La Composition des forces et le problème des vecteurs ()
Chapitre VIII.
L’effet de vérifications variées du sujet sur le développement des compositions élémentaires de forces
a
đź”—
avec Monique Chollet-Levret
Au chapitre VI, qui servira de point de départ à ce qui suit, nous avons étudié les compositions de forces sur une surface circulaire, en intensité et en direction, mais en nous en tenant surtout aux prévisions du sujet, avec quelques contrôles et de nouvelles explications après constatations, mais sans insister sur les progrès pouvant résulter d’informations nouvelles en faisant varier les situations. Il en est résulté l’établissement de certains stades, confirmés d’ailleurs par les chapitres V, VII, etc.
Le problème que nous nous poserons ici est celui de la nature de ces stades et de leur résistance ou de l’accélération éventuelle de leur déroulement lors de l’acquisition d’informations supplémentaires. Autrement dit, la question est d’établir jusqu’où peut aller la compréhension des sujets lors de vérifications variées et si ce qu’ils comprennent demeure à un niveau comparable à celui des prévisions initiales ou marque, au contraire, un progrès plus ou moins accentué. La question est naturellement d’une certaine importance pour l’étude de la causalité, car, s’il était essentiel de connaître les étapes de la prévision et des premières explications données à leur propos
[p. 136]ou lors des premières constatations, il est tout aussi nécessaire de savoir jusqu’où peuvent aboutir ces explications lors d’une initiation plus poussée, consistant en une sorte de didactique active (mais nullement verbale ou simplement réceptive).
§ 1. Technique et résultats généraux🔗
La procédure utilisée comporte trois moments bien distincts : I un prétest, II un ensemble d’informations nouvelles avec vérifications actives et III un post-test.
I. Le prétest n’est que la reprise de la technique du chapitre VI, mais sans aucune constatation : des questions préliminaires relatives à deux forces opposées, des questions d’intensités et des questions de directions. La seule différence est qu’on a utilisé un nouveau matériel plus précis : un plateau circulaire de 40 cm de diamètre percé sur ses bords de 20 trous équidistants nommés A à T (A est au milieu du bord supérieur), permettant de maintenir verticalement de petites poulies montées sur ergots (et montées selon le système des gyroscopes pour diminuer les frottements)1. Les fils de nylon retenant les poids sont accrochés à un anneau maintenu au centre du cercle par une tige verticale : les questions sont alors de savoir si, une fois la tige enlevée, l’anneau restera sur place (équilibre des forces) et pourquoi, ou s’il sera entraîné et dans quelle direction (avec explications).
(*) Il peut être utile, pour comparer les résultats de ce prétest avec ceux du chapitre VI, de fournir la traduction suivante des questions de ce chapitre en termes

II. Les vérifications actives se font, au contraire, sur des situations nouvelles, mais au moyen du matériel du chapitre VI : un plateau circulaire bordé d’un rail avec trois poulies mobiles. Une libre initiative de l’enfant s’est révélée inutilisable, celui-ci faisant n’importe quoi ou jouant au lieu de se poser des problèmes. Il s’agissait donc de préciser ceux-ci, en faisant anticiper les solutions, puis en demandant des vérifications par manipulation du matériel et d’analyser ensuite les explications données pour chaque résultat. Mais il convenait aussi de ne pas répéter simplement les questions du prétest tout en fournissant les éléments d’une réponse en combinant de diverses manières les questions d’intensité et de direction.
0) On débute néanmoins (chez les plus jeunes sujets) par une reprise du problème des deux forces opposées, en faisant varier les poids (égalités ou inégalités), ainsi que les directions (oppositions ou déviations variées).
1) On continue en réunissant les questions d’intensité et de direction et en commençant par une situation simple où les trois poids retenus par leurs fils sont à intervalles égaux entre eux (120°) : a) Fl et F2 étant posés avec deux poids chacun et la direction F3 étant donnée, combien faut-il y placer de poids pour que le système demeure en équilibre (pour que l’anneau reste en place ?). On procède aux anticipations avec explications, puis aux vérifications suivies de nouvelles explications ; b) Fl = F2 = 2 poids, mais 3 poids en F3 : prévisions, vérifications, etc. ; c) F2 = F3 = 3 poids et 2 poids en Fl : prévisions, etc. ; d) F2 = F3 = 3 poids et 4 poids en Fl. Après quoi, on cherche à obtenir le maximum d’explications sur le déplacement ou le non-déplacement de l’anneau et sur les directions qu’il suit, en faisant comparer les données constatées au cours des différents essais.
2) On rapproche ensuite Fl et F2 en faisant prévoir, expliquer, constater et à nouveau expliquer les résultats pour Fl = F2 et F3, ce dernier poids restant inchangé.
3) Mêmes questions en écartant Fl et F2 de plus de 120°, puis comparaison générale des situations 1, 2 et 3.
4) Fl en face de F2 et F3 perpendiculaire à cette droite, en commençant par Fl = F2 = F3. Si l’enfant pense que l’anneau reste au milieu, on décroche F3 (prévisions, etc.), puis on le raccroche. S’il prévoit un déplacement vers F3, on demande de trouver les conditions de l’équilibre (qui est souvent pour les petits F3 < Fl, F2, mais sans annulation de F3).
Une fois utilisées, ces situations 2 (Fl et F2 rapprochées), 3 (Fl et F2 écartées au-delà de la position symétrique) et 4 (Fl et F2 en ligne droite), donc avec direction variable de Fl et de F2 mais intensités constantes, nous revenons à la position symétrique avec Fl = F2 = F3, puis nous rapprochons les poulies, les écartons, etc., pour provoquer des conflits : « Pourquoi, puisqu’il y a toujours 3 poids à chaque poulie, l’anneau ne reste plus au milieu ? Pourquoi part-il quelques fois ici, quelques fois là , etc. ? »
III. Post-test : identique au prétest.
Quant aux résultats obtenus, on retrouve naturellement les niveaux analysés au chapitre VI et l’on observe, chez un certain nombre de sujets, de légers progrès dus à cette sorte d’apprentissage ou de semi-apprentissage qui a lieu pendant
[p. 138]la phase II. Mais le fait frappant est que ces progrès, lorsqu’ils se produisent, demeurent en général de faible amplitude et relativement instables : ces résultats reviennent donc à confirmer le tableau du développement proposé au chapitre VI pour la solution des problèmes présentés au sujet au cours des interrogations décrites en ce chapitre.
§ 2. Le niveau IA (5-6 ans)🔗
Voici d’abord des exemples :
GlC (5 ;1). I. Prétest : Pour équilibrer en A en met un en J, c’est-à -dire de l’autre côté, mais non pas en face. « Pourquoi ici ? — … — En (b) ce serait juste ? — … — L’anneau resterait au milieu ? — Non, parce qu’il y a quelque chose de lourd là (A). — Et là (G) ? — Aussi. —  Alors si j’enlève la barre, l’anneau va aller où ? — Je ne sais pas. — Ici (D) ? — Non. — Ici (A) ? — Oui. —  Pourquoi pas ici (G) ? — Ça se peut. — (On met 2 poids en J). — L’anneau va rester ? — Non. —  Il va aller où ? — Ici (J) parce que c’est plus lourd. — Que faire pour qu’il reste au milieu ? — Il va partir là (A). — Ici (J) c’est plus lourd, là (A) moins, alors s’il ne part pas là (J) il va partir là (A). — Pourquoi ne peut-il pas rester au milieu ? — Parce que c’est lourd ces 2 plots (J) et celui-là (A). — On met 3 plots en (A) ? — Il va partir là maintenant parce que c’est plus lourd. — Et comme ça (2 poids en A et en J). — Je ne sais pas encore. Je crois qu’il va partir là (A). — Pourquoi ? — Moi je ne sais pas. — II peut rester au milieu ? — Non, parce que des deux côtés c’est lourd. »
IL Vérifications (cinq jours après). Deux fils opposés : « Quels poids vas-tu mettre pour que l’anneau reste bien au milieu ? — J’en mets 2 et 2 de l’autre côté. — Ça va rester au milieu comme ça ? — Non, parce que les poids sont lourds. — Lesquels ? — Des deux côtés c’est lourd. — Alors ? — Il ne peut pas rester au milieu. —  Quoi faire ? — Il faut en enlever (en enlève 1 puis tout). Voilà , maintenant l’anneau reste(ra) au milieu parce que c’est pas lourd des deux côtés. — (On remet 2 et 2). — ■Qu’est-ce qu’il fera, l’anneau ? — Il va venir ici (Fl). — Et là (F2) ? — Oui, aussi. — Qu’est-ce qui est le plus juste (Fl ou F2 ou) rester au milieu 2 — Il ne peut pas rester au milieu. — Alors où (Fl ou F2) ? — Les deux sont justes. — Essaye. — Ça reste au milieu ! (Très surprise). — Comment ça se fait ? — Parce que ce n’est pas assez lourd. — Alors essaye en mettant plus lourd. — (Elle ajoute 3-]-3 donc 5 + 5). — Alors que va faire l’anneau ? — Il va aller de ce côté ou de ce côté (Fl ou F2). — Pourquoi ? — Parce que c’est les deux lourds. — (Essai). — Il reste au milieu ! — Pourquoi ? — (Energiquement). — Je les remets, je veux en mettre plus (elle met 7 en Fl et 6 en F2). — Compte. — 7 ici 6 là . — Ça va rester au milieu ? — Oui je crois, mais je ne sais pas encore. Je crois que ça va partir. —  Où ? — De ce côté (Fl) ou de ce côté (F2). — Ça fait quelque chose que ce soit plus lourd ici ? — Oui, ça peut partir ici. —  Et ici (F2) ? — Oui, ça peut partir. — (Essai). — Ici, parce qu’il était
[p. 139]plus lourd. — Et si on essaie encore ça peut partir par là (F2) ? — Oui, je crois aussi. — (Nouvel essai). — De nouveau là . Là (F2) il faut en mettre plus, autrement ça ne va pas (elle met 2 de plus à F2 dont Fl = 7 et F2 = 8). — Et maintenant ? — Ça va partir de ce côté (F2), parce que c’est plus lourd. — Sûre ? — Oui parce que c’est plus lourd. — Et alors ? — Ben ! Ça part là . —  Ça se pourrait que ça parte là (Fl) ? — Oui. — (Essai). — Ici (F2). — Et si on essaie encore une fois ? — Peut-être là (Fl). — (Essai). — De nouveau là (F2). — Pourquoi toujours ? — Parce que c’est plus lourd, alors ça vient du côté que c’est plus lourd. — Tu le savais ? — Oui, je savais avant. — Et si on essaie de nouveau peut-être là (Fl) ? — Oui. — L’anneau va venir ici ? — Non, parce que c’est moins lourd. — C’est faux de penser qu’il va venir là  ? — Oui, toujours là (F2) parce que c’est plus lourd. — Maintenant tu comprends ? — Oui, parce que je suis plus grande ! — Si tu voulais que ça reste au milieu ? — Il faudrait en enlever 3. — Alors fais-le. — 4 ici (Fl) et 5 là (F2). — L’anneau va rester ? — Il va aller là (F2) parce que c’est aussi (= encore) plus lourd. —  Et c’est possible de l’autre côté ? — Oui, parce qu’il y a 4, c’est moins mais c’est quand même lourd. —  (Essai). — Ça va là (F2). Eh bien là (Fl) je vais en mettre 5 et on verra bien où il ira. — (Elle égalise et essaie). — Voilà  : il reste au milieu parce qu’il y a 5 des deux côtés. — (Et Fl = 7 et F2 = 6) ? — Ça va aller là (Fl = 7). — Et là aussi (F2) ? — Oui, je ne sais pas. Peut-être qu’il va toujours aller là (Fl). — C’est plus juste de dire toujours là , ou qu’il peut des deux côtés ? •— • Plus juste des deux côtés. —  (3 poids de chaque côté). ■— Ça va rester au milieu ? — Oui, parce que c’est des deux côtés pareil. — Et comme ça (direction A et J), l’anneau va rester ? — Non. Je ne sais pas encore. —  (Essai). — Il est au milieu mais à côté. — Pourquoi ? — Je ne sais pas », etc.
III. Post-test (une semaine après) : « (Deux poids en A). Où est-ce juste, etc. ? — (Elle met le fil en N). — Et comme poids ? — (Elle en met 3). — Là  ? — 2. —  Et là  ? — 3. — Si j’enlève la barre ? — Je crois qu’il va partir là (N), ou bien il va rester au milieu. — Lequel est le plus juste ? — Tous les deux sont justes. — Et là (A) il peut partir ? — Non, parce que c’est moins lourd. — Tu es sûre qu’il peut rester au milieu ? — Oui. — Pourquoi ? — Sais pas. —  Et en (H) ? — Oui, ça va rester. — Et ici (K) ? — Aussi. Tous les petits trous sont justes. —  S’il part il va aller où ? — Ici parce que c’est plus lourd. — Alors quoi faire ? — Enlever un (elle égalise). — C’est juste ? — Oui, parce qu’il y a 2 de chaque côté. — Et qu’est-ce que ça fait ? — Ça fait tous les deux moins lourds. — Et 10 de chaque côté ? — Il resterait au milieu. —  Et 5 et 10 ? — Il irait là où il y en a plus. —  Maintenant avec 2 et 2, ça resterait ici si on met sur (A et O) ? — Oui, parce que tous les trous sont justes. »
Dom (6 ;7). I. Prétest : pour 1 poids en A : « Tu vas trouver avec une autre poulie et un autre fil un endroit pour que l’anneau reste au milieu. — (Il met la poulie en E). — Nulle part, il peut rester, il va descendre. — Où ? — Là (vers le milieu entre A et E). — Et ici (on propose I) ? — Il reste sur place. J’ai vu comment vous avez fait : ça tire des deux côtés et ça reste au même endroit. — Et ici (K = en face) ? — Ça va toujours rester. Si vous mettez dans tous les trous, ça va toujours rester (pas de direction !). — Et en E ? — Ça va rester. — En F ? — Aussi. —  En R ? — Aussi. —  En T
[p. 140](à côté de A) ? — Non. Il ne va pas rester au milieu, il va partir là (T). — En R ? — L’anneau va toujours tomber. Si vous le mettez en face il ne va pas tomber. Il retient quand même parce qu’ils sont lourds. Ça retient les ficelles et les poulies, alors l’anneau reste au milieu. — Et ici (L) ? — Ça reste aussi au milieu. — Quels sont les trous qui sont justes ? — (Il montre de J à O). — Et Q ? — Non (il choisit N). — Pourquoi ça reste au milieu ? — Parce que la corde tend toujours. Eh ! Non, il faudra qu’il soit là (M, L ou K) pour qu’il tienne. —  Et ici (J) ? — Oui. —  Et là (I) ? •— Oui. — Et là (H) ? — Non (donc de I à M). — Pourquoi l’anneau reste, avec ces trous ? — Parce que ça tend quand même la corde dans ces trous. —  Et si on met A et H ? — L’anneau va tenir ici (il trace une droite entre A et H sur le plateau circulaire et en montre le milieu, comme si l’anneau n’irait pas plus loin vers le bord). — (On met à A et K avec 1 poids en A et 2 en K). — Ça tombera là (K) parce qu’il y a plus de poids. Il faut le même poids de chaque côté. » Questions d’intensité, position 1 (2 poulies en A) : il met 4 poids pour 2 + 2 : « Ça ne fait rien qu’il y ait 2 fils ici (A) ? — Ça ne fait rien. Ça fait le même poids que s’il y avait un (seul) fil. — Et comme ça (position 2 : C et S) ? — Ça va partir ici (K) parce que là et là il y en a 2 et 2 et là il y en a 4 (donc 2 + 2 séparés font moins que 4 réunis, en tant que séparés et non pas en tant qu’écartés, par non-additivité et non pas par composition directionnelle). — Alors ? — Il faudrait 4 partout pour que ça reste au milieu. —  Et si 2 ici (à F comme à C et à S), ça resterait ? — Oui, bien sûr ! — (Position 3, soit 4 en K, 2 en Q et 2 en E) ? — Il va partir là (K) parce qu’il y a 2 ici et 4 là . —  Et comme ça (position 4) ? — Ça va tout partir dans ce sens. — (On remet 2 en T et en B et 4 en K). — Ça va toujours tirer ici (K). — (On met 4 à T, B et K). — Ça va rester ? — Oui, parce qu’il y a 4 partout. » Questions de direction : pour Fl et F2 de même poids, en C et en S, il met le contrepoids en K, mais ajoute aussitôt : « Je crois que j’ai fait faux », et le place successivement face à F2 en I, puis face à Fl en M. « Et en K ? — Non, ça ne va pas rester au milieu. — Et en I ? — Ça reste parce que c’est la même distance (= même ligne). — C’est quoi la même distance ? — Je dis des choses que je ne sais pas ! — Et ici (K) ? — Ça va rester. Non pas dans celle-ci (il cherche à nouveau en face de Fl et de F2). » Pour Fl > F2, il place le contrepoids en face de F2, puis de Fl, puis « à nulle part ». Pour retenir l’anneau, il faudrait, pour Dom, avoir Fl = F2.
II. Situation nouvelle et vérifications. Deux poids en Fl et en F2 à 120° : Dom en met 2 en R lorsqu’on lui demande combien il en faut là pour maintenir l’anneau1. Pour Fl = 3 : « Ça va tout partir là . —  Quoi faire ? — Mettre 3 partout » (essais après chaque anticipation). Pour K = 2, Fl = 3 et F2 = 3, « il va aller soit là (Fl), soit là (F2) » (nouvel essai). Il continue à prévoir l’équilibre pour des poids égaux, lorsque Fl et F2 sont resserrés. Essai : « J’sais pas (pourquoi non), il y a pourtant 3 poids partout. » Même réaction avec disposition écartée puis à l’essai : « Je me demande pourquoi. » Il suppose alors que la proximité ou la séparation de Fl et F2 joue un rôle : « Ah là ils étaient pris, ils faisaient plus que ça (R), il faudrait mettre 4 poids à (R). — Et maintenant (écartées) ? — Sais pas. Là (Fl et F2) ils sont moins (lourds), alors ça fait plus ici (R). — Plus que quoi ? — Que ces deux (Fl
(*) R = l’opposé de la résultante.
[p. 141]et F2)… parce que ces poids ça faisait plus rapprochés que ceux d’ici. » Mais pour Fl et F2 en face l’un de l’autre (P et F) et R en K (mêmes poids pour les 3), il prévoit que « Ça va rester au milieu. —  (Essai). — Il y a peut-être plus ici (R). — Non il y a 3. Comment ça se fait ? — Sais pas. — Et avec 2 (en R) ? — Il va rester au milieu. — (Essai). — Pourquoi pas ? — Sais pas ». Il a pourtant remarqué que Fl et F2 sont « en ligne droite ».
III. Post-test. Forces opposées, 2 poids en A : il en met 2 en K. On en met 3 en A, il en rajoute 1 en K, mais comme ils sont là suspendus les uns aux autres et non pas ramassés, il dit : « Il me semble que ça fait plus de poids comme ça. » Question d’intensité, position 1 (2 + 2 en A) : il en met 4 en K car en A : « Ça fait 4 parce qu’ils sont rapprochés. » Position 2 : « Il faut en enlever ici (K) sans ça ça partirait de ce côté (ce qui semblerait correct, mais il ajoute) : Parce que là (K) il y en a 4 et là (B et T) que 2 (et 2). — Je ne comprends pas pourquoi ça ne reste pas. — Parce que là il y a 2 (et 2) et là 4. —  On pourrait aussi dire que 2 + 2 ça fait 4 en tout ? — Non, on ne peut pas dire ça. — Et (S et C) ? — Ça va toujours partir là . — Et (R et D) ? — Aussi. — (Q et E) ? — Aussi. — Et comme ça (P et F, donc Fl et F2 en face l’une de l’autre) ? — Ça part là (K, ce qu’il a donc constaté à la fin de II). Non ça reste au milieu parce que là c’est tout droit. •— • Ça ne fait rien qu’il y ait un poids là (K) ? — Non, ça ne fait rien, ça reste au milieu. — Tout à l’heure tu as dit que ça irait là (K) ? — Non je m’étais trompé. — Si je décroche ça (K) ? — Ça reste au milieu. —  Et si je le raccroche, ça ne fait pas quelque chose ? — Non, ça reste toujours au milieu, parce que ceux-là (P et F) sont en ligne droite. Si on met celle-ci (K) ça fait la même chose. — Pourquoi ? — Parce que là et là (P et F), il y a le même nombre (de poids). Là (K) il n’y a pas le même nombre, mais ça reste quand même au milieu. » Questions de direction, 2 poids en S et 2 en C : il met d’abord 2 poids en face de S (en I), puis en face de C (en M) : « Voilà les 2 là , parce que là (S et C) il y en a 2. —  Lequel est le plus juste ? — Là (I), là (M) et là (K). — Pourquoi ? — Parce que (I ou M) c’est en face. —  Et en K ? — Non, c’est pas juste parce que ça ne fait pas en face. »
Bbi (7 ;1). I. Prétest : pour 1 poids en A, montre la direction en K : « Pourquoi ici ? — … — Et en J, ce serait juste ? — Oui. —  En I ? — Oui. — En H ? — Oui. — En G, puis F ? — Oui. — Et si je mets 1 poids là (A), tu en mets combien de l’autre côté ? — Un seul. — Et avec 2 c’est juste ? — … (puis. — Oui. — L’anneau va rester ? — Non. — Il va aller où ? — Ici (K). Il faut en mettre un seul. — Et avec la poulie ici (I) ? — Oui. — Ça va rester ? — Oui, parce qu’il y a toujours le même poids de chaque côté. — Et ici (I, H, G, F) ? — Oui. — Et là (E) ? — Non parce qu’il serait trop proche de l’autre, il ira par ici (vers le milieu). — Finalement, les trous justes sont (I, J, K et L). — Pourquoi ? — Parce que les autres trous sont trop proches : l’anneau ne reste pas au milieu. » — Questions d’intensité, position 1 :1 + 1 sur 2 fils en A ; elle met 2 poids en K. Position 2 avec 1 poids en C et S et 2 en K : « J’suis pas sûre, parce que là il y a 1 et là aussi et là 2 (K), alors l’anneau tombera ici (K). — Pourquoi ? — Parce que 1 et 1 et là 2. — Et comme ça (1 sur K) ? — L’anneau restera au milieu. » Pour 1 en P et 1 en F (face l’un à l’autre) et 1 en K : « Il ira là (K). — Que faire pour que l’anneau reste ? — Mettre ces machins plus en avant (et non pas
[p. 142]en face). — Ou bien ? — (Elle met 2 poids partout). — Ça restera ? — Oui, parce qu’il y a 2 poids ici, ici et là . » Questions de direction : pour 2 poids en S et 2 en C, elle prévoit qu’il faut tirer face à S (= I), « comme ça l’anneau reste au milieu. — Et ici (M face à C) ? — Oui, c’est aussi juste. —  Pourquoi ? — Parce qu’ils sont de chaque côté, les fils (= en ligne droite). Il faut mettre 2 poids là -bas (M) parce que si on ne mettait qu’un poids là -bas et 2 ici (C), il ne resterait pas au milieu. Puis, si c’est comme maintenant et si on ne met rien (en M), l’anneau partira comme ça (A = médiane entre C et S). — Pourquoi ? — Parce qu’ils sont trop proches ». Mais elle maintient que l’anneau restera en place si l’on tire en face de S (2 poids) avec 2 poids en I ou 2 en C en 2 en M « parce qu’ils sont en face ». Pour 4 poids en S et 2 en C il faut mettre 4 en I, face au premier et 2 en M face au second.
II. Situations nouvelles et vérifications. Forces opposées : intensités et directions vérifiées. « Et si je pousse les poids de côté ? ■— Ça restera quand même au milieu. — Et un peu plus loin ? — Aussi. — (Essai). — Il faut les remettre un petit peu ici (à mi-chemin de la position prévue et d’en face). — (Essai). — Alors ici (en face). — Tu comprends ça ? — Parce que si on ne mettait pas en face il irait ici (juste) ou plus de ce côté il irait là (juste : médiane), alors il faut qu’il reste toujours au milieu. » Pour la question 1 d’intensité et de direction, Bri prévoit l’équilibre en toutes positions lorsque les 3 poids (Fl, F2 et l’opposé) sont égaux et un départ du côté le plus lourd : « C’est les poids ! S’il y a 4 poids ici et là 3 et 3, l’anneau va partir ici » (après quatre essais). Lors des positions à écartements variés, elle conclut que quand les poids « sont trop proches les uns des autres (position 2), ça reste au milieu. —  (Essai). — Ça reste pas : il va ici parce qu’ils n’étaient pas proches, euh ! ils étaient trop proches », puis l’effet d’équilibre (à 120°) est dû à ce qu’« ils sont pas proches les uns des autres ». Pour Fl et F2 en face l’un de l’autre « il va partir là (F3) parce qu’ils sont trop proches les uns des autres. — Lesquels sont proches ? — (Fl) est proche de (F3), (F2) est proche de (F3), alors l’anneau va aller là (F3) ».
III. Post-test. Forces opposées : bonne prévision de l’égalité des poids et des directions : « Et si tu mettais la poulie ici (L au lieu de K) ? — L’anneau irait ici (juste). » Questions d’intensité. Position 0 : elle met 4 poids en K « parce que autrement, si je mettais 2 poids ici et 4 ici (2 + 2 en A) l’anneau irait là (A). — Mais 2 en K parce qu’il y a 2 partout, ça n’irait pas ? — Non, parce que 2 poids + 2 poids, ça fait 4 alors il faut mettre 4 (en K) ». Position 2 (B et T) : « L’anneau reste au milieu parce que là il y a 2 poids sur un fil et 2 poids sur l’autre, ça fait 4 alors ça reste au milieu et si je mettais 3 (en K) l’anneau partirait là (vers A). » Position 3 (S et C) : « Il resterait au milieu parce que là 2 et là 2 aussi ça fait 4 et là (K) il y a 4 poids. — (Poulies en D et R). — Il va rester au milieu. — Pourquoi ? — Parce que là 2 poids et là aussi, alors ça fait de nouveau 4 poids. — Ça ne fait rien qu’ils soient loin les uns des autres, ces poids-là (D et R) ? ■— ■Non, ça ne fait rien. — (Poulies en Q et E) ? — Toujours au milieu parce que ça fait 4 et 4. » — (Position 4 : P et F en face l’un de l’autre) ? « L’anneau ira ici (K). — Pourquoi pas au milieu, ils sont toujours 4 et 4 2 — Non, parce que celui-là (P) est trop proche de celui-là (K) et celui-là (F) trop proche de celui-là (K). Ça fait aller l’anneau ici (K). — Pourquoi ? — Si on enlevait ces poids (K) et ce fil et qu’on laisse ces deux poids ici (P et F), l’anneau resterait au milieu parce que c’est tout
[p. 143]droit. — Si tu laissais 2 poids en K, ça resterait au milieu ? — Non, je crois qu’il irait là (K). — Et si tu laisses 1 seul poids ? — L’anneau resterait au milieu, parce que là (P et F) il y a 2 et 2 et là (K), ça ne compte pas beaucoup, 1 poids, alors l’anneau ne va pas partir. » Questions de direction : « S’il y a 2 poids ici et 2 là (S et C), où faut-il tirer pour que l’anneau reste au milieu ? — Ici (I, face à S), comme ça l’anneau peut rester. —  Pourquoi ? — Parce que si on met 2 poids ici (I), ça resterait au milieu et si on n’en met pas l’anneau irait ici (A). — Et ici (M face à C) c’est juste ? — Oui parce que si on mettait 2 poids là (M) ça resterait au milieu. — Sûre ? — Oui. — Et celle-là (S) ne gênerait pas ? — Non (donc contradictoire avec ce qu’elle disait plus haut de la position 4). — Et ici (K) ce serait juste ? — Non, parce que si on tire là l’anneau irait là (à peu près opposé à S). — Et si 4 poids ici (S) et 2 ici (C) ? — L’anneau irait ici (S). Il faut mettre les poids ici (M) parce que c’est en face (de C). — Et ici (I) ? — Non parce que l’anneau irait là (G) ou là (A). — En (M) il reste au milieu ? — Oui. — C’est le seul juste ? — Oui. »
Il convenait de citer ces cas à peu près in extenso pour pouvoir juger avec quelque précision des différents effets des informations nouvelles acquises en II. Notons tout d’abord que ces sujets appartiennent bien tous les trois à un niveau IA, où même la question préliminaire des forces opposées demeure mal résolue. Gig, par exemple, ne met pas le contrepoids en face du poids donné en A, puis il s’imagine que l’équilibre est atteint seulement dans le cas de poids légers : pour 2 poids en A et 2 de l’autre côté, l’anneau va partir « parce que des deux côtés c’est lourd ». Dom commence par croire qu’en aucun point un poids ne peut retenir l’anneau, puis il les admet tous et finalement ceux qui sont compris entre J et 0, autrement dit qui sont simplement du côté opposé à A mais avec des inclinaisons variées entre le centre du plateau et le contrepoids. Bri raisonne de même et écarte seulement les points « trop proches » comme E ; à la fin, elle retient I, J, K et L et même sans égalité nécessaire des poids. Les réponses aux questions d’intensité ne témoignent pas d’une additivité obligée des poids : si Dom choisit des poids égaux pour III, il refuse dès 112 d’admettre que 2 poids plus 2 autres séparés d’eux égalent 41. Bri de même pour 1 -f- 1 et 2. Quant aux questions de direction, l’équilibre est prévu lorsque le contrepoids est situé en face de Fl ou de F2, mais sans aucune composition des deux.
Cela étant, le problème était donc d’établir si la partie II
f1) Ce en quoi il est naturellement dans le vrai en fait, mais ses raisons ne sont nullement vectorielles.
[p. 144]des interrogations, au cours de laquelle le sujet peut contrôler activement toutes ses prévisions, suffirait à améliorer la compréhension des sujets. Or, c’est bien le cas sur certains points, mais nullement sur d’autres et l’on peut dire, de façon générale, que ces enfants ont passé du niveau IA au niveau IB en ce qui concerne la question préliminaire des deux forces opposées (qui constitue d’ailleurs le seul terrain de différence entre les niveaux IA et IB), mais qu’ils n’atteignent pas le stade II pour ce qui est des questions générales d’intensité et de direction.
Pour ce qui est, en effet, des deux forces opposées, nous voyons Gig, au post-test, finir par affirmer que 2 poids en A et 2 en K resteront en équilibre et qu’il en sera de même de 10 et 10 poids, mais non pas de 10 et 5 poids parce que l’anneau « irait là où il y en a plus ». Mais ce progrès demeure assez limité, pour deux raisons. La première est qu’elle n’a toujours pas compris la nécessité que les poids égaux soient placés en face l’un de l’autre : elle accepte les positions A et O, qui sont à 108° l’une de l’autre et non pas 180°, et cela « parce que tous les trous sont justes ». En second lieu, elle commence par poser 3 poids en N contre 2 en A en admettant qu’ainsi l’anneau peut aussi bien rester que partir (« tous les deux sont justes »), puis n’en arrive que très graduellement à l’égalité obligée des poids. Dom parvient par contre, d’emblée, au post-test à l’égalité des poids et à la position K, mais, ayant suspendu 3 poids l’un au-dessous de l’autre il lui « semble que ça fait plus de poids » que 3 agglomérés. Brig, qui a il est vrai 7 ans (et Dom 6 ;7), réussit sans bavures.
Par contre, les questions d’intensité avec écartement progressif des poids ne donnent pas lieu aux mêmes acquisitions. Dom choisit bien, à la position 1 (2 fils parallèles en A), 4 poids pour équilibrer 2 J- 2, mais en précisant que cette égalité vaut parce que 2 et 2 « sont rapprochés », non pas dans le sens d’une même direction dans leurs effets de traction, et simplement en tant que formant un même paquet ou une même collection ; à la position 2 (B et T) « on ne peut pas dire » que 2 et 2 font 4. L’écartement entre Fl et F2, observé par Dom durant la partie II, présentait sans doute cette même signification de non-additivité due à la séparation figurale des deux sous-collections, mais Dom généralisait alors à tort sa prévision de l’équilibre pour Fl = F2 = R malgré les démentis de
[p. 145]l’expérience. Quant à la situation 4, où les poids Fl et F2 sont opposés l’un à l’autre (en P et F) et où un troisième poids tire en K, Dom avait prévu, en effet, en II que l’équilibre serait maintenu à cause de l’égalité des poids. Malgré l’infirmation reconnue lors de la constatation, Dom fait la même prévision au post-test (après avoir répondu juste, il est vrai, mais un instant seulement et en se déjugeant ensuite) ; seulement la justification est autre : « ça reste parce que là (P-F) c’est tout droit », ce qui montre à nouveau qu’il n’a pas compris le rôle de l’écartement, puisque celui de P et F (180°) renforce au contraire l’action du poids en K. Mais pour lui deux poids opposés se tiennent l’un l’autre (comme lors de la question préliminaire) et en ce cas le poids en K ne joue plus aucun rôle.
Le cas de Brig pour les questions d’intensité n’est pas moins instructif. Au cours de la partie II (vérifications), elle généralise l’idée que l’équilibre se maintiendra pourvu que les trois poids en jeu soient égaux, mais la vérification la détrompe et elle découvre le rôle de l’écartement. Seulement elle n’arrive pas à décider si des poids « trop proches » perdent l’équilibre ou au contraire le conservent en cas d’égalité des trois et, dans la position 4 (Fl et F2 en face l’un de l’autre et F3 perpendiculaire), elle en arrive à expliquer la prépondérance de F3 par le fait que Fl et F3 sont proches, de même que F2 et F3. Au post-test, elle recommence à penser que l’équilibre est assuré pourvu que les trois poids soient égaux, et cela jusque, y compris, à la position E et Q (144°) et elle refuse toute importance à l’écartement (« non, ça ne fait rien »). Par contre à la situation 4 (180°), elle retrouve ce facteur et dans les mêmes termes qu’en II : l’anneau s’en ira vers K (F3) parce que Fl et F3 sont « trop proches », et F2 et F3 aussi (90° chacun). Mais si l’on ramène à 1 le poids F3 en K, alors les poids Fl F2 (P et F) resteront en équilibre « parce que c’est tout droit » et que « 1 ne compte pas beaucoup ». Si l’on compare ces réactions à celles du prétest, on constate donc une uniformité remarquable de réactions, sauf que les vérifications lui ont fait poser sans la comprendre la question de l’écartement, d’ailleurs entrevue dès le prétest pour les problèmes de direction.
A en venir enfin à ceux-ci, on a cité au chapitre VI des cas précoces d’intuition de la bissectrice entre Fl et F2, le poids F3 les tenant en équilibre étant donc situé par le sujet à l’opposé
[p. 146]de cette bissectrice ; mais nous avons vu aussi qu’il s’agit surtout alors d’une symétrie en partie figurative, du fait que ces directions n’apparaissent pas à l’enfant comme nécessaires et n’excluent pas d’autres combinaisons. Dans le cas particulier, nous retrouvons cette intuition chez Bri, pour qui l’anneau sera entraîné à mi-chemin entre C et S s’il n’y a pas de contrepoids. Par contre, Dom et Bri pensent au prétest qu’il y aura équilibre si le contrepoids est placé soit en face de S (en I), soit en face de C (en M), « parce qu’ils sont en face » et comme si l’autre poids n’avait pas d’influence (cf. la position 4 dans les questions d’intensité). Or, les vérifications de la partie II de l’interrogation leur donnent tous les moyens d’infirmer ces prévisions qui réapparaissent néanmoins telles quelles au posttest : Dom refuse même la suggestion de mettre le contrepoids en K : « Ce n’est pas juste parce que ça ne fait pas en face », et Bri ne voit pas qu’en choisissant ces positions opposées à l’un seulement des deux poids à composer, elle se met en contradiction avec ce qu’elle venait de dire pour la position 4 des questions d’intensité. Au total ni pour celle-ci ni pour les directions, les vérifications actives de la partie II ne font passer ces sujets au stade II de ce développement.
§ 3. Le niveau IB🔗
Si nous appelons IB le niveau auquel la question préliminaire des deux forces opposées est résolue d’emblée, il est intéressant d’examiner si les sujets qui lui appartiennent feront plus de progrès que les précédents au cours des vérifications actives de la partie II :
Fra (6 ;1). I. Prétest. Forces opposées : pour un poids en A en met un en K. « Pourquoi pas ici (L) ? — Autrement ça ferait faux. —  Pourquoi ? — Parce que… —  Et ici (I) ? — Non. — Pourquoi ? ■— Parce qu’il faut mettre la même chose (geste de mettre en ligne droite). — Et là (L) ce n’est pas la même chose ? — Non, il faut le fil tout droit. » Questions d’intensité, position 1 avec 2 fils parallèles et 1 poids à chacun : il met 2 poids en K « parce que ici il y en a 2. —  (Position 2 : S et C). — Ça va bouger un petit peu parce que là (K) c’est plus lourd… Il va quand même rester au milieu. — Pourquoi ? — Parce qu’il y a 2 poids ici et 2 ici. —  Mais avant tu disais que c’est plus lourd ? — Ce n’est pas plus lourd. — (Position 3 : Q et E). — Il va rester ? — Oui, parce que 2 ici et 2 ici. —  (Position 4 : F en face de P). — Il va rester ? — Non. —  Il va partir où ? — Là (K). — Pourquoi ?
[p. 147]— Parce qu’il y a 2 poids là (K) et là (P et F) c’est la même chose (l’un que l’autre )… C’est le même trait (geste de droite), ça c’est au milieu (F au milieu du plateau circulaire) et ça aussi (P) au milieu. — Qu’est-ce que tu pourrais faire pour que l’anneau reste ? — Enlever 1 poids ici (à K qui en a 2). — Ça resterait ? — Oui parce qu’ils ont tous les mêmes poids (P = F = K = 1) ». Questions de direction : pour S et C, il met le contrepoids aux environs de M mais en disant : « Ici, au milieu. — Et ici (L) ? — Oui, ici. — Et (J) ? — (Hésite). — Et K ? — Oui. —  Comment tu sais ? — Parce que c’est le milieu (il montre A). » Pour 2 poids Fl > F2, il choisit aussi K. « Et si on enlève la tige (où il est fixé), où va aller l’anneau ? — Là (Fl). — Et si on remet encore des poids à Fl, où faut-il tirer ? — Il faut toujours tirer du même endroit. »
II. Situations nouvelles et vérifications actives. Pour la position à intervalles égaux, Fra met 4 en F3 pour 2 en Fl et en F2. Après l’essai : « Il faut mettre 2 poids à (F3). » Après un nouvel essai, on met F3 = 3, F2 = 3 et Fl = 2 : « Il va partir au milieu (de F3 et F2). — Pourquoi ? — Parce que là il y a plus. —  (Essai, puis on met F3 = 3, Fl = 3 et F2 = 4). — Ça va partir là (Fl). — (Essai puis F3 = Fl = F2 et Fl = F2 resserrés). — Il va partir là au milieu (= entre Fl et F2). — Ça ne reste pas ? — Oui. Parce que c’est plus rapproché. ■— ■Qu’est-ce que ça fait ? — Rien » ; puis essais. Situation 3 (Fl = F2 = F3) : « Ça va rester au milieu… Il va partir là (entre F2 et F3). — Pourquoi ? — Parce que les deux sont plus rapprochés. — (On égalise les angles F2 F3 et Fl F3). — Il va partir ici (F3). — Sûr ? — Oui. C’est mieux là (entre Fl et F3). — Et là (entre F2 et F3) ? — Non. — (Essai). — Pourquoi là  ? — Je ne sais pas. — (Récapitulation). — Pourquoi il part une fois là (Fl F2)… une fois là (F3) et une fois il reste au milieu ? — Parce que ça (les poulies) ce n’est pas placé la même chose. —  Ça change quoi ? — Ça bouge l’anneau. » Fl en face de F2 : « Il va partir là (R) parce que ces deux ont la même ligne. —  (On enlève R). — Ça resterait. — Pourquoi ? — Je ne sais pas. »
III. Post-test. Position 1 (poids à fils parallèles : 2 chacun) : il met 4 poids en K « parce que ça fait 4 ici et 4 là . — Et en (J) ou en (L) ? — Non, parce que ça ne serait pas en face. — ■(Position 2 : I et B). — Il restera au milieu parce que ceux-là sont plus rapprochés que là (en K). — Et comme ça (S et C) ? — L’anneau restera au milieu parce que ces deux sont plus rapprochés que ça (K) : Celui-là (S) est éloigné de là (K) et ça (C) aussi. — (En R et D) ? — (Id.). — (De nouveau T et B). — Ça restera ? — Non, l’anneau va aller là (A : entre deux) parce que ces deux sont plus rapprochés que ça (K : il reste donc 2 poids sur T et B et 4 sur K). — Et (S et C) ? — Il va aller là (A). — Et (R et D) ? — Toujours là (A). — (E et G) ? — Il va partir là (A). — Et (P et F : en face) ? — Je crois qu’il va aller là (K) parce qu’il y en a plus (= 4) et ceux-là (P et F) ils sont la même chose rapprochés de celui-ci (K) : ça fait une ligne droite. —  Alors qu’est-ce que tu pourrais faire pour qu’il reste ? — J’en enlève 2 (à K, donc égalité partout). Ah non il faudrait laisser zéro. — Si tu n’en enlèves qu’l ? — Non, il faudrait plutôt mettre 2. — Ça resterait ? — Non, il va aller là (K) parce que ces deux sont sur une même ligne. — Alors ? — Il faut en mettre 2 parce qu’il y a partout la même chose : 2 c’est plus juste parce que ça fait 2 à chaque. —  Un enfant m’a dit qu’avec zéro il resterait au milieu. — Non c’est pas juste : c’est 2 ».
[p. 148]Directions : Fl et F2 en S et C avec 3 poids chacune : « Où mettre des poids pour que ça tienne ? — Ici (K) mais il faut mettre 3 poids parce que c’est en face de ça (A). — Pourquoi (A) ? — Parce que c’est au milieu, alors ça restera. — (Fl > F2 : 4 poids à C et 3 à S). — Où tirer ? — Ici (M, face à C) parce que là (C) il y a plus de poids. —  Et ici (I face à S) ? — Non, parce qu’il n’y en a pas assez. — (2 poids à C et 4 à S) ? •— Ici (face à S) parce qu’il faut tirer en face du plus lourd. — L’autre ne gênera pas ? — Non. Oui peut-être. —  Que faire ? — En mettre un autre là (4e fil en M). — Mais avec 3 fils ? — Ici (K) au milieu, parce que c’est entre les deux. —  Et en face du plus lourd ? — ■C’est pas juste parce que ça ne tirerait) pas les deux en même temps, ça ne lire(rait) que celui-là (S). »
Ver (6 ;7). Prétest. Forces opposées : elle met 1 poids en K pour 1 en A « parce que c’est en face de l’autre. — Et ici (L) ? — Non. — Où irait Panneau ? — Ici (direction de P). — Il y a plusieurs positions de juste ? — Non, c’est ici (K). — Et pourquoi 1 poids et pas 2 ? — Parce que de l’autre côté aussi, (sinon) ça irait tout de ce côté… ça tire du côté où c’est plus lourd. — (Position 1). — (Elle met 4 en K contre 2 + 2 en A). — Et 2 ? — Non, c’est faux, parce que ensemble là (A) ça fait 4. —  (Position 2 sur T et B) ? — Ça va rester au milieu : il y a toujours 4 des deux côtés. — Ça ne fait rien que les poulies soient un peu plus loin l’une de l’autre ? — Non ». S et C, R et D : id. « Et comme ça (P et F en face l’un de l’autre) ? — Oui aussi parce que c’est en face, alors ça tire l’anneau tout droit (des deux côtés). Il reste au milieu. — Celle-là (K) ne gêne pas ? — Non… elle tire aussi l’anneau, je crois bien qu’elle l’empêche de rester au milieu. — Quoi faire ? — Enlever 2 ici (K/. — Alors ? — Ça reste au milieu parce qu’il y a partout 2. » Directions : pour 2 poids sur S et C, elle met 2 poids en J (puis en K) : « Pourquoi ? — Là ça peut tenir les 2 autres. — Pourquoi ? — C’est au milieu des 2 autres. — (S = 4 et C = 2) ? — On devrait mettre là (I face à S). — Et là (M) ? — Non parce que autrement (S) tirerait de son côté, il tirerait ces deux (M et C). — Et K ce serait faux ? — Oui parce que celui-là (S) est plus lourd, alors il tirera l’anneau. — Si je ne tire nulle part où tombera l’anneau ? — Là (A). — Et où tirer ? — Là (K). — Tu disais en (I) ? — Oui les deux sont justes, je crois. »
II. Situations nouvelles et vérifications. (Fl, F2 et F3 aux mêmes distances) : « Il faut mettre 2 poids, la même chose que les 2 autres. — (Essai). — (Fl = 3, F2 = F3 = 2). — Il va partir ici (Fl). — (Essai). — C’est comme tu pensais ? — Oui. — (Fl = F3 = 3 et F2 = 2). — Il va aller là (milieu entre Fl et F3). — (Essai). — (Fl = F3 = 3 et F2 = 4). — Il irait ici (F2). — (Essai). — Non, pour que ça reste il faut mettre partout la même chose. — (Essais, puis Fl et F2 un peu rapprochés avec 3 sur chacun). — L’anneau va rester au milieu. Non, ça va tirer de ce côté (Fl + F2) parce qu’il y a 3 de chaque côté et là (F3) il n’y a qune fois 3. — (Essai). — J’avais pensé que ça restait parce que partout il y avait 3. —  (On écarte Fl et F2). — Ça va rester ? — Oui, parce qu’ils sont presque en face. —  (Essais puis on revient aux intervalles égaux). — Ah ! oui je me suis trompée, ça reste parce qu’il y a aussi (!) 3 partout. —  (On rapproche Fl et F2). — Ça va rester parce qu’il y a aussi 3 partout. — (Essai). — Ah ! non, parce que ceux-là ils tirent celui-là (F3). — Pourquoi ? — Parce qu’ils sont presque à côté.
[p. 149]— (On rapproche encore). — Ils tirent encore plus parce qu’ils sont presque à côté : ça fait plus de poids ensemble les deux. — Moi je ne comprends pas. — Parce qu’il y en a 6 en tout ici et là que 3, alors ça (les 6) tire ces 3. — (Intervalles égaux). — Il va aller là  : ils tirent celui-là (Fl). Tous ces deux (F2 -p F3) ça fait 4 alors ils peuvent tirer (FI). — On peut dire aussi que (Fl -|- F2) tirent (F3) ? — Oui. Non il faut que ça (F3) soit en face du milieu (de F1-F2) autrement ils ne peuvent pas tirer celui-là (F3). — (Essai). — Il y en a partout 2 ! — Mais avant aussi, alors ? — C’était allé là  ! — Ça ne fait pas tout le temps la même chose ? — Si, tout le temps. — (On resserre Fl et F2). — Ça restera ? — Non parce qu’ils sont presque à côté. — Et là (intervalles égaux) ? — L’anneau reste parce qu’il y a partout un même espace. — (On écarte). — Il partirait ici (entre deux) parce qu’il y a un plus grand espace, alors ça part ici. — (Essai). — Non, il part là (l’opposé). — Comment ça se fait ? — Sais pas. Parce que quand il est tout seul, quand il n’est pas presque à côté de quelqu’un, il tire l’anneau ! — (Fl et F2 en ligne droite). — Il va aller sur celui-là (F3). — Sûre ? — Oui, parce qu ils sont tout en face, il peut tirer l’anneau. —  Quoi faire ? — Si on pouvait rajouter ça resterait, non il faudrait faire comme ça (intervalles égaux). »
III. Post-test. Position 1 : juste. Position 2 sur S et C : « L’anneau va rester parce que 2 et 2 ça fait en tout 4 et là c’est 4 alors ça peut rester. — (R et D). — Oui, il reste. — Pourquoi ? Parce qu’il y a toujours 2 et 2 ? — (Longue hésitation). — Non, parce qu’il y ale même espace partout (entre R et D, D et K ; K et R). — (E et Q) ? — Non, il va aller ici (K) parce que c’est plus lourd (K) et ça tire ces deux. — Pourquoi c’est plus lourd ? — Parce qu’ils sont beaucoup séparés (E et Q) et là tous ensemble (K), alors ça peut tirer ces deux. —  (F et P : en face) ? — Ça va encore tirer là (K) parce que c’est encore plus lourd et ces deux c’est plus léger. ■— Que veut dire « encore plus lourd »? — Ça (K) c’est plus lourd que quand ils sont là (Fl et F2 en E et Q) et partout (positions précédentes), sauf quand les deux sont là (A), alors là l’anneau reste au milieu. — Quand les poulies étaient ici (S et C) que faisait l’anneau ? — Il part là (K). — Tout à l’heure tu disais qu’il reste, et maintenant ? — Qu’il ne reste pas au milieu. » Questions de direction : « Si les poulies sont là (S et C) avec 2 poids chacune, où faut-il mettre les poids pour tirer ? — Ici (K) parce que si on fait comme ça (ligne de A à K) ça vient ici au milieu. — En (L) ce serait juste ? — Non, ils iraient là (O). — Et en (J) ? — Non, ils iraient de ce côté (vers F-G). — Alors où tirer ? — Ici (K) parce que c’est le milieu d’ici (S-C). — Et si on met 4 poids là (C) et 2 ici (S) ? — Ici (L), non ici (K). — Qu’est-ce qui est le plus juste ? — Ici (K). — Pourquoi ? — … — Si je ne tire nulle part où va l’anneau ? — Là (C). — Pourquoi ? — Parce qu’il y a 4 poids. — Et où faut-il tirer ? — Là (K). »
Ces sujets d’un niveau IB, quelque peu supérieurs à ceux du § 2 et intermédiaires entre les stades I et II, témoignent de certaines acquisitions qui les rapprochent du stade II, mais si quelques relations nouvelles ont pu être découvertes grâce aux vérifications et se conserver jusqu’au post-test, elles ne sont pas comprises et continuent d’être interprétées selon les schèmes du stade I.
[p. 150]A commencer par Fra, on voit qu’au prétest il réussit sans difficulté la question des deux forces opposées, puis celle de la position 1 qui lui est analogue. Mais dans les positions avec écartement il en reste au seul rôle de l’égalité des poids, sauf en cas de Fl et F2 face à face (position 4), où il a une intuition momentanée pour en revenir aussitôt à l’égalité des trois poids. Pour les directions, il s’en tient à la bissectrice, que les poids soient égaux ou non. Lors des vérifications il semble découvrir le rôle de l’écartement, et il utilise ensuite dans le post-test la notion du « rapproché », mais en un sens qui n’est encore pas directionnel (ou vectoriel) et qui relève davantage de la non- additivité du stade I, selon laquelle des poids réunis pèsent davantage que séparés. En fait ses prévisions, sans être toujours justes, s’appuient sur une relation qui est en gros exacte : c’est que, plus les poids Fl et F2 sont rapprochés, mieux ils résisteront au contrepoids R (en K) : d’où les anticipations d’équilibre pour TB et SC. Mais ensuite, pour TB, SC, RD et EQ, le fait que ces poids soient rapprochés ou situés du même côté par opposition à K conduit Fra à penser qu’ils l’emporteront sur le contrepoids en K et entraîneront l’anneau de leur côté, à mi-distance A, sans que cet anneau soit déplacé vers K. Dans la position 4, où les poids Fl et F2 sont face à face, Fra a d’abord une intuition juste, puis croit que l’équilibre sera maintenu si les trois poids sont égalisés. En un mot, tout est interprété en termes d’égalités ou d’inégalités des poids comme si ceux-ci augmentaient en cas de proximité des éléments. Même au moment où Fra prévoit correctement qu’à la position 4 le tout sera entraîné vers K, il motive sa croyance par un rapprochement entre Fl (P) ou F2 (F) et le contrepoids R en K. Quant aux directions, Fra prévoit la composante au milieu pour des poids égaux, puis en face du plus lourd en cas d’inégalités, puis à nouveau au milieu avec cette remarque pertinente qu’il faut tenir compte des deux poids à la fois.
Ver commence également lors du prétest par résoudre sans difficulté la question des forces opposées, puis celle de la position analogue 1. Après quoi elle s’en tient à l’égalité des charges jusque, y compris, à la position 4 (Fl en face de F2). Rendue attentive à l’action possible de F3 en K, elle hésite puis revient à l’idée d’un équilibre par égalité des poids. Pour les directions, elle raisonne comme Fra, puis, pour Fl > F2,
[p. 151]veut mettre le contrepoids soit en face de Fl, soit au milieu en K. Lors des vérifications, Ver débute aussi par l’hypothèse d’un équilibre dû à la seule égalité des poids, puis en arrive également à découvrir le rôle de l’écartement : mais, à son tour, Ver l’explique par la non-additivité propre au stade I : quand « ils sont presque à côté, ça fait plus de poids ensemble les deux ». Mais elle entrevoit un facteur nouveau lorsqu’elle s’aperçoit, dans la position à intervalles égaux, qu’« il y a partout un même espace ». D’où ensuite une hypothèse imprévue : lorsqu’un poids est « tout seul, quand il n’est pas presque à côté de quelqu’un (= d’un autre), il tire l’anneau », c’est-à -dire qu’il est plus fort que les deux autres. En ces conditions, les réactions au post-test sont naturellement multiples. Aux premières questions, jusqu’à la position 2 inclusivement, il n’intervient que l’égalité des poids. Pour R et D, il en est d’abord de même mais Ver ensuite invoque « le même espace partout » (comme elle l’a constaté à la partie II). Après quoi, pour E et Q les 4 poids en K sont plus forts, en tant que « tous ensemble », que 2 en E et 2 en Q qui sont « beaucoup séparés ». Même raisonnement pour F et P (face à face), rétroactivement appliqué aux cas précédents, sauf la position 1 (4 en A sur 2 fils). Quant aux directions la bissectrice l’emporte, y compris pour les poids inégaux.
En un mot, on trouve chez ces sujets quelques progrès partiels tenant aux relations observées lors des vérifications en II, mais ces relations ne sont ni stables ni surtout comprises, l’idée qui prédomine étant que des poids rapprochés pèsent plus en tant que voisins, tandis qu’un ensemble équivalent de poids séparés pèsent moins faute de synergie. Mais c’est là un principe non entièrement général et Ver en vient un moment à penser qu’un poids isolé agit mieux, comme s’il était libre de toute entrave. En un mot, tout tient constamment à la disposition spatiale statique et non pas aux directions, tandis que dans les réactions du stade II des chapitres VI et VII, on voit poindre des débuts de compositions directionnelles.
En effet, entre l’hypothèse des poids qui augmentent parce que réunis ou qui diminuent parce que séparés, à laquelle en restent les sujets précédents, et l’hypothèse de poids constants mais dont l’action s’affaiblit dans la mesure où les directions des tractions sont divergentes, on trouve tous les intermédiaires.
[p. 152]A comparer les réactions de ce niveau IB à celles du stade II aux chapitres VI et VII, les différences peuvent paraître faibles, mais, si subtiles soient-elles, elles existent. Certes, on trouve encore à ce stade II des résidus évidents de simple non- additivité pour cause de séparation spatiale (cf. le cas intermédiaire Béa, chap. VI, § 4). Mais chez ce sujet Béa, on rencontre déjà des expressions directionnelles telles que « s’ils sont en face ils ne peuvent pas tirer l’un vers l’autre ». Chez Dan à 7 ;7 (ibid.), l’écartement est déjà celui d’un angle et Tho (8 ;2, ibid.) précise que « c’est toujours les mêmes poids, seulement ils tirent chacun pour soi… ils ne tirent plus ensemble », ou au contraire « ça peut tirer les poids puisqu’ils sont tous du même côté ». Au chapitre VII (§ 3), on trouve de même au stade II des expressions telles que « c’est de côté, alors ça ne tire pas » (And à 7 ;1), ou « ils tirent comme ça » (en indiquant la direction : Zan 8 ;7) ou des évaluations d’angles (« la longueur du large », c’est-à -dire de leur ouverture : Xav 8 ;5, voir aussi Flo à 7 ;4) ; ou encore : « ils tirent un peu plus d’un côté » (Oli 9 ;9 et Gio 9 ;10), etc. Bref, on observe souvent dès le stade II un sentiment déjà net de la relation entre la position du fil et la direction de la traction.
Ce sont ces intuitions naissantes, préparant le stade III, qui nous paraissent faire défaut aux présents sujets du niveau IB. Mais, répétons-le, la non-additivité statique propre au stade I et selon laquelle des poids séparés pèsent moins que réunis, peut se prolonger en ébauches de compositions directionnelles sitôt que, au stade II, il y a conservation des poids lors des simples changements de position et par conséquent incitation à chercher les raisons de cette non-additivité apparente : celle-ci tend alors à prendre un sens vectoriel dans la mesure où ses seules raisons acceptables sont à chercher dans le mode d’action des poids et non plus dans leurs variations internes, ce qui conduit tôt ou tard à établir dans quelles directions (parallèles, divergentes ou même opposées) s’orientent les tractions. Le rôle des directions parallèles ou opposées est d’ailleurs le plus précocement observé, et c’est le cas dès ce niveau IB, mais la généralisation de ce rôle des directions aux cas où elles sont divergentes est bien plus délicate parce que dépassant les compositions unilinéaires.
§ 4. Le stade II🔗
Ce niveau est celui où les questions d’intensité sont réussies quand les fils sont parallèles en A, mais non résolues lorsqu’on écarte les poulies et où, du point de vue des directions, les sujets prévoient la résultante quand les forces sont égales mais non pas lorsqu’elles ne le sont pas :
Sco (8 ;11). I. Prétest. Forces opposées : juste, et déplacement si « il n’est pas en face de l’autre ». Directions C et S avec 2 poids chacun : « Ça va là (A) parce qu’ils sont en pointe. — Alors ? — Ça les tire. — Et pour que l’anneau reste ? — Il faut tirer ici (K) parce que c’est au milieu. » Mais avec 4 poids en S et 2 en C, il prévoit aussi la bissectrice et veut aussi tirer en K : « Il y a un seul trou qui est juste, celui-là . » Intensité : pour 2 fils parallèles en A avec 2 poids chacun, il met 4 en K « pour que ce soit la même chose », mais il fait de même pour B et T et pour S et C, etc. « Ça ne fait rien que j’aie écarté ? — Non, ça ne fait rien », etc.
II. Situations nouvelles et vérifications actives. Position symétrique des 3 fils : l’anneau restera au milieu « parce qu’il y a une partie (un même poids) de chaque côté. — (Essai). — Et si j’ajoute un poids là (Fl) ? — Ça va tirer l’anneau là parce qu’il y a 4 poids là (Fl) et 3 de chaque côté (F2 et F3). — (Essai). — Et si j’en ajoute aussi un ici (F2) ? — Ça va tirer dans ce sens (bissectrice Fl F2). — Et encore un ici (F3) ? ■— ■Il peut se tenir au milieu. — (On rapproche Fl et F2). — Il irait un peu de ce côté (bissectrice), parce qu’ils sont rapprochés et ça les tire au milieu. — (Essai). — Oui. — (On écarte fortement Fl et F2). — Il reste au milieu. — (Essai). — Il ne reste pas, parce qu’il avait les 2 roues (Fl et F2) qui pouvaient pas le retenir. Celle-là (F3) a tiré. •— Tu comprends pourquoi ? — Non. — Et si on écarte un peu plus ? — Ça le tirerait encore en bas. — (Essai). — Oui. — (Symétriques) ? — Au milieu parce qu’il y en a un qui tient là , un là et un là . — Et pourquoi pas avant ? — Parce que quand on les rapproche, ce poids tire (F3). — (Deux face à face et F3 à angle droit) ? — Ça les tirera là (vers F3 puis). Ou de ce côté ou de ce côté (mi-chemin entre F3 et Fl ou entre F3 et F2). — (Essai). — Il est allé là (F3) ! ».
III. Post-test. 2 fils parallèles en A avec 3 chacun : il met 6 en K. On écarte les fils en C et S : « Il (l’anneau) partirait là (A), ces deux (C et S) ils tireraient. — Pourquoi ? — Parce que là (K) il n’y en a qu’un (de fil), ces deux-là (C et S) ils ont plus de force que celui-là là -bas (K). — (Poulies en D et R). •— Ils partiraient là (A) parce que ces deux ils tirent chacun de leur côté, alors celui-là (K) n’a pas la force de tirer. —  (Poulies en E et Q). — Celui-là (K) tire moins fort, parce que ces deux ils tirent très fort entre les deux. •— Ce n’est pas possible vers (K) ? — Non, parce qu’ils tirent entre les deux chacun de son côté. » Sco n’a donc rien appris quant à l’effet de l’écartement des poids. Poulies en face (P et F) et poids en K : « Il reste au milieu, parce qu’ils sont chacun en ligne droite » (rien appris non plus). Direction : bissectrice juste pour Fl = F2 ainsi que son opposée, mais pour 6 en S et 3 en C,
[p. 154]Sco prévoit le départ en S et l’opposée en K, puis déclare que C et K (3) n’ont « pas assez de force pour tirer celui-là (S). — Lequel n’a pas assez de force ? — Entre ces deux (C et K) ». Sco a la conservation du poids.
Has (8 ;5) Prétest. Forces opposées justes ainsi que la bissectrice pour Fl = F2 en C et S : « Et pour les tenir ? ■— Là (K) parce que c’est bien la ligne droite pour (A), ça fait une barre droite (AK). » Mais pour 4 en C et 3 en S : « Il va venir ici (C). » L’opposée de la résultante est par contre prévue en L, ce qui semble un raisonnement juste, mais : « Là (M, opposé de C) ça n’aurait pas marché parce que celle-là (S) aurait dû être mise ici (R). » Intensité : parallèles justes, mais écartement faux. Pour la ligne droite (PF), « celui-là (K) va tirer, il faut les mettre comme ça (F en E et P en Q) ».
IL Situations nouvelles. Positions symétriques : Has rajoute jusqu’à 5 à chacun des trois. Puis il constate les effets du rapprochement de Fl et F2 « parce que la courbe est plus… courbe (= angle plus aigu) », et de l’écartement « parce que la courbe est moins courbe (angle plus obtus) ».
III. Post-test. Parallèles en A : juste (6 en K contre 3 et 3 en A). On rapproche (en S et C) : « Il va partir ici (en K : juste). — Pourquoi ? — Parce que c’est une barre courbe (angle) : il faut que ce soit une barre droite pour que ça reste au milieu. — Comment ? — Il faudrait mettre ces deux poulies ici (parallèles en A, comme il vient de le constater). — ■Pourquoi ? — Il faut que la barre soit droite. Si elle est trop courbe (angle) ou si elle est un petit peu courbe, ça ne va pas. Si on les mettait ici (B et T !) ça irait bien, autrement il partirait ici (K). » Poulies en D et R : « Ici (K) il y a encore un poids de trop, parce que la barre est courbe. » Pour P et F (droite) « il faut de nouveau enlever un poids (en K, mais pas l’annuler). ■— Comment faire tenir ? — Il faudrait mettre les poulies ici (B et T : 3 et 3 et K = 3) ». Directions : bissectrice juste, et pour 5 en S et 3 en C, Has prévoit bien la résultante en T mais situe en K l’opposée qui les retiendrait. « Ça ne fait rien qu’il y ait plus de poids ici (S) ? — Non, alors il faudrait mettre ici (montre I). — Et si on ajoute des poids en (S) ? — (Il montre H, puis G, F et E). — Je la laisserais ici (E) », donc avec l’idée qu’en se rapprochant de C on l’aide à compenser S.
Rad (9 ;3). I. Prétest. Direction : bissectrice juste : « Ça pourrait aller vers (Fl) ou vers (F2) ? — Non, il faudrait un poids de plus pour qu’il vienne là (ou là ). » S4 et C2 : « Par là (T), parce qu’il y a plus de poids (en S) », ce qui est donc juste, mais pour l’opposé Rad indique I ou J comme équivalents, et surtout pense que pour 8 en S et 2 en C, l’opposée de la résultante serait toujours en J. Le sujet est donc, pour la direction, intermédiaire entre les niveaux II et III. Par contre, pour l’intensité, les fils parallèles en A donnent seuls une réponse juste, et « ce n’est pas si on les écarte que le poids va changer : ça va être la même chose ».
II. Situations nouvelles. Positions symétriques : « Ça va rester au milieu parce que l’espace est égal (entre les fils) et c’est tiré par le même poids des trois côtés. » Après les constatations, on rapproche Fl et F2 : « Etant rapprochées, elles vont faire comme s’il y avait plus de poids, alors l’anneau va se diriger vers elles. — Où ? — Ici (bissectrice). » Essais, puis on écarte Fl et F2 : « Celles-là étant rapprochées de celle-ci (F3), l’anneau est plutôt tiré par ici. » Essai : « D’accord. » Fl et F2 en face l’un de l’autre : ce sera tiré sur F3, sauf
[p. 155]si on n’y laisse qu’un poids. Essais multiples et corrections. Pour Fl et F2 en S et C, Rad prévoit que 6 en F3 équilibreront 3 et 3. Essais : « Oui, ça devrait, mais ce n’est pas le cas ! » Nouveaux essais à partir de la situation symétrique.
III. Post-test. Direction : pour 6 poids en S et 3 en C, Rad prévoit la résultante en S et son opposée en I : « Je regarde la ligne qui est en face de là où il y a le plus de poids. — Et quand on tire ici (I) ça tire seulement celle-ci (S) ou aussi celle-là (C) ? — Aussi celle-là (C). » Intensité : parallèles en A, juste : 6 en K contre 3 et 3. On écarte en B et T : « Je ne sais pas, mais quand on a essayé, ça ne restait pas au milieu. — Et maintenant peut-être ? — Oui, peut-être. — Mais plutôt ? — Non, parce que s’ils sont écartés ça fait comme s’il y avait un peu moins de poids. » Puis pour 3 en B et en T (et 6 en K). Rad situe l’anneau non loin de K, pour C et S plus près du centre et pour D et R encore plus près ! « Et pour E et Q ? — Je dois dire que je ne sais pas. — Au milieu ? — C’est j ustement ce que je ne sais pas. Je ne sais pas si l’anneau devrait partir par là (K) ou par là (A, selon la progression fausse que Rad vient d’indiquer). S’il n’y avait que 3 poids ici (K) il devrait partir par là (A), mais comme il y a 6 poids je ne sais pas. » Fl et F2 en face : « Il va partir là (K) je crois mais je ne suis pas sûre. — Pourquoi ? ■— • Parce qu’ils sont écartés, alors on ne peut pas dire qu’ils sont ensemble. » Conservation du poids : acquise.
Paq (10 ;5). I. Prétest. Direction : 3 en S et 3 en C donnent comme résultante la bissectrice et comme opposée « là (K). — Et en (M) l’anneau pourrait rester au milieu ? — Oui, parce que (S) est aussi au milieu (entre C et M 1). Si on met ici (M) un poids un peu plus lourd, non le même poids que (S + C) ça tiendrait. — L’un en face de l’autre (C et M avec contrepoids en I) ça resterait ? — Oui ». Même réponse pour des contrepoids en K, L, M, N mais pas en O. De même 3 en S et en C seraient retenus par 3 en I « parce que ces deux-là forment un triangle et (I) les retient ». 4 en S et 2 en C : il met 2 poids en M « parce que ces deux-là (M et C) ça ferait 4 poids », ou 4 en I à l’opposé de S « parce que avec 4 poids ça resterait au milieu, il y aurait la même chose qu’ici (S) ». Intensité : juste pour les parallèles en A (4 contre 2 + 2), mais égalité aussi pour les poids écartés (R et D, etc.) « parce qu’ils sont à la même distance du milieu (A) ». Pour la ligne droite (F et P), il met 2 en F, P et K : « Ça reste au milieu ? — ■Oui, parce que ça tire des 2 côtés et là aussi. »
II. Situations nouvelles. Symétrie à 3 : juste, mais en écartant ou rapprochant il prévoit toujours l’équilibre et est détrompé par les essais, d’où : « Des fois il y a 2 poulies qui sont rapprochées et celle qui est en face peut pas retenir. » Multiples nouveaux essais, entre autres pour Fl et F2 opposées (A et K, F3 en P).
III. Post-test. Direction Fl = F2 en S et C : il prévoit la bissectrice et l’opposée en K et seulement en K, parce qu’en L, etc., « ce n’est pas en face du milieu ». Mais pour 6 en S et 3 en C : « Parce qu’il est de nouveau au milieu des deux, on met 9 poids ici (K) », alors l’anneau reste en équilibre. Puis : « Si on met G poids ici (I) ça fera égalité avec ça (S). — Et si on met 8 poids en C ? — Alors l’anneau partirait là (C). » Intensité : parallèles juste puis écartement : 6 en K pour 3 en B et T : « C’est comme si ces 2 poulies étaient là (A), il (K) est au centre de ces deux-là . » 3 en Q et E et 6 en K :
[p. 156]« Une là ils tirent comme ça (geste) Vanneau devrait venir là (A), alors comme il y a 6 poids là , il reste au milieu. » 3 en P et F : il diminue de 6 à 2 en K.
Ces réactions sont très représentatives en leur diversité de ce que l’on peut observer au stade II quant aux effets des manipulations actives du sujet : Sto en reste en gros au même niveau, Her se rapproche du stade III (sans l’atteindre) pour l’intensité, mais reste au même niveau pour la direction, Rad progresse un peu aussi pour l’intensité, mais régresse pour la direction et Pag fait de légers progrès pour la direction, mais reste au même niveau pour l’intensité.
En effet, Sco présente au prétest les réactions typiques du stade II (réussite à la direction lorsque les deux forces Fl et F2 sont égales, échec avec l’inégalité, réussite à l’intensité lorsque les fils sont parallèles, échec avec l’écartement) et, malgré ses manipulations actives qui ont démenti ses prévisions, il échoue au post-test lors d’un grand écartement des poids, tout en se rappelant ce qu’il a vu pour leur position en C et S. Le sujet Has part du même niveau II au prétest. Lors du posttest, il a bien retenu que des fils « courbes », c’est-à -dire écartés, diminuent la force des poids, mais il ne généralise pas cette acquisition au cas des petits angles (B et T) et n’atteint donc pas le stade III dont il se rapproche. Pour la direction, il semble d’abord avoir fait un progrès notable en cas d’inégalité de Fl et F2 (résultante près du plus lourd), mais il retombe ensuite en plein stade II lorsqu’on augmente la différence.
Le sujet Rad est presque du stade III au prétest pour la direction en réussissant l’une des épreuves (mais les choses se gâtent pour les opposées de la résultante) et du niveau II pour l’intensité. Après les manipulations au cours desquelles il semble avoir appris beaucoup, il oublie ses intuitions justes du prétest pour la direction et retombe en pleines réactions de niveau II. Pour l’intensité, il se rappelle d’abord ses acquisitions, puis s’embrouille complètement en inversant l’ordre des effets de l’écartement progressif. Pag est à peine du stade II pour la direction : erreurs quant à l’opposée de la bissectrice, qu’il corrige au post-test, mais avec échecs durables en cas d’inégalités de Fl et F2. A l’intensité, aucun progrès.
Au total, on constate ainsi qu’à nouveau au stade II ces progrès obtenus grâce aux manipulations et constatations du sujet se réduisent à peu de chose, faute d’une structure vecto-
[p. 157]rielle qui permettrait d’organiser les acquisitions en un tout cohérent. Ou bien alors celles-ci sont retenues à titre de régularités légales (« je ne sais pas, mais quand on a essayé, ça ne restait pas au milieu », dit ainsi Rad à 9 ans) mais, sans la compréhension causale du pourquoi, elles ne sauraient que demeurer fragiles et manquer de généralisation suffisante, ou bien elles sont trop nouvelles ou variées pour être conservées et conduisent, comme chez Rad, jusqu’à l’oubli de certaines intuitions spontanées ou à des essais de systématisation mais dans le sens contraire à l’ordre exact.
§ 5. Intermédiaires II-III et stade III🔗
Normalement, les sujets qui atteignent le niveau III de compréhension des questions proposées devraient ne pas modifier leurs interprétations une fois confirmées ou les affiner dans le détail. Mais il reste à examiner le cas des sujets intermédiaires qui, au seuil de ce stade III, pourraient s’y engager davantage après manipulations ou des sujets qui ont déjà apparemment atteint ce niveau, mais avec quelque instabilité encore puisqu’ils témoignent de flottements ou régression au post-test :
Tut (7 ;6) est un cas précoce qui, tout en débutant par des réactions du stade II, arrive par lui-même aux solutions correctes. I. Prétest, direction : pour 4 poids en C et 9 en S, il met l’opposée de la résultante d’abord en face du plus lourd, puis au milieu en K, puis correctement en L « parce que ça tire plus de poids ici (C) que là (S) », la résultante étant donc située en B près de C. De même, pour l’intensité, il commence par mettre 4 poids en K pour équilibrer 2 en S et 2 en C : « Ça ne fait rien qu’ils soient écartés ? — Non, ça ne fait rien… Oui, ça fait quelque chose. — L’anneau irait où ? — Un peu vers (K), parce que tout droit il y a plus de poids que si on tire de côté. » Id. pour 2 en I et B. Pour P et F : juste.
IL Situations nouvelles. Série de situations d’écartements variés avec des poids égaux ou inégaux, après prévisions en général correctes, sauf pour les poids inégaux.
III. Post-test. Direction, 3 en C et 2 en S : « L’anneau va aller ici (B, sans hésitation) parce qu’il y a plus de poids ici (C). — Alors ? — Ça tire de ce côté. — Et pourquoi pas sur C directement ? — Parce qu’il y a 2 poids ici (S) qui tiennent quand même un peu l’anneau (de ce côté). — Et tu vas tirer où pour retenir ? — Ici (L, face à B et pas à C). •— Pourquoi ici ? — Parce que ça tire les 3 poids d’ici (C). — Et ceux-là (S) ? — Non. —  Et ici (M) ça irait ? — Oui. —  Lequel plus juste ? — (L) c’est le seul trou de juste. —  Et comme ça (C = 4 et S = 2) ? — Au même endroit (M) parce que ça tire les 2 poids
[p. 158]d’ici (C = les 2 de plus qu’en S) et ça fait comme s’il y avait 2 de chaque côté. — Et C = 5 ? — Là ou là (M ou L) parce que ça tire les 3 poids de là (C) et ça fait comme s’il y en avait 2. » Intensité : écartement B et T échoué. « Ça fait comme s’il y avait 2 + 2 = 4 d’un côté et 4 de l’autre. —  Et (C et S) ? — Non, ça tire plus ici (K) : ils sont séparés, ça fait comme s’il n’y avait pas 4 poids ensemble. — Pourquoi ? •— Ça fait des poids qui tirent comme ça (gestes divergents). — (Q et E) ? — Enlever encore un poids à (K). » Poids opposés (P et F) : « Il faut tout enlever ici (K). »
Wid (10 ;4). I. Prétest. Directions : d’emblée juste à B et opposée à L pour 3 en C et 2 en S « parce qu’il y a plus de poids là (C). — Et si je mets plus de poids à C ? — Plutôt là (milieu de M et L). — Et si j’en enlève un peu ? — Je reviendrais là (L) ». Intensité : « Les autres sont écartés, ça sépare le poids, ça fait moins de poids. — Et (Q et E) ? — C’est encore plus écarté, ça donne plus de poids à celui-là (K). »
II. Situations nouvelles. Multiples essais avec prévisions correctes, sauf pour les positions opposées de Fl et F2, où il lui faut tâtonner pour en arriver à annuler F3.
III. Post-test. Intensité : d’emblée juste pour les poids séparés « parce que les poids, là où il y en avait 6 avant (3 Fl et 3 F2), ils sont maintenant écartés, alors ça fait moins de poids ». Poids opposés en P et F : « Maintenant ils sont écartés au maximum. —  Alors ? — Enlever tous les poids ici (K) parce qu’ils sont en face l’un de l’autre, il ne faut rien ici. — Qu’est-ce qui se passe quand ils se séparent ? — Ils ont moins de force. » Direction, 4 en S et 3 en C : Wid indique d’emblée la résultante en T et son opposée en J. « Pourquoi pas en S puisqu’il y a plus de poids ? — Non, (C) a quand même du poids. » Mais lorsqu’on augmente les poids en S jusqu’à 7 ou davantage, Wid se rapproche de plus en plus de C pour tirer, et non pas de I (opposé de S), revenant ainsi à l’idée du niveau II qu’il faut aider le moins lourd pour compenser le plus lourd.
Ces cas sont très instructifs. Tut, qui débute par des réactions du niveau II, en arrive à des intuitions du stade III tant pour l’intensité que pour la direction, et semble les consolider, malgré quelques erreurs, au cours de la phase II des manipulations. Or, au post-test on s’aperçoit du fait que, s’il est bien parvenu à entrevoir les relations exactes dans des questions de direction, il se les explique mal de telle sorte qu’il en vient à de fausses généralisations. Quant aux intensités, il comprenait par contre dès le prétest la raison des compositions avec poids écartés et ne se trompe plus que pour de faibles séparations (B et T). Le sujet Wid, par contre, semble avoir atteint assez franchement le stade III, mais avec quelque hésitation encore, puisqu’il ne comprend pas d’emblée (à la phase II) le cas des poids Fl et F2 opposés (en P et F). Or, au post-test, après une
[p. 159]série de réponses justes et bien justifiées il en revient, lorsqu’on augmente beaucoup les poids en Fl, à l’idée fréquente au stade II qu’il faut alors tirer de plus en plus près de F2 comme pour compenser cette inégalité croissante. Nous n’en conclurons certes pas que les situations nouvelles et manipulations actives de ce sujet l’ont fait régresser, mais simplement qu’elles n’ont pas suffi à consolider une situation qui était encore légèrement instable.
[p. 160]