2008

Des universitaires prennent position sur la constituante

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Le peuple genevois élira le 19 octobre une Assemblée constituante. Cette élection appelle, plus encore que d'autres, à la responsabilité et à l'engagement des universitaires pour la collectivité. Une constitution est un ouvrage intellectuel. L’alma mater a toutes son expertise à offrir, dans les domaines du doit et des sciences politiques, mais aussi en économie, en histoire, en sciences et en philosophie, voire en littérature, la constitution se devant d’être un modèle de lisibilité.

Partant de ce constat, des candidats universitaires, provenant de différentes listes, ont organisé une rencontre-débat avec le public le lundi 6 octobre, en présence de:

  • Céline Roy, étudiante en droit (Libéraux et indépendants)
  • Timothée Bauer-Bertschmann, étudiant en droit (Libéraux et indépendants)
  • Sophie Scheller, étudiante en lettres (Expression citoyenne)
  • Lena Abi Chaker, étudiante en lettres (Associations de Genève)
  • Xavier Chillier, chargé de cours en physique-chimie (Verts)
  • Christophe Golay, doctorant à l'IHEID sur le droit à l'alimentation (Socialiste pluraliste)
  • Stefan Kristensen, collaborateur scientifique en philosophie (Socialiste pluraliste)

Les débats ont porté sur trois thématiques: l’organisation du territoire et les transports, les droits sociaux et les droits populaires, la diversité culturelle et la citoyenneté. Les candidats ont naturellement laissé apparaître des clivages en fonction des appartenances politiques, mais aussi une nette volonté d’élargir la discussion et de poser les questions de fond. A noter que les candidats ont exprimé leurs positions personnelles, sans forcément refléter l’avis officiel de leur liste.

Première pierre d’achoppement: la question des rapports entre Ville de Genève et canton, assurément l’une des plus délicates, sur le plan juridique et politique, dont on pourrait craindre qu’elle ne débouche sur des blocages, la gauche refusant de céder aucune compétence de la Ville au canton, tandis que la droite voudrait voir disparaître la Ville. Le public a donc eu la bonne surprise de découvrir des candidats aux positions plus nuancées que prévues sur cette question.

Céline Roy et Timothée Bauer-Bertschmann ont tenté de rassurer leurs interlocuteurs: leur parti ne veut pas la disparition de la Ville, mais plutôt lui enlever certaines compétences qui font doublons avec celles de l’Etat de Genève, comme par exemple dans les domaines du logement et des transports. «La politique en matière de transport en ville de Genève concerne tous les habitants du Canton», a ainsi fait valoir Timothée Bauer-Bertschmann.

Pour Stefan Kristensen, le discours sur les doublons est à nuancer. «Dans le domaine culturel, par exemple, il est bon que les créateurs puissent s’adresser à plusieurs sources», a-t-il relevé, ajoutant qu’il faudrait plutôt envisager de fusionner certaines petites communes du canton.

Xavier Chillier, quant à lui, a avancé la position des Verts, à savoir une répartition des compétences au prorata du nombre d’habitants, ces derniers étant dès lors libres de se regrouper ou pas pour obtenir telle ou telle compétence.

Sur la question des transports, les positions se sont révélées plus tranchées. Tandis que Stefan Kristensen et Xavier Chillier souhaiteraient la création d’assemblées transfrontalières avec la France voisine et l’Etat de Vaud, afin de coordonner la politique en matière de transports, Céline Roy et Timothée Bauer-Bertschmann s’opposent à l’idée de rajouter des organes et privilégient le contact direct, entre responsables de part et d’autre de la frontière: «un coup de fil peut faire bien plus qu’une réunion d’assemblée!», s’est ainsi exclamé Timothée Bauer-Bertschmann. Pour Lena Abi Chaker, la future constitution devrait contenir un article sur l’égalité de traitement en matière de transport.

Au chapitre des droits sociaux, les débats se sont attardés quelques temps sur la question lancinante du logement. Un article sur le droit au logement existe déjà dans la constitution actuelle, mais il n’est pas opposable, les juges ne disposant pas d’une procédure pour recevoir des plaintes à ce titre, regrettent les candidats de gauche. Pour Christophe Golay et Sophie Scheller, nombre de droits sociaux et économiques devraient ainsi figurer dans la constitution, comme le droit à un revenu minimum, le droit à disposer de crèches ou encore le droit à l’accès aux soins. Lena Abi Chaker a lancé à ce propos l’idée d’une cour constitutionnelle qui devrait veiller au respect des droits énoncés dans la constitution.

Afin de préserver la lisibilité du texte constitutionnel, Timothée Bauer-Bertschmann a mis en garde contre la propension à recopier des droits figurant ailleurs dans la législation, comme dans les lois d’application ou, au niveau supérieur, à la Cour européenne des droits de l’homme.

La discussion a alors porté sur le rôle de l’Etat. Stefan Kristensen a souligné que «la constitution ne doit pas se résumer à une liste de bonnes intentions, mais doit servir à mettre en place des leviers, afin de promouvoir une politique plus sociale.» Pour le socialiste, nous entrons dans une nouvelle ère où le rôle de l’Etat est réaffirmé, sans pour autant négliger la place du secteur privé. «Mais celui-ci ne doit pas être là pour compenser un désengagement de l’Etat, mais pour renforcer son action», a précisé Stefan Kristensen, prenant exemple du relogement des artistes d’Artamis, sur la base d’un partenariat entre l’Etat, la Ville et une fondation privée. A quoi Timothée Bauer-Bertschmann a répliqué que le rôle de l’Etat ne doit pas empiéter sur les libertés individuelles.

Sur la question des droits populaires et du nombre de signatures nécessaires pour les initiatives et référendums, Timothée Bauer-Bertschmann a estimé que ce nombre devrait être indexé à l’évolution du nombre d’habitants pour maintenir un même niveau de difficulté à travers les époques. Pour Sophie Scheller, au contraire, il faudrait maintenir le nombre actuel, voire le diminuer. «Collecter des signatures s’avère en effet de plus en plus difficile, en raison des évolutions socio-culturelles», a précisé l’étudiante.

Enfin, le thème de la citoyenneté a permis des échanges sur le droit de vote et d’éligibilité des étrangers. Si la possibilité du droit de vote n’a pas semblé rencontrer beaucoup d’opposition, l’éligibilité a fait réapparaître un clivage classique. La naturalisation est la meilleure réponse à l’éligibilité ont fait valoir les candidats libéraux. Pour Stefan Kristensen, Genève est une «ville-monde» et la mise en valeur de cette identité plurielle passe par le droit d’éligibilité pour les étrangers.

En guise de conclusion, les candidats ont, tour-à-tour, fait état de leurs sentiments, si la constitution devait inclure un article relatif au rôle de l’Université. Pour Céline Roy et Timothée Bauer-Bertschmann, la place de l’Université dans la cité doit être affirmée, en renforçant les liens avec le monde professionnel. Pour Sophie Scheller et Lena Abi Chaker il s’agirait plutôt d’insister sur le rôle de l’Université en tant que service publique, libre des influences du secteur privé. Pour Xavier Chillier, l’Université doit certes répondre aux besoins de la société, mais sa fonction première reste la formation d’un esprit critique. Pour Christophe Golay, la future constitution devrait inclure un article sur la promotion des droits de l’homme dans les écoles et à l’Université. Enfin, Stefan Kristensen voudrait voir l’Université reconnue comme un des piliers fondateurs de la collectivité genevoise.

Liste des candidats universitaires à l’Assemblée constituante. Cette liste a été établie à partir de sources diverses. Si vous avez connaissance d’une personne n’y figurant pas, merci de nous le signaler: jacques.erard(at)unige.ch

  • Olivier Fatio (prof. retraité, Libéral)
  • Michel Hottelier (prof droit, Libéral)
  • Jacques Weber (ancien recteur, Libéral)
  • Thierry Tanquerel (prof. droit, PS)
  • Michel Grandjean (prof théologie, Verts)
  • Matteo Gianni (sciences po, Verts)
  • Florian Irminger (étudiant en Relations internationales, Verts)
  • Stefan Kristensen (philosophie, PS)
  • Roberto Baranzini (enseignant à l'Uni de Lausanne et de Neuchâtel, science po, PS)
  • Béat Burgenmeier (prof SES, PS)
  • Grégoire Carasso (adjoint au rectorat, PS)
  • Frédéric Esposito (Institut européen, PS)
  • Ninian Hubert van Blyenburgh, (Sciences, PS)
  • Christiane Perregaux (prof retraitée, PS)
  • Catherine Schumperli (IHEID, PS)
  • Tristan Zimmerman (assistant en droit, PS)
  • Céline Roy (étudiante en droit, Libéral)
  • Timothée Bauer-Bertschmann (étudiant en droit, Libéral)
  • Sophie Scheller (étudiante en lettres, Expression citoyenne)
  • Lena Abi Chaker (étudiante en lettres, Associations de Genève)
  • Xavier Chillier (chargé de cours en physique-chimie, Verts)
  • Christophe Golay (doctorant IHEID, PS)
  • Nicolas Levrat (directeur Institut européen, Associations de Genève)
  • Alfred Manuel (physicien, Associations de Genève)
  • Anne Etienne-Nagy (étudiante FPSE, PDC)
  • Rémy Bucheler (étudiant SES, PDC)
  • Julien Marquis (étudiant droit, Radical)
  • Amiel Feldman (étudiant droit, GE avance)
  • Nadège Hirsch (étudiante lettres, Radical)
  • Andres Martinez (étudiant droit, Verts)
  • Sophie Lecoultre (étudiante droit, Verts)
  • Marlène Charpentier (étudiante SES, Verts)
  • Louise Kasser (étudiante SES, Verts)
  • Guillaume de Candolle (étudiant droit, Libéral)
  • Maximilien Turrettini (étudiant médecine, Libéral)
  • Hervé Pictet (étudiant droit, Libéral)
  • Laurent Tippenhauer (étudiant SES, Expression citoyenne)
  • Antoine Maurice (prof suppléant Institut européen, Radical)
  • Massimo Usel (collaborateur scientifique médecine, Solidarités)
  • Martine Chaponnnière (chargée de cours SES, Femmes engagées)
  • Lorena Parini (mer études genre, Verts)
  • Yarisal Raphaël (rectorat, Libéral)
10 octobre 2008
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