Deuxième partie.
Stades du développement cognitif
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Modèle général du développement - Période sensori-motrice - Conscience de soi comme sujet et objet -Imitation - Période préopératoire (conservation) -Période des opérations concrètes - Période des opérations formelles.
Dans cette partie, Piaget retrace les stades majeurs du développement cognitif, en partant de la période sensori-motrice (jusqu’à deux ans), la période préopératoire (de deux à sept ans), la période des opérations concrètes (de sept à onze ans), pour arriver enfin à la période des opérations formelles (de onze à quinze ans). Les remarques de Piaget sur des concepts tels que l’imitation, la conscience de soi, sont particulièrement intéressantes, ainsi que le fait qu’il reconnaisse qu’il y ait différents rythmes dans le développement de l’enfant durant ces stades.
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R. EVANS : Je voudrais maintenant aborder un thème qui vous appartient en propre : votre modèle évolutif. Si j’ai bien compris, vous semblez croire que le processus de la connaissance commence à se mettre en place avant l’acquisition du langage par l’enfant ; aussi, n’est-ce pas du langage qu’il faut partir. Il faut se situer avant le langage. C’est ce stade pré-verbal que vous appelez la période sensori-motrice*. N’est-ce pas ?
J. PIAGET : Exactement. La période sensori-motrice occupe une place essentielle dans le développement, car c’est au cours de cette période qui va de la naissance au milieu de la seconde année, qu’interviennent les changements les plus fondamentaux et les plus rapides. A la naissance, l’enfant n’est capable que d’actions isolées : sucer, toucher fortuitement les objets, écouter, etc. De plus, tout est centré autour de son corps. Pour le tout petit enfant, les objets en eux-mêmes n’ont pas d’existence. Il n’a pas conscience de lui-même en tant que sujet comme Baldwin l’a démontré il y a longtemps déjà . Mais au cours des premiers dix-huit mois, il se produit une véritable révolution copernicienne : le corps de
1. La période sensori-motrice est le premier stade du modèle de développement chez Piaget. Elle va de la naissance jusqu’au début de la pensée symbolique.
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l’enfant n’est désormais plus le centre du monde, mais un objet parmi d’autres objets qui sont maintenant en relation entre eux, soit par des liens de causalité, soit par des rapports spatiaux, le tout dans un espace cohérent qui les englobe.
Ces changements fondamentaux interviennent avant l’acquisition du langage, ce qui prouve à quel point la connaissance est liée à l’action et pas seulement à la verbalisation.
R. E. : Que peut-on observer chez l’enfant au cours de cette progression ? Pourriez-vous citer des exemples illustrant chacun des sous-stades de la période sensori-motrice ?
J. P. : Cela prendrait beaucoup de temps, parce qu’il existe six sous-stades. Mais, à titre d’exemple, prenons un type de comportement qui est un des premiers éléments manifestes de l’intelligence sensori-motrice. Un enfant veut saisir un objet hors de sa portée, mais qui est posé sur une couverture. En tirant sur la couverture, il tire l’objet à lui. Cela peut paraître tout simple, mais cela présuppose toute une série de relations dont nous pouvons suivre l’élaboration progressive. Par exemple, la relation « posé sur », qui pour l’enfant, n’est pas du tout évidente. Pour exécuter cet acte complexe, l’enfant doit d’abord construire cette relation. L’autre relation impliquée ici, est celle de déplacer un objet éloigné d’un point à un autre. L’idée qu’il est possible de déplacer un objet avec une certaine conservation d’un point à un autre, doit aussi être construite par l’enfant. Puis, il s’agit de coordonner ces deux relations, en utilisant la couverture, non pas tout à fait comme un outil, mais comme un intermédiaire, entre l’enfant et l’objet éloigné. Voilà donc un exemple d’acte d’intelligence sensori-motrice où nous pouvons suivre toutes les étapes de construction des différentes relations mises en jeu.
R. E. : L’enfant vit donc un processus de découverte. Est-ce le bon terme ?
J. P. : Le terme de découverte n’est pas suffisant. Il s’agit ici de la construction de nouvelles relations. La relation « être posé sur » et la relation « tirer à soi au moyen d’un intermédiaire », reposent toutes deux sur une foule d’actions, de mouvements dans l’espace, de manipulations. Je ne les appellerais pas des découvertes. Ce sont de véritables inventions, parce que ce sont des constructions nouvelles.
R. E. : L’un des aspects les plus déroutants de la période sensori-motrice, un aspect qui en complique la compréhension réside dans le fait que nous sommes habitués à penser en termes de langage en tant que moyens de compréhension. Vous postulez pourtant qu’il peut y avoir compréhension sans langage. Puisque nous utilisons le langage pour communiquer, nous avons du mal à nous représenter ce que peut être la compréhension sans le langage. Y a-t-il un moyen de décrire à quoi cela ressemble ?
J. P. : Là où il n’y a pas de langage, il n’y a pas de concept, et il n’y a pas de nom pour un groupe d’objets. Mais il existe déjà ce que j’appelle schème, c’est-à <lire des instruments de généralisation d’une autre nature. Le schème c’est ce qu’il y a de commun entre plusieurs actions différentes et analogues. Dans le cas cité, une fois que l’enfant a construit la relation « tirer à soi au moyen d’un objet intermédiaire », il peut la généraliser et l’appliquer à d’autres situations : par exemple, un objet différent posé sur un support différent. C’est une généralisation sur le plan de l’action, c’est un schème1. Sous une forme plus simple, la coordination entre
1. Le concept de schème est utilisé dans un sens très large pour désigner des structures organisées du comportement.
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schèmes équivaut à la coordination entre concepts que nous réalisons au moyen du langage. Les schèmes peuvent se passer de langage car ils sont désignés par des indices de perception « posé sur », « distance », etc. Dans cette coordination de schèmes, il n’y a pas encore de réflexion intériorisée. Les schèmes sont des instruments d’action. Mais ce sont des instruments généralisa-teurs ; on pourrait les qualifier de concepts pratiques. Toute la différence réside dans le fait que le concept désigne un grand nombre de choses en même temps, tandis que le schème regroupe ce qui est commun à différentes actions se déroulant à des moments différents. Un schème lie les actions entre elles, tout comme un concept lie les choses entre elles.
R. E. : Dans l’étude des six sous-stades, vous soulignez que l’enfant part d’une conception extrêmement réduite du monde et qu’il passe peu à peu à des conceptions de plus en plus complexes. Vers la fin de cette période, l’enfant commence à établir un concept de soi. En rattachant l’objet au schème en ce qui concerne le moi propre de l’enfant, comment faire ressortir cette relation réciproque ? En d’autres mots, comment relier sujet et objet et le schème intermédiaire ?
J. P. : Au début de la période sensori-motrice, il n’y a pas de sujet. Il y a une absence totale de différenciation, c’est ce que Baldwin a appelé l’adualisme entre le sujet et l’objet. Peu à peu, les actions du sujet se différencient, se diversifient et se coordonnent. Dans la mesure où se fait cette coordination, les relations entre objets se spécialisent et les liens de causalité entre objets apparaissent comme indépendants des actions propres du sujet ; dans le monde extérieur, un certain ordre s’instaure. Le schème est l’instrument fondamental de cette coordination qui engendre cette construction double : le sujet d’un côté et des objets permanents de l’autre. Tant
qu’il n’y a pas de sujet, c’est-à -dire tant que l’enfant ne se reconnaît pas lui-même comme la source de ses propres actions, il ne reconnaît pas non plus la permanence des objets autres que lui-même. A la fin de cette évolution sensori-motrice, les objets permanents apparaissent, constituant un univers où existe également le corps de l’enfant. La relation entre les deux est une coordination progressive.
R. E. : Pour George Herbert Mead, par exemple, l’individu est d’abord un « moi » — objet auquel la mère réagit par : « tu es méchant », « tu es gentil », etc. Mais, peu à peu, l’enfant commence à s’affirmer. Il devient un « je ». Enfin, il se produit une intégration entre le « je » et le « moi ». C’est le « soi ». De toute évidence, vous ne faites pas la même analyse et vous n’utilisez pas les mêmes termes que Mead.
J. P. : L’analogie m’échappe, car elle n’est pas présente au début, elle doit se construire. Les objets n’existent pas non plus, au commencement, eux aussi, demandent à être construits. Au début, vous avez un « je » qui ne se connaît pas lui-même. Il y a des objets qui ne sont pas permanents et il y a les interactions entre ces deux pôles. La connaissance ne commence pas par le « je », ni par l’objet, elle commence par les interactions. Tant que ces interactions entre sujets et objets se composent d’actions isolées et non coordonnées, il n’y a ni objet ni sujet. Lorsque ces interactions débouchent sur des coordinations, alors on peut parler de construction réciproque et simultanée du sujet d’une part, et de l’objet d’autre part.
R. E. : Pourriez-vous préciser votre théorie du développement de la conscience de soi ?
J. P. : Baldwin a montré qu’au début le nouveau-né n’a pas conscience de lui-même en tant que sujet. Il doit donc se construire lui-même en tant que sujet. Pour ma
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part, j’ai pu démontrer que pendant longtemps l’enfant n’a pas non plus la notion de la permanence des objets. Sa conscience est constituée par des tableaux ; ce sont les interactions entre le sujet et l’objet, mais qui ne font partie ni de l’un ni de l’autre. Aucune différenciation ne peut être faite entre ce qui est le soi et ce qui est l’objet. Le développement de la conscience de l’enfant comme sujet agissant d’une part, et d’autre part, d’un monde d’objets indépendants de lui, reliés entre eux par des liens de causalité ou par des liens spaciaux, se produit simultanément, au fur et à mesure que l’enfant coordonne davantage ses actions. Il ne peut prendre conscience de soi sans prendre en même temps conscience de l’indépendance des objets qui l’entourent et vice versa. C’est la même coordination.
R. E. : Le concept d’imitation dans la prime enfance retient de plus en plus l’intérêt de psychologues américains qui font des recherches sur l’apprentissage social (par exemple Bandura et Walters, 1963). Comment, selon vous, intégrer l’imitation dans la période sensori-motrice ?
J. P. : Notons d’abord qu’un schème tel que nous venons de le définir est avant tout un instrument d’assimilation ’ et non d’imitation. Un objet est assimilé pour participer à .une action possible. Mais en même temps, l’action doit s’accommoder des particularités de l’objet ou de la situation présente. Parfois, cette accommodation prend le pas sur l’assimilation et
devient une fin en soi. Dans la mesure où cela se produit, on peut parler d’imitation.
L’imitation dépend de schèmes qui ne sont rien d’autre que l’intelligence sensori-motrice en action. Mais l’imitation devient une fonction distincte dans la mesure où ces actions se font dans l’intérêt de l’accommodation comme telle.
R. E. : Le terme « réaction circulaire » ’, se rattache manifestement à cette question. Voudriez-vous parler du sens que vous donnez à cette expression ?
J. P. : Une réaction circulaire est une assimilation reproductive. C’est le mécanisme par lequel un schème se développe. L’enfant exécute une action, s’intéresse au résultat et répète la même action. Cette répétition est ce que Baldwin a appelé une réaction circulaire. C’est cette répétition qui produit le schème.
R. E. : Pour reprendre l’expression de certains des premiers théoriciens de l’apprentissage par association comme E. L. Thorndike, le schème « s’imprime ». C’est bien cela ?
J. P. : Non, c’est à travers la réaction circulaire que le schème se construit.
R. E. : Si je vous comprends bien, vous ne refusez pas l’importance de « l’impression », mais vous vous intéressez davantage à la construction du schème qui se fait par la répétition et qui précède l’impression.
J. P. : C’est tout à fait cela. Naturellement, il y a impression. C’est si évident que je ne reviens pas dessus.
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1. Dans l’assimilation, on incorpore un nouvel événement ou objet stimulus dans une structure cognitive déjà en place. Son complément, l’accommodation s’applique à cette tendance à ajuster une organisation déjà existante pour l’adapter à un nouvel objet ou événement stimulus. D y a un rapport très étroit entre le développement de l’imitation et le développement de l’intelligence en général, qui en est la source.
1. Pour développer un peu plus avant, ce terme « réaction circulaire » souvent utilisé dans les travaux sur le développement de l’enfant, disons qu’il s’applique aux actions répétitives de l’enfant qui se produisent jusqu’à ce que le comportement disparaisse ou se trouve, au contraire, renforcé et établi (« imprimé ») par suite de renforcements internes ou externes.
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Cest une condition nécessaire, mais non pas suffisante. En fait, elle est tout à fait insuffisante, parce que dans chaque cas, il y a toujours également une construction.
R. E. : Après la période sensori-motrice et préverbale, vous situez la période préopératoire à partir de l’âge de deux ans jusqu’à sept ans environ. Pouvez-vous en parler ?
J. P. : Deux choses caractérisent la période qui va de deux à sept ans. La première, c’est l’apparition de la fonction sémiotique qui est, en réalité, la fonction de représentation ou, si l’on veut, la fonction symbolique. Elle comprend, bien sûr, le langage. Mais pas seulement le langage. Elle comprend aussi l’imagerie mentale, l’imitation « différée », le dessin — éléments qui étaient inexistants jusqu’alors. La fonction sémiotique correspond à l’intériorisation de l’imitation et ce qui est important ici, c’est que l’enfant soit maintenant capable de se représenter un objet absent. Cette capacité permet le développement d’une nouvelle étape de l’intelligence, l’intelligence par la représentation et la pensée. L’enfant peut désormais faire autre chose qu’agir. Mais à cette nouvelle étape, l’enfant doit reconstruire tout ce dont il a fait acquisition à travers les actions. Il lui faut reconstruire en termes conceptuels tout ce qu’il avait déjà construit sous forme de schèmes. Toute cette période constitue une préparation à la construction des opérations concrètes. Ce travail de reconstruction des acquisitions de la période sensori-motrice prend du temps, et les opérations concrètes n’apparaissent pas immédiatement, pas en même temps que la fonction sémiotique. A ce stade, tout doit se reconstruire. Qui plus est, au niveau sensori-moteur, l’action se déroule dans l’immédiat sur le plan spatio-temporel, tandis qu’avec l’apparition de la fonction sémiotique, l’action peut se projeter dans le futur.
R. E. : Que pouvez-vous dire de cette période préopératoire ?
J. P. : On voit tout d’abord apparaître la fonction sémiotique qui est une différenciation de l’imitation intériorisée et qui permet la représentation et la pensée.
En second lieu, puisque nous sommes maintenant sur un plan différent — à savoir que les schèmes ne sont plus le seul instrument de généralisation — puisque la conceptualisation est également présente — tout ce qui a été réalisé au niveau sensori-moteur doit être reconstruit.
En troisième lieu, au stade sensori-moteur, l’enfant ne se préoccupait que de l’espace qui l’entourait et vivait dans le présent. A présent, il a la possibilité de se représenter des objets éloignés dans l’espace, des événements passés ou futurs et d’y penser. Mais cela aussi suppose une reconstruction. En vérité, cela demande plus qu’une reconstruction — c’est une adaptation à un champ nouveau et plus vaste. Tout ce qui a eu lieu au stade sensori-moteur est à refaire au stade de la représentation. C’est pourquoi nous ne voyons pas immédiatement les opérations et en particulier la conservation1. Tout comme il faut du temps pour construire la permanence de l’objet au stade sensori-moteur, la construction des conservations opératoires et des processus de raisonnement encore plus évolués, demande sur ce nouveau plan beaucoup de temps, cela d’autant plus que ses dimensions se sont élargies.
R. E. : En d’autres mots, nous passons vraiment du niveau présymbolique de la conceptualisation à un
1. La conservation est la conviction selon laquelle certains attributs de l’objet (nombre, poids, masse) restent invariables, même si l’apparence de l’objet change. Cette conviction s’accorde avec les expériences courantes que connaît l’individu dans son environnement physique.
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niveau qui permet une véritable utilisation des symboles ?
J. P.: C’est vrai.
R. E. : Pourriez-vous parler des mécanismes qui caractérisent ce niveau opératoire entre l’âge de sept et de onze ans ?
J. P. : L’essentiel d’une opération à ce niveau, c’est qu’elle correspond à l’intériorisation de coordinations qui existent déjà sur le plan des actions. Maintenant qu’elles sont intériorisées, la réversibilité devient possible. On peut revenir sur le passé par la pensée. De plus les opérations sont toujours coordonnées en structures totales. Prenons, par exemple, le système de classement, ou une série ordonnée, ou des séries de nombres entiers, ou les correspondances point par point, etc. De telles structures totales constituent un champ nouveau et représentent des instruments autrement puissants que les instruments sensori-moteurs. Mais cela est limité dans la mesure où ces instruments s’appliquent aux seuls objets. Nous ne sommes pas encore en présence d’opérations fondées sur des hypothèses, opérations qui apparaîtront par la suite. Ces structures totales sont encore limitées par des lois comme celles que j’ai appelées « le groupement » ’, structure qui ressemble un peu à un groupement mathématique tout en étant plus limitée.
R. E. : La période des opérations formelles qui apparaît entre onze et quinze ans est l’étape suivante.
1. Un « groupement » est une structure algébrieo-logique hybride, possédant les propriétés de composition, d’association, d’identité et de réversibilité mais procédant de proche en proche par contiguïté (Flavell, 1963). Il s’agit essentiellement d’un concept mathématique qui doit être compris dans un contexte mathématique, au stade des opérations concrètes.
C’est une étape très complexe. Pourriez-vous nous en dire quelques mots ?
J. P. : Ce qui est important ici, c’est de savoir que nous avons la possibilité d’appliquer les opérations non seulement aux objets mais aux hypothèses verbalisées. Pour manier des hypothèses, il faut être capable d’exécuter des opérations sur d’autres opérations. Le contenu de chaque hypothèse est déjà une sorte d’opération concrète ; ensuite, une nouvelle opération intervient pour établir une relation entre l’hypothèse et la conclusion. Les opérations sur les opérations ouvrent un nouveau champ de possibilités. En particulier, nous avons désormais la possibilité du raisonnement combi-natoire qui nous permet de relier une proposition à une autre, une opération à une autre. De plus, l’analyse combinatoirei rend possible la mise en place de séries de sous-ensembles qui regroupent les deux types de réversibilité restés distincts dans les opérations concrètes. Ces deux types de réversibilité sont d’une part la négation, d’autre part, la réciprocité. Le groupe des quatre transformations, nommé groupe de Klein par les mathématiciens, est un exemple de structure où la négation et la réciprocité sont reliées l’une à l’autre. Un tel groupe est bien plus puissant que le groupement.
R. E. : Prenons l’ensemble du processus de développement du stade sensori-moteur jusqu’au stade opératoire le plus évolué : je suis certain que pour vous ces stades ne sont pas figés. En d’autres termes, il doit y avoir une marge de flexibilité et de différences individuelles au sein de ce modèle évolutif.
J. P. : Oui, bien sûr. Il peut y avoir fixation à cer-
1. L’analyse combinatoire est la méthode qui garantit un inventaire exhaustif de toutes les combinaisons possibles des variables en présence (Flavell, 1963).
[p. 78]tains stades ; il peut y avoir des retards et des accélérations. Mais j’irais plus loin encore. Au sein du stade des opérations formelles, il est parfaitement possible que certaines personnes, travaillant à certains métiers manuels, par exemple, ou des ouvriers qualifiés, atteignent le niveau des opérations formelles dans leur propre domaine, et non sur un plan général.