Une dimension nouvelle (11-12 septembre 1971)a
À plus d’une reprise, l’occasion d’exprimer mon admiration pour « C. J. B. » me fut offerte, toujours saisie avec reconnaissance. Mais je gardais pour cet anniversaire un éloge dont tout me faisait craindre qu’il fût de nature — si plus tôt exprimé, sans précaution — à desservir la bonne réputation de notre ami dans un pays égalitaire. Aujourd’hui je ne reculerai plus, les jeux sont faits et sa gloire établie.
Du prince en soi, archétypal, avant tous titres décernés, C. J. B. n’a pas seulement la prestance et la sagacité profonde du regard, mais la simplicité et la maîtrise de soi, l’élocution aisée et sans éclat, les colères bien tenues en brides, l’énergie grande et en partie secrète. Trop passionné pour se montrer jamais sentimental, trop pessimiste pour moraliser, et avec trop de distance naturelle pour avoir à jouer la hauteur, affable mais non sans malice, et ce qu’il faut d’arbitraire dans les jugements, lucide avec plus de mélancolie que de cynisme, plus de sensibilité aux êtres qu’aux idées et aux situations qu’aux systèmes, d’où son sens politique intuitif et ses vues parfois prophétiques : — Carl-J. Burckhardt ajoute à notre Suisse la dimension qui manquait le plus à ce pays, celle que j’aime à nommer la dimension princière.