1939-11-28, Denis de Rougemont à Albert Béguin

Rentré hier soir seulement de Hollande, je trouve votre lettre du 8 ! C’est consternant ! Pour qui m’avez-vous pris ! J’aurais très bien pu parler demain soir à Bâle, mais c’est trop tard pour l’annoncer. On n’a pas fait suivre mon courrier par suite de divers malentendus et votre lettre a été se balader dans le Jura avant de venir ici — où j’ai été transféré avant mon départ pour Rotterdam. Il nous faut donc remettre à janvier je pense ? À moins que ça ne puisse s’arranger pour un jour de la 1^re quinzaine de décembre ?

Mes « conditions » sont d’ordinaire de 200 fr. plus les frais de déplacement. Mais depuis que je vis en Suisse et vois les dépenses fabuleuses que l’on fait pour des stupidités, je suis enclin à exiger davantage toutes les fois qu’une organisation peut le faire, de notoriété publique. Voudriez-vous proposer de ma part [p. 2] 250 fr. pour cette conférence ? Je sais qu’il y a quelques années, on donnait facilement 500 fr. à Zurich. Depuis la crise, c’est tombé de moitié. Enfin, voyez cela et défendez un peu mes intérêts, au nom de la corporation. S’ils offrent d’ordinaire davantage, je ne ferai pas la petite bouche.

Sujet : j’ai une conférence sur Le Roman de l’Europe, synthèse facile de L’Amour et l’Occident. Très « conférence ». Je l’ai faite entre autres à La Haye, devant un public qui doit ressembler à celui de Bâle (280 personnes et le ministre de France, mais dormant) et ça a très bien marché. Je préférais cela à l’amour et la guerre, un peu — délicat. Ça se recouvre en partie d’ailleurs. Mon autre sujet hollandais : La bataille de la culture. (Thèses de Penser avec les mains.) Plus évidemment actuel, mais sévère… On me la demande au Lesezirkel de Zurich.

C’est bien, la Hollande. Je vous en parlerai. Un pays solide et actif. Vu Huizinga, très remarquable.

À bientôt donc ? Écrivez-moi provisoirement à l’adresse [de] dessus, en attendant que j’aie trouvé ici un appartement.