2007

Interview de Martin Bernhardt, président du Groupe de médicométrie de l'UNIGE

Les primes maladies mangent le budget de nombreux ménages, et on ne voit pas quand la hausse va réellement s'arrêter. Certains, comme à Genève, tombent dans la précarité et se voient refuser le remboursement de prestations ou de traitements lourds et parfois vitaux. En quoi la caisse unique apporte ou n'apporte pas de solution?
Martin Bernhardt: le système actuel présente des failles, mais il faut rappeler qu’avant la loi actuelle sur l’assurance maladie, la LAMal, introduite en 1996, il n’y avait pas d’obligation de s’assurer. Les ménages nécessiteux ne bénéficiaient donc pas tous de protection contre le risque financier lié à la maladie.
Un nouvel article a été introduit dans la loi il y a une année. Il prévoit une suspension des prestations pour les assurés qui ne payent pas leurs primes. L’application de cet article est très controversée, mais une caisse maladie unique ne résoudrait pas définitivement ce problème. Certains ne payent pas leurs primes parce qu’ils ne peuvent le faire, d’autres parce qu’ils fixent leurs priorités ailleurs. Ces derniers seraient toujours astreints à verser leurs primes avec un régime de caisse unique.

Un des arguments principaux des opposants à la caisse unique, tenants du système actuel, est de dire que la concurrence entre les caisses fait baisser les coûts. Mais à quel niveau se joue réellement cette concurrence?
Dans un domaine où les tarifs sont administrés et où les prestations à charge de l’assurance sont définies et identiques pour tous, la concurrence ne peut être que limitée. Elle joue actuellement essentiellement sur la gestion administrative des caisses et sur la chasse aux bons risques. Les assureurs cherchent à attirer des affiliés jeunes et en bonne santé, de sorte à pouvoir limiter le montant de leurs primes.

Quels sont les avantages/inconvénients de cette concurrence dans le système de santé actuel?
Les avantages de la concurrence dans le domaine de la santé sont aujourd’hui faibles, mais le potentiel est intéressant. Les caisses maladie pourraient renforcer les modèles alternatifs d’assurance-maladie, de type «médecin de famille» ou réseau de soins coordonnés. Ceux-ci permettent de mieux aiguiller le patient dans la chaîne des soins et de mieux organiser les interventions thérapeutiques dont il bénéficie, avec économies et qualité accrue à la clé.

La caisse unique est-elle LA solution à la maîtrise des coûts?
L’assurance maladie est un instrument de couverture du risque financier lié à la maladie. Cet instrument, quelle que soit sa forme, ne peut prétendre régler les problèmes de fond du système de soins, qu’il s’agisse de la qualité des prestations ou des coûts globaux. La caisse unique ne résoudrait pas plus que le système actuel les facteurs de coûts importants: une coordination déficiente due au fédéralisme, un manque d’articulation dans la chaîne des soins, une inflation due à la pression des patients et au système de rémunération à la prestation ou encore l’amélioration des possibilités médicales.
Ce dont il faut débattre, au-delà de la question sensible des coûts de la santé, c’est de la faisabilité et des avantages réels des objets proposés par l’initiative: une gestion transparente, des organes tripartites avec représentants des assurés, des fournisseurs de prestation et de l’Etat, ainsi que des primes fixées en fonction de la capacité économique des assurés.

5 février 2007
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