2006

Entretien avec Ruth Dreifuss, présidente de la Commission sur la gouvernance de l'Université

Ruth Dreifuss: une direction forte à l'Université ne signifie pas des facultés faibles

Commission externe sur la gouvernance de l'Université. Aux yeux des autorités genevoises, et du DIP en particulier, les irrégularités dans la gestion de certains fonds à l'Université, qui ont défrayé la chronique durant le printemps et l'été 2006, sont liés à une législation inadaptée. La Commission a donc reçu pour mandat de rédiger un avant-projet de loi sur l'Université.

A fin novembre, la Commission aura déjà siégé à quatre reprises. Sa présidente, Ruth Dreifuss, nous fait part de l'avancée des travaux.

Quel est le mandat de la Commission que vous dirigez, doit-elle rendre un rapport, dans quel délai?
Ruth Dreifuss: La commission externe chargée de rédiger un avant-projet de loi sur l’Université, CELU.UNIGE pour les intimes, a reçu du Conseil d’Etat le mandat de travailler selon trois axes principaux: autonomie de l’Université, gouvernance de l’université et convention d’objectifs. Le temps qui lui est imparti est extrêmement bref, puisqu’elle doit conclure ses travaux le 31 mars 2007. Elle remettra alors au Conseil d’Etat un rapport explicatif et un avant-projet de loi. L’étape suivante, politique, se jouera au Conseil d’Etat puis au Grand Conseil de la République et canton de Genève.

Quel fonctionnement avez-vous adopté, vous êtes-vous déjà réunis à plusieurs reprises?
Au risque de paraître immodeste, je dirais que la CELU.UNIGE est une commission d’experts qui rassemble un large spectre de compétences et d’expériences. Elle n’a ni pour mission ni pour ambition de se substituer aux organes politiques ou à toute forme de représentation de la société civile ou de la communauté universitaire. Elle s’efforce cependant de s’informer auprès de toutes les parties prenantes de l’Université. Elle est attentive aux idées développées par le passé dans les domaines de travail de la commission, ainsi qu'aux analyses faites sur les qualités et défauts de la législation en vigueur et de sa mise en œuvre. A fin novembre, nous aurons déjà tenu quatre séances plénières; d’une part, nous nous sommes attachés à connaître l’évolution future du paysage universitaire suisse et à comparer les lois cantonales récemment réformées, d’autre part nous avons entendu diverses analyses de la situation genevoise et commencé à approfondir les questions liées à la convention d’objectifs et à l’autonomie de gestion.

Allez-vous tenir compte du rapport que doit rendre prochainement M. Béguin?
Ce n’est que dans la mesure où le rapport de Monsieur Thierry Beguin porterait sur des dysfonctionnements à l’intérieur de l’Université et dans la relation entre celle-ci et les autorités politiques, que nous serions intéressés par ses constatations et conclusions. Par contre, des cas problématiques individuels ne concernent aucunement la CELU.UNIGE.

Une université généraliste est forcément une université plurielle. Comment concilier cet état de fait avec la volonté, souvent exprimée, de renforcer la direction centrale de l’institution?
Une direction forte ne signifie pas des facultés faibles, mais un partage clair des compétences. Nous avons l’ambition de renforcer les deux niveaux. Il faut permettre à la direction d’assumer, face à l’autorité politique, la négociation des objectifs globaux, résultat d’un processus interne qu’il lui appartient d’organiser, ainsi que leur réalisation et le rapport qui doit en être fait. A la direction incombe également une fonction d’arbitrage entre des projets issus de divers segments de l’université, par exemple lorsque ces projets ne peuvent pas tous trouver place dans l’enveloppe budgétaire accordée. Cela ne réduit en rien la responsabilité des facultés et des instituts, seuls capables de déterminer - avec l’aide de leurs pairs - ce qui fait la qualité des recherches qui y sont pratiquées et de l’enseignement qui y est donné.

Réfléchir à la gouvernance de l’Université pourrait être l’occasion de questionner l’échelle des statuts au sein de l’institution. La Commission va-t-elle aborder la question du corps intermédiaire, qui exprime régulièrement son mécontentement quant à la précarité de son statut?
A ce stade, je dois me contenter de dire que nous avons d’ores et déjà manifesté notre désir d’entendre toutes les composantes de l’Université et que nous avons reçu une proposition argumentée de la part des maîtres d’enseignement et de recherche. Nous l’examinerons avec attention. Il se peut cependant que ces questions de statuts relèvent largement de l’organisation interne, et donc du champ d’autonomie de l’Université. Si tel était le cas, nous ne proposerions pas de légiférer en la matière. Pour le moment, nous n’en sommes pas là et je ne puis donc répondre davantage à votre question.

En conclusion, avez-vous déjà identifié des dysfonctionnements dans le système actuel?
Tous les membres de la Commission reconnaissent la qualité du travail réalisé au sein de l’Université, tant dans le domaine de la recherche que dans celui de l’enseignement. Ils constatent cependant une certaine confusion des compétences tout au long de la chaîne qui va du Grand Conseil aux membres de la communauté universitaire et espèrent contribuer à donner plus de clarté et plus d’efficacité à cette collaboration entre les divers niveaux de responsabilité.

Pour en savoir plus:
> Composition de la Commission
> Communiqué du Conseil d'Etat sur la création de la Commission

17 novembre 2006
  2006