2002

Nouvelles technologies et développement durable - Séminaire de Louise Lassonde

Les nouvelles technologies au service du développement durable?

Il est de bon ton aujourd'hui de voir dans les nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) un formidable outil au service du développement. En investissant dans ces technologies de pointe, les pays du Sud combleraient ainsi le "retard" accumulé à l'ère (post)-industrielle. La réalité offre toutefois un visage moins réjouissant. Pour exemple, l'Afrique subsaharienne, qui abrite 10% de la population mondiale, ne possède que 0,1% des connexions à internet, selon les chiffres fournis par le Programme des Nations Unies pour le Développement. Les disparités dans ce domaine ne cessent donc de croître, à tel point que l'expression "fracture numérique" a fait sa place dans le vocabulaire des spécialistes du développement. Anthropologue et démographe de formation, Louise Lassonde était invitée à présenter sa réflexion sur ces questions, dans le cadre d'un séminaire sur "Les nouvelles technologies et le développement durable" organisé par le Centre d'écologie humaine et des sciences de l'environnement (CUEH) de l'Université de Genève. Selon elle, la solution au "fossé numérique" passe avant tout par la prise en compte des besoins des usagers.

Parce qu'elles donnent accès à une quantité quasi illimitée d'informations et parce qu'elles favorisent le partage des savoirs dans tous les domaines, les NTIC constituent théoriquement un levier important du développement dans les pays pauvres. Un médecin malien, même s'il est basé en brousse, peut suivre sur internet des cours donnés dans l'université d'une grande ville et avoir accès à toutes sortes de documents utiles à l'exercice de sa profession, dans la mesure où il est "branché". Toutefois, pour que ce potentiel ne reste pas purement théorique, il ne suffit pas d'inonder le Mali d'ordinateurs, souligne Louise Lassonde. "A quoi bon disposer d'un outil technologique si l'on ne maîtrise pas la langue dans laquelle l'information est formulée?", relève-t-elle à titre d'exemple.

Coupler les avantages de l'internet et de la radio

S'il ne fait aucun doute que l'accès à l'information est aujourd'hui l'un des enjeux majeurs du développement, une réflexion doit donc être menée sur le choix des technologies offrant cet accès. Pour Louise Lassonde, le réseau informatique, qui nécessite la mise en place d'infrastructures lourdes et coûteuses, ne représente pas la panacée universelle. "Si l'on souhaite diffuser de l'information pertinente en milieu rural sur l'agriculture et la météorologie, par exemple, une radio est un outil bien plus efficace qu'un ordinateur: on peut la transporter avec soi et aucune formation particulière n'est requise pour son utilisation". L'enjeu consiste ici à coupler les avantages de l'internet et de la radio.

Une réflexion similaire doit être menée sur le contenu des informations diffusées. Et Louise Lassonde de rappeler qu'actuellement l'essentiel de la documentation administrative disponible sur internet, y compris dans les pays développés, est la copie conforme de ce qui se fait sur papier. Résultat: elle est souvent inadaptés aux outils informatiques et formulée dans des termes peu accessibles aux usagers. "Une analyse récente de l'information web sur le virus Ebola en Afrique a montré que la documentation était rédigée exclusivement en anglais et n'était par conséquent d'aucune utilité pour la majorité des gens directement impliqués dans le traitement de cette épidémie", rapporte Louise Lassonde. Pour éviter cet écueil, les personnes concernées doivent, selon elle, passer du statut de simple récepteur à celui de producteur de l'information. Outre la langue, l'usager doit également disposer des moyens de réagir à l'information: un paysan aura beau être informé d'un feu de brousse, cette nouvelle ne lui servira à rien, s'il ne dispose pas des moyens de lutter contre les incendies...

20 mars 2002
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