russes s’entendraient par-dessus notre tête », écrivait naguère Paul-Henri Spaak. Cette entente, dans bien des domaines tels que l’exploration cosmique, l’armement atomique, les télécommunications ou certaines recherches scientifiques, semble déjà bien près de se réaliser, et l’ont voit pas que ce soit nécessairement au détriment de nos pays, rien d’autre que leurs divisions nationalistes ne s’opposant à ce qu’ils s’y joignent en tiers égal. Mais l’entente que redoute P.-H. Spaak est celle qui s’est déjà produite à Téhéran, puis à [p. 3] Yalta entre Roosevelt et Staline, et l’Europe tout entière en fit les frais, sans que Churchill, seul à la représenter, pût s’y opposer. Or ce qui fut refusé au chef incontesté d’une nation combattante — seule victorieuse entre toutes celles de l’Europe ! — quel autre homme d’État d’aujourd’hui serait-il en mesure de l’obtenir dans une conjoncture analogue ? Aucun ne pourrait parler au nom de l’Europe entière, voilà le fait. Divisée entre une France prorusse et anti-américaine, une Allemagne aux préférences exactement inverses, une Grande-Bretagne tenue à l’écart du Marché commun après avoir longtemps refusé d’y entrer, et une douzaine d’autres États « souverains », mais qui ne comptent guère, pris un à un, l’Europe n’a presque rien à dire au plan mondial (ainsi dans l’affaire du Vietnam)1 et personne ne serait d’ailleurs habilité pour le dire et se faire écouter. Unie, elle serait l’un des Grands, et même, à bien des égards, le plus Grand2. Mais pas une seule de ses vingt-cinq nations, isolément, ne peut prétendre à jouer un rôle actif, c’est-à-dire à faire preuve d’indépendance politique. L’indépendance, pour les Européens, ne saurait être qu’un attribut de leur union, et plus du tout de la « souveraineté » de leur nation.
2. Renouer avec les pays de l’Est européen
Au Congrès de l’Europe, à La Haye, en mai 1948, les fédéralistes européens avaient demandé que des sièges vides fussent réservés, dans l’enceinte du futur Conseil de l’Europe, pour les nations de l’Est momentanément empêchées de se faire représenter. On peut regretter que la motion n’ait pas eu de suites. Mais il fallait d’abord bâtir à l’Ouest un noyau dense d’Europe unie qui fût capable d’une part d’assurer une autonomie plus réelle à l’égard des USA, d’autre part d’attirer les peuples du glacis de l’Est à mesure que se relâcherait l’emprise soviétique.
[p. 4] La stratégie du double dégagement préalable à une vaste union continentale était en général des plus mal vues des chroniqueurs politiques, pendant les années de la guerre froide. Ils la dénonçaient comme révélant chez ceux (d’ailleurs très rares) qui la préconisaient soit des arrière-pensées « dangereusement neutralistes », soit une touchante absence de réalisme. Et pourtant, l’année 1966 a vu se multiplier les signes d’une évolution dans ce sens3. Les gouvernements de l’Est desserrent un peu leur contrôle sur la vie culturelle, et tolèrent mieux des échanges plus fréquents. Les artistes et les intellectuels voyagent et dialoguent. On traduit plus d’auteurs, on joue plus de compositeurs de l’autre « camp », et l’idée de « camp » d’ailleurs s’estompe : on passe le rideau de fer sans s’en apercevoir, parfois plus facilement qu’une douane à l’Ouest. La Roumanie fait grève au sein du Comecon. Le motif du profit se voit admis en Tchécoslovaquie. Les contrats se multiplient avec des firmes de l’Ouest. Fiat s’installe en URSS. Et de l’autre côté, la France manifeste des intentions de dégagement de la « tutelle » américaine bien faites pour rassurer ceux qu’on appelait naguère encore des « satellites » soviétiques. Des voix s’élèvent, dans tous nos pays, contre la guerre du Vietnam. Le président Johnson lui-même proclame sa volonté d’entente avec le Kremlin et multiplie les offres de traités techniques, spatiaux, nucléaires… Dans les pays de l’Est européen, où l’on suit de près toute cette évolution, un sourd espoir grandit de rejoindre demain une Europe de l’Ouest libérée de l’hypothèque « colonialiste-impérialiste », tandis que l’URSS est occupée ailleurs, contrainte d’affronter une menace orientale d’autant plus grave que rien ne la laissait prévoir en bonne doctrine marxiste de l’histoire4. Mais pour pouvoir « rejoindre » l’Europe, il faut d’abord qu’elle existe…
3. Éviter la colonisation économique par les USA
L’affaire Bull (rachat des usines électroniques françaises portant ce nom par la General Electric) a été le signal d’alarme. Elle a montré que des gestes négatifs, comme se retirer de l’OTAN ou menacer de bloquer le Marché commun, ne servaient de rien quand on venait à l’épreuve de force. [p. 5] Elle a montré que le « grand » pays le plus anti-américain en paroles et dans les déclarations de sa presse courait autant de risques de se voir satellisé dans des domaines clés de son industrie qu’un petit pays neutre et discret comme la Suisse, qui n’a pu s’opposer au rachat par la Standard Oil des Raffineries du Rhône, installées en Valais. Ces rachats forcés à coup de dumping et suivis après quelques mois de licenciements massifs sur des ordres venus d’Amérique, sont de nature à faire comprendre à beaucoup que, faute d’appliquer sans délai un plan d’union, les vingt-cinq nations de l’Europe se condamnent à la colonisation économique et à la satellisation politique, les unes par l’empire de l’Est, les autres par l’empire de l’Ouest. Face à ces menaces de plus en plus précises, on aura vu en 1966 des organes aussi différents que Le Monde en France et l’organe officiel des coopératives en Suisse déclarer, au terme d’exposés objectifs des faits, qu’ils ne voyaient qu’un seul moyen de protéger chacun de nos pays contre l’invisible invasion américaine : c’était l’union.
L’Amérique, en attendant, durcit ses attitudes et ses méthodes. Elle prétend de moins en moins à cette philanthropie dont les Français lui faisaient reproche durant tout le temps qu’ils en bénéficiaient, comme si elle n’était qu’hypocrisie. Elle pose ses conditions avec chaque subvention : c’est au moment où les Européens de l’Ouest font mine de se « libérer » de leurs bienfaiteurs que ceux-ci risquent de devenir les colonisateurs économiques qu’on les accusait d’être, à tort, quand ils tentaient seulement de nous remettre sur pieds.
4. Combler le « retard technologique »
S’il est vrai que les usines que possèdent les Américains dans les pays européens ne fournissent guère plus de 5 % de la production totale, il est remarquable que leur contrôle s’exerce sur les secteurs les plus développés du point de vue technique, ou les plus décisifs pour l’avenir de l’industrie5 : 33 % du marché de l’automobile, 40 % du pétrole en Grande-Bretagne et en Allemagne, 75 % des machines électriques, [p. 6] et toute la construction des ordinateurs en France. Fière à juste titre de ses « Caravelle », la France ne peut les vendre à la Chine, parce que leur équipement électronique est américain. Les observateurs américains et européens sont d’accord pour attribuer la cause principale de notre dépendance économique par rapport aux États-Unis à ce technology gap (selon l’expression désormais consacrée), lequel à son tour s’explique par l’esprit de routine des industriels artificiellement protégés contre la concurrence étrangère, et par un certain dédain des « culturels » à l’égard des « techniciens », d’où l’insuffisance des écoles professionnelles et des salaires promis à ceux qui en sortent : tout cela se ramenant toujours à la petitesse de nos marchés cloisonnés par les douanes nationales. Comme le déclarait récemment le directeur général d’Olivetti, « il est inconcevable que nous autres Européens soyons encore entravés par le concept d’État-nation. Si nous parvenons à nous débarrasser de ces barrières, je prévois un formidable essor intellectuel et psychologique ». Tandis que d’autres n’hésitent pas à prédire qu’en l’absence d’une union réelle, nos nations qui se prétendent « souveraines » tomberaient bientôt au rang de « sous-développées du monde occidental ».
Certes, E. Barold Wilson a proposé en 1966 la création d’une « communauté technologique européenne », dont l’intérêt serait bien moins de concurrencer les États-Unis que de développer les possibilités propres à l’Europe dans ce domaine. Mais cela supposerait un minimum d’union politique qui n’existe pas encore.
5. Aider le tiers-monde
Quoique la France consacre à l’aide aux sous-développés du tiers-monde un pourcentage beaucoup plus fort de son revenu national que les USA et que l’URSS, les chiffres absolus de l’aide européenne sont dérisoires. La tâche déborde notoirement les possibilités de chacun de nos pays, et même de l’addition de nos vingt-cinq pays. Car seule la multiplication, rendue possible par la mise en commun de nos efforts et ressources à une échelle continentale, permettrait de dégager les sommes et de former les hommes capables d’agir dans le tiers-monde et d’y manifester la présence de l’Europe (et non pas seulement le retour des petits calculs nationalistes-capitalistes, ou de prestige, d’anciennes « puissances coloniales »). Or durant toute l’année 1966, l’appauvrissement du [p. 7] tiers-monde par rapport à l’Occident et à l’URSS n’a cessé de s’accentuer et d’être publié sur tous les tons dans le monde entier. Que nous le méritions ou non, nous autres Européens, nous sommes tenus pour responsables de la carence des riches à secourir les pauvres (hier encore sujets des empires coloniaux de la France et de la Grande-Bretagne), et sans union économique, nous ne serons jamais assez riches pour ce que le tiers-monde attend de nous.
Et puis enfin, ce sont les divisions nationalistes de l’Europe en 1914 et en 1939 qui ont jeté le monde entier dans la guerre. C’est aux Européens d’offrir l’exemple d’une union régionale qui, d’une part, mettrait fin à ces divisions, d’autre part, agirait comme anticorps contre le virus nationaliste. C’est d’un traitement fédéraliste, solidariste, coopératif, que les jeunes nations de l’Afrique6, comme les vieilles nations de l’Asie et les fragiles nations de l’Amérique du Sud7 ont aujourd’hui le plus grand besoin. Et l’Europe seule pourrait montrer le chemin en s’y engageant la première. Mais que fait-elle ?
Les solutions proposées
Il y a d’abord le Marché commun, que la grande presse appelle souvent « l’Europe », encore que les Six ne représentent qu’un quart de nos pays et un tiers de leur population globale, Est et Ouest additionnés8. En 1966, le Marché commun a prouvé qu’il était assez souple et robuste pour surmonter la crise la plus sérieuse provoquée par l’un de ses membres, mais que c’était au prix de l’ambition majeure de ceux qui rédigèrent le traité de Rome : la supranationalité des décisions, conduisant à l’union politique. La France a obtenu un accord général qui servait ses intérêts [p. 8] légitimes, et c’est fort bien, mais le dynamisme de la Communauté a été atteint, les espoirs de développement au-delà de la lettre du traité ont été vertement rabroués, et l’on s’est aperçu que Jean Monnet avait été trop optimiste en croyant que les nécessités de l’union économique amèneraient les gouvernements européens à accepter nolens volens des mesures toujours plus concrètes d’union politique. La vérité qui est apparue en 1966, c’est qu’on ne fera pas l’Europe fédérale sans le vouloir. L’économique ne conduit pas nécessairement au politique : il faut sauter. Or personne n’a jamais réussi un saut sans prendre d’abord son élan, sans s’élancer — ce qui suppose une volonté consciente, un coup de passion, et une vision du but à rejoindre. L’esprit doit faire le saut d’abord et le corps suivra. Mais quelle est la vision de l’union européenne qui pourrait entraîner l’opinion et les peuples, obligeant ainsi les responsables à faire le saut de l’économique au politique ? Ce ne saurait être une super-nation-Europe unitaire et centralisée, telle que les nationalistes accusant les « européistes » de la vouloir, — mais personne ne la veut en réalité. Ce ne saurait être davantage une nouvelle Sainte-Alliance des nations souveraines, même baptisée Europe des États : cette formule désuète a prouvé à l’envi son insuffisance. Les diversités de tous ordres — culturelles, religieuses, historiques, régionales, politiques — qui font la richesse de l’Europe rendent improbable autant qu’indésirable toute union qui ne serait pas de forme fédérale, c’est-à-dire qui ne respecterait pas ces diversités ; et en retour, leur union seule peut les sauver de l’uniformisation par une économie, une technique et une idéologie venues d’ailleurs…
Mais il faut bien reconnaître qu’aucun projet d’union selon cette formule fédérale, seule possible, n’a encore été proposé. On a souvent parlé de « relance de l’Europe politique » en 1966. On a prêté au général de Gaulle de grands desseins qu’il est fort possible qu’il tienne en réserve. Mais rien de concret ne s’est manifesté.
L’opinion s’est donc contentée de spéculer sur le revirement de l’attitude britannique à l’égard du Marché commun, qui a marqué l’année 1966. Les déclarations du Premier ministre et ses premiers voyages d’exploration dans les capitales des Six sont suivis de près par les observateurs politiques. Et certes, l’éventualité de l’adhésion de la [p. 9] Grande-Bretagne au Marché commun est importante9, car elle entraînerait celle de la plupart des pays de l’AELE et contribuerait puissamment à renforcer l’autonomie économique de l’Europe. Mais nul n’est en droit d’affirmer que l’union politique du continent serait facilitée par l’entrée des Anglais dans le Marché commun. Plusieurs pensent au contraire que cette entrée tardive jouerait un rôle retardateur, et ainsi pourrait compromettre même les quelques progrès péniblement acquis vers une politique économique commune.
La détente entre l’Est et l’Ouest européens, mais aussi entre la CEE et la Grande-Bretagne chef de file de l’AELE ; dans le camp communiste, la tension accrue entre l’URSS et la Chine ; et dans le camp atlantique la tension entre les États-Unis et la France au sein de l’OTAN : tout cela pouvait et devrait même, en bonne logique, contribuer à resserrer l’entente des Européens — en attendant l’union finale. Mais une espèce d’inertie politique a marqué l’année 1966. Personne n’a rien tiré de concret d’une conjoncture si favorable. Ce sont au contraire les conséquences les plus inquiétantes de notre désunion qui se sont manifestées : renaissance d’un certain nationalisme en Allemagne, faisant écho à l’évocation parfois insistante de la « grandeur » française ; dégradation de la capacité de concurrence de nos pays face aux États-Unis dans le domaine technologique, et par suite dans le domaine industriel.
Enfin et surtout, l’absence de l’Europe au plan mondial n’a jamais été plus flagrante, alors que la guerre au Vietnam, l’appauvrissement du tiers-monde et la crise endémique de ses nouveaux régimes appelaient une puissance politique capable d’arbitrer, d’organiser une aide économique et technique de grande envergure, et surtout de montrer les voies nouvelles d’une intégration fédérale réalisée à l’échelle d’un continent.
[p. 10] C’est en prenant conscience de cette énorme Absence, forme en creux ou négatif angoissant d’une réalité refusée, qu’on sentira le rôle central et décisif que nos vingt-cinq nations pourraient jouer dans le monde, si elles formaient enfin une Europe.