La Composition des forces et le problème des vecteurs ()
Introduction a đź”—
L’étude du développement de la notion de force appelait celle de la constitution des vecteurs. La raison n’en est pas simplement que la force est un vecteur, car la pensée scientifique ne s’en est aperçu que bien tard : les célèbres lois du choc de Descartes sont presque toutes inexactes, faute de cette considération vectorielle. Ce qui nous intéressera en cet ouvrage n’est pas non plus seulement le problème de la direction en général : le volume XXVIII des « Etudes » (La direction des mobiles lors de chocs et de poussées) nous a déjà montré la difficulté surprenante des jeunes sujets à prévoir ou déterminer la direction des mobiles en des situations qui, par leur simplicité, sont pourtant d’expérience quotidienne. Ce dont nous allons nous occuper est la question plus spéciale, mais essentielle pour l’étude de la causalité, de la composition de deux ou plusieurs forces lorsqu’elles varient en direction et en intensité. Sous ses formes simples, ce problème pourrait être résolu en partant de la prise de conscience de certaines actions propres : lorsque deux enfants tirent ensemble un gros paquet posé sur le sol en utilisant chacun une corde séparée, il est facile de constater que la traction sera plus efficace si les deux sujets marchent parallèlement et près l’un de l’autre, tandis que si chacun tire à 45° de cette ligne optimale, cet écart de 90° diminuera l’effet ; d’autre part, il semble aller de soi que si l’un des deux enfants est plus fort que l’autre, la résultante ne suivra plus la médiane mais se rapprochera de ce sujet plus vigoureux. Ce sont de telles questions que nous allons étudier, donc en particulier la règle du parallélogramme des vecteurs.
[p. 6]Mais avant d’en arriver là il convenait d’analyser la question préalable de l’additivité de n forces de même direction, en l’espèce de n poids disposés de différentes manières mais tirant sur un même fil (ou des fils parallèles), ou pesant sur un même plateau de pèse-lettres (chap. I et II). Après quoi nous reprendrons le même problème, mais avec des poids tirant en directions opposées (chap. III). Ensuite viendront les problèmes de composition entre trois forces (ou poids) en vertical (chap. IV) et en horizontal (chap. V). Enfin, nous pourrons poser le problème central de la composition de deux forces variant en direction et en intensité, en deux situations distinctes (chap. VI et VII), avec simples prévisions et explications des faits constatés, puis (chap. VIII) en demandant au sujet de se livrer à des vérifications variées. L’ouvrage se terminera par un chapitre IX dû à la plume de Vinh-Bang sur des expériences analogues qu’il a faites au moyen de frondes et d’élastiques. Sinon, les chapitres I à VIII ont été rédigés par le soussigné1.
J. PIAGET.
(1) Rappelons que si ce volume XXX, pas plus que les précédents, ne comporte de chapitre général à titre de conclusions, c’est que les grandes lignes pouvant être dégagées des faits obtenus ont été indiquées dans le fascicule XXVI des « Etudes », Les explications causales, qui fournissait une introduction d’ensemble aux analyses particulières de ces volumes XXVII à XXX (pour ce vol. XXX, voir le § 11 du vol. XXVI).