La Formation de la notion de force ()
Chapitre III.
Le problème de la remontée d’une bille après une descente
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avec Alina Szeminska
B. Inhelder a jadis étudié avec l’un de nous la descente de billes le long de pistes d’inclinaisons variables que les sujets manipulaient eux-mêmes, le problème étant de découvrir que l’effet produit (longueur du chemin depuis le bas de la pente) était fonction de la hauteur de départ et non pas de la longueur de la descente ou du poids des billes, etc. Ce n’est que vers 11-12 ans que ce facteur décisif était compris d’emblée par les sujets. Mais la question étudiée était celle de l’induction et non pas celle de la causalité que nous allons reprendre ici avec une autre technique facilitant la lecture des hauteurs.
Or, du point de vue causal, par opposition aux lois à elles seules, il y a là un problème d’un intérêt assez général du fait que la hauteur en elle-même ne comporte aucune valeur explicative et que, si les sujets en parlent dès l’âge de 5 ans, ils invoquent surtout la pente et la longueur du trajet. Seulement si la longueur L et la hauteur H peuvent être considérées (par l’adulte) comme des données simples, la pente P est un rapport entre les deux, que nous pouvons symboliser par P = f(H,L). La situation est comparable à cet égard à celle de la vitesse V = E/T, conçue (par l’adulte) comme un rapport, en opposition avec l’espace parcouru E et la durée T, pouvant être imaginés comme les données de départ : mais on sait que
[p. 96]c’est précisément la vitesse qui semble être la donnée génétiquement primitive et il pourrait en être de même de la pente par rapport à la longueur et la hauteur. On retrouve alors le problème général soulevé en notre Introduction et dont la petite question actuelle constituerait un cas particulier : ne serait-ce pas toujours les notions complexes et les rapports qui correspondent aux intuitions primitives, par opposition aux notions dérivées qui seraient tirées d’elles par différenciation pour être ensuite reliées en des synthèses cohérentes ? On l’a vu pour l’« action » et la « poussée spatio-temporelle » (chap. I et II), source des notions de force et d’accélération, et cet exemple dynamique s’ajoute à celui, cinématique, de la vitesse et du temps. Nous allons essayer de le montrer dans le cas de la pente, la longueur et la hauteur, en leurs significations à la fois géométrique, cinématique et dynamique.
D’où deux hypothèses. La première est que le rôle de la pente, en tant que rapport global et indifférencié, précédera ceux de la longueur et de la hauteur. La seconde est que si la pente P équivaut à f(H, L) alors la longueur L sera conçue comme le rapport L = f(H, P) et la hauteur H comme le produit H = f(P, L). Or, contrairement à l’évocation de la hauteur H envisagée à elle seule et in abstracto, qui n’a pas de signification causale, le produit H = f(P, L) présente au contraire une valeur explicative, car en des trajets comportant une descente et une montée, mais dont l’une est asymétrique par rapport à l’autre, dire que la bille doit atteindre à la montée la même hauteur que son départ à la descente n’a de sens qu’en mettant en relation les inclinaisons et les longueurs. Il sera donc intéressant d’examiner si c’est bien ce que font les enfants.
Il convient d’ailleurs de noter que les interrogations dont sont tirés les faits cités en ce chapitre n’ont pas uniquement porté sur ce problème particulier, et même loin de là , mais beaucoup plus largement (les protocoles d’expériences ont eu jusqu’à 15 pages ou plus !) sur l’ensemble des interprétations dynamiques et cinématiques des sujets. Seulement les données les plus générales concernant l’aspect dynamique ont été versées dans le chapitre II et nous n’y reviendrons ici qu’à l’occasion, et en liaison précisément avec les questions de pente, de longueur des chemins et de hauteur. Mais cette liaison est essentielle, et il conviendra à cet égard de confronter sans
[p. 97]cesse les analyses du chapitre II et de ce chapitre III : par exemple, si, dans ce qui suit (§ 4 et 5), les sujets du niveau IIA se réfèrent avant tout à la longueur des pistes, tandis que ceux du niveau IIB, tout en commençant ainsi, en viennent à dégager le rôle de la hauteur, c’est qu’au niveau IIA leur dynamique demeure indifférenciée de leur cinématique (c’est le mouvement lui-même en son intensité qui constitue la force), d’où l’accent mis sur la longueur du trajet, tandis qu’au niveau IIB la force est différenciée en tant que cause du mouvement, d’où le rôle du poids et de la prise de l’élan, etc., et par conséquent de la descente en fonction des hauteurs de départ.
§ 1. Techniques et résultats généraux🔗
Les niveaux observés sont au nombre de cinq principaux que nous distinguerons comme suit. Au niveau IA les billes ont le pouvoir de rouler et rien ne les empêche de monter plus haut que leur point de départ. Au niveau IB tous les sujets insistent sur le facteur de pente, sans en différencier de façon cohérente la hauteur et la longueur et en prévoyant notamment une forte montée sur la piste raide III. Au niveau IIA les prévisions sont meilleures, mais le point d’arrivée de la bille est jugé en fonction de la longueur de la descente, tandis qu’en IIB il y a passage de la longueur à la hauteur en fonction des constatations. Au niveau III enfin le rôle de la hauteur est prévu avant celles-ci, mais on peut encore distinguer un niveau intermédiaire entre IIB et III (IIIA ?) et un niveau supérieur III (ou IIIB).
§ 2. Le niveau IA🔗
D’abord quelques exemples :
[p. 99]Nic (5 ;4). Départ en B1, tige I : « Elle va rouler. — Jusqu’où ? — Elle ira jusqu’en haut. — Qu’est-ce qui la fait monter ? — Parce que la boule est ronde, elle roule. — (Constatation.) — Ça descend et ça monte. — Et si je prends une bille plus grande ? — Elle descendra et elle remontera (en B2). » Départ plus bas à 13 : elle roulera jusqu’en B2 et reviendra en B1 donc au-dessus de son départ actuel. Pour 9 elle ira à 13 et pour 2 à 16 : « Pourquoi ça va plus loin ? — Parce qu’elle est plus loin (au départ). — (Tige horizontale V.) — Elle ne va pas rouler vers le haut, parce que c’est tout plat. — Et si je lève la tige ? — Elle va rouler en bas et elle va monter. » Piste II (symétrique) : pour 13-38 elle prévoit 12-37 donc à peu près pareil puis 13-38. Piste III (montée raide) : pour 13-38 elle donne 21-25 donc plus haut « parce que vous la mettez jusqu’où elle va là . — La bille arrivera à la même hauteur sur ces deux tiges ? — Non. — Où plus haut ? — Ici (III). — Que veut dire plus haut ? — Ça veut dire qu’on monte ».
Mos (5 ;11). Tige I en B1, prévision : « Elle redescend et elle remonte jusqu’ici (B2). — Pourquoi ? — Elle ne peut pas s’arrêter quand ça va vite. » Une grosse boule « ne tombe (descend) pas » et la petite « va plus vite ». Pour 13-38 prévoit la même hauteur : « Elle ne va pas très haut parce que vous ne mettez pas haut », et continue par symétries approximatives. Pour la piste III elle prévoit plus haut que le départ « mais pas jusqu’en haut parce que quand elle va trop vite elle tombe ». En comparant II, III et IV, la bille de III (la plus raide) monte le plus haut (12). celle de IV (moyenne) jusqu’à 10 et celle de II (symétriques) jusqu’à 9 : « Pourquoi ici plus haut ? — Parce que le chemin est plus haut. »
Joe (5 ;8). Mêmes réactions. La grosse bille roule « comme les autres ».
Vau (5 ;8). La bille monte parce que « ça monte » et elle redescend « parce qu’elle allait très vite ». Pour 11-26 elle ira jusqu’en B2 et redescendra jusqu’à B1, donc au-dessus du départ. Constatation : « Non. — Et comme ça (13-38) ? — Elle ira de nouveau à la même place et elle revient. »
Mic (5 ;6) prévoit que la bille s’arrêtera au bas de la descente. « Pourquoi ? — Parce qu’elle n’est pas grande. — Et celle-là (une grosse) ? — Elle ira là -haut (B2) parce qu’elle est grande. — Et celle-ci (moyenne) ? — Elle s’arrêtera (au bas de la pente). — Qu’est-ce que ça fait qu’elle soit grande ? — … » La grande arrivera jusqu’au haut de la piste raide III. Selon la constatation, « des fois il y a de la force. — Qu’est-ce que c’est ? — Il y a quelque chose dedans, puis après ça roule et ça descend ».
Don (5 ;5) : « Elle va monter jusqu’en haut. — Et après ? — Elle va revenir en bas, parce qu’elle tombe. — Jusqu’où ? — Elle ne peut pas tomber sur l’autre côté. — (On reprend à 13-38.) La boule va rouler la même chose qu’avant ? — Non. — Jusqu’où ? — (1,1.) Elle ne va plus monter jusqu’en haut. — Pourquoi ? — Ça roule trop vite, c’est trop haut. » Comparaison des grosseurs : la grosse ira « moins loin. — Pourquoi ? — Elle est trop lourde ».
Nus (6 ;5) : « Elle va descendre pour remonter. — Comment elle peut remonter ? — Elle roule de haut et bas. — Et pourquoi elle a pu rouler de bas en haut ? — Parce qu’elle est montée. — A cause de quoi ? — … — La petite et la grosse bille ça roule pas la même chose. La petite roule plus vite. » Sur la piste III : « Elle monte en haut. — (Essai.) — Elle n’a pas pu jusque tout en haut. — Pourquoi ? — Ça l’a empêchée. — Quoi ? — … »
Conformément aux réactions habituelles de ce niveau, le sujet prête à la bille toutes sortes de pouvoirs : elle roule d’elle-même et peut monter comme descendre « parce que le chemin est plus haut » (Mos). Quelquefois elle a de la force, c’est-à -dire « quelque chose dedans » qui la fait avancer et descendre (Mic), etc.
Néanmoins il est intéressant de noter que, malgré ces caractères psychomorphiques qu’ils attribuent aux billes, ces sujets tiennent déjà compte à l’occasion de deux des trois facteurs que nous retrouverons sans cesse, la hauteur et la longueur. Celle-ci intervient déjà chez Nic qui, pour une bille partant près du bas de la pente, la fait aller plus loin parce qu’elle est partie plus loin. La hauteur est sans cesse invoquée, soit comme sollicitation pour l’atteindre quand elle est grande (Mos) soit comme une cause d’arrêt (Mic pour la bille moyenne). Mais
[p. 100]lorsqu’on demande ce que signifie « plus haut », ce n’est pas la hauteur détachée des autres dimensions ou qualités qui est désignée mais « ça veut dire qu’on monte » (Nic), action qui se réfère naturellement à la pente. Or, la pente elle-même, qui est donc impliquée dans les concepts précédents, et sans doute aussi dans la vitesse dans les cas peu fréquents où elle est mentionnée, ne semble guère jouer un rôle conscient (sauf en cas de différence inattendue comme le chemin « tout plat » dont parle Nic), sans doute faute de toute recherche d’explication objective, puisque l’animisme dominant rend encore compte de tout.
Plus précisément, si l’on compare ces réactions de type IA à celles du niveau suivant IB, on peut dire que les premières sont dominées par le rôle de l’action des billes en un sens psychomorphique, tandis que les secondes s’orientent vers l’« action » au sens physique et cela (comme on l’a vu plus en détail au chapitre premier à propos de trajets rectilignes en portant un poids ou de détours mais sans poids) grâce au développement de comparaisons plus objectives et de la recherche de dépendances fonctionnelles (fonctions constituantes). En effet, ce qui frappe à ce niveau IA est qu’avant les constatations, et souvent même après, le sujet n’essaie pas de comparer les deux bras du rail, mais considère celui-ci comme une totalité unique, autrement dit comme un chemin à parcourir en son ensemble et offert comme tel aux pouvoirs de la bille. D’où la réaction fréquente (citée chez Nic) que si celle-ci part plus loin elle arrivera plus loin, comme si les trajets devaient s’égaliser : « Elle doit faire son chemin » (6 ;2), « elle ira jusque-là (au-dessus de la hauteur de départ), parce qu’elle n’a pas (assez) marché avant, alors elle doit continuer ici » (6 ;3). D’où aussi, en présence du rail le plus raide, la tendance à y voir, non pas un obstacle, mais une incitation : « Le rail est tout en haut, alors la bille pourra sauter mieux. »
§ 3. Le niveau IB🔗
C’est le niveau où commencent à dominer les préoccupations de pente et de vitesse, avec comparaison dès le début des deux parties du rail :
[p. 101][p. 102]Car (5 ;3) prévoit la montée en B2 : « Si elle n’allait pas fort elle s’arrêterait au milieu. » Il prévoit 13 pour 13, 8 pour 11 et 7 pour 9. « Pourquoi ? — Je pense que c’est juste parce que si elle tombe ici elle ira ici (mêmes hauteurs). » Pour les pistes II et III avec départ à 13 prévoit 13 pour II (symétrie et 25 pour III : « Qu’est-ce qui la fait monter ? — Elle est pliée (= la piste est raide). — Et si je la mets ici (plus haut) ? — Si on met plus haut ça va plus loin. »
Mif (5 ;10) : « Elle roulera, elle arrivera en haut. Si ça descend fort, elle ira. — Pour aller jusqu’en haut ? — Il faut que ça roule fort. — Pourquoi ? — Par la descente, elle entraine le truc. » La grosse bille « elle est plus lourde, elle ira plus vite. — Pourquoi ? — Parce que c’est lourd, mais quand il y a une plus petite bille sur une plus grande descente, alors ça fait autant vite. — Pourquoi ? — C’est la descente qui entraîne ». Piste II (symétrique) : 1-6 pour 1-6 : « On mesure jusqu’où elle est et on fait la même chose. — C’est-à -dire ? — Parce que c’est la même hauteur. » Piste III : jusqu’en haut. « Pourquoi si haut ? — Parce qu’il y a la descente. » Comparaison II, III et IV : jusqu’en haut pour IV (raideur moyenne). « Et sur (III) ? — Ça n’ira pas jusqu’en haut parce que ça descend un peu et ça monte beaucoup. »
Mas (5 ;4) : « Elle va rouler jusque là -bas (B2). — Pourquoi ? — Elle roule fort » mais pas jusqu’en haut quand « vous n’avez pas mis la boule tout en haut ». Pour la grosse boule : plus haut « parce qu’elle est plus grande, elle roule plus fort », mais varie de poids avec la hauteur, étant plus lourde à 0 « parce qu’elle est plus en bas ». Comparaison des pistes II, III et IV : jusqu’en haut en III et en IV, moins haut en II « parce que là , elle (longueur de la piste) est plus petite et là (IV) elle est plus longue ».
Sep (6 ;11) : La bille s’arrêtera au bas de la pente : « Elle n’a pas assez de force. Quand elle est lourde ça pèse et ça s’arrête. — (Essai.) — Elle a été jusqu’en haut. Elle n’a pas beaucoup de poids, un peu ici (0), pas en haut. » Il prévoit alors une montée jusqu’en B2 pour les pistes II, III et IV. Essai sur III : « Elle est tombée, parce que c’est plus tordu. Elle pèse moins de poids ici (III). » Par contre la grosse bille a plus de force que la petite : « D’où vient la force ? — Elle est dedans. — Toutes les billes ont la même force ? — Non. — Laquelle a plus de force ? — Celle-là parce qu’elle est plus grosse elle a plus de place et parce qu’il y a plus de place on peut mettre plus de force. »
Ben (6 ;2) prévoit aussi un arrêt au bas de la pente : « Il n’y a pas assez d’élan pour monter. — (Essai.) — Elle a l’élan pour monter. » Pour la piste II, Ben dit d’abord que la bille montera moins qu’en I « parce que la barre est trop penchée sur la montée. — Alors ? — Il y a moins d’élan » (la symétrie de II lui donnant donc l’impression d’une montée plus raide par rapport à I), puis après essai : « La longueur (de B1 au milieu) ça fait remonter jusqu’au bout, ça tombe au bout. » Pour III prévoit une grande montée : « Il y a l’élan d’en haut, donc ça peut monter jusque-là . L’aller c’est la même chose (qu’en II) mais pas le retour : elle est trop penchée (Essai.) Non il faut plus d’élan. — Et ça (IV) ? — Un demi de la montée, parce qu’elle est moins penchée. »
Dom (6 ;1) : « Elle va glisser (jusqu’un peu après le point le plus bas) parce que ça descend. — (Essai.) — En haut ça lui donne un grand élan. — C’est quoi l’élan ? — Ça se prépare pour aller très vite », puis prévision qu’en 13-38 ça montera moins « parce que là (B1) c’est plus haut, ça descend plus. Ici elle n’a pas beaucoup d’élan pour remonter ». Une grosse bille « c’est plus lent, c’est plus lourd, c’est lourd comme un monsieur qui est vieux. — Et la petite ? — Elle ira beaucoup plus vite. — (Constatation.) Pourquoi les trois vont la même chose ? — Le poids ça tape plus fort, mais ça ne va pas plus vite ».
Can (6 ;9) : « Avec l’élan elle a monté. — Quand il y a de l’élan et quand de la vitesse ? — (La vitesse) c’est quand elle roule comme ça. — Et l’élan ? — Quand on court… Le plus haut, le plus d’élan » et « Elle va avoir de l’élan quand elle remontera. Si elle en a beaucoup elle remontera ». Comparaison des barres II et III (raide) : « Ici (III) elle remontera jusqu’au bout. — Pourquoi ? — Parce que les deux ont la même hauteur ici (départ). — Et là (arrivée) ? — Non. — Alors pourquoi jusqu’au bout ici (III) ? — Parce qu’elle roulera vite. — Plus vite (en III qu’en II) ? — Oui. » L’élan est donc comme chez Dom une « préparation » finaliste à une plus grande montée.
On se rappelle qu’à ce niveau IB s’affirment de façon générale les notions de poussée (« action » au sens physique) et d’enchaînements de transmissions immédiates de mouvement, avec les progrès cinématiques que ces concepts supposent. Dans la présente expérience chacun de ces sujets parle de vitesse (« rouler fort », etc.) et à l’occasion de force et d’élan. Il est alors remarquable de constater que ces débuts modestes de l’analyse objective, comparés au psychomorphisme du niveau IA, conduisent d’emblée ces sujets à insister sur le facteur de pente. Par exemple Car prévoit une forte montée sur la piste III parce qu’« elle est pliée », c’est-à -dire que la pente est raide. Mif dit que « la descente entraînera le truc » et traduit directement la descente en termes dynamiques de « descendre fort », en invoquant en outre le poids ; Mas ne parle pas de la piste elle-même mais de « rouler fort », ce qui implique évidemment la pente. Sep trouve « plus tordu » le trajet de la piste III. Ben parle de « barre trop penchée pour la montée » et en conclut à « moins d’élan » et prévoit ensuite une demi-montée, parce que la piste est « moins penchée ». Dom emploie les mots de « glisser parce que ça descend ». Can dans les passages non cités de son interrogation explique que la bille ne tombe pas au bout dans le cas où « la barre, elle penche (trop) » et parle d’ailleurs de piste « plus arrondie… ça va plus en montant ».
Bref, chacun de ces sujets se réfère non seulement à la pente
[p. 103]mais aux différences de pente, et ceci pour résoudre les questions de dynamique qu’ils se posent en fonction de cette expérience (tandis que pour la descente de l’eau la pente est invoquée bien plus tard). Or, cela ne signifie pas qu’ils négligent la longueur ni la hauteur : pour Car « si on met plus haut ça va plus loin », Mif parle de « grande descente » dans le sens de la longueur autant que de la pente, ainsi que de « même hauteur », et il oppose « descendre un peu » à « monter beaucoup ». Ben évoque l’« élan d’en haut » qui permet de « monter jusque-là  », etc. Mais il va de soi, et tout le stade II le confirmera, que l’emploi de ces notions de longueur et surtout de hauteur est indissociable des références à la pente. Ce n’est certes pas à dire que ces sujets parviennent, comme ce sera le cas dès le niveau IIB, à des compensations entre hauteurs et longueurs en fonction de la pente. Il est au contraire très frappant de constater qu’en général ils prévoient encore une grande montée sur la piste raide III. Mais c’est précisément parce qu’elle est telle qu’ils anticipent cette performance (la bille « roulera mieux », « sera mieux montée », « s’élancera plus »), ce qui revient à dire que leur prévision de la hauteur est fonction de la pente.
La pente semble donc jouer lors de ces débuts d’explication un rôle décisif et un rôle en particulier dynamique puisque la vitesse en est tributaire, la vitesse étant elle-même l’expression du pouvoir de remontée. Certains sujets parlent déjà d’élan, et Dom semble en donner une définition adéquate en parlant d’une « préparation » à la vitesse. Mais la grande montée prévue pour la piste III montre assez le caractère finaliste de cette préparation (d’ailleurs rarement invoquée) : Can dit ainsi qu’à la descente la bille roulera plus vite en III qu’en IV (ces descentes étant jugées pareilles en hauteur), évidemment en vue de la plus forte montée qui suivra.
§ 4. Le niveau IIA (7-8 ans)🔗
Si le niveau IB marque la découverte du rôle de la pente, le stade II est celui de la quantification en général et les sujets vont s’essayer à mesurer cette pente avec plus de précision que n’en permettent les impressions globales du début (Mif à 5 ;10 parle bien de « mesurer » mais il ne s’agit que de symétrie sur
[p. 104]la piste II). Or la mesure la plus simple, pour les raisons qu’il s’agira d’établir, est celle de la longueur et c’est par là que débutent les sujets du niveau IIA ou intermédiaires entre IB et IIA :
[p. 105]Ema (7 ;7) prévoit l’arrêt au bas de la pente. Essai : « Elle a pris de l’élan, alors elle a pu monter. » Après nouvelles prévisions : « Elle ira un peu plus haut que là (hauteur équivalente) », et il en est de même au retour. « Pourquoi elle n’est pas allée aussi haut ? — Parce que ça descend moins fort (sur la partie droite) que là  » : Ema juge donc ici de la descente par la longueur du trajet et à faux puisque la pente est plus faible à gauche. Sur la piste III « ça ne pourra pas monter jusqu’en haut parce que c’est trop haut », ce qui est cette fois un jugement correct de hauteur, mais pour la comparaison II, III et IV elle donne ses évaluations en mesurant les bouts restants depuis les endroits indiqués.
Kre (7 ;11) prévoit aussi l’arrêt au milieu puis explique la remontée « parce que ça roule très vite », mais pour la piste II il pense à nouveau à un arrêt au bas de la pente « parce que ce n’est pas long (partie gauche) comme l’autre ». Pour la piste III, plus grande montée « parce que ça va le plus vite » (contraste entre la longueur des deux parties gauche et droite qui sont égales en II et moins différentes en IV qu’en III).
And (7 ;5) prévoit une hauteur plus grande que celle du départ parce que, en partant de « là , ça fait un grand écart (en longueur), et l’autre côté je prends un petit peu plus (en hauteur) ».
Pan (7 ;10) prévoit correctement les montées en fonction de la hauteur des départs sur la piste symétrique II et, pour un départ bas, dit que la bille monte peu « parce qu’elle a moins longtemps roulé, alors elle monte moins », puis une plus grande montée est attribuée au fait que « ça descend longtemps ». Sur la piste III, la bille montera moins qu’en II « parce que ça (gauche) penche moins (les parties gauches sont cependant égales) et parce que ici (partie droite) c’est plus raide. — Qu’est-ce qu’il faudrait faire pour que ça monte plus haut ? — Il faudrait que ce soit plus long (la descente à gauche) ». Après les constatations sur II, III et IV : « Qu’est-ce qui fait aller vite ? — La longueur. »
Guy (7 ;1) prévoit la remontée parce que la descente « ça fait de la force » et après une prévision exacte « elle a moins de force parce qu’elle est partie de moins haut ». Mais pour juger de la hauteur il suffit de « regarder la piste. Je regarde l’autre bout », et dans la comparaison des pistes II, III et IV il prévoit des hauteurs différentes : « Est-ce qu’elles arriveront à la même hauteur ? — Non. — Où le plus haut ? — Ici (II). — Et les pistes ont la même hauteur ? — Non (erreur). — Sur quelle piste c’est le plus long ? — Ici (II). — Comment tu vois qu’ici (III) c’est plus court ? — Parce que la bille ne va pas plus loin (que la hauteur indiquée), elle ne peut pas. »
Mar (8 ;7) : La bille remontera « parce qu’elle a pris de l’élan » et quand « c’est plus bas, elle a moins d’élan », mais pour déterminer la hauteur d’arrivée sur la piste II il mesure les bouts restants jusqu’aux extrémités, ce qui est juste en principe puisque II est symétrique, mais le conduit à une erreur d’estimation tandis que l’égalisation des hauteurs est facile en ce cas. A comparer les pistes II et III il prévoit moins haut en III à départs égaux « parce que c’est trop droit » mais croit moins long le trajet de descente qu’en II.
Cel (8 ;6) après quelques anticipations relativement justes sur I : « On peut toujours savoir ? — Pas toujours. — Ça dépend de quoi ? — De la hauteur. — Et elle dépend de quoi ? — De la piste. » Pour la barre IV (comparée à II) : « Elle est plus courte, alors la bille va moins loin (mais indique un peu plus haut). — Et là (III) ? — (Montre plus haut.) — (Essai.) — Oh ! Parce qu’elle est plus courte (ça va moins haut), elle est plus courte », Cel veut dire plus raide en tant que rapport de la hauteur et de la largeur de la partie de droite.
Jou (9 ;3) : « Parce qu’elle est partie moins haut que (B1), elle va moins haut que (B2) (compte donc à partir des extrémités bien que de hauteurs inégales). J’ai compté les petits trous (bords de la piste donc les longueurs). »
Son (9 ;8) : « Il faut regarder la distance » : elle mesure avec ses deux mains à partir du milieu.
On constate d’abord que le facteur pente continue naturellement de jouer un rôle fondamental et que les sujets continuent d’affirmer que plus le point de départ est élevé et plus la bille montera de l’autre côté. Mais la question est de comprendre comment ces sujets passent de ces préoccupations de pente et de hauteur à une mesure par la longueur. L’hypothèse qui se présente d’emblée est que, considérant toutes les pistes comme symétriques, ils s’en tiendraient au procédé le plus facile ou le plus courant qui est la mesure dans le plan horizontal. Mais, d’une part, ces sujets insistent souvent sur l’asymétrie des pistes I, III et IV et, d’autre part, comme il s’agit surtout d’estimations « au jugé » (sauf Jou et Son à 9 ans) on voit mal pourquoi ils ne se référaient pas directement à la hauteur. En effet, c’est bien celle-ci que visent les sujets et leur réaction à la piste raide III est nettement autre qu’au niveau IB : « Ça ne pourra pas monter jusqu’en haut parce que c’est trop haut » dit, par exemple, Ema dès 7 ans et néanmoins elle prend ensuite des mesures de longueurs. C’est donc que pour ces sujets il existe un rapport étroit entre la longueur et la hauteur et il s’agit de trouver lequel.
[p. 106]Or, une hypothèse simple se présente alors : si l’on part de la pente, qui reste la notion centrale en leur esprit, il est clair pour eux que, en une pente donnée, l’élan sera d’autant plus fort que la bille part de plus haut, c’est-à -dire de plus loin. On a vu au chapitre premier du volume XXVII que dès 7 ans les sujets savent établir des compensations stables entre le poids d’une boule et la hauteur de départ sur un plan incliné rectiligne pour obtenir un même effet de poussée (sur un wagon ou une autre boule au bas de la pente) : une boule légère partant de haut donnera la même poussée qu’une lourde partant de plus bas, etc. Dans les présentes expériences tous les sujets, et certains dès le stade IA (voir Nic à 5 ;4), savent qu’une longue descente entraîne une plus grande vitesse qu’une plus courte. A la descente, et sans encore parler de la montée, il existe donc une relation étroite entre la longueur et la hauteur si l’on peut légitimement considérer que la notion de longueur que les sujets du niveau IIA utilisent alors implique la hauteur selon la double fonction L = f(P, H), l’effet dynamique de la longueur à la descente augmentant effectivement avec la pente et avec la hauteur. Il est donc très naturel, bien qu’ici débute le sophisme, que cette conviction relative à la descente (et c’est elle qui compte au point de vue de l’élan acquis ou du dynamisme en général) soit ensuite extrapolée à la montée sans que le sujet songe à préciser si celle-ci est bien symétrique par rapport à la descente : d’où en ce cas l’erreur L = H, en négligeant les variations de la pente P, comme s’il y avait symétrie entre la montée et la descente ; mais cette symétrie postulée ne fait que renforcer la notion dynamique de départ et ne suffit pas à la produire. C’est que nous montrerons davantage les compensations progressives entre la hauteur et la longueur auxquelles nous assisterons au niveau IIB.
Mais si cette interprétation du rôle de la longueur des trajets semble claire, il reste à comprendre pourquoi ce facteur demeure si durable et pourquoi il faut attendre le niveau de 9-10 ans (IIB) pour que l’influence de la hauteur, pourtant évidente une fois reconnue, commence à s’imposer, et encore après de nombreux tâtonnements. La raison de ce retard tient évidemment à la dynamique générale qu’utilisent les sujets et qui se modifie sensiblement entre les niveaux IIA et IIB : c’est ce qu’il s’agit d’indiquer maintenant, en référence au chapitre II mais en nous
[p. 107]appuyant surtout sur les données présentes. De façon générale, nous savons qu’au niveau IIA le mouvement et la force ne sont pas différenciés en ce sens que le mouvement constitue lui-même une force et ne requiert pas de cause extérieure à lui, son pouvoir causal tenant à sa vitesse, autrement dit à ce que l’on pourrait appeler son intensité (par une distinction analogue à celle de l’intensité et la direction des vecteurs « forces »). Ce n’est qu’au niveau IIB qu’une différenciation se constituera entre la cinématique et la dynamique et que le mouvement exigera alors une cause extérieure à lui, qui sera la force : d’où l’ensemble des problèmes dynamiques nouveaux se posant aux sujets de ce niveau IIB, par opposition à ce qui peut paraître au niveau IIA une légalité simplement cinématique mais ce qui est en réalité une dynamique immanente à la cinématique elle-même. Il est vrai que, au point de vue de la transmission médiate des mouvements, il n’y a pas de différence notable entre les niveaux IIA et IIB, cette transmission demeurant dans les deux cas semi-interne et semi-externe, faute des notions de forces virtuelles et de passage purement interne de la force à travers des intermédiaires molairement immobiles ; et ce fait montre la continuité et l’unité naturelle du stade II (correspondant aux opérations concrètes). Il est vrai également qu’entre la dynamique immanente au mouvement, conçue par les sujets du niveau IIA, et la distinction des forces et des mouvements propre au niveau IIB il y a tous les intermédiaires puisqu’il ne s’agit que d’une différenciation progressive ; mais, pour ce qui est des cas francs appartenant à ces deux niveaux, l’opposition reste nette.
En ce qui concerne les présentes données, elle est particulièrement claire chez les enfants polonais, interrogés parallèlement aux petits Genevois et qui, comme déjà dit au chapitre II, disposent de deux mots différents à la place du seul terme français « élan » ; le mot ped qui correspond à une marche rapide et le mot rozped qui exprime l’effort de mise en mouvement, donc la « prise de l’élan » comme cause de la vitesse. Or, au niveau IIA, ces Polonais de 7-8 ans n’expliquent la remontée de la bille que par la rapidité du mouvement, en se bornant à l’emploi du terme ped ou de mots signifiant « galopade », « grande glissade », « grande vitesse », etc., sans aucun besoin d’autres notions pour rendre compte de la montée :
[p. 108]« Ça roule, roule avec une grande vitesse et ça va, ça va loin (longueur), ça ne s’arrêtera pas parce que la piste est encore là (montée) » (7 ;7), « la bille ne peut pas freiner, elle va si vite : quand je cours très vite et que je veux m’arrêter tout de suite, je ne peux pas » (7 ;6), « c’est la galopade qui continue, alors la bille monte bien, elle va si vite, si vite, alors elle ne peut pas s’arrêter » (8 ans).
Il va alors de soi qu’entre cette dynamique immanente et le primat du facteur « longueur » (L = f(P, H)) à ce niveau IIA il existe une relation étroite : la prise de conscience de l’importance de la hauteur ne débutera, en effet, qu’à partir du moment où le sujet cherchera une cause pour rendre compte du mouvement et de la vitesse, et songera dès lors au poids ou à l’élan en tant que forces. Tant que le mouvement se suffit à lui-même et n’est lié qu’à la pente sans que celle-ci, pour engendrer la vitesse, ait besoin de l’intermédiaire d’une force, c’est la longueur de ce mouvement qui compte, même une fois remarqué le rôle de la hauteur de départ, car cette dernière demeure alors indifférenciée de la longueur du trajet. Après constatation, cette hauteur du point de descente est bien remarquée, mais sans que ces sujets IIA ne notent l’identité du point d’arrivée sur les trois pistes : ils expliquent alors par le ralentissement l’impossibilité de dépasser une certaine hauteur à l’arrivée (y compris sur la pente la plus raide), de même qu’ils attribuent à la seule vitesse la causalité du mouvement. En bref, les structurations géométriques propres à ce niveau IIA sont assez exactement corrélatives de la structure de ses interprétations dynamiques.
§ 5. Le niveau IIB (9-10 ans)🔗
C’est le niveau du passage de la longueur à la hauteur. Voici des exemples :
[p. 109]Dam (8 ;9) débute par des réactions du niveau IIA, puis, après avoir prédit que là bille montera moins sur la piste III que sur II et IV, constate l’égalité des hauteurs entre les trois et en profite dans ses anticipations ultérieures : « On peut savoir d’avance où ira la bille ? — Oui, on peut. — Ça dépend de quoi ? — Du point de départ et puis de la montée. — Pourquoi ? — Parce qu’il y a le même chemin, non, la même chose de descente, la même place de montée et de descente. — Explique. — Parce que le chemin
[p. 110]le plus long il y a moins de montée. Oh ! mais il y a ça (il chuchote), alors ça fait plus court chaque fois (à droite de II à IV et à III, donc le chemin est d’autant plus court que la montée est plus raide !). » Les anticipations qui suivent sont correctes sans hésitation : même hauteur.
Vid (8 ;10), dès les premières anticipations sur II (piste symétrique) : « Elle va précisément là parce que c’est la même hauteur que l’autre côté. » Billes différentes : « La grosse bille va assurément plus vite, parce qu’elles sont lourdes elles ont bien le poids sur la route. » Mais pour les pistes II et III il hésite pour III : « Moins haut… plus haut » et pour II : « Plus loin (essai) oui, maintenant je comprends, c’est plus large ici (II) que là (III). — Et les deux chemins depuis ici (début) jusqu’au milieu ? — Même chose. (Nouvel essai.) Je vois quelque chose, ça va droit (ligne des hauteurs). Là (II) c’est exactement exact (= symétrique du point de départ), là (III) moins haut (par rapport au sommet), plus d’espace (écart des largeurs de la partie droite entre II et III donc pente plus raide), ça fait droit (= ligne des hauteurs). — Pourquoi plus d’espace ? — C’est plus raide en II. » Mais ayant ainsi découvert le rôle de la hauteur, Vid retombe dans le critère longueur lorsqu’on présente la longue piste V : « C’est drôlement facile parce que la descente est très longue : elle descend puissante ! — Pourquoi ? — La longueur fait aller très vite. — Et si elle part de l’autre côté ? — Moins haut. — (Démonstration.) — Elle allait vite en descendant plus lentement. — Pourquoi elle n’est pas tombée (au bord) ? — Ah je vois (il fait la ligne des hauteurs). »
Reu (9 ;3) : « Ça dépend si on la met haut ou pas. » Pour les tiges II, III et IV les prévisions pour 13 sont de 13, 13 et 16 : « Sur la II elle va jusqu’en haut, sur la IV c’est plus long (partie de droite) alors elle va moins haut (par rapport à l’extrémité). Sur la III c’est plus haut encore alors va moins haut (id. : il montre la direction des parties droites des barres et le chemin qui reste à parcourir). Sur la (III) ça devrait être plus bas parce que ça monte plus. » Essais : « C’est la même hauteur ! Ça dépend de la pente, la montée en IV est moins raide, ça peut aller plus haut (relativement à la longueur, donc plus loin), sur III c’est plus bas (= moins loin) mais à la même hauteur du clou (donc des repères objectifs de hauteur). »
Bal (10 ;1) pour les tiges II, III et IV : « Le plus haut ? — Sur II. — Après ? — Sur IV. — Et après ? — Sur III. — Tu m’as dit II plus haut que IV ? — Non plus loin. Oui plus haut dans le sens de la bille, mais dans le sens de la perche (= relativement à son extrémité), c’est plus bas. (Essai.) Oh ! Quel imbécile, c’est la même hauteur. En B1 c’est le même élan et au bas le même départ : là (III) c’est plus raide mais moins de chemin à parcourir, en IV c’est moins raide et plus de chemin à parcourir et en II encore moins raide et encore plus de chemin. — Si on met la bille n’importe où, on peut savoir ? — C’est le départ de la même hauteur que l’arrivée, parce qu’à gauche il y a un grand parcours mais c’est peu penché alors qu’à droite il y a un petit parcours et c’est très penché. »
Son (10 ;1). II, III et IV : « C’est toujours la mĂŞme descente mais pas la mĂŞme montĂ©e. — OĂą la bille monte le plus bas ? — III. — Et sur IV ? —Â
Plus haut. Oui celle du milieu (IV) elle fera le même chemin, sur III un tout petit chemin, sur II un plus grand. — (Essais.) — Ça monte toujours à la même hauteur, mais je pensais à la hauteur comme ça (geste montrant la pente). Si on commence en haut, ça arrive en haut, si on commence plus bas on arrive plus bas. — Pourquoi ? — Il y a moins de puissance. — Ça dépend de quoi la force ? — De la hauteur et de la longueur. »
Cla (10 ;11). II, III et IV : « Ici (II) c’est la même chose de chaque côté, là (les autres) moins haut parce que c’est plus raide. — (Essais.) — C’est la même hauteur mais moins loin. »
Ger (10 ;1) pour B en II, III et IV mais 13 en II et IV et 11 en III « parce que la montée est encore plus rude. En II c’est plus facile, elle pourra aller plus loin. — (Essais.) — Ils arrivent tous à la même ligne », mais « les chemins ils sont différents : il y en a qui mènent plus haut ou moins haut (par rapport à l’extrémité) ».
Bel (10 ;6) pour la comparaison II, III et IV suit des yeux la ligne de la hauteur, mais prévoit des arrivées différentes : « Pour I la pente est moins raide, alors ça diminue moins l’élan, à IV ça diminue plus et à III le plus. — La II arrivera où ? — Le plus loin. Elle fait un plus long parcours. Comme la pente est moins raide elle peut arriver plus loin. — Qu’est-ce que tu regardes ? — J’ai mesuré la raideur. — Comment ? — L’écart entre la barre II et la barre III et la barre IV (l’angle entre les parties montantes des barres). — (Constatations.) — (Très intéressé) Ça ne change pas pour monter (hauteur) mais le parcours change… Il faut un moins grand parcours parce que c’est plus abrupt. — Et alors ? — Alors la force est la même que c’est plus loin mais moins raide. »
Nous avons vu qu’au niveau IIA le sujet part d’une équivalence entre la longueur et la hauteur qui, dans les grandes lignes, est correcte à la descente conformément à une relation qu’on peut écrire L = f(H, P), mais qu’ils extrapolent à la montée comme si celle-ci était symétrique à la descente et comme si les variations de la pente étaient donc négligeables, d’où l’erreur L = H. La nouveauté des réactions du niveau IIB est que les sujets, tout en partant des mêmes présuppositions, découvrent au contraire (notamment en comparant les pistes II, III et IV) le rôle de l’asymétrie des pentes, donc de leurs variations, et en viennent alors à une compensation entre la hauteur d’arrivée et la longueur de la montée, conformément à une relation P =f(H,L).
Le sujet Dam est d’une clarté complète à cet égard. Après de nombreuses anticipations sur la piste I qui ne diffèrent pas de celles du niveau IIA, il prévoit une moindre montée en III
[p. 111]qu’en II et IV ce qui est déjà un progrès montrant qu’il est sensible à l’asymétrie, puis il explicite quand même le principe propre au niveau IIA, « la même place (longueur) de montée et de descente ». Mais quand on lui demande d’expliquer mieux il prend conscience du fait qu’au « chemin le plus long » correspond « moins de montée » et s’exclame en découvrant la portée de cette découverte : « Oh ! mais il y a ça », et il montre alors que le chemin de montée est d’autant « plus court » sur II, IV et III que la montée est plus raide. Reu admet aussi que sur la piste III « ça devrait être plus bas parce que ça monte plus » et, à la constatation, il reconnaît d’emblée l’égalité des hauteurs et le rôle de la pente, puis énonce (quoique peu clairement) le rapport inverse de la longueur et de la hauteur : « C’est plus bas mais à la même hauteur » (sur III). Bac par contre est entièrement explicite : « A gauche (descente initiale) il y a un grand parcours, mais c’est peu penché alors qu’à droite (montée initiale) il y a un petit parcours et c’est très penché. » Autrement dit la même hauteur dépend à la fois de la pente et de la longueur du parcours mais en tant que se compensant, soit H = (+ P) ⋅ (— L) = (— L) ⋅ (+ P) (où les signes + et — marquent l’augmentation ou la diminution), soit H = f(P, L), ce qui est la généralisation à la montée de la relation L = f(H, P) déjà admise pour la descente au niveau IIA mais non correctement inversée pour la montée. Son, qui comprend les mêmes relations sur II, III et IV, fait une remarque confirmant rétroactivement notre interprétation du niveau IIA : « Ça monte toujours à la même hauteur, mais je pensais à la hauteur comme ça », en montrant la pente ; autrement dit il pensait à la longueur, mais en tant qu’englobant pente et hauteur, alors que la constatation de la constance de la hauteur lui fait comprendre son rapport inverse avec la longueur. Cla et Ger découvrent ce même rapport inverse. Bel enfin énonce explicitement la même relation que Bal : « Il faut un moins grand parcours parce que c’est plus abrupt » ou « la force est la même que (quand) c’est plus loin mais moins raide », mais ces conclusions dues à la constatation de l’égalité des hauteurs ont été préparées par une mesure de la pente (« raideur ») astucieusement fondée sur l’évaluation de l’angle que font entre elles les pistes II, III et IV quand on les superpose et qu’on évalue les « écarts » qui les séparent.
[p. 112]En un mot, la découverte de l’égalité des hauteurs à ce niveau IIB, quoique due aux constatations sans avoir été prévue auparavant, ne s’impose pas chez les sujets comme un fait nouveau se substituant à celui qui aurait été prévu de façon erronée (comme par exemple la longueur du fil à la place du poids dans les facteurs prévus pour expliquer la vitesse d’oscillation d’un pendule) : le rôle de la hauteur s’impose en vertu d’une meilleure différenciation des facteurs de la pente, et cela en relation avec une meilleure compréhension du rôle de la longueur, ces deux facteurs se compensant dorénavant, tandis qu’au niveau IIA hauteur et longueur ne se compensaient pas puisqu’elles demeuraient indifférenciées en tant qu’illusoirement conçues comme solidaires. Il y a là un processus très comparable à celui qui conduit pour la vitesse à la relation v = e/t, remplaçant et corrigeant les relations erronées v = t ou t = e.
Il est inutile de revenir sur la dynamique propre à ce niveau IIB, déjà décrite au § 4 en opposition avec celle du sous-stade IIA. Rappelons seulement que ce niveau IIB est celui où la force se différencie du mouvement et de la vitesse pour en devenir la cause, souvent appelée élan (rozped chez les petits Polonais) : c’est donc le niveau auquel le sujet commence à se poser un ensemble de questions dynamiques, non entrevues jusque-là , et ce fait peut même conduire, comme on l’a constaté en bien d’autres recherches, à des sortes de régressions apparentes par rapport au niveau IIA, dues en réalité à la complexité des facteurs dégagés. Dans le cas particulier la découverte graduelle du rôle de la hauteur constitue un net progrès, dû à la recherche d’une cause de la vitesse, mais il arrive souvent (ce qui est un exemple de ces régressions) que le sujet, attribuant la vitesse à l’élan initial, s’imagine qu’elle se perd ensuite au bas de la pente : « La vitesse se prend d’en haut quand elle commence à rouler, puis elle s’use beaucoup en roulant, et elle doit s’arrêter » (9 ans). D’où alors une certaine stupéfaction en voyant ce qui se passe, au point que plusieurs enfants demandent à refaire l’expérience et à enlever eux-mêmes le bâton qui retient la bille. En ce cas ils vont parfois jusqu’à parler de « lancement » pour désigner la cause du mouvement, sinon appelée « force », « élan » (rozped), « démarrage », etc.
§ 6. Le stade III🔗
Les sujets de ce dernier stade parviennent, comme nous l’avions vu jadis avec B. Inhelder, à la prévision de la hauteur sans passer par les essais comme au niveau IIB :
[p. 114]Sor (10 ;6) sur la piste I, première prévision : « C’est dans la même altitude. Je sais qu’elle va arriver là . — Pourquoi ? — La bille reçoit le même élan, la même force pour remonter. » Pour 14 en II, III et IV il prévoit sang hésiter la hauteur 14 aux trois : « Pourquoi pas plus haut ici (III) ? — Parce qu’elle est plus en montée. Ça (VI), ça monte très en pente, là (IV) un peu moins et là (II) encore moins. La bille perd plus d’élan quand ça vient plus raide. Elles resteront toujours en ligne à la même hauteur. Celle-ci ira plus vite (II), elles arriveront en même temps au bout. »
Cel (11 ;2) prévoit sur I les mêmes hauteurs : « avec la force, elle peut arriver à peu près là  ». Pour les pistes II, III et IV avec départ à 13, il anticipe des arrivées aux hauteurs 13, 15 et 13 : « Non, le rouge (III) doit être là (13), ils sont en ligne (même hauteur). — Et les chemins ? — Non, le chemin le plus long est sur la barre II, puis sur IV et enfin sur III : c’est des hauteurs différentes (montre les longueurs depuis le milieu). Ça c’est pas la même longueur. — Et les hauteurs ? — Les mêmes. »
Cal (12 ;5) : « La puissance de la descente est la même chose pour la poussée de la montée » et c’est ce qu’il appelle la « force centrifuge » en en donnant comme exemple le fait qu’« un objet lancé en l’air ne monte pas tout le temps : il est freiné et descend au bout d’un certain temps ». Mais ses prévisions n’en sont pas moins exactes. Pour II, III et IV il annonce la même hauteur : « On est parti de cette hauteur, c’est obligé que ça monte à la même hauteur. La force est la même si c’est plus plat ou plus penché. — Et la longueur des chemins ? — Plus long en II, ensuite (= plus court) sur IVet ensuite sur III. — Pourquoi ? — La piste II est moins penchée et ainsi de suite. »
Rau (12 ;5) prévoit la même hauteur dans les deux sens parce qu’« elle aura pris autant de force en descendant qu’elle aura perdu en montant ». Pour les pistes II, III et IV il mesure les angles avec les mains, et les longueurs avec un crayon, d’où le raisonnement qu’en III « c’est à peu près l’angle d’un quart. C’est à peu près un quart plus élevé, alors c’est un quart de la montée » ce qui lui donne environ la même hauteur. Essai : « C’est juste : au même point où c’est parti. — Et les longueurs ? — Pas les mêmes. — Les hauteurs ? — Elles sont toutes de 13. »
Lar (13 ;4). Mêmes réactions initiales ; pour II, III et IV il prévoit plus haut en III « parce que la pente est plus raide. — Comment tu sais ? — C’est la même hauteur que le point de départ (sur II), les autres moins exactes. — Pourquoi ? — Ah non, sur le III (aussi) elle vient en 13, c’est la même hauteur. — A cause de quoi ? — C’est la force, la puissance qui l’entraîne
à ce point. — Explique mieux. — Plus elle est oblique (= penchée) moins elle montera (en longueur). — Alors tu as tenu compte de quoi ? — De la hauteur. Là où la ligne est moins oblique la bille ira plus loin. Ils partent d’une même hauteur mais puisque sur I c’est plus oblique (= moins penché) elle fera le plus long trajet (en arrivant) à la même hauteur ».
Ce stade III étant celui de la prévision juste et non pas seulement de la compréhension au moment de la constatation des faits, les réponses nous aideront donc à voir en quel sens l’égalité des hauteurs peut paraître explicative pour le sujet. Or, on constate la présence de deux sortes d’explications, toutes deux formulées par Lar. L’une semble plus dynamique : « C’est la force, la puissance qui l’entraîne à ce point. » Mais il est clair qu’elle n’explique rien car la question est de comprendre pourquoi l’égalité des forces conduit, pour des pentes inégales, à l’égalité des hauteurs et non pas des longueurs, etc. La seconde formule est au contraire explicative puisqu’elle relie les trois facteurs de pente, de longueur et de hauteur : « Ils partent d’une même hauteur, mais (quand) c’est plus oblique (= moins penché) la bille fera un plus long trajet (pour arriver) à la même hauteur. » C’est exactement la relation H=f(P,L), qui est explicative dans la mesure où les trois facteurs sont à la fois différenciés et intégrés et où la pente est source de force en fonction à la fois de son inclinaison, de la hauteur du départ et de la longueur du trajet.
Quant aux billes de grosseurs différentes certains des sujets de ce niveau croient encore que la plus lourde ira plus vite à la descente par assimilation de la vitesse à la poussée (et donc sans voir que de p = mv on peut tirer v = p/m de sorte que si m et p augmentent ensemble v reste constant).
Notons encore que vers 11-12 ans on trouve certains cas intermédiaires entre IIB et III, qui prévoient une montée incomplète en vertu de raisonnements et même de calculs basés sur l’hypothèse de forces différentes : par exemple la vitesse à la descente correspondra à deux fois le poids de la bille sous la forme d’une « pression » (cf. la « pression de moi sur une luge »), tandis qu’à la montée il n’y aura qu’un quart de la force, etc. En ces cas la « pression » du poids varie encore avec la vitesse, etc.
Quant aux cas francs du stade III, la nouveauté du point de vue dynamique est ici, comme en d’autres recherches, la
[p. 115]compréhension du fait que les forces agissent encore à l’état immobile et pour ainsi dire virtuel et pas seulement en mouvement. « La bille soutenue par le bâton, dit ainsi un sujet de 14 ;8, elle a sa force de pression, elle ne peut jamais la perdre, c’est son poids, mais cette force est en suspens. Quand on lâche le bâton la pesanteur se libère et fait glisser la bille. » En ces cas la montée à la même hauteur que le point de départ apparaît comme nécessaire, d’où des hypothèses variées comme « la pesanteur se change en poussée en haut » (14 ;1), d’où « la nécessité de la poussée, qui est aussi grande que la pesanteur mais dans l’autre direction ».
Seulement ces concepts de forces « en suspens » et de conservation nécessaire malgré les changements de direction ou de nature de l’action (poussée ou pesanteur, etc.) n’autorisent pas à parler à leur sujet d’« énergie » potentielle ou cinétique, car il n’y a là (sauf initiations scolaires) que des généralisations des notions de ce niveau sur la permanence de l’effet des forces à l’état de repos. Les situations du stade III les plus proches de ce que les physiciens appellent énergie sont celles qui concernent le travail (sauf que le sujet n’y voit pas spontanément une transformation d’énergie) et surtout celle que nous décrirons au chapitre V où deux boules suspendues à des fils reliés par un cordon transversal sont alternativement actives et passives en leurs mouvements pendulaires : dans ce cas, les explications spontanées des sujets de 12-14 ans (dont cinq prévoient tout le processus) s’apparentent à l’idée d’énergie en ce sens qu’il y a transmission non plus seulement d’un mouvement, mais encore d’un pouvoir ou d’une alternance de rôles. Or, dans la présente expérience les sujets se bornent à admettre la transmission d’un mouvement en distinguant sous des noms différents la force qui fait descendre et celle qui se conserve à la montée1.
(1) Il est vrai qu’entre 12 et 15 ans on pourrait distinguer des étapes dans les réponses obtenues, mais il est difficile de les dissocier des acquisitions scolaires, d’autant plus que les sujets invoquent un peu tout ce qu’ils ont appris : pression de l’air, force magnétique, attraction de la Terre, force centrifuge, etc.
Voici d’abord sur 85 sujets les résultats de la technique II (anticipations seules, sans aucune constatation avant la fin de l’interrogation)1 :
Â
Niveaux
Â
I
IIA
IIAB
IIB
IIB-III
III
5-6 ans (N = 15)
11
4
0
0
0
0
7-8 — (N = 16)
0
12
4
0
0
0
9-10 — (N = 15)
0
1
7
6
1
0
11-12 — (N = 18)
0
0
1
3
8
6
13-15 — (N = 21)
0
0
0
0
1
20
Il y a donc progression régulière avec l’âge. Parmi les sujets précédents il y en a 10 de 6 ans, de 8, de 9, de 11 et de 14 ans. A chacun de ces mêmes âges, on en a repris 8-10 autres avec la technique III (expérimentation active de l’enfant) et 10 avec la technique IV (exercices géométriques sur des arcs). Voici les résultats de ces comparaisons :
Techniques II
Â
Stades
Â
I
IIA
IIAB
IIB
IIB-III
III
6 ans
6
4
0
0
0
0
8 —Â
0
8
2
Â
0
0
9 —Â
0
1
6
3
0
0
11 —Â
0
0
1
3
6
0
14 —Â
0
0
0
0
2
8
On constate d’abord que l’ordre de succession est semblable dans les deux techniques II et III, avec les mêmes progrès très graduels sans discontinuités. Ensuite, comme il va de soi, on observe une légère avance avec la technique III puisque le sujet, non seulement peut constater chaque effet après ses anticipations, mais encore expérimente sans cesse lui-même.
(1) IIAB signifie intermédiaire entre IIA et IIB. De même pour les intermédiaires IIB-III.
Techniques III (entre parenthèses : technique IV)
Â
Stades
Â
I
IIA
IIAB
IIB
IIB-III
III
6 ans
3 (7)
6 (3)
0
0
0
0
8 —Â
0
2 (7)
7 (3)
0
0
0
9 —Â
0
0
2 (5)
6 (5)
0
0
11 —Â
0
0
0
0 (3)
1 (4)
9 (3)
14 —Â
0
0
0
0
0
10 (10)
Â
Le fait intéressant est alors que sauf à 11 ans les réactions ne dépassent pas, dans la technique III, le niveau supérieur atteint à la technique II (par exemple pour 9 ans, le niveau IIB), seules étant modifiées les proportions (en cet exemple 6 en IIB, techn. III, contre 3 à la techn. II). A 11 ans, par contre, on trouve 9 sujets de stade III à la technique III et seulement 6 sujets au niveau intermédiaire IIB-III à la technique II, mais à cet âge un tel progrès dû à l’expérimentation du sujet est bien naturel. En un mot, cette comparaison confirme assez nettement la réalité des stades obtenus.
Quant à la comparaison entre la technique II et celle (IV) dans laquelle on débute par des exercices de reproductions d’arcs (au moyen du dessin ou de fils de fer), de manière à dissocier les facteurs de longueur et de courbure, les résultats coïncident à 6 et 8 ans, mais il y a progrès à 9 ans et surtout à nouveau à 11 ans, où la considération des hauteurs lors des trajets des billes est favorisée par les exercices préalables sur les arcs asymétriques présentés (semblables aux rails utilisés ensuite). Cette comparaison des techniques II et IV conduit donc à la même conclusion que l’ensemble de ce chapitre. D’une part, certains instruments géométriques sont nécessaires à la compréhension des rapports dynamiques : c’est ainsi vers 9-10 ans que se constituent la conservation des longueurs et les systèmes de coordonnées à deux et trois dimensions, ce qui semble en liaison avec la dissociation et la coordination des hauteurs et des longueurs débutant au niveau IIB (d’où également le commencement des progrès dus à la technique IV). Mais, réciproquement, il paraît probable que ces structurations géométriques sont provoquées par des besoins dynamiques : la conservation des longueurs est liée à l’indéformabilité
[p. 118]des mobiles déplacés (voir la traction du fil au chap. VI du vol. XXVII) et la coordination des hauteurs avec les longueurs va de pair avec la considération des directions des forces. Il est donc vraisemblable que, ici comme ailleurs, les progrès géométriques et dynamiques sont en interactions continuelles, grâce à la collaboration entre les abstractions empiriques ou physiques et les abstractions réfléchissantes.