2005

Charte relative à l'intégrité dans la recherche

L'Université se dote d'une charte relative à l'intégrité dans la recherche

Les chartes relatives à l'intégrité dans la recherche scientifique sont en passe de s'imposer dans le monde académique. Elles existent déjà dans la plupart des hautes écoles des Etats-Unis, du Royaume-Uni et du Danemark. Chez nous, l'Académie suisse des sciences médicales (ASSM) a élaboré, en 2002, un texte adopté par toutes les facultés de médecine de Suisse.

L'Université de Genève fait aujourd'hui un pas supplémentaire dans cette direction, en adoptant une série de Directives relatives à l'intégrité scientifique dans le domaine de la recherche et à la procédure à suivre en cas de manquement à l'intégrité. Ces dernières s'appliquent dorénavant à toute l'Université. L'UNIGE fait ainsi œuvre de pionnière parmi les universités suisses.

Les Directives contiennent:

  • Des règles de comportement, portant sur des points tels que la planification de la recherche, la possibilité de conflits d'intérêts, l'accès aux données et leur diffusion, ou encore l'interprétation des résultats.
  • Une liste identifiant les infractions aux règles de comportement, en ce qui concerne l'obtention des connaissances scientifiques, les travaux de recherche et la publication.
  • Une procédure détaillant les étapes à respecter en cas de dénonciation.
  • Des recommandations à l'intention des sponsors de la recherche.


Clé de voûte de ce texte: l'idée que la liberté académique va de pair avec une responsabilité. Si la collectivité garantit la liberté du chercheur, elle attend de ce dernier qu'il exerce une vigilance permanente dans l'exercice de cette liberté. Il en va de la crédibilité de la recherche. Cela paraît d'autant plus important à une époque où le public manifeste une certaine anxiété face aux développements de la science.


Pourquoi maintenant?
Pourquoi ces Directives maintenant? Pour Peter Suter, vice-recteur de l'UNIGE chargé de l'élaboration du texte, il faut y voir la suite logique du travail effectué au sein de l'ASSM et auprès des facultés de médecine. Ces dernières ne sont pas, en effet, les seules à pouvoir abriter des conflits d'intérêts ou des collaborateurs peu scrupuleux…. Selon le vice-recteur, toutes les hautes écoles devraient mettre en place de telles Directives, si possibles harmonisées à l'échelle nationale. La Conférence des recteurs des universités suisses (CRUS) examine d'ailleurs une telle possibilité.

Par ailleurs, les bailleurs de fonds privés, qui cherchent à se protéger d'éventuelles accusations dommageables pour leur image de marque, encouragent de plus en plus les institutions auxquelles elles accordent des financements à se munir de chartes de ce type.

Les mêmes règles pour tous?
Pragmatique dans son approche, Peter Suter estime que ce texte devra très certainement faire l'objet d'une réévaluation après une année. "Nous avons visé un bon consensus, en trouvant des formulations applicables à toutes les facultés", précise le vice-recteur. Les problématiques liées à la fraude diffèrent cependant d'un domaine à l'autre. Les conflits d'intérêts liés au financement de la recherche constituent le plus grand risque en sciences naturelles, tandis qu'il s'agit du plagiat en sciences humaines. Il se pourrait donc que les règles de comportement soient adaptées au contexte de chaque faculté.

Pour Peter Suter, il importait néanmoins que ces Directives soient mises en place le plus rapidement possible, afin de disposer d'un cadre bien défini pour l'analyse d'une suspicion de comportement incorrect. Cela a surtout son importance pour la procédure de dénonciation qui devrait être la même pour toutes les facultés. Il convient également de répondre aux exigences des institutions mettant à disposition des fonds pour la recherche. Les National Institutes of Health (NIH) aux Etats-Unis, par exemple, exigent de telles directives avant d'attribuer des fonds.

Protéger les dénonciateurs
L'un des aspects les plus délicats concerne la protection de la personne auteur de la dénonciation, surtout dans le cas où il s'agit d'un subordonné. Les Directives prévoient à cet effet un suivi pour s'assurer que le dénonciateur ne subisse pas de représailles. "Tout doit être fait pour faciliter la carrière du dénonciateur qui, par son acte, peut faire preuve de courage intellectuel. Dans la pratique, on voit de toutes manières assez mal deux personnes engagées dans un conflit de ce type poursuivre une collaboration scientifique", relève le vice-recteur.

Les conditions actuelles de la recherche, fondées sur une très grande compétitivité entre laboratoires, ne favorisent-elles pas les risques de dérapage? Pour Peter Suter, les fraudes ne sont pas forcément plus fréquentes aujourd'hui. Car si les exigences de productivité sont effectivement plus élevés, les moyens de vérification se sont également accrus. Les publications scientifiques circulent bien davantage qu'auparavant et les résultats sont systématiquement testés par la communauté scientifique.

De même, les critères utilisés pour évaluer la recherche (impact factor, indices de citation) tiennent compte de plus en plus de l'aspect qualitatif des recherches, et non pas uniquement quantitatif, comme cela pouvait être le cas il y a une dizaine d'années.

Diffusion auprès de chercheurs
Les Directives pour l'intégrité dans la recherche scientifique seront mises à la disposition de toute la communauté universitaire sur un site web. De plus, elles seront systématiquement envoyées à tous les nouveaux enseignants et chercheurs.


> Le texte des Directives

13 mai 2005
  2005