Cadrage thématique du colloque

L’éducation inclusive et l’école inclusive se placent dans un contexte plus large qui est celui du mouvement inclusif de la société en général. L’intention communément admise, certes belle et généreuse, consiste à bâtir une société dans laquelle chacun et chacune puisse trouver une place digne et reconnue, participer aux devoirs, projets et devenirs sociétaux, agir avec et parmi ses semblables en vertu de liens sociaux, économiques et culturels qu’il et elle contribue à construire. Si cette perspective transparaît à l’horizon, sa forme actualisée nous échappe étant le fruit non prédéterminé d’une co-construction continue de valeurs, de responsabilités et d’actions à déployer, à interroger, à réguler, à inventer au fil du quotidien. L’éducation pensée inclusive est un des moyens pour vivre des valeurs et des pratiques qui vont dans ce sens. L’école, en tant qu’ensemble d’institutions et d’acteurs, est en effet un lieu de co-responsabilité et de co-éducation, la classe un lieu de co-construction d’une communauté et de savoirs où tous les sujets, élèves et professionnels, peuvent être responsables et acteurs sociaux du vivre et du devenir ensemble.

Or, s’engager, comme professionnel, élève ou partenaire de l’école, dans le mouvement vers l’éducation inclusive est consentir à s’engager dans un processus de transition, de transformation, de rupture et d’ajustement de routines, processus inéluctablement complexe et parsemé de difficultés. Car combien même les politiques éducatives indiquent des chemins à prendre, le mouvement rencontre des obstacles, des résistances, voire des impasses, au niveau de l’éducation préscolaire et scolaire, de la formation post-obligatoire et professionnelle, ou encore, plus largement, des lieux d’éducation informelle. Mais ces résistances nous offrent aussi la possibilité de mieux interroger ce qui est à l’œuvre dans la transition vers une autre école, vers de nouvelles identités, de nouvelles pratiques, entre contextes, activités… Elles nous donnent à voir ce qui se joue dans les transformations de valeurs, d’institutions, de pratiques, de façons d’agir… Enfin, elles mettent en évidence les routines de fonctionnement, celles inéluctables, d’autres perméables au changement… Ainsi, transitions, transformations, routines forment les trois axes qui structurent notre travail durant le colloque.

Le premier axe, celui des transitions, s’intéresse aux processus de transition vers l’éducation inclusive en tant que tels : Qu’est-ce qui motive la transition vers un dessein à première vue si peu tangible ? Quels risques, mais aussi quels bénéfices sont associés à la transition, et pour qui ? Il s’attache aussi à tout ce qui fait les liens en éducation dite inclusive : Comment penser les liens et les relations entre les différentes institutions ou les différentes professions impliquées dans l’éducation inclusive ? Quels dispositifs existent pour faire ces liens ? Nous pouvons aussi penser aux transitions entre différents niveaux d’enseignement, entre différentes institutions éducatives, entre différentes pratiques professionnelles : quelles ruptures ? Quelles conditions facilitent la continuité, l’intégration de l’activité dans la perspective de l’éducation inclusive ? De quelles conditions les élèves ont-ils particulièrement besoin au cours des transitions pour ne pas perdre le fil de leur parcours ?

Le deuxième axe est celui des transformations impliquant et impliquées par l’éducation souhaitée inclusive. Quelles transformations cette onde inclusive provoque-t-elle au niveau des institutions, au niveau des acteurs ? Que convient-il de transformer ? Les valeurs, les attitudes, les pratiques, les conditions… ? Quelles sont les conditions des transformations, mais aussi les enjeux, les risques, les freins ? Comment les acteurs se transforment-ils face à cette politique éducative ? Les transformations sont-elles prescrites ou vécues par les acteurs ? Sont-elles toujours compatibles avec l’intention d’éducation inclusive ?

Le troisième axe est celui des routines. Les changements sociaux et culturels ne sont pas forcément rapides. La notion de temps long est nécessaire afin que les effets des transformations puissent être visibles pour les acteurs et les institutions. Sur quoi bâtir ces transformations ? La notion de routine est un paramètre à prendre en compte. Les stabilités qui fondent les différents métiers sont un élément sur lequel on peut s’appuyer. Que nous enseignent les transformations sur les routines, en particulier sur celles apparaissant inéluctables à toute activité d'éducation, d'enseignement, d'apprentissage ? Ou encore sur celles apparaissant comme autant d’obstacles au changement vers l’éducation inclusive ? Sur quelles routines s’appuyer en tant que leviers du changement des pratiques ? Quels nouveaux équilibres co-construire ?