Rejet de la CED : l’avis de Denis de Rougemont (20 septembre 1954)a
Le rejet de la CED par un seul pays vient de jeter tous les autres dans une crise très dangereuse, démontrant ainsi, une fois de plus, que les nations de l’Europe sont solidaires en fait, pour le meilleur quand elles le reconnaissent, et pour le pire quand elles le nient.
Dans la confusion générale qui a suivi la journée des dupes du 30 août, les fédéralistes européens gardent une ferme orientation. L’échec de la CED n’est pas celui de l’idée fédérale, mais celui d’une diplomatie qui tentait de « faire l’Europe » à la sauvette, sans poser la question dans son ampleur, à tous.
Il faut vouloir maintenant la vraie fédération, dans sa totalité, non par pièces détachées. Il faut enfin se décider à expliquer l’Europe aux masses, avec franchise, en termes simples et concrets. La vraie lutte pour l’Europe commence. Elle ne sera pas gagnée dans ces lieux indécents que sont les couloirs de parlements, mais dans les esprits et les cœurs. Et le reste suivra — l’armée, l’économie — quand chacun de nos peuples aura compris qu’il s’agit de se sauver tous ensemble ou de périr isolément.