2006

Débat: l'avenir de la science en Suisse

L’Université de Genève et la Faculté des sciences conviaient, vendredi 3 février, responsables politiques et universitaires pour un dialogue sur «l’avenir de la science en Suisse», en présence de Charles Kleiber, secrétaire d'Etat à l'éducation et à la recherche, et de Charles Beer, conseiller d'Etat président du Département de l'instruction publique. Alors que les études en sciences séduisent de moins en moins les jeunes, comment réorganiser l’enseignement et la recherche, pour renforcer l’attractivité de ces filières et conforter la position enviable de la Suisse dans ce domaine à l’échelle internationale? Compte rendu.

La science s’invite de plus en plus souvent dans le débat politique, à l’occasion de diverses votations. Ses dérivés technologiques occupent une place de plus en plus importante dans notre quotidien. Et pourtant, au vu des statistiques, les études en sciences attirent de moins en moins les jeunes, en Suisse comme dans la plupart des pays occidentaux. Une situation paradoxale jugée suffisamment alarmante par les chercheurs et enseignants de l’Université de Genève, pour convier responsables politiques et chercheurs autour d'une même table.

Etaient notamment présents à cette réunion Charles Kleiber, secrétaire d'Etat à l'éducation et à la recherche, Charles Beer, conseiller d'Etat président du Département de l'instruction publique, les conseillers nationaux Martine Brunschwig Graf et Jacques-Simon Egli, le recteur de l'UNIGE André Hurst, le doyen de la Faculté des sciences Pierre Spierer, le président du FNS Dieter Imboden, le président de l'EPFZ Ernst Hafen, des directeurs de PRN Oystein Fischer et Denis Duboule, ainsi que de nombreux professeurs de l'Université de Genève et d'autres universités suisses.

Si le secrétaire d'Etat Charles Kleiber s'est montré fidèle à lui-même, prônant la "coopération volontariste" entre universités, de même qu'entre universités et EPF, il a également souligné l'importance de soutenir l'égalité des chances à l'entrée des hautes écoles, l'une des meilleures voies pour entretenir le dialogue entre la communauté universitaire et la société, et valoriser du même coup les études en sciences.

Faiblesses de la nouvelle maturité
La nouvelle maturité prétériterait les sciences exactes. Les intervenants se sont ainsi retrouvés pour dénoncer les faiblesses de la nouvelle ordonnance sur la maturité à options, qui "joue les branches les unes contre les autres, plutôt que de les faire jouer les unes avec les autres", selon les termes d'André Hurst. Pour Charles Beer, il s'agirait en effet de corriger ces faiblesses, en conjuguant la liberté des collégiens avec des profils susceptibles de mieux les préparer aux études universitaires. Faute de quoi, les hautes écoles seront tentées de mettre en place des examens d'entrée, ce qui aura pour conséquence de dévaloriser fortement les diplômes de maturité.

Quant aux discussions sur l'organisation des hautes écoles à l'échelle nationale - le fameux remodelage du paysage universitaire suisse - elles auront permis de réaffirmer des positions connues. A ceux qui se plaignent de voir la confédération surinvestir financièrement dans les EPF au détriment des universités, Charles Kleiber répond qu'il est contre-productif d'opposer les deux institutions. Il s'agit plutôt, selon lui, d'identifier les aspects qui font le succès des unes et des autres, pour mettre en place un espace national de formation à géométrie variable. "Laissez parler votre créativité, faites-nous part de vos projets et de vos stratégies!" s'est ainsi exclamé le secrétaire d'Etat à l'adresse des chercheurs.

Potentiel énorme
Alors que l'on identifie souvent des "doublons" dans l'organisation des hautes écoles en Suisse, Ernst Hafen a préféré voir une chance à saisir, en Suisse, dans la forte concentration d'institutions de très haut niveau, distantes d'à peine quelques heures de train. Une situation exceptionnelle par rapport à des pays ou des régions comme la Chine ou la Californie. Selon lui, il y a donc largement la masse critique pour développer, en Suisse, des structures nationales capables d'affronter la concurrence internationale. A condition de trouver des modèles innovants de collaboration, à même de concentrer les moyens, tout en respectant la diversité des gouvernances et des sources de financement.

Car si tout le monde est d’accord pour collaborer davantage, on s’interroge encore beaucoup sur la méthode à suivre, en l’absence d’une véritable cartographie des pôles d’excellence en Suisse. Alors que Charles Beer a insisté sur les vertus de la logique de réseaux par opposition à la logique territoriale, certains intervenants ont souligné à quel point il était important d'instituer des collaborations par la base, selon les réseaux naturels des chercheurs, et non pas par le haut. La plupart des participants s'accordant sur la nécessité d'octoyer une plus grande autonomie aux universités.

Concluant les débats, Pierre Spierer s'est félicité de l'accueil favorable réservé par les politiciens à cette initiative de l'Université de Genève et de la Faculté des sciences. Mais le dialogue entre responsables politiques et universitaires devra se poursuivre, dans un autre cadre, pour être réellement profitable.

6 février 2006
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