2004

XIIe Symposium international Dostoïevsky

Pas rancunière, Genève fait la fête à Dostoïevsky

Genève accueille du 1er au 5 septembre 2004 le XIIe Symposium international Dostoïevsky. L'Unité de russe de l'Université, chargée d'organiser la manifestation, n'attend pas moins de 170 invités et autant de conférences! Le Symposium a lieu tous les trois ans dans une ville où l'écrivain russe a séjourné. C'est la première fois qu'il se déroule à Genève. Outre les exposés, plusieurs rendez-vous culturels seront proposés au public: théâtre, cinéma, expositions et conférence. Fiodor Dostoïevsky est resté dans la ville du bout du lac avec sa jeune épouse Anna Snitkina d'août 1867 à mai 1868. A en juger par les quelques pages qu'il a laissées à ce sujet, l'écrivain n'a pas vraiment apprécié son séjour dans cette "abominable Genève", "sombre cité protestante".

Le couple Dostoïevsky arrive à Genève dans des circonstances particulières. Anna Snitkina est enceinte. Leur petite fille Sonia naît le 5 mars 1868, mais elle décède quelques semaines plus tard. Elle sera enterrée au cimetière de Plainpalais. Bouleversé, le couple ne manque pas d'attribuer cette mort au climat genevois : "Du vent et des tourbillons à journée faite et, n'importe quel jour, les changements de temps les plus brutaux, des trois, des quatre fois dans la journée. Parfait pour celui qui souffre d'hémorroïdes et d'épilepsie!" (1)

Une cité d'ivrognes tapageurs
Mais il n'y a pas que la météorologie qui agace les Dostoïevsky. Les Genevois, qui aiment se considérer modestes, en prennent pour leur provincialisme: "Et tout chez eux, la moindre borne est élégante et majestueuse- - Où est la rue Untel ? - Voyez, Monsieur, vous irez tout droit et quand vous passerez près de cette majestueuse et élégante fontaine en bronze, vous prendrez, etc. Cette majestueuse et élégante fontaine est la plus étique des saletés rococo, du plus mauvais goût, mais celui à qui par malheur vous demandez votre chemin, ne peut s'empêcher d'en tirer orgueil."

Pis encore, "… la vie est ici encore assez chère. Mais sûrement, vous donneriez tout ce que vous possédez pour ne pas vous trouver ici un dimanche. Dès le matin, une lugubre sonnerie de cloches ; dès le milieu du jour, l'ivrognerie. Combien les ouvriers d'ici sont tristes, crasseux, ignorants! Ils sont ici fort nombreux. Je vous assure que les salaires sont importants ; on pourrait facilement mettre beaucoup de côté. Mais tout ce peuple s'enivre en canaille et boit toute sa paye. Et toute la nuit j'entends leurs horribles chansons et les hurlements et les cris qu'ils poussent, groupés en foule sous mes fenêtres. C'est un enfer."

A ce descriptif fort peu protestant, il faut ajouter une visite à un "congrès de la Paix" auquel a participé Garibaldi. Anna Snitkina croise d'ailleurs le révolutionaire italien dans une rue de Genève au milieu d'une foule immense venue l'accueillir. L'écrivain met aussi à profit son séjour genevois pour rédiger les premières parties du roman L'Idiot. Fuyant Genève et son climat exécrable, le couple ira s'installer quelque temps à Vevey.

> Le site du Symposium
> Le programme complet (doc pdf 712kb)
> La fête de l'Escalade décrite par la femme de Dostoïevsky

(1) Dostoïevskyi F., Correspondance, t. 2, Paris, Bartillat, 2000
(Traduction: Anne Coldefy-Faucard)

Jacques Erard
Université de Genève
Presse Information Publications
Août 2004

23 août 2004
  2004