Campus n°87

Perspectives

«Il y aura une suite au LHC, c’est certain»

Robert Aymar, directeur général du CERN (Organisation européenne pour la recherche nucléaire), commente le futur des accélérateurs de particules

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Campus: La construction de l’accélérateur de particules LHC (Large Hadron Collider) au CERN a connu récemment quelques déboires. Pour quelle date est désormais fixé son démarrage?

Robert Aymar: La date fondamentale qu’il faut retenir est celle qui correspond au début d’exploitation du programme scientifique du LHC, c’est-à-dire le début des expériences et de la récolte des premières données. Cette phase commencera, comme prévu il y a deux ans déjà, au début de l’été 2008. L’incident que nous avons subi ce printemps avec la rupture d’un support d’aimant a des conséquences uniquement sur la phase de tests préliminaires. Les délais de réparation entraîneront la réduction ou plutôt la suppression d’un essai de fonctionnement de l’accélérateur à basse énergie qui devait se tenir de novembre à décembre 2007. Ce changement ne remet pas en cause le début du programme scientifique ni la procédure de démarrage en série, secteur par secteur, du LHC. Ce dernier est en effet une machine beaucoup plus complexe que tous ses prédécesseurs. Par prudence, nous multiplions donc les tests de conformité.

Le LHC est l’accélérateur de tous les superlatifs. Représente-t-il la limite de ce qu’on peut accomplir?

Cet accélérateur de particules est en effet très complexe, mais une plus grande complexité ne représenterait pas un mur infranchissable. Si l’on veut mettre la barre plus haut dans ce domaine, cela demande seulement davantage de temps, de rigueur dans le travail et certainement d’argent. Autant d’objectifs en principe réalisables. En revanche, du point de vue technologique, il existe pour l’instant des limites dont le dépassement n’a pas encore de solution. Ainsi, à l’heure actuelle et dans l’optique d’un éventuel successeur au LHC, nous n’aurions pas les moyens d’effectuer le même saut dans l’accroissement de l’énergie et de la luminosité du faisceau de particules que celui qui a été accompli entre le LHC et ses prédécesseurs.

Si l’on trouve des solutions à ces problèmes technologiques, il serait possible de fabriquer un accélérateur encore plus puissant?

Certainement. Cela dit, ce sont les résultats obtenus avec le LHC qui dicteront les besoins futurs. Le LHC est une nécessité dans la physique des hautes énergies. Notre connaissance des particules élémentaires est très poussée, mais les modèles qui décrivent ce monde contiennent encore une part d’arbitraire. L’origine de la masse des particules – certaines sont jusqu’à 100 milliards de fois plus massives que d’autres – en fait notamment partie. Le LHC, nous l’espérons, devrait fournir une explication à ces différences avec la détection du fameux boson de Higgs (s’il existe). Et c’est en fonction des découvertes que nous réaliserons que l’on pourra décrire les questions restantes et imaginer une nouvelle machine susceptible d’y répondre. Le LHC fonctionne avec des protons, qui sont eux-mêmes un assemblage de particules (quarks et gluons). Les collisions donnent donc des résultats très complexes. En utilisant des électrons, on pourrait augmenter la précision des études de physique. Mais dans ce cas, il faudra trouver autre chose qu’un accélérateur circulaire – nous avons atteint des limites physiques dans cette configuration avec le LEP, la machine précédente. Il est donc probable que l’on se dirige vers un accélérateur linéaire.Le LHC fonctionne avec des protons, qui sont eux-mêmes un assemblage de particules (quarks et gluons). Les collisions donnent donc des résultats très complexes. En utilisant des électrons, on pourrait augmenter la précision des études de physique. Mais dans ce cas, il faudra trouver autre chose qu’un accélérateur circulaire – nous avons atteint des limites physiques dans cette configuration avec le LEP, la machine précédente. Il est donc probable que l’on se dirige vers un accélérateur linéaire.

Il n’est donc pas question de la fin de la Big Science après le LHC?

Non, il n’y a aucune raison que l’on cesse la construction d’accélérateurs. Dans le pire des cas, on peut imaginer que les particules que nous voulons découvrir avec le LHC soient plus massives que nous le supposions et demeurent hors de portée des mesures possibles. Cela serait politiquement embarrassant et nous perdrions certainement des partisans à notre cause. Mais nous nous employons à montrer que les investissements consentis à la physique des hautes énergies sont utilisés avec efficacité et qu’ils débouchent sur des résultats. Ces derniers devraient tomber dès 2009 et jusqu’en 2015 environ pour une première phase d’exploitation. C’est dans cette période que l’on se préoccupera de l’avenir. La Big Science continuera d’exister tant que des questions fondamentales demeurent sans réponses et que la communauté impliquée restera assez soudée pour bénéficier d’un budget raisonnable. Le LHC sera d’ailleurs achevé malgré une baisse du budget de 10% et une diminution du personnel de 20%. A titre de comparaison, l’ancien accélérateur SPS construit par le CERN dans les années 1970, a bénéficié d’un budget équivalent (en tenant compte de l’inflation) et davantage de personnel que le LHC. Pourtant, il ne mesure que six kilomètres de long et produit un champ magnétique de 2 Tesla – contre 27 kilomètres de circonférence et un champ magnétique de 8,3 Tesla pour le LHC.La Big Science continuera d’exister tant que des questions fondamentales demeurent sans réponses et que la communauté impliquée restera assez soudée pour bénéficier d’un budget raisonnable. Le LHC sera d’ailleurs achevé malgré une baisse du budget de 10% et une diminution du personnel de 20%. A titre de comparaison, l’ancien accélérateur SPS construit par le CERN dans les années 1970, a bénéficié d’un budget équivalent (en tenant compte de l’inflation) et davantage de personnel que le LHC. Pourtant, il ne mesure que six kilomètres de long et produit un champ magnétique de 2 Tesla – contre 27 kilomètres de circonférence et un champ magnétique de 8,3 Tesla pour le LHC.

Propos recueillis par Anton Vos

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